lundi 18 juillet 2011

:: "Le capital financier" de Rudolf Hilferding (en ligne)

Sur le site marxist.org, Le capital financier de Rudolf Hilferding.

Extrait de l'introduction de Yvon Bourdet :
"Lorsqu'en 1916, Lénine écrivit l'Impérialisme, stade suprême du capitalisme, il cita, à la première page de son livre, les deux ouvrages dont il s'était inspiré : L’Imperialisme de l'économiste anglais J. A. Hobson (1902) et le Capital financier « du marxiste Autrichien Rudolf Hilferding » dont il signale la traduction en russe, parue dès 1912. Selon Lénine, « au fond, ce qu'on a dit de l'impérialisme pendant ces dernières années - notamment dans d'innombrables articles de journaux et de revues, ainsi que dans les résolutions, par exemple, des congrès de Chemnitz et de Bâle en automne 1912 - n'est guère sorti du cercle des idées exposées ou, plus exactement, résumées par les deux auteurs précités »... Plus précisément il ajoute en ce qui concerne le Capital financier, que cet ouvrage constitue une analyse théorique éminemment précieuse de « "la phase la plus récente du développement du capitalisme" comme l'indique le sous-titre du livre ». Lénine cite plusieurs fois le texte de Hilferding, le plus souvent d'ailleurs pour critiquer les thèses de Kautsky, assez semblables selon lui à celles de Hobson, sur le caractère pacifique du développement du capitalisme..."

:: Lukacs, une régression du marxisme ?

C'est le point de vue de Pierre Fougeyrollas, un ex du PCI, en 1979 [in Sciences sociales et marxisme, Payot].

Extrait : 

A la différence des œuvres de Marx, d'Engels, de Rosa Luxemburg, de Lénine et de Trotsky dont nous avons rappelé qu'elles avaient été conçues en relation étroite avec le mouvement ouvrier et l'activité politique de construction du parti révolution­naire, les textes du « marxisme occidental » ont été produits soit par des universitaires dent la formation intellectuelle s'était, pour l'essentiel, faite hors du mouvement ouvrier, comme dans les cas de Korsch et de Lukacs, soit par un dirigeant révolutionnaire emprisonné et mis par le fascisme hors d'état de militer effectivement, comme « fut le cas pour la plupart des œuvres de Gramsci. Aussi ces textts présentent-ils des traits spéculatifs qui ne permettent pas de les intégrer à la continuité à la fois pratique et théorique du marxisrre. En revanche, les recherches effectuées sous le signe du freudo-marxisme (Reich, Marcuse, Fromm) et les recherches accomplies par l'Ecole de Francfort (Adorno, Horkhei-mer, Benjamin) présentent avec le « marxisme occidental » des affinités électives qui n'échappent à personne.

[...]

Lukacs, par exemple, écrit : « Ce n'est pas la prédominance des motifs économiques dans l'explication de l'histoire qui distingue de façon décisive le marxisme de la science bourgeoise, c'est le point de vue de la totalité. La catégorie de la totalité, la domination déterminante, et dans tous les domaines, du tout sur les parties, constitue l'essence de la méthode que Marx a empruntée à Hegel et qu'il a transformée de manière originale pour en faire le fondement d'une science entièrement nouvelle... Le règne de la catégorie de la totalité est le porteur du principe révolutionnaire dans la science ».

Que le marxisme ne se réduise pas à un « déterminisme économique » — formule naguère utilisée par Kautsky dans sa polémique contre Bernstein —, nous en sommes bien d'accord. Ne nous sommes-nous pas nous-même employé à montrer que, selon le matérialisme historique, les processus économiques de la production et de l'échange se déroulaient dans le cadre de rapports sociaux fondamentaux, essentiellement — depuis la production d'un surproduit — dans le cadre de rapports de classes qui les font ce qu'ils sont à partir d'un niveau déterminé des forces productives? Mais prétendre, à partir de là, comme le fait Lukacs, que ce qui caractérise par-dessus tout le marxisme, c'est le « point de vue de la totalité » et la mise en œuvre méthodolo­gique de la « catégorie de la totalité », voilà qui est une tout autre affaire.

Sans doute le matérialisme historique refuse-t-il la conception et la méthode des « sciences sociales » qui séparent et, finalement, isolent les uns des autres les phénomènes économiques, les phénomènes politiques, les phénomènes culturels ou d'autres variétés de phénomènes sociaux. Et, en tant que le matérialisme historique, au contraire, analyse les divers processus sociaux en les intégrant à l'ensemble constitué par la « base réelle » et la « superstructure » de la vie sociale dans leur inséparabilité, son point de vue peut être caractérisé comme celui de la totalité. Mais cela ne suffit pas à définir le marxisme dans son originalité théorique et méthodologique et à le distinguer, par exemple, d'une conception totalisante de l'histoire comme celle de Hegel.

Non seulement, la catégorie de totalité ne permet pas de distinguer entre le matérialisme et l'idéalisme, mais en outre ce n'est pas elle qui est la catégorie fondamentale de la dialectique matérialiste; c'est, en fait, la catégorie de la pratique dont dérive le critère scientifique de l'unité de la théorie et de la pratique. Enfin, la totalité est vide sans son contenu qui se définit dialectiquement à partir de la catégorie de contradiction. Car les formations sociales analysées effectivement par le matérialisme historique comme des totalités ne se spécifient que dans et par les contradictions fondamentales qui les font ce qu'elles sont, essentiellement — à partir de la division de la société en classes — par les contradictions de classe et la lutte de classe qui en résulte.

En fait, Lukacs opère, au nom d'une prétendue compréhension correcte du marxisme, une véritable régression de Marx à Hegel, et, plus généralement, de la théorie scientifique du prolétariat à une vision spéculative néo-hégélienne et passablement proche de l'idéologie de théoriciens des « sciences sociales », comme Dilthey et Weber, dont il n'a pas cessé de subir l'influence. L'analyse par Marx du fétichisme économique, dont le fondement se situe dans l'exploitation capitaliste du travail salarié, est remplacée dans Histoire et conscience de classe par une spéculation sur la réification qui prolonge, en fait, la conception idéaliste de Hegel selon laquelle l'aliénation serait consubstantielle à l'être même de l'homme.

Détachée des conditions matérielles de sa formation et séparée de l'effort historique du prolétariat pour se constituer en classe révolutionnaire en construisant des organisations indépendantes, la « conscience de classe », selon Lukacs, se confond avec le « point de vue » du prolétariat, comme point de vue de la totalité — celui de la bourgeoisie ne pouvant qu'être particulier, en raison de la particularité de ses intérêts de classe. Ainsi un jeu optique nous est proposé à la place des rapports de force étudiés par le matérialisme historique.

:: Karl Marx, « Interview au Chicago tribune », 18 décembre 1878 [extrait]

-- "Qu’est ce que le socialisme a réussi jusqu’à présent ?" :: "Deux choses : les socialistes ont démontré qu’une lutte générale oppose partout le Capital et le Travail, en bref, ils sont démontré son caractère cosmopolite. Ils sont cherchés à réaliser une entente entre les travailleurs des divers pays. Celle-ci est d’autant plus nécessaire que les capitalistes sont toujours davantage cosmopolites. [...] Voilà qui a prouvé que le socialisme n’est pas uniquement un problème local mais bien un problème international qui doit être réglé par l’action également internationale des travailleurs. La classe ouvrière est mise spontanément en mouvement, sans savoir où le mouvement la conduirait. Les socialistes n’ont pas crée le mouvement, mais ils ont expliqué aux ouvriers son caractère et ses buts".

-- "C'est-à-dire le renversement de l’ordre social dominant ?" :: "Dans ce système, le capital et la terre sont la propriété des entrepreneurs, alors que l’ouvrier ne possède que sa force de travail qu’il est contraint de vendre à la façon d’une marchandise. Nous affirmons que ce système ne constitue qu’une phase historique, qu’il disparaîtra et laissera la place à un ordre social supérieur. Nous relevons partout l’existence d’une division [en classes] de la société. L’antagonisme entre ces deux classes va de pair avec le développement des ressources industrielles dans les pays civilisés. Du point de vue socialiste, les moyens de transformer révolutionnairement la phase historique présente existent déjà. Dans de nombreux pays, des organisations politique ont pris leur essor à partir des syndicats. En Amérique, il est évident aujourd’hui qu’on a besoin d’un parti ouvrier indépendant. Les travailleurs ne peuvent plus faire confiance aux politiciens. Les spéculateurs et les cliques se sont emparés des organes législatifs et la politique est devenue une profession".

:: Le fondement réel de l’histoire

« Qu'est-ce que la société, quelle que soit sa forme ? Le produit de l'action réciproque des hommes. Les hommes sont-ils libres de choisir telle ou telle forme sociale ? Pas du tout. Posez un certain état de développement des facultés productives des hommes et vous aurez une telle forme de commerce et de consommation. Posez de certains degrés de développement de la production, du commerce, de la consommation, et vous aurez telle forme de constitution sociale, telle organisation de famille, des ordres ou des classes, en un mot telle société civile. Posez telle société civile, et vous aurez tel État politique, qui n'est que l'expression officielle de la société civile. (...) : Il n'est pas nécessaire d'ajouter que les hommes ne sont pas libres arbitres de leurs forces productives - qui sont la base de toute leur histoire - car toute force productive est une force acquise, le produit d'une activité antérieure. Ainsi les forces productives sont le résultat de l'énergie pratique des hommes, mais cette énergie elle-même est circonscrite par les conditions dans lesquelles les hommes se trouvent placés, par les forces productives déjà acquises, par la forme sociale qui existe avant eux, qu'ils ne créent pas, qui est la production de la génération antérieure. (...) Les hommes ne renoncent jamais à ce qu'ils ont gagné, mais cela ne vient pas à dire qu'ils ne renoncent jamais à la forme sociale, dans laquelle ils ont acquis certaines forces productives. Tout au contraire. Pour ne pas être privé du résultat obtenu, pour ne pas perdre les fruits de la civilisation, les hommes sont forcés, du moment où le mode de leur commerce ne correspond plus aux forces productives acquises, de changer toutes leurs formes sociales traditionnelles. (...) Ainsi les formes économiques sous lesquelles les hommes produisent, consomment, échangent, sont transitoires et historiques. Avec de nouvelles facultés productives acquises, les hommes changent leur mode de production, et avec leur mode de production, ils changent tous les rapports économiques qui n'ont été que les relations nécessaires de ce mode de production déterminé

[Marx, K.,, Lettre à Paul Annenkov, 26 décembre 1846]

« Les hommes produisent donc leur histoire, mais ils ne la produisent pas n’importe comment, ils la produisent sur la base de leur production sociale, c'est-à-dire d’un acquis, d’une continuité contradictoire. L’humanité rencontre ainsi à chaque stade un résultat matériel, une somme de forces productives, un rapport historique des hommes avec la nature et entre eux, qui sont transmis à chaque génération par celle qui la précède, une masse de forces productives, de capitaux, de circonstances qui, d’une part est modifiée par la nouvelle génération, mais qui d’autre part lui assigne ses conditions propres d’existence et lui donne un développement déterminé, un caractère spécial. Tel est le fondement réel de l’histoire, ce qui lui donne une essence objectivement dialectique. C’est pourquoi, comme dit Marx, les hommes ne font pas leur histoire librement « dans des conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données, léguées par la tradition », dont l’essentiel est la puissance productive »
[Bröhm, J.-M., préface de Jakubowsky, F., Superstructures idéologique et conception matérialiste, 1971]

:: La LCR, LO et le trotskysme [Lutte de classe, 2007]

Extrait de la Lutte de classe de décembre 2007-janvier 2008
La LCR semble engagée dans un important virage organisationnel dont nous ne pouvons prévoir s’il va aboutir ou pas.
Même si nous estimons que sa tentative, vu ce qu’elle est, serait une bonne chose dans le paysage politique actuel si elle réussissait, nous sommes, en ce qui nous concerne, en désaccord fondamental avec ce qu’elle veut faire. En effet, ce n’est pas un tel type de parti que nous espérons créer.
Nous voulons créer un parti apte à participer au renversement de la société capitaliste et à l’édification d’une autre société économique, construite sur la base du haut niveau de productivité atteint par le capitalisme mais avec un tout autre mode d’appropriation et de répartition des produits de cette économie. Nous sommes convaincus qu’on ne peut pas réformer cette société sans ôter des mains des propriétaires privés les grands moyens de production, les sociétés financières, banques et compagnies d’assurance, l’extraction des matières premières, pour en faire des propriétés de la collectivité. Seule cette expropriation peut permettre une tout autre régulation de l’économie que celle du capitalisme, c’est-à-dire celle qui fait intervenir essentiellement les « lois » du marché, même émoussées par les interventions des Etats ou par les réactions des classes populaires.
Cela signifie qu’en plus de la collectivisation et de l’étatisation, il faut une planification de l’économie, avec une centralisation plus ou moins importante selon les niveaux et les cas, dont l’échelle peut aller d’une région à un continent, voire au monde entier. Aujourd’hui les exemples sont nombreux de productions, de domaines de l’économie ou de relations entre les hommes où une rationalisation à l’échelle mondiale est indispensable et pourrait être déjà parfaitement réalisée, s’ils n’étaient pas des lieux d’affrontement où les intérêts de grands groupes économiques se combattent avec un gâchis énorme de produits du travail humain.
On peut citer parmi d’autres, le domaine des télécommunications et des échanges d’informations par satellite. Cette régulation ne peut être que mondiale, mais chaque trust des télécoms embarrasse le ciel de ses bouquets particuliers de satellites qui, un jour ou l’autre, vont poser problème, quand ce n’est pas déjà le cas. On pourrait ajouter la circulation aérienne transcontinentale et transocéanique, la météorologie, avec la prévision non seulement du temps mais des tremblements de terre, ou la gestion rationnelle de certaines ressources naturelles comme les forêts, les eaux, la pêche, le pétrole, le charbon ou même la production d’électricité.
Bien entendu, il ne s’agit pas de pousser la centralisation à l’extrême, mais il faut la rendre possible.
C’est cela, la seule révolution qui permettra d’accéder à une société meilleure. Une société socialiste ou communiste, où les hommes seront débarrassés de l’exploitation de l’homme par l’homme, de la monnaie, et où les progrès de la productivité serviront à libérer l’humanité d’une grande partie du travail productif et non simplement à augmenter les bénéfices des trusts et des cartels qui se servent de ces masses monétaires pour spéculer, provoquant périodiquement des crises catastrophiques pour les classes populaires.
Même si les objectifs du parti que la LCR veut construire sont, derrière les mots « anti-capitaliste », « anti-libéralisme » et tous ceux du même ordre, une façon, selon elle et quelques autres, de dire tout ce qui précède avec un vocabulaire nouveau et moderne, le simple fait de ne pas oser, ne serait-ce qu’auprès des militants et des membres de ce parti, appeler un chat un chat et une révolution communiste par son nom, est en soi une façon de se détourner ou de faire se détourner ses adhérents, voire ses militants, d’un tel objectif. Ou pire, de ne pas les orienter consciemment vers un tel objectif. Car, au moment d’une crise sociale, il y a rarement beaucoup de temps pour choisir les voies à suivre, qui ne sont pas toujours évidentes.
Si les membres du futur parti que veut construire la LCR n’ont pas à s’affirmer, ou à se croire marxistes, cela tourne le dos aux idées fondamentales qui précèdent. Le marxisme, c’est remplacer le capitalisme par le collectivisme et le marché par une planification de la production et de la répartition et, bien entendu, ne serait-ce que pour permettre cela, l’expropriation des capitalistes. Méconnaître ou oublier ce qu’est le marxisme c’est aussi tourner le dos à l’idée que, pour remplacer l’appareil d’Etat de la bourgeoisie, il faut un autre type d’Etat et que les conceptions de Marx reposent sur le rôle prépondérant que seul le prolétariat peut jouer, non seulement dans sa construction, mais aussi dans son contrôle au jour le jour grâce à sa place géographique puisqu’il est la classe populaire la plus concentrée dans les centres névralgiques.
Plus personne, selon les dirigeants de la LCR, ne saurait paraît-il ce que signifie révolutionnaire, c’est pourquoi ce terme serait en débat à l’intérieur de leur organisation. Bien sûr, un parti révolutionnaire n’a pas besoin, pour l’être, de placer le mot « révolutionnaire » dans son nom. Aucun parti important de la Première, de la Deuxième ou de la Troisième Internationale n’avait ce mot dans son nom. Mais dans leurs objectifs, dans leurs statuts, pour leurs militants la notion de révolution sociale était toujours indispensable.
Plus personne ne sait ce que signifie le léninisme, c’est-à-dire ce que Lénine a apporté, la conception d’un parti révolutionnaire apte à aider le prolétariat à prendre le pouvoir et à concevoir une nouvelle forme d’Etat susceptible de remplacer l’Etat de la bourgeoisie tel qu’il existe maintenant dans tous les pays depuis deux siècles. Mais justement, l’un des rôles d’un parti, c’est d’enseigner à ses membres ce qui est oublié et non de tirer un trait sur ces oublis. Et enseigner ne veut pas dire seulement faire des cours, mais surtout recruter des militants qui connaissent bien ces idées et les acceptent à l’avance.
Même chose pour le trotskysme. Plus personne ne sait ce que signifie être trotskyste selon les dirigeants de la LCR ! Soit ! Mais l’ignorer, c’est ignorer l’analyse qu’a faite Trotsky de la dégénérescence stalinienne et le combat qu’il a mené contre elle.
Ignorer l’analyse trotskyste de cette dégénérescence, cela revient à ce que les membres de ce futur parti seront peut-être majoritaires à penser que le stalinisme était contenu dans le communisme et la « dictature du prolétariat » de Marx, dans la révolution russe et dans le léninisme, sous prétexte qu’historiquement ces événements se sont suivis.
Ignorer et ne pas faire siens tous les combats politiques de Trotsky entre 1924 et sa mort, c’est ignorer toutes ses critiques de la politique de la IIIe Internationale dans cette période et la responsabilité de cette dernière dans la venue au pouvoir du nazisme en Allemagne, la plus sanglante tragédie politique du siècle et, en même temps, ignorer l’éclairage de Trotsky sur la nature sociale du fascisme. Ignorance qui peut conduire à assimiler n’importe quel phénomène réactionnaire au fascisme et à rester désarmé et sans boussole politique le jour où ce phénomène social surgit vraiment à nouveau, par exemple pour déterminer avec qui les alliances sont possibles, voire indispensables, et avec qui elles sont à rejeter.
C’est aussi ignorer ou ne pas comprendre le rôle du stalinisme dans l’échec de la révolution espagnole ou dans la trahison de la vague de grèves de juin 1936 en France. C’est ni connaître ni comprendre les raisons de la politique nationaliste qui, lors de la Seconde Guerre mondiale, fit s’aligner les Partis communistes d’Europe, français, italien, yougoslave et grec derrière De Gaulle, l’Angleterre et les USA car, même si Trotsky avait déjà été assassiné, c’est son enseignement qui permit à certains militants de ne pas sombrer dans le chauvinisme et l’union sacrée.
Il faut ajouter que tourner le dos aux enseignements de Trotsky c’est aussi ignorer la critique qu’il fit de l’attitude de Staline vis-à-vis de la révolution chinoise de 1927, où ce dernier contraignit le Parti communiste chinois à rester dans le Kuomingtang, livrant ainsi les communistes chinois à Tchang Kaï Tchek qui les fit massacrer. À cette occasion Trotsky fit une critique aussi développée que violente contre la politique des « fronts » qui consistait non seulement à combattre, momentanément, à côté d’autres partis politiques, des ennemis communs, mais aussi à renoncer à toute indépendance politique pour se fondre politiquement dans un tel ensemble, parfois avec des ennemis de classe, désorientant ainsi la classe ouvrière en la privant de toute organisation propre, ce qui fut tragiquement confirmé en cette occasion et à de nombreuses autres occasions ultérieurement.
Ignorer les interventions de Trotsky après le massacre des communistes, lorsque Mao entreprit sa « Longue Marche » à la tête d’une armée paysanne, c’est ignorer, à vie, qu’une révolution socialiste ne peut surgir de la paysannerie, même révolutionnaire, s’il y manque l’intervention déterminante et consciente du prolétariat. Ce que nous avons vu depuis plus de cinquante ans, tant en Asie qu’en Amérique latine, en particulier à Cuba, ou encore en Afrique en est l’illustration. Les illusions à ce propos renaissent d’ailleurs constamment de leurs cendres. Voilà pourquoi nous tenons à nous dire et à ce que tous nos militants se sachent trotskystes autant que léninistes et marxistes.
Bien sûr, on peut se dire ou se croire tels et ne pas l’être ! C’est d’ailleurs le cas des groupes de la IVe Internationale depuis un peu plus de soixante cinq ans, une période qui semble cependant se terminer avec l’abandon affiché de ces conceptions. Mais nous, nous souhaitons faire survivre ces idées et le parti que nous voulons créer a, entre autres, pour but de les entretenir et de les faire revivre et non de les recouvrir du suaire de l’oubli.
Même si le parti que nous devons construire n’a pas toujours besoin de porter dans son appellation ni communiste, ni révolutionnaire, ou trotskyste – ce qui d’ailleurs est notre cas pour le moment –, il est absolument nécessaire, par contre, que tous ceux qui entrent dans un tel parti sachent ce qu’est un révolutionnaire marxiste et le soient, sachent ce qu’est un trotskyste et le soient. Sinon, on ne peut pas construire une organisation susceptible d’intervenir dans une révolution sociale qui changerait le monde.
C’est pour toutes ces raisons qu’il ne peut être ni dans nos objectifs ni dans nos convictions de participer au parti que veut construire la LCR.
Si nous disons que nous souhaitons qu’elle y réussisse, c’est pour de tout autres raisons. C’est uniquement parce que tout le monde ne peut pas être révolutionnaire et trotskyste et que bien des gens, des jeunes en particulier, peuvent avoir envie de combattre les maux engendrés par la société actuelle. Certains s’engagent dans des organisations non gouvernementales pour intervenir dans les pays sous-développés, d’autres le font plus près de chez eux pour aider les sans-papiers ou les sans-logis, d’autres simplement outrés par les mesures du gouvernent souhaitent s’y opposer selon leurs moyens. Et ce serait une bonne chose qu’à défaut d’être des révolutionnaires ils puissent trouver une organisation importante, vaste, susceptible d’agir et qui corresponde à leur idées.
On a failli avoir cela avec Attac, qui s’est effondré, au moins pour un temps. Peut-être aurons-nous cela avec le parti que veut construire la Ligue.
Ce serait utile dans le paysage politique actuel où ni le Parti socialiste ni le Parti communiste n’offrent suffisamment d’espace à la jeunesse et à beaucoup de ceux qui sont moins jeunes, mais sont sensibles aux méfaits de la société. Ce serait peut-être un parti qui ressemblerait à feu le PSU (Parti socialiste unifié) qui connut son heure de gloire au moment de la guerre d’Algérie. Bien sûr, en changeant ce qu’il faudrait sûrement changer, car la lutte anti-Sarkozy que prône la LCR ne constitue pas à elle seule un programme, quoiqu’elle semble s’en contenter. Mais bien évidemment si la LCR réussit à construire ce parti, il se dotera d’un programme à sa mesure.

C’est pourquoi, tout en souhaitant cette réussite, ce n’est pas ce que nous, nous voulons construire et c’est pourquoi, tout en regardant cette tentative d’un œil attentif et favorable, nous nous refusons à participer à cette construction, surtout, comme la LCR semble vouloir le faire, au travers des élections municipales

:: "L’'éternelle' question du parti ouvrier" (par L'Internazionale, UCI, Italie]

Trouvé sur le Forum des amis de LO, traduit par com_71, le premier article du premier numéro de la "Lotta di classe" (sur le site de l'Internazionale). Merci à com_71 !
testolinternazionale.pngL’"éternelle" question du parti ouvrier : considérations pratiques
La construction du parti est, depuis des décennies, au centre d'interminables discussions, de polémiques et d'élaborations dans les milieux restreints du marxisme militant. Dans le langage des journalistes de tabloïd ou des show télévisés on pourrait dire qu'elle nous torture.
Pourrait-il en être différemment ? Absolument pas : il n'existe pas de parti ouvrier révolutionnaire depuis au moins la seconde moitié des années 20 du XXe siècle. La défaite de la révolution d'Octobre, avec la vague réactionnaire qui s’en est suivie, a signifié la transformation du jeune mouvement communiste international en un appendice du régime stalinien et de ses intérêts diplomatiques, d'une part, et, de l'autre, la plus grande répression et le plus grand bain de sang que le mouvement ouvrier ait jamais connu. La conséquence a été dans un premier temps le renforcement, dans quelques pays européens comme la France et l'Italie, dans les années qui ont immédiatement suivi la seconde guerre mondiale, de partis communistes (seulement de nom), avec une base de masse mais absolument hostiles à une politique reflétant les intérêts de la classe ouvrière contre la bourgeoisie de leur propre pays. Ensuite, bien avant l’effondrement du "socialisme réel", ces partis ont perdu toujours plus de leur poids politique dans la classe ouvrière et ont acquis, en particulier dans le cas italien, les caractéristiques de partis tout à fait réformistes.
Il est normal, que depuis tout ce temps les groupes minoritaires représentant, de manière divisée, le mouvement communiste révolutionnaire, héritiers plus ou moins directs des oppositions de gauche au stalinisme, aient tenté beaucoup de voies et aient élaboré les théories les plus diverses sur la construction ou la reconstruction du parti ouvrier. Il est donc vraiment difficile de dire quelque chose de nouveau sur ce sujet.
La crise de Rifondazione Communiste, pour parler de la situation italienne, a donné une nouvelle impulsion à l'intérêt sur la question du parti. La chose concerne, naturellement, un milieu extrêmement minoritaire fait de petits groupes et de militants individuels qui viennent s’ajouter à ceux qui, depuis longtemps, s'organisent, agissent et réfléchissent en partant de l'héritage politique de Marx, de Lénine et de Trotski.
Il serait erroné d’ironiser sur la petite taille de ces groupes de militants en rapport avec épelle grandiose de construire un parti qui représente la voix de millions de travailleurs. Dans l'immédiat, en effet, la construction d’un parti de masse n'est pas et ne peut pas être à l'ordre du jour mais par contre l’est la formation d'un noyau de cadres qui constitueront l'ossature de ce parti dans un futur que nous espérons pas trop lointain.
Les militants qui ont fait l’expérience d’un parti comme Rifondazione Communiste, et plus encore s'ils sont passés au PCI, n'ont absolument aucune idée de ce que peut être une phase de préparation, de sélection et de formation de cadres. Ils ont tendance à se démoraliser face aux petits nombres d’assistants aux réunions, de militants, de journaux diffusés. Ils sont portés à mesurer tout à l’aune des beaux temps qui s’en sont allés et, pour cette raison, ils sont portés à suivre tous les "mouvements" qu'ils promettent d'élargir leur audience, en négligeant complètement leur propre formation et celles des autres.
La responsabilité de celui qui milite depuis longtemps dans le mouvement révolutionnaire est de ne pas se laisser démoraliser par l'état d'esprit de ces camarades tout en sachant leur indiquer une voie crédible d'engagement politique dans laquelle s’investir.
Il n'existe pas encore un parti ouvrier comparable en cohérence révolutionnaire et en enracinement social aux vieux partis socialistes des débuts des années 1900 ou au parti bolchevik de Lénine, il n'existe pas personne qui puisse parler au nom de ces expériences du passé. Alors l'attitude plus juste en concernant les rapports entre des groupes et courants du mouvement révolutionnaire qui veulent s’atteler à la tâche de la construction du parti est surtout de confronter les expériences concrètes. Autrement le "débat" continuera à ne pas en être tout à fait un ou à être un échange stérile de formules et d’anathèmes adressés à ceux qui ne se conforment pas à de telles formules.
Il s’agit de dépasser le sectarisme ? Oui, certes. Même si il faut être réaliste. En effet, souvent un petit groupe est forcé, en quelque sorte, à être "sectaire". La pression extérieure, le climat réactionnaire dans lequel nous sommes plongés, forcent ceux qui ont conservé un capital politique fait d'études, analyses et d’expériences, menées parfois au prix de grands sacrifices, à conserver fidèlement et intégralement celles qui représentent une identité inaliénable, peut-être mûrie au cours de décennies.
En disant cela, sans prétention à apporter une quelconque vérité révélée, nous proposons quelques éléments de réflexion sur la question de parti, pas seulement dans un sens général mais dans celui de l’examen des problèmes concrets et des questions qui se posent ici et maintenant.

Le parti est-t-il nécessaire ?
Des marxistes ne peuvent que répondre affirmativement à cette question. La nécessité du parti ouvrier, c'est-à-dire d’un organe au travers duquel la classe ouvrière peut exercer son rôle indépendant vis-à-vis à toutes les autres classes de la société, est un élément de principe. La de base sociale d’un tel parti existe-t-elle encore ? Oui, et elle est au contraire plus vaste qu’avant. Ceci est vrai à l’échelle mondiale, c'est-à-dire selon l'horizon stratégique du mouvement marxiste. En effet, s'il ne veut pas être réduit à prêcher un internationalisme "platonique", le marxisme révolutionnaire devra étendre ses organisations bien au-delà des frontières d'un seul pays et se fixer la tâche d’appeler à fonder une nouvelle Internationale ouvrière. Mais même pour ne parler que du pays où se déroule notre action, l'Italie, il faut dire qu'ils y a 14 millions de salariés, dont une grande partie dans des activités directement productives. Il s'agit du groupe social statistiquement plus important de la population active.
Le fait que la perception des travailleurs par la société soit celle d’un groupe au rôle maintenant marginal est seulement un reflet de leur faiblesse, comme classe, vis-à-vis de la bourgeoisie et des classes "cultivées" qui la soutiennent et sont mobilisés en permanence pour en louer le régime. Une classe faible est une classe qui n'a même pas la conscience d'en être une. Pour atteindre ceci les moyens politiques à travers desquels la classe dominante contrôle les travailleurs ont changé. Point n’est besoin, aujourd'hui, d’un parti ouvrier-bourgeois, un parti social-démocrate qui feigne seulement d'être l'expression politique du monde du travail. Aujourd'hui sont suffisantes les références génériques à l'"honnêteté", à la lutte contre la "corruption", au "bien du Pays", aux "opportunités partagées". Des soupes idéologiques bonnes pour toutes les classes sociales, de récemment enrichies avec la crainte sécuritaire et la bataille contre l'immigration clandestine.
Dans cette situation, faire de la propagande pour l'unité de la classe ouvrière, dans toutes ses composantes, signifie déjà se mesurer avec le problème de la construction d'un parti ouvrier. Comment cette propagande peut être efficace ? Quels moyens et quels arguments employer pour la rendre convaincante ? Comment le savoir et quels moyens on nous sont donnés pour le mesurer ?
Voilà un premier terrain de comparaison intéressant entre des groupes politiques se réclamant du marxisme révolutionnaire.

L'importance du programme
Il y a fondamentalement deux courants qui, historiquement, ont incarné le marxisme révolutionnaire en Italie. L’un, qui a même été le plus influent, est celui qui est souvent appelé, sans trop de précision, "bordiguiste", du nom du premier secrétaire du Parti Communiste d'Italie en 1921, l’autre est le courant trotskiste. Chacun des deux a subi des crises et scissions en tous genres.
Si même nous admettons une insurmontable séparation programmatique entre ces deux courants principaux, on ne peut pas en dire autant de tous les morceaux qui en sont issus. Aussi bien les "bordiguistes" que les "trotskistes", chacun de leur côté, partageaient au départ, les mêmes principes programmatiques acceptés, au moins formellement par leurs adhérents. Malgré cela, cependant, crises et scissions se sont succédées pendant des décennies et aujourd'hui ont disparu les groupes qui se sont usés ou délités ou encore sont morts de "mort naturelle", il y en pourtant encore quelques dizaines qui revendiquent la cohérence et la continuité programmatique par rapport à la souche d’origine.
Que leçon peut-on en tirer ? Un programme partagé par tous ses membres est la base même, pour une organisation marxiste digne de ce nom, de son action politique. On ne peut pas en douter. Le problème cependant est de comprendre toutes les facettes de la signification du mot programme.
Un programme communiste n’est bien sûr pas seulement une énumération d’objectifs ou de revendications, mais aussi une série d'acquisitions théoriques et de généralisations politiques. Ce patrimoine d'idées et de méthodes de lutte politique ne peut être assimilé par tous les membres actifs d'un groupe qu’au cours d'une longue période de relations réciproques dans lesquelles s’établissent ces rapports de confiance réciproque qui sont le ciment indispensable de chaque regroupement de forces militantes, au moins dans sa phase initiale. Ces mêmes rapports de confiance, ensuite, aideront à dépasser les divergences qui inévitablement se développeront dans l'application concrète des principes programmatiques.
Ceci, nous croyons-nous, la route à suivre pour développer une façon commune de sentir et soupeser la réalité politique et sociale dans laquelle on agit. C’est ce que Trotski voulait dire lorsqu’il parlait du programme comme langue commune à tous les membres du parti. Nous rappelons ça non pas parce que nous sommes convaincus d’avoir finalement résolu le problème de l’oeuf de Christophe Colomb, mais parce que nous voyons que souvent les efforts majeurs de différents groupes de formation récente vont dans la direction d'une "perfection" programmatique, qui, soit dit en passant, n'est pas jamais atteinte, et qu'ils finissent par absorber trop d'énergie et par susciter trop d'attente. Comme si le développement d'une organisation dépendait d'un document programmatique ou d'un corps d'analyse bien écrits plus que du dévouement, de la conviction et des capacités politiques et d'organisation de ses militants.

Pour quel type de parti faut-il se battre ?
Indiquer aux travailleurs la perspective d'un parti, basé sur le marxisme révolutionnaire, signifie d’abord prendre la responsabilité d'en adopter rapidement beaucoup de traits caractéristiques. Indubitablement pour que l'expression "parti ouvrier" ait un sens il faut qu'il s’agisse d'une organisation vaste et d'une ramifiée, identifiée par la partie plus combative des travailleurs comme son parti. Si nous posons la question en ces termes, nous parlons de milliers de militants et de millions de sympathisants. Au dessous de cette ordre de grandeur il n'y a pas de parti. Il n’y a que des groupes, plus ou moins importants.
En tout cas, l'éloignement de cette perspective ne signifie pas le renoncement à en mettre en oeuvre la partie permise par les circonstances présentes. En outre, si la formation du parti ouvrier doit constituer une partie principale des sujets de la propagande révolutionnaire, cette propagande réussira à être d’autant plus efficace et moins abstraite que grand sera le nombre, parmi les travailleurs ou les jeunes auxquels elle est adressée, de ceux qui la verront, dans la limite du possible, mise en pratique.
Nous nous battons pour un parti fondé sur les meilleures expériences du mouvement ouvrier organisé. Sur le plan programmatique, ceci signifie se baser sur le marxisme et sur son application politique révolutionnaire ainsi qu’il nous a été transmis, par ceux-là qui ont noms : Marx et d'Engels, Lénine et de Trotski.
Sur le plan de l’organisation nous défendons l'idée d'un parti discipliné et centralisé comme le furent la social-démocratie allemande et le parti bolchévik. Mais la discipline, dans un parti réellement communiste, ne signifie pas soumission acritique à un appareil, à un leader ou à un groupe dirigeant. La discipline doit jaillir d'un choix bien pesé de la part de chaque membre du parti ; en adhérant au parti il choisit d’adhérer à son programme, de s'engager au maximum de ses possibilités dans une activité organisée, de contribuer au financement de cette activité. Il accepte de se soumettre, sur le plan de l'action politique, aux décisions de parti. Mais, en même temps, il a le droit de déterminer tous les choix du parti, selon le principe du centralisme démocratique. Il a le droit de se tourner vers tout le parti, c'est-à-dire vers tous ses membres, pour défendre ses idées, non seulement dans le cours des assemblées et des congrès, mais en permanence ; avec des moyens spécifiques comme, par exemple, des bulletins intérieurs, dont la circulation doit être garantie par tous les organes du parti. Le centre dirigeant doit être élu par les des militants et non pas autoproclamé.
Plus vite ce « parti idéal » se mettra en pratique, mieux ce sera. En commençant à fréquenter les réunions ou à prendre part aux initiatives du groupe politique marxiste révolutionnaire un travailleur sera frappé par le sérieux et de la continuité du déroulement de l'activité, par les interprétations justes des principaux faits politiques qui l’entourent, mais aussi par le style du travail, inspiré vraiment et uniquement de la tradition marxiste et léniniste. Au contraire de ce qui arrive dans les partis bourgeois, dans un groupe de marxistes révolutionnaires les mots ne sont pas séparés des faits et ceux qui parlent, proposent ou critiquent sont les mêmes que ceux qui « font, agissent, assument les responsabilités, accomplissent les tâches pratiques ». Un groupe communiste révolutionnaire doit s'engager au maximum à dépasser dans les faits, en son sein, dans les limites du possible, la division entre travail manuel et travail intellectuel typique des sociétés de classes.
Pour cet objectif, et pour faire de la démocratie interne une réalité, il est nécessaire de soigner particulièrement la formation des militants. Les progrès politiques des membres du groupe doivent être une préoccupation permanente. Les camarades plus experts pourvus d'un bagage politique et théorique plus riche ont le devoir de transmettre au plus grand nombre possible de membres du groupe leurs connaissances. D'autre part chaque membre doit être encouragé à se cultiver à travers la lecture, non seulement des textes marxistes mais aussi, par exemple, des meilleurs romans qui traitent, d’une façon ou d’une autre, des rapports sociaux, des conditions de vie de la classe ouvrière, de la psychologie des diverses classes sociales, etc.

Les militants ouvriers
Le lieu de travail, particulièrement s'il s'agit d'une grande fabrique ou d'une grande entreprise de services, n'est pas seulement le terrain naturel d'intervention pour un groupe politique marxiste, il est aussi un lieu où le militant est jugé par ses camarades de travail pas seulement pour ce qu’il dit mais aussi et surtout pour ce qu’il fait. Au travers de ses militants chaque groupe révolutionnaire fait, tôt ou tard, cette expérience.
Dans une grande entreprise la lutte de classe n'est pas un évènement lointain. Elle est vécue, en ce moment surtout subie, presque quotidiennement. La pression patronale passe très souvent par les petites vexations de la direction. Le militant révolutionnaire devra exposer la meilleure manière pour que les travailleurs se défendent : de la lettre de réclamation jusqu'à la grève d'un secteur ou de l'entreprise toute entière. Sans hâta excessive, sans fuite dans en avant qui isole, en cherchant toujours à marcher avec la majorité des travailleurs.
S'il s'est montré à ses camarades de travail comme une personne déterminée, cohérente, disponible pour se mettre en avant, mais en même temps avec « la tête sur les épaules », le militant révolutionnaire sera plus écouté et pris sérieusement lorsque il parlera de politique. Le respect qu’il se sera gagné dans le lieu de travail sera transmis en grande partie au groupe politique avec lequel il commencera à être identifié.
Le sérieux est, au bout du compte, dans une situation où il est question de travailler à poser les bases d'un futur parti ouvrier, la chose fondamentale. Nous avons dit qu'il n'existe aujourd'hui aucune organisation d'inspiration marxiste révolutionnaire qui puisse se définir comme un vrai parti soit pour le nombre de ses membres, soit pour le degré d’enracinement et d'influence dans la classe ouvrière. Ceci est vrai pour l'Italie et, pour ce que nous en savons, pour les autres pays de capitalistes avancés. Mais il est vrai que dans beaucoup de ces pays il y a des organisations qui ont atteint et se sont maintenues à des dimensions qui ne sont déjà plus celles de petits groupes d'une poignée de militants. Si nous enquêtons dans l'histoire de ces organisations, nous voyons que le trait qui les unit est vraiment le caractère de sérieux qui en a marqué les premiers pas, aussi une manière diversifiée d'entendre le programme et la stratégie marxiste.
De quel type de sérieux nous parlons ? Nous parlons essentiellement du sérieux que nous pourrions qualifier de professionnel. Le sérieux de l'artisan qui, ayant compris le projet auquel il doit travailler, fait ce qu’il doit faire, sans se décourager en affrontant les difficultés du travail de la matière sur laquelle il agit, en sachant que plus est grand et ambitieux le projet, plus il nécessitera des heures ou des journées de travail dont le résultat apparaît toujours, aux yeux de qui ne connaît pas le métier, trop modeste, et dont les phases individuelles semblent banales et inutilement fatigantes à qui rêve à l'oeuvre finale déjà toute belle et toute prête.
À quelques uns il pourra sembler que nous sommes trop arrêtés sur des questions de peu d’importance ou que nous avons réduit tout à une sorte de bréviaire du bon militant et du bon groupe marxiste. Mais une discussion qui se déroule entre des personnes intéressées concrètement à développer d'un travail politique marxiste parmi les travailleurs, et c’est vers celles-ci surtout que nous nous tournons avec cette revue, doit partir des problèmes pratiques et de ce qu’on peut faire dans la situation actuelle : des pas, souvent très petits, qui pourront nous approcher à l'objectif que nous considérons tous de première importance : construire un parti ouvrier, marxiste et révolutionnaire.

:: Karl Kautsky, "Le marxisme et son critique Berstein" [1900] en ligne

kautskyciv151b.jpgL'ouvrage de Karl Kautsky, "Le marxisme et son critique Berstein" (1900) est librement accessible. Celui qui fut le secrétaire d'Engels, puis son exécuteur testamentaire, avant de devenir le "rénégat" fustigé par Lénine au moment de la Première guerre mondiale, propose ici un ouvrage polémique encore très instructif.

:: Socialisme ou Barbarie, de Barta [1914 - 1976]

Socialisme ou Barbarie, de Barta (1914 - 1976)

Avertissement

barta.jpgLa guerre est devenue le mal chronique de notre époque. On se propose ici d'exposer aux ouvriers conscients, soucieux de l'avenir de leur classe, les causes réelles de ce fléau et les moyens dont dispose le prolétariat pour y mettre fin.
Pour bien comprendre l'origine de la guerre, et pour en tirer les déductions indispensables à l'action de classe du prolétariat, il est nécessaire de connaître les causes économiques qui la déterminent ; c'est pourquoi, malgré notre souci constant d'écrire de façon claire et à la portée de tout ouvrier sérieux (même n'ayant pas une éducation politique étendue) notre sujet nous a obligés à nous étendre parfois sur des questions que l'on a rarement l'occasion d'étudier sérieusement et qui exigent, pour être bien comprises, toute l'attention du lecteur.
Mais seuls les démagogues et les fascistes s'imaginent qu'on peut mener la "masse" (pour laquelle ils ont un profond mépris) avec des mots d’ordre "simples", c'est-à-dire mensongers ; les marxistes au contraire s'assignent pour tâche d'aider la classe ouvrière à dissiper ses illusions entretenues par la bourgeoisie et à prendre conscience du système qui l'opprime et l'exploite.
L'histoire du mouvement ouvrier a montré que, malgré les difficultés qu'ils rencontrent du fait que le prolétariat, en tant que classe opprimée, manque d'une instruction suffisante, les ouvriers animés du profond désir de créer un monde meilleur, à eux, sont capables de s'élever jusqu'aux plus hautes généralisations théoriques.
Certes, aujourd'hui, après les défaites subies par la classe ouvrière, et dans les conditions terribles que nous impose la bourgeoisie (journée de 10 heures et sous-alimentation), la majorité des travailleurs a perdu l'habitude de se préoccuper directement et systématiquement de ses intérêts de classe. Mais seuls des ouvriers non-conscients se refuseraient à prêter un minimum d'attention soutenue à une question aussi vitale pour le prolétariat, dans des circonstances où la bourgeoisie saigne chaque jour un peu plus les masses.
A ceux-là n'est pas destinée cette brochure : nous nous adressons aux ouvriers conscients, et nous leur demandons de nous lire jusqu'au bout.
20 Février 1944

QUELLE ÉPOQUE VIVONS-NOUS ?
Chacun se rend compte que nous vivons une période exceptionnelle de l'histoire du genre humain. Depuis le début du siècle, une série de guerres et de révolutions a continuellement bouleversé de fond en comble la vie des peuples du monde entier, empêchant les hommes de vivre d'une façon normale :
1904 : guerre impérialiste russo-japonaise ;
1905 : première Révolution russe ;
1912 : guerre balkanique ;
1914-18 : première guerre impérialiste mondiale, suivie de la série de révolutions qui l'ont endiguée ;
1917 (Février et Octobre) : Révolution russe ;
1918 (Novembre) : Révolution allemande et écroulement de l'empire austro-hongrois ; révoltes dans l'armée française.
Puis révolutions et contre-révolutions d'après-guerre :
1919 : en Hongrie ; 1919-22 : en Italie ;
1923 : en Allemagne ; 1924 : en Bulgarie ;
1925-27 : en Chine ...
A partir de 1929 la crise mondiale ouvre la voie vers une deuxième guerre impérialiste, à travers une nouvelle série de conflits intérieurs dans les différents pays capitalistes, conflits qui se terminent par la victoire de la bourgeoisie.
1931 : chute de la royauté en Espagne ;
1933 : victoire du fascisme en Allemagne ;
1934 (Février) : insurrection des ouvriers de Vienne ;
1934-38 : grèves générales en France ;
1936 (Juillet) : Révolution prolétarienne en Espagne.
Et, 20 ans après la première guerre mondiale, annoncée par la guerre Italo-Ethiopienne (1935) et la guerre Sino-Japonaise (1937) a commencé en 1939 une deuxième guerre impérialiste dont on ne voit pas encore la fin.
Comme le montre ce tableau des principaux événements contemporains, dans l'intervalle de deux générations, la courbe des conflits a monté d'une façon vertigineuse. Il ne s'agit plus aujourd'hui de querelles dynastiques, d'appétits de conquêtes de tel ou tel pays, de sécurité des frontières, de guerres laissant la société, en dépit des malheurs et de la misère, suivre sa marche en avant ; le caractère tout à fait spécial de notre époque est qu'à l'intérieur des nations comme à l'extérieur, la société se déchire de plus en plus profondément à travers des bouleversements ininterrompus qui détruisent les richesses et la culture accumulées par l'humanité, saignent et affament les masses et les réduisent à un asservissement moyenâgeux. On dirait que le monde ayant perdu son centre de gravité va retomber avec fracas dans la chaos ; l'humanité entière ne peut plus retrouver l'équilibre et la paix, si ce n'est dans les cimetières...

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D'après les curés de toutes les religions, cette rupture d'équilibre, ces guerres de plus en plus meurtrières, seraient "la punition de nos péchés" ; et déjà les représentants de la bourgeoisie, qui en 14-18 ont mené les peuples au massacre pour la "der des der" et ont sacrifié plus de 10 millions d'hommes depuis Août 1939 pour "la démocratie" ou pour "l'espace vital", parlent d'une troisième guerre mondiale. Ainsi, la guerre à l'échelle mondiale serait un phénomène naturel inhérent à l'existence de la société humaine.Mais, des années avant la 1ère guerre mondiale, notre époque d'agonie et de mort a été caractérisée par tous les partis et les syndicats ouvriers comme l’effet du capitalisme dans sa dernière phase, l'impérialisme : "Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage" (Jaurès). En effet, depuis le début du siècle, la capitalisme a profondément modifié sa structure. Fini le capitalisme de libre concurrence, le "laisser-faire, laisser-passer", qui, malgré les crises, les conflits et le chômage temporaires, accomplissait l'équipement industriel du territoire (construction de machines, d'usines, de chemins de fer, de routes, de canaux, de bateaux etc...) et facilitait de plus en plus la vie on développant les forces productives, c'est-à-dire la puissance de l'homme sur la nature ; la supériorité de la grande industrie sur la petite a engendré, par la ruine de cette dernière, le monopole capitaliste. Cette modification de structure du capitalisme lui a enlevé tout caractère progressif et l'a rendu profondément réactionnaire ; les plus grandes inventions, loin d'être utilisées pour accroître la puissance de l'homme sur la nature, et par conséquent son bien-être, servent à la destruction et à la mort, pour le maintien d'un régime condamné.
Et l'on a pu voir, dans une société soi-disant civilisée, des millions de chômeurs et leurs familles souffrir la misère et la faim tandis que, pour maintenir les prix, les capitalistes procédaient à la destruction systématique des récoltes : aux Etats-Unis on élevait des hannetons pour ravager les plantations de coton ; l'Amérique du Sud brûlait du blé et du café dans les locomotives ; en France on offrait des primes aux vignerons pour arracher les vignes, et les pêcheurs devaient rejeter leur poisson à la mer !...

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Pourquoi l'impérialisme (capitalisme monopoleur) provoque-t-il la destruction des richesses accumulées, la fin de la civilisation et de la culture ; pourquoi la guerre est-elle son mode d'existence, et la paix seulement "une trêve entre deux guerres" (Lénine) ? Nous demandons un peu de patience à notre lecteur ouvrier pour les explications qui suivent : il s'agit de bien comprendre ce qu'est l'impérialisme si l'on ne veut pas tomber dans les pièges de la bourgeoisie et se laisser saigner par elle à l'aide de slogans qui ne veulent rien dire. 

CAPITALISME DE LIBRE CONCURRENCE ET CAPITALISME DE MONOPOLE (IMPERIALISME).

Jusqu'à la fin du 19ème siècle, les marchés, et en premier lieu le marché national, offraient des possibilités d'écoulement à tous les produits : dans les différentes branches de la production (métallurgie, tissages, etc...) les capitalistes, – grands, moyens et petits – , existaient et "travaillaient" indépendamment les uns des autres  ; c'était le capitalisme de libre concurrence.
Cependant, la concurrence oblige chaque capitaliste à ajouter constamment les profits réalisés (sauf une partie nécessaire à ses dépenses personnelles) au capital initial, pour les réinvestir dans l'industrie (perfectionnements techniques, achat de machines, etc...). Or, l'extension constante de la production de chaque capital individuel augmente à tel point la quantité des marchandises à écouler, que le marché n'est plus capable d'absorber la production de tous les capitalistes. Ceux qui n'arrivent pas à vendre leurs marchandises font faillite ; mais dans cette lutte à mort, ce n'est pas la chance qui décide des survivants : les entreprises ne sont pas de grandeur égale, et le prix de revient est d'autant plus petit que la production est grande. C'est donc la grande entreprise qui possède l'avantage décisif dans la concurrence capitaliste, concurrence de plus en plus acharnée qui aboutit à la ruine des plus faibles au profit des plus forts.
C'est ainsi que, peu à peu, avec des péripéties diverses, la libre concurrence engendre inévitablement la concentration des capitaux et aboutit à la domination despotique du marché par un seul capital monopoleur.

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Du point de vue de la nouvelle structure du capitalisme, il importe peu que le capital monopoleur (qui domine un, plusieurs ou tous les marchés sans concurrence) appartienne à un seul ou à plusieurs capitalistes, ou à une masse d'actionnaires : l'essentiel est la disparition de l'élément de progrès du système, la concurrence entre les capitalistes d'une même branche.On pourrait croire, à première vue, que le capitaliste monopoleur peut "se contenter" de sa position assurée de monopoleur et "renoncer" à gagner des positions capitalistes nouvelles. Mais le capitaliste ne produit pas pour la société : il "travaille" pour réaliser des profits. Et même s'il devenait tout à coup "vertueux" et voulait mettre en pratique la charité chrétienne, du point de vue économique, il le peut encore moins que dans le capitalisme de libre concurrence (où le danger n'était pas de tous les instants, et où les périodes de prospérité pouvaient au contraire lui faire croire qu'il y avait de la place pour tout le monde). La concurrence entre capitalistes indépendants d'une même branche fait place à un antagonisme de tous les instants, cent fois plus âpre, et qui, loin d'être une source de progrès provoque le dépérissement de l'économie, avec la misère et la guerre pour les masses. Par exemple, le capitaliste qui monopolise les transports par chemins de fer entre en une lutte de tous les instants avec celui qui monopolise les transports par route ; d'autre part, deux sociétés monopoleuses dont les produits s'écoulent dans le monde entier – les pétroles par exemple – entrent en conflit mortel pour la possession des sources anciennes ou nouvelles de matières premières ; enfin, "la course pour le dollar du consommateur" est un autre élément d'antagonismes entre les monopoles (le consommateur ayant un budget à peu près fixe, il s'agit de savoir comment il répartira ses dépenses : achètera-t-il un livre, ira-t-il au cinéma, ou restera-t-il à la maison pour économiser de quoi s'acheter une bicyclette ?).
Donc, à peine arrivé au monopole comme terme d'une lutte entre capitalistes indépendants pour accaparer le marché, le capitalisme plonge l'économie entière dans une anarchie encore plus grande qui finalement mène à la ruine de la société.

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En effet, pour se renforcer contre les monopoles qui le menacent, le capitaliste monopoleur est obligé de conquérir des positions capitalistes de plus en plus fortes, et pour cela il doit réinvestir les profits et surprofits réalisés ; or, le processus de concentration s'étant poursuivi dans presque toutes les branches de la production dans les vieux pays capitalistes, ceux-ci n'offrent plus de débouchés pour de nouveaux investissements : les capitaux sont donc exportés au dehors, surtout dans des pays arriérés et aux colonies où les conditions d'une économie retardataire (équipement industriel pour l'exploitation et l'exportation des ressources du pays, matières premières et main-d’œuvre aux plus bas prix) permettent de réaliser des bénéfices fabuleux sur le dos de la population coloniale ou semi-coloniale.Ainsi la lutte prend un aspect entièrement nouveau. Il ne s'agit plus d'une concurrence purement économique se terminant par la faillite des capitalistes les plus faibles, comme dans la libre concurrence, mais bien d'une compétition internationale pour la conquête du marché mondial (qui n'est plus extensible) et pour la main-mise sur les branches de production, les sources de matières premières et de main-d’œuvre à bon marché. La crise dans le capitalisme du monopole n'est plus un arrêt temporaire de la production (mévente des marchandises) se terminant par une reprise économique puissante : elle devient un élément chronique de la vie économique, provoquant non seulement la destruction volontaire des richesses produites, mais aussi la limitation des moyens de production mis en fonction. La partie décisive des moyens de production, l'industrie lourde, ne trouve plus d'autre "marché" que la guerre, c'est-à-dire la destruction pure et simple de la puissance de production de l'industrie moderne.

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Cet antagonisme à l'échelle mondiale divise le capital monopoleur en groupes financiers : les trusts industriels créent des banques ; les banques créent des trusts d'exploitation ; les groupes fusionnent avec d'autres groupes ; et ainsi se crée tout un réseau de grosses industries et de banques travaillant dans toutes les branches. Voilà comment l'économie mondiale est tombée sous la domination d'une oligarchie capitaliste : les 200 familles en France, les 60 familles aux U.S.A., les Big Five en Angleterre, les Konzern en Allemagne, les Nitsui et les Mitsubishi au Japon, etc...Entre ces groupes financiers qui luttent à mort les uns contre les autres, les alliances se font et se défont : c'est là qu'il faut chercher, le secret des alliances et ruptures d'alliances consacrées par les pactes diplomatiques. Disposant des richesses du pays qui constitue la base de leur puissance, ainsi que de leurs rapines sur d'autres continents, les capitalistes détiennent tous les leviers de l'Etat, c'est-à-dire non seulement l'armée, la police, les prisons et la justice, mais encore la radio, la presse, l'école et les églises.
Tous ces moyens leur servent à duper les peuples et à les entraîner dans leurs conflits à l'aide de traditions, de mots d’ordre, et de toute une propagande appropriée. Et de même que, pour défendre ses intérêts, le capitaliste ferme "son" usine comme si c'était sa tabatière, jetant sur le pavé les ouvriers affamés, de même la bourgeoisie, pour défendre ses positions menacées, jette "son" peuple dans le massacre ; car la guerre, qui n'apporte aux masses que la misère et la mort, se solde pour elle par des super-bénéfices.
En effet, tandis que les ouvriers et les paysans de tous les pays s'entre-tuent soi-disant pour la "der des der", la "démocratie", la "défense des petites nations" ou de l'Empire pour "l'ordre nouveau", "l'espace vital", "le sang contre l'or" et la "défense de la patrie", les champs de bataille sont en réalité un débouché exceptionnel, qui consomme en peu de temps des quantités énormes de "marchandises" (matériel de guerre). C'est ainsi que les masses entraînées dans la course sans fin pour le partage et le repartage du globe, croyant mourir pour la patrie, meurent pour les capitalistes !

SUPPRESSION DES CONTRADICTIONS DU CAPITALISME

Les méfaits de la domination économique des trusts, Konzern, banques, ententes et monopoles de toutes portes sur la société, sont depuis longtemps devenus évidents pour les larges masses. Les scandales financiers, la ruine des petites gens et des paysans, l'exploitation féroce et concertée des travailleurs, – qui n'ont plus affaire à un patron dont le sort est lié à celui de l'entreprise, mais au patronat disposant des ressources du capital financier, – ont soulevé contre les capitalistes monopoleurs la haineet la volonté de lutte de tous les exploités.
Devant la volonté commune de toutes les classes pauvres de museler les banques et les trusts, menace mortelle, la bourgeoisie ne put se sauver qu'on trompant les masses : Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne, Roosevelt aux Etats-Unis et Blum en France ont présenté leur politique comme "la fin de la toute-puissance des trusts". Et même dans la "respectable" Angleterre, gouvernée par les conservateurs, certains ministres du Travail sont parfois obligés d'agiter des projets de "réformes de structure", Pourtant, les trusts n'ont jamais aussi bien prospéré que sous les gouvernements de Mussolini, Hitler, Blum, Roosevelt et Churchill.
Pourquoi ? Parce que le monopole, le grand capital, n'est pas une excroissance d'un organisme sain, qu'on pourrait couper, ou un abus qu'on pourrait réformer, brider ou contenir : les 200 familles sont le couronnement du système capitaliste, son fruit naturel, comme la poire est le fruit du poirier.

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Il faut donc, pour remettre la société d'aplomb, pour en finir avec les crises permanentes, le chômage permanent, la guerre permanente, détruire le mal à la racine, c'est-à-dire détruire le système capitaliste qui les engendre.Qu'est-ce qui caractérise le capitalisme ? C'est la propriété privée des moyens de production : les usines, le sol et le sous-sol, les moyens de transport, les moyens d'échange (banques), les locaux, en un mot  tout ce dont l'homme a besoin pour assurer son existence, se trouvent entre les mains d'une petite minorité de bourgeois richissimes qui disposent à leur gré du sort de dizaines de millions d'hommes séparés des moyens de production, prolétarisés. A cette contradiction essentielle qui oppose le système capitaliste aux besoins de la société, contradiction entre la production SOCIALE et la propriété PRIVEE s'en ajoute une seconde : le morcellement de l'économie mondiale en fractions soi-disant nationales (en réalité, à part quelques rares exceptions où les frontières délimitent en même temps la nation, presque toutes les frontières (90 %) découpent la même nation en plusieurs tronçons – l'Allemagne de 1918, les Balkans, l'Europe Centrale, l'Irlande, etc... – ou font "vivre" ensemble plusieurs nations antagonistes – l'Allemagne de 1939, les Empires coloniaux d'Afrique et d'Asie, etc...). En fait, ce morcellement de l'économie mondiale n'est qu'un système de frontières et de douanes correspondant au rapport de forces changeant entre les groupes financiers (les 200 familles, les 60 familles, les Konzern, etc...)
Production SOCIALE et appropriation PRIVÉE capitaliste, économie MONDIALE et son MORCELLEMENT en "fiefs" du capital financier, telles sont donc les causes qui provoquent la ruine de la société.
 
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La suppression de ces contradictions ne consiste pas en un retour en arrière à un soi-disant "âge d'or", mais dans une audacieuse marche en avant vers le socialisme.Le mode de propriété est périmé, mais le mode de production est définitif : il faut donc les harmoniser en abolissant la propriété privée des moyens de production pour restituer ces derniers à la société entière par la DICTATURE DU PROLETARIAT et LA GESTION DIRECTE DES USINES PAR LES TRAVAILLEURS. La suppression de la propriété privée des moyens de production n'est pas la suppression de toute propriété : la petite propriété paysanne continuera à exister. Les petits paysans garderont leur terre aussi longtemps qu'ils voudront, jusqu'au moment ou d'eux-mêmes ils estimeront plus avantageuse la grande culture industrialisée.
Cette révolution économique et sociale ne peut pas éclater et vaincre simultanément dans le monde entier. Elle commence dans le cadre d'un ou plusieurs Etats, mais elle ne peut aboutir à une société harmonieuse que par la victoire de la classe ouvrière dans le monde entier : les ressources de tout le globe sont nécessaires pour bâtir une société sans aucune contradiction économique. Les travailleurs ont pu remarquer au cours de cette guerre qu'aucun pays, si riche qu'il soit en ressources naturelles (comme les Etats-Unis ou l'URSS) ne peut produire à lui seul tout ce que l'homme a découvert ou inventé pour assurer sa domination sur la nature.
Donc, l'abolition de la propriété privée, le socialisme, implique également la suppression des frontières capitalistes (douanes, passeports, etc...), c'est-à-dire la création des ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE.

STRATEGIE ET TACTIQUE OUVRIERES CONTRE LA GUERRE.

Aujourd'hui, depuis 5 ans, la guerre ravage les continents, ruine l'économie, sépare les peuples par un fossé de sang, et risque en se prolongeant de ramener la société entière à une nouvelle barbarie sociale.
Au premier plan de la lutte ouvrière se trouve donc la lutte contre la guerre.
Mais la guerre, malgré tous les prétextes et les masques que la bourgeoisie utilise pour en camoufler les véritables causes, n'est au fond qu'une lutte entre les différentes bourgeoisies pour les monopoles (guerre pour "l'espace vital" du côté de l'Axe et pour la "défense de l'Empire" du côté des alliés) : AUSSI, LA LUTTE CONTRE LA GUERRE NE PEUT-ELLE ETRE SEPAREE DE LA LUTTE CONTRE LE CAPITALISME. Telle est l'idée fondamentale dont doivent partir les ouvriers conscients qui veulent réellement en finir avec les massacres qui recommencent tous les 20 ans.


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Bien avant la première guerre mondiale, en 1907, la IIème Internationale dénonça au Congrès de Stuttgart le caractère impérialiste de la guerre qui venait. Les délégués des Partis ouvriers de France, d'Allemagne, de Russie, d'Italie, etc..., qui participèrent à ce Congrès, savaient que les différences politiques entre les pays qu'ils représentaient n'étaient pour rien dans les dangers qui menaçaient la paix du monde. Ils prirent la résolution suivante : "Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils (les représentants ouvriers) ont le devoir de s'entremettre pour la faire cesser promptement et d'utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerrepour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste".En 1912, au Congrès de Bâle, ils réaffirmèrent : "LES TRAVAILLEURS CONSIDERENT COMME UN CRIME DE TIRER LES UNS SUR LES AUTRES POUR LE PROFIT DES CAPITALISTES..." Pourtant, quand la guerre éclata "néanmoins", les chefs de la IIème Internationale, pourris par l'opportunisme, non préparés à une lutte dans des conditions entièrement nouvelles (illégalité, lutte extraparlementaire, etc...), cédèrent à la pression de la bourgeoisie et trahirent la classe ouvrière. C'est alors seulement qu'ils découvrirent les prétextes politiques et "idéologiques" qui devaient justifier la cause infâme de leur bourgeoisie : les "socialistes" français appelèrent à la lutte de la "démocratie" (alliée au tsarisme !) contre le "militarisme prussien" et les "socialistes" de l'Allemagne impériale à la lutte contre le knout tsariste...
Mais ces arguments en faveur de l'union sacrée, mis en avant du jour au lendemain par des chefs aux abois n'étaient que des mensonges.
La forme politique ne peut pas influencer ou améliorer la structure IMPERIALISTE de l'économie ; tout au contraire, c'est la structure impérialiste de l'économie qui commande les actes de tout gouvernement bourgeois, démocratique, militariste ou fasciste.               
La première guerre mondiale et la présente guerre nous montrent que dans tout conflit impérialiste, c'est précisément la démocratie qui est la première victime. Dans tous les pays impérialistes sans aucune exception s'établit le même régime de militarisation, de contrainte, de terreur policière, de censure, avec suppression de tous les droits ouvriers, pour donner aux trusts l'entière liberté d'action.


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Tandis que les chefs social-patriotes se vautraient dans l'union sacrée et les ministères, les chefs ouvriers restés fidèles au socialisme – Lénine, Luxembourg et Liebkecht en tête – prirent une voie toute opposée.Ils dénoncèrent la guerre comme "une guerre impérialiste pour un repartage des richesses du globe entre les forbans capitalistes". Rejetant l'union sacrée et les crédits de guerre, ils appelèrent les travailleurs de leur pays à fraterniser avec ceux du pays "d'en face"  et à renverser leur propre bourgeoisie. Nous savons aujourd'hui que c'est eux qui voyaient juste et qu'ils représentaient les véritables aspirations des masses opprimées, car leurs principes et leur action ont conduit à la première victoire prolétarienne (Révolution d'Octobre 1917) et à la formation de la IIIème Internationale (l'Internationale Communiste).
Quels furent donc leurs principes et leur tactique ?
Karl Liebknecht nous a laissé la meilleure formule de l'internationalisme ouvrier pendant la guerre : "L'ENNEMI DE CHAQUE PROLETARIAT EST DANS SON PROPRE PAYS" ; la tâche des travailleurs est de "balayer chacun devant leur propre porte".
Pour Lénine il s'agissait de "transformer la guerre impérialiste en guerre civile" ; car "si cette guerre n'est pas suivie d'une série de révolutions victorieuses, elle sera suivie à bref délai d'autres guerres".
Que celui-ci avait raison, cela a été prouvé non seulement par le fait que les travailleurs russes conquirent la paix grâce à la guerre civile, en renversant la bourgeoisie, mais surtout par le fait que le maintien de la domination impérialiste sur les 5/6ème du globe, a amené une 2ème guerre impérialiste mondiale. Dans un monde où subsistent les liens et les contradictions impérialistes, la paix ne peut être qu' "une trêve entre deux guerres"...
La guerre civile n'est pas un moyen désespéré auquel on n'a recours qu'à la dernière extrémité : c'est la résolution inébranlable du prolétariat, appuyé sur les masses populaires, d'en finir avec la guerre impérialiste en renversant la bourgeoisie et son Etat (police, justice, corps des officiers, etc...) Sans cette résolution inébranlable de riposter à la guerre impérialiste par la guerre civile, les travailleurs ne doivent pas espérer que c'est la bourgeoisie qui fera quoi que ce soit pour desserrer l'étau qui étouffe les masses ou qui reculera devant n'importe quelle infamie. Tout au contraire, grâce à la guerre impérialiste toujours plus meurtrière, elle mène à l'intérieur sa propre guerre civile destinée à paralyser et à écraser le prolétariat.
Le mot d'ordre des travailleurs est : A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE, VIVE LA GUERRE CIVILE !
 
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Devant les hésitations de certains chefs "internationalistes" qui étaient paralysés dans leur action pratique par la peur que la lutte révolutionnaire "n'affaiblît le front", Lénine proclama que la défaite de leur propre impérialisme était "un moindre mal" pour les ouvriers.Il suffit en effet de comparer le sort de la France après 1918, victorieuse grâce à l'union sacrée, et celui de la Russie révolutionnaire, vaincue et dépouillée de vastes territoires aussi bien par l'impérialisme allemand que par l'impérialisme "allié" : les ouvriers français n'ont plus jamais retrouvé leur niveau de vie d'avant 14, tandis que les travailleurs russes ont créé un pays entièrement nouveau et élevé la Russie arriérée au niveau des pays industriels les plus avancés.  
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Mais la défaite de Juin 40 ? La défaite de Juin 40 ne fut pas la conséquence de l'affaiblissement du front par les luttes révolutionnaires dans le pays, mais l'effondrement de l'impérialisme français, entraînant dans sa chute l'ensemble des classes laborieuses.Si le prolétariat de France avait pu, grâce à une politique ouvrière juste, mettre à profit la débâcle de son impérialisme en Mai-Juin 40 pour s'emparer du pouvoir, le sort, non seulement du peuple français, mais encore de tous les peuples du monde, aurait été complètement changé, mais le prolétariat n'avait pas été préparé à une telle éventualité par les partis ouvriers. Le parti socialiste d'après 1918 était resté définitivement un parti de collaboration et d'union sacrée ; la IIIème Internationale et le Parti communiste français avaient depuis longtemps abandonné la stratégie et la tactique qui avaient permis la victoire des ouvriers et des paysans russes en 1917 et qui avaient mis fin à la 1ère guerre mondiale. L'isolement de la Révolution d'Octobre dans un monde capitaliste a provoqué en URSS l'affaiblissement du prolétariat soviétique, centre de gravité de la IIIème Internationale. Il s'y forma une bureaucratie dirigeante analogue à celle des partis et des syndicats ouvriers occidentaux. Sous son influence, la IIIème Internationale rompit avec l'internationalisme ouvrier : reconnaissance de la "défense nationale" on France (pacte Laval-Staline de 1935, vote des crédits de guerre de Daladier en 1935), pacte Hitler-Staline pour le dépècement de la Pologne, nouvelle "alliance" avec les impérialismes "démocratiques" pour la défense de la "démocratie" contre le fascisme, etc…
L'abandon de la stratégie et de la tactique révolutionnaires par les chefs de la IIème Internationale en Août 1914 permirent à la bourgeoisie de se maintenir sur les 5/6ème du globe, tandis que le capitalisme n'était renversé par l'internationalisme prolétarien que dans la sixième partie.
L'abandon des mêmes principes par les chefs soviétiques de la IIIème Internationale a permis à la bourgeoisie de déclencher une nouvelle guerre impérialiste qui est entrée dans sa cinquième année.
Comme dans la première guerre impérialiste, la seule issue est dans l'application dans la lutte prolétarienne de la stratégie et de la tactique de Liebknecht de Lénine.
C'EST CETTE TACHE QUE CONTINUE LA IVème INTERNATIONALE !

LA QUATRIEME INTERNATIONALE ET LA GUERRE

La lutte de la IVème Internationale contre la guerre continue celle que menèrent la IIème et la IIIème Internationales avant d'être brisées par l'impérialisme mondial.
Dans tous les pays impérialistes en guerre – quelle que soit leur forme politique (démocratie ou fascisme) – le but fondamental de la IVème Internationale estfraterniser, voilà l'arme essentielle que possèdent les exploités de tous les  pays contre leurs exploiteurs. la FRATERNISATION DES OUVRIERS ET DES PAYSANS SOUS L'UNIFORME. "Refuser de tirer les uns sur les autres pour le profit des capitalistes",
Toute autre attitude, toute réserve ou équivoque à ce sujet, est une trahison pure et simple de la classe ouvrière internationale et des masses laborieuses.
Mais les pays en guerre ne sont pas tous des pays impérialistes ; menant sa lutte contre la guerre sous le signe de la fraternisation et de l'internationalisme (UNITE DES INTERETS DE TOUS LES PEUPLES CONTRE LA BOURGEOISIE IMPERIALISTE DE TOUS LES PAYS), la IVème Internationale propose aux travailleurs des tâches immédiates différentes SELON LA NATURE IMPERIALISTE OU NON IMPERIALISTE  des pays (et non pas selon les formes politiques).


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 Là où la guerre met aux prises 2 armées impérialistes soumises au corps des officiers instrument des groupes financiers (par exemple la guerre de 39-40 entre la France et l'Allemagne, ou la guerre actuelle entre les Anglo-Américains et l'Allemagne), la IVème Internationale appelle les travailleurs des deux armées en lutte à cesser de s'entretuer et à fraterniser. Pratiquement, cette fraternisation n'est possible que par la lutte directe des soldats contre leur propre Etat-major et implique donc un affaiblissement du front (impérialiste) de l'armée la plus avancée dans la voie révolutionnaire ; cependant, comme cela a été expliqué au chapitre précédent, la défaite est un moindre mal quand elle est provoquée par la lutte révolutionnaire des ouvriers et des  paysans : car pour pouvoir lutter contre l'impérialisme d'un autre pays, les travailleurs d'un pays impérialiste doivent d'abord liquider leur propre impérialisme, QUI NE LEUR EPARGNE PAS CE QUE L' IMPERIALISME ADVERSE LEUR RESERVE.


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Mais là où la guerre met aux prises une armée impérialiste et une armée non-impérialiste, comme par exemple la guerre entre l'Allemagne et l'URSS, le Japon et la Chine, ou un conflit entre les alliés et "leurs" colonies (Inde, Maroc, etc…), la fraternisation n'implique pas un affaiblissement du front de l'armée non-impérialiste : la IVème Internationale appelle les travailleurs de ces pays (non-impérialistes : URSS ou colonies) à se défendre DE TOUTES LEURS FORCES, malgré leur méfiance ou leur haine pour leur propre gouvernement, contre les armées impérialistes, qui ouvrent la voie au capital financier. Car dans les pays non-impérialistes, les travailleurs qui réussissent à écarter la menace impérialiste, peuvent, de ce fait même, lutter avec succès contre leur propre gouvernement réactionnaire.Cette attitude de défense de la part des travailleurs d'un pays non-impérialiste nuit-elle à la fraternisation avec les ouvriers et paysans de l'armée impérialiste qui les a attaqués ? NULLEMENT, si leur lutte apparaît clairement à ces derniers comme une lutte pour les intérêts communs des travailleurs de tous les pays contre le capitalisme.
S'il ne s'est encore rien produit de pareil sur le front germano-soviétique, c'est seulement parce que aux yeux des soldats allemands, le gouvernement soviétique, par son langage et par ses actes (mort aux Boches ! ), ne diffère en rien d'un quelconque gouvernement allié fauteur de la paix impérialiste de Versailles.
Pour vaincre définitivement l'impérialisme, les travailleurs soviétiques doivent renverser la bureaucratie réactionnaire dirigeante et présenter aux peuples du monde entier leur véritable visage prolétarien.         


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Contre la guerre impérialiste mondiale actuelle, la IVème Internationale lutte avec les mots d’ordre suivants :Contre la politique chauvine et impérialiste des partis "socialistes" et "communistes" qui divise les travailleurs et sert les intérêts de la bourgeoisie, VIVE L'INTERNATIONALISME OUVRIER !A BAS LES "BUTS DE GUERRE" IMPERIALISTES, la Charte de l'Atlantique, "l'ordre nouveau", etc... VIVE LE DROIT DE TOUS LES PEUPLES A DISPOSER D'EUX-MEMES jusque et y compris la séparation de l'État qui les opprime !
A BAS LA DIPLOMATIE ET LES PACTES SECRETS !
DÉFENSE DE L'URSS en tant qu'Etat ouvrier PAR LA VICTOIRE DE L'ARMEE ROUGE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE dans tous les pays impérialistes (Allemagne, Angleterre, France, etc...).
DÉFENSE DE LA CHINE en tant que pays semi-colonial contre le Japon, PAR LA VICTOIRE DE L'ARMEE CHINOISE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE AU JAPON et dans le monde. DÉFENSE DE TOUTES LES COLONIES ET SEMI-COLONIES CONTRE L'IMPERIALISME QUI LES OPPRIME : de l'Inde contre l'Angleterre, de l'Afrique contre les impérialismes alliés, etc...
A bas l'autarchie européenne de "l'ordre nouveau", à bas la main-mise du capital américain sur l'Europe, VIVENT LES ÉTATS-UNIS SOCIALISTES D'EUROPE ! Seuls les Etats-Unis socialistes assurent la véritable égalité, entre les nations, grandes ou petites.
Contre la domination du monde entier par deux grandes puissances, VIVENT LES ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE !

LA LUTTE DES TRAVAILLEURS FRANÇAIS CONTRE LA GUERRE

La déclaration de guerre en Septembre 1939 et la mobilisation, la censure, la défense passive, les réquisitions et la répression qui l'ont marquée, ont réveillé dans les masses la méfiance et l'hostilité contre les dirigeants capitalistes : les travailleurs n'avaient pas oublié les leçons de la première guerre impérialiste, les misères et les souffrances qu'ils avaient endurées pour le seul bénéfice de la bourgeoisie.
Mais la lutte des masses contre les mesures de dictature et de terreur de Daladier et Reynaud (camps de concentration, emprisonnements de milliers de militants ouvriers, dissolution du PC et des groupements internationalistes, mise au pas des syndicats, peine de mort pour la propagande communiste) ne trouva pas un guide dévoué exclusivement aux intérêts des travailleurs : la politique du PC obéissait aux intérêts diplomatiques de la bureaucratie soviétique, et ses tournants décontenançaient périodiquement les masses et les militants. Quant aux éléments internationalistes, ils étaient trop faibles numériquement pour exercer une influence efficace.
C'est pourquoi, bien que favorable à la révolution, l'attitude des masses (qui repoussèrent d'instinct l'idéologie nationaliste-"démocratique" ou fasciste) ne provoqua pas la chute de la bourgeoisie. Quand l'impérialisme français chancela sous les coups de l'impérialisme allemand, la classe ouvrière, sans direction, ne songea pas à créer les organes d'un Etat ouvrier (Conseils d'ouvriers et soldats), mais se dispersa sur les routes de France...
L'exode mit fin pour les masses à l'expérience de la guerre "démocratique". Mais la défaite de l'impérialisme français ne mit pas fin à la guerre. LA GUERRE NE FAISAIT QUE COMMENCER et prit un développement mondial pesant de plus en plus lourdement sur les couches populaires du monde entier. L'économie des pays mêlés à la guerre fut soumise à une rude épreuve. Toutes les ressources furent raflées en vue de la guerre.
Le pillage de la France par l'impérialisme allemand imposa aux masses une série de souffrances inouïes qui plongèrent brusquement le peuple français dans des conditions de vie insupportables.
Mais comme la guerre sous la conduite de nos propres impérialistes (la "drôle de guerre") n'avait pas eu le temps d'engendrer des maux à une si grande échelle, l'état d'esprit, des masses changea par rapport à celui du début de la guerre  : les malheurs qui s'abattaient sur le peuple français n'étaient pas dus à la guerre elle même, à la GUERRE TOTALE, dans laquelle victoire ou défaite engendrent les mêmes maux, mais à l'occupation étrangère, aux "Boches". Les masses crurent d'autant plus facilement les slogans venus de Londres, qu'à partir du début de la guerre entre l'URSS et l'impérialisme allemand le Parti "communiste" se mit à tenir le même langage que les impérialistes alliés.
Voilà comment aujourd'hui, après quatre années et demie de guerre la classe ouvrière se trouve complètement dépourvue d'une perspective propre et est à la remorque de la bourgeoisie pour une soi-disant guerre de "libération".
Que vaut cette politique ? Pour la classe ouvrière, c'est accepter les pires souffrances non pas pour changer définitivement l'ordre des choses, mais dans l'espoir de revenir à la situation qui a précédé la guerre et qui nous y a menés.
Cependant, quelles seraient les conditions économiques et politiques créées par une victoire alliée ? Peu de travailleurs se font des illusions sur les capitalistes anglais et américains. Mais ils espèrent que leur victoire déterminerait une amélioration de leur niveau de vie et ramènerait le respect des libertés ouvrières.
Mais cette guerre, comme la première, est une guerre impérialiste pour le repartage du monde entre les groupes financiers et pour renforcer l'exploitation capitaliste sur les masses. Si les capitalistes anglais et américains luttent contre l'Allemagne impérialiste ce n'est pas pour les peuples, mais pour évincer un concurrent. Ce concurrent n'est pas l'Allemagne seule, mais l'industrie, le capital financier européen (l'Allemagne, la France, l'Italie, la Hollande, la Belgique, etc...).
Cela signifie que les conditions économiques instaurées par "l'ordre nouveau" (appauvrissement de tous les pays européens au profit des capitalistes allemands) seraient maintenues et aggravées par une victoire des impérialistes alliés : l'Europe entière réduite à la portion congrue constituerait pour les États-Unis un "hinterland" économique.
En effet, à eux seuls, les États-Unis, dont la production dans les principales branches représente de 60 à 80 % de la production mondiale, regorgent de capitaux et ont besoin du monde entier pour résoudre leurs propres contradictions économiques et sociales. C'est pour cela que leurs dirigeants les ont précipités dans la guerre. C'est donc s'exposer à de terribles désillusions que de croire que les États-Unis, où le chômage atteignit à un moment donné 12 à 13 millions d'hommes – 10% de la population totale ! – et où les "marches de la faim", le vagabondage et toutes les tares politiques et sociales (persécution des Noirs, associations secrètes du type fasciste bien avant la naissance de Hitler) ont marqué plus que partout ailleurs la décomposition du capitalisme, peuvent assurer la prospérité de l'Europe.
La ruine irrémédiable de l'Europe peut bien soulager partiellement le capitalisme américain par l'écoulement d'une partie de ses produits industriels sur le continent dévasté. Mais les masses européennes plongées dans la misère, resteront devant l'abondance américaine sans avoir les moyens nécessaires pour payer.
Et dans ces conditions d'aggravation des contradictions économiques, la lutte sociale s'aggraverait aussi : il n'y aura pas de place pour les libertés ni pour un développement pacifique des organisations et des droits ouvriers.


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Comment l'ouvrier conscient doit-il donc orienter la lutte des travailleurs contre la guerre et le capitalisme ?Les aspirations profondes des masses, après quatre ans et demi de guerre, de misère et de terreur politique de la bourgeoisie, sont la PAIX, le PAIN et la LIBERTE. Il s'agit d'orienter ces aspirations des ouvriers, de la population pauvre des villes, et des petits paysans VERS DES SOLUTIONS PROLETARIENNES, seules capables de les réaliser. Le souci quotidien des travailleurs, c'est le pain. La lutte des ouvriers pour le pain doit être menée avant tout dans les usines, par une lutte pour l'augmentation des salaires. Il faut à chaque occasion tendre à l'unification des mouvements revendicatifs, éviter que les ouvriers des différents ateliers présentent isolément leurs revendications. C'est la grève qui constitue l'arme essentielle de la lutte revendicative. ET LA LUTTE GRÉVISTE POUR L'AUGMENTATION DES SALAIRES CONSTITUE EN MEME TEMPS UN DES MOYENS LES PLUS EFFICACES DE LUTTE CONTRE LA MACHINE DE GUERRE.
Mais la situation des ouvriers et des masses laborieuses ira toujours en s'aggravant (jusqu'à la famine) si le ravitaillement continue à se faire par les voies actuelles. Les liens entre la ville et la campagne ont été rompus par la guerre. Les réquisitions de l'armée d'occupation et l'accaparement du trafic par les gros requins du marché noir avec la complicité des organes d'Etat, grugent les petits paysans et affament les villes. C'est la tâche directe des masses exploitées de la ville et de la campagne de rétablir les liens économiques entre elles. Le seul moyen d'améliorer la situation alimentaire est donc LE CONTRÔLE DU RAVITAILLEMENT PAR LES COMITES D'USINE (élus par les ouvriers) ET PAR LES COMITES DE QUARTIER (élus par les ménagères).
Mais une solidarité définitive entre la ville et la campagne ne peut être établie que si les travailleurs peuvent fournir aux paysans, en échange des produits alimentaires, des produits industriels qui leur sont indispensables.
Les travailleurs doivent dénoncer à toute la population paysanne et pauvre l'incapacité et la bestialité de la bourgeoisie qui a ruiné le pays pour maintenir sa domination. Ils doivent leur expliquer que seul le PLAN OUVRIER, qui orienterait l'industrie vers les véritables besoins des populations (des tracteurs agricoles et non pas des tanks !) peut mettre un terme aux maux actuels. Ils doivent donc mettre en avant la revendication du RETOUR AUX FABRICATIONS DE PAIX et du CONTROLE OUVRIER SUR LA PRODUCTION.
Or toute tentative d'arracher à la bourgeoisie le morceau de pain quotidien doit inévitablement se heurter aux organes de répression de l'impérialisme français et allemand. C'est pourquoi une lutte sérieuse pour le pain pose au premier plan la lutte politique pour le renversement du régime de Vichy et de la Gestapo.
Les travailleurs doivent mettre en avant la lutte pour la reconquête des droits de grève, de réunion, d'association et de presse.
Une telle perspective exige une politique internationaliste visant à obtenir l'appui ou la neutralité des soldats allemands, sans lesquels il n'est pas possible de renverser le régime PAR LES FORCES PROLETARIENNES ET AU PROFIT DES OPPRIMES.
Mais la lutte contre la dictature politique de la bourgeoisie exige la CREATION DE MILICES OUVRIERES EN VUE DE L'ARMEMENT DU PROLETARIAT. Cette tâche peut être réalisée par les travailleurs à condition qu'ils se pénètrent de la nécessité de ne compter que sur eux-mêmes et de ne pas faire confiance à la bourgeoisie française et alliée.
La réalisation de l'armement du prolétariat peut faire un grand pas en avant si les travailleurs réfractaires réfugiés dans le maquis, déjà partiellement armés, parviennent à se soustraire au contrôle de l'impérialisme gaulliste et allié par l'élection démocratique des chefs.
L'orientation de la lutte en ce sens n'a pas une importance vitale seulement pour le présent : Il s'agit avant tout de préparer l'avenir.
En effet, dans les conditions crées par la guerre et désagrégation de l'économie, tout gouvernement qui s'appuierait sur les organes de l'État bourgeois (corps des officiers, police, haute administration, haute magistrature), se comporterait automatiquement (quelle que soit sa phraséologie) comme celui de Vichy. A travers les luttes pour les objectifs immédiats, les travailleurs conscients doivent donc lutter CONTRE LES ILLUSIONS DU PARLEMENTARISME et APPELER A LA CREATION D'ORGANES VERITABLEMENT DEMOCRATIQUES, LES CONSEILS (SOVIETS) OUVRIERS ET PAYSANS, élus à l'échelle locale, régionale et nationale par les masses en lutte contre l'Etat bourgeois.
S'appuyant sur ces Comités, le Gouvernement ouvrier et paysan est le gouvernement du peuple par le peuple lui-même. Seul il peut résoudre les problèmes posés par la guerre ; seul il peut punir les criminels qui ont plongé la France dans la IIème guerre mondiale, qui ont détruit les organisations et les libertés ouvrières, qui ont organisé la déportation en Allemagne et fait emprisonner, torturer et tuer des dizaines de milliers de militants ouvriers.
SEULE LA DICTATURE DU PROLETARIAT PEUT ASSURER AUX MASSES LE PAIN, LA PAIX ET LA LIBERTÉ !
A BAS LA REPUBLIQUE "DEMOCRATIQUE" ! VIVE LA REPUBLIQUE SOVIÉTIQUE !

LA NOUVELLE INTERNATIONALE

Comme nous l'avons vu, les conditions économiques de notre époque rendent nécessaire une lutte prolétarienne unifiée à l'échelle internationale. Les travailleurs d'un pays ne peuvent en aucune façon séparer leur sort des ouvriers des autres pays. Cela, non seulement en vue de l'émancipation sociale par le socialisme, mais même simplement du point de vue de la lutte économique quotidienne des ouvriers. Le niveau de vie des travailleurs de France, de Belgique, d'Allemagne, de Hollande, etc... a son influence sur le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, de même que le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, d'Allemagne, etc... a ses répercussions sur les travailleurs de France et ainsi de suite.
Il faut donc à la classe ouvrière un Etat-Major international : l'INTERNATIONALE. Mais successivement les travailleurs, entre 1914 et 1933, ont assisté à l'écroulement de la IIème et de la IIIème Internationale. Aussi beaucoup d'ouvriers se demandent-ils avec inquiétude : à quoi bon une nouvelle Internationale ? Ferait-elle mieux que les précédentes ? Faudra-t-il toujours recommencer ?
Mais la faillite des vieilles internationales n'a rien de décourageant. Aussi longtemps que le capitalisme n'est pas définitivement renversé, les organisations créées parle prolétariat en vue de la lutte contre la bourgeoisie s'usent dans le combat ; il faut alors en créer de nouvelles.
La IIème et la IIIème Internationale ont laissé derrière elles une œuvre durable. La IIème Internationale a répandu la doctrine socialiste parmi des millions d'ouvriers du monde entier, enracinant ainsi pour toujours la doctrine marxiste comme théorie du mouvement ouvrier. Quant à la IIIème Internationale, elle a montré, leçon irremplaçable, comment on renverse la bourgeoisie et a créé une économie planifiée sur 1/6 du globe. A la IVème Internationale incombe d'achever le travail de la IIème et de la IIIème Internationale en instaurant LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT ET LE SOCIALISME DANS LE MONDE ENTIER.
Que les fatigués et les sceptiques, restent à l'écart les jeunes et les militants ouvriers qui ne veulent pas capituler devant l'impérialisme se mettront à l'école des idées de la IVème Internationale.
Il faut reconstituer de nouveaux partis ouvriers communistes, sections de la IVème Internationale dans chaque pays. Déjà des milliers d'ouvriers sur tous les continents, dans  presque tous les pays, de l'URSS à l'Amérique, et de l'Afrique à la Chine, luttent sous le drapeau de la IVème Internationale.
Car l'avant-garde prolétarienne n'est pas faite de militants indépendants de la classe ouvrière. LE PARTI OUVRIER EST L'ŒUVRE DE LA CLASSE OUVRIERE ELLE-MEME, qui se regroupe et prend conscience de sa force et de ses tâches. Dès maintenant, les ouvriers doivent surmonter les terribles conditions dans lesquelles ils vivent et trouver le temps nécessaire pour se consacrer au travail politique révolutionnaire. Dans la confrontation de leurs idées et de leur action, ils feront leur propre éducation démocratique, exerceront leur esprit critique et choisiront les meilleurs d'entre eux pour coordonner leur action et multiplier les liaisons sur une échelle de plus en plus large.
La classe ouvrière a pour elle le nombre, la place indispensable qu'elle occupe dans la production, et l'incapacité de la bourgeoisie de faire vivre plus longtemps la société. De plus "SA LIBERATION EST CELLE DE L'HUMANITÉ ENTIERE"
Celle-ci se trouve aujourd'hui devant cette unique alternative : ou bien LA BARBARIE, c'est-à-dire que le prolétariat sera incapable de remplir sa mission historique et alors "le sang et les sueurs des classes laborieuses couleront éternellement dans les vases d'or d'une poignée de riches odieux" (Babeuf), ou bien LE SOCIALISME, c'est-à-dire que le prolétariat SOUS LA CONDUITE DE SON PARTI QU'IL FORGERA A TRAVERS SES EPREUVES, accomplira sa mission par la révolution socialiste qui, une fois commencée, se répandra d'un pays à l'autre avec une force irrésistible ; dans ce cas : "Par l'exemple et avec l'aide des nations avancées, les nations arriérées seront emportées aussi dans le grand courant du socialisme. Les barrières douanières entièrement pourries tomberont. Les contradictions qui divisent le monde entier trouveront leur solution naturelle et pacifique dans le cadre des Etats-Unis socialistes, en Europe comme dans les autres parties du monde. L'HUMANITE DELIVREE S'ELEVERA JUSQU'A SA PLEINE HAUTEUR". (Trotsky).