dimanche 9 novembre 2014

:: 1989 : la fin du "bloc soviétique", la désagrégation du stalinisme, mais pas la fin du communisme

Certains dans les milieux bourgeois pavoisent parce que ce serait la fin du communisme ! Ceux-là n’auront pas des lendemains qui chantent ! Car la disparition par forfait du prétendu « bloc soviétique » aujourd’hui, pas plus que son existence pendant 40 ans, n’a jamais eu à voir avec le communisme... si ce n’est qu’il en était une odieuse contre-façon. La plus grande escroquerie du siècle ! 

Mais laissons les anti-communistes les plus frustres se féliciter du déclin de l’URSS sur la scène mondiale. Les politiciens ou journalistes liés aux milieux dirigeants américains eux, n’éprouvent pas la même jubilation. De leur côté, il y a une inquiétude évidente.


« Est-ce que le déclin de l’URSS est la clé d’un futur plus stable ? » , demande un certain Goldberg dans une revue de Washington. L’auteur n’est pas du tout sûr de la réponse ! « Beaucoup de gens prétendent », dit-il « que les démocraties sont forcément beaucoup plus pacifiques que les dictatures. Cela n’a rien d’évident, et l’histoire ne le prouve pas. En réalité, la guerre froide était dans le monde un élément de stabilité ». Et ce journaliste bourgeois américain ne raisonne pas seulement en fonction du bloc soviétique. Il ne constate pas seulement que les bureaucrates soviétiques ont contribué, depuis des décennies, au maintien de l’ordre impérialiste mondial. Il constate aussi que la division du monde a aidé les Américains à maintenir l’ordre dans leur bloc, dans ce « bloc occidental » rendu peut-être aujourd’hui plus fragile.

La prétendue « menace soviétique » ou autre « main de Moscou », a indéniablement aidé les Américains à faire passer leurs intérêts pour ceux de l’ensemble de l’humanité, du « monde libre » ils disaient. Et à faire accepter au monde entier, et en particulier aux travailleurs des pays riches, sans qu’ils réagissent, sans qu’ils se sentent vraiment concernés, quarante ans de massacres dans le Tiers-Monde. Aujourd’hui évidemment que la « menace soviétique » a fait son temps, est-ce que ça ne va pas être aussi pour l’impérialisme américain la « vérité des prix » ?

Les dirigeants américains s’inquiètent déjà pour la « solidarité occidentale » qui paraîtra vraisemblablement moins évidente, entre puissances impérialistes elles-mêmes, dont on constate qu’elles sont plus ou moins solidaires jusqu’à présent, mais néanmoins rivales. Et si les contradictions inter-impérialistes s’exacerbaient, est-ce que l’absence de ce « bloc soviétique » présenté comme irréductiblement opposé et antagoniste et contre lequel il fallait serrer les rangs, ne pourrait pas favoriser la réapparition de luttes âpres entre États impérialistes ? Est-ce que la tension des relations internationales entre le Japon et les États-Unis, entre l’Allemagne et le Japon, ou entre l’Allemagne et l’Angleterre ne pourrait pas être encouragée ? Cela dépend de la concurrence économique entre les impérialismes, certes. Leur lutte n’est pas à son état critique. Mais c’est un fait que si l’impérialisme américain n’apparaît plus comme le chef inconteste d’un bloc, le monde peut repartir...comme en 1914, ou comme en 1940 !

Nous n’en sommes pas là. Pas encore du moins, et pour le moment, ce qui inquiète les dirigeants du monde impérialiste, c’est la situation dans les pays pauvres. En fait dans tous les pays qui ne sont pas les quelques métropoles impérialistes.

L’économie impérialiste, même si elle ne retrouve pas la croissance des années 1950 à 1973 qui a marqué son « âge d’or » dit avoir surmonté les crises les plus graves des quinze ans passés, et connaître à nouveau une « reprise », lente mais sûre.

Le renforcement apparent de l’impérialisme n’est pas dû à sa dynamique économique interne ou à son absence de contradictions, ou à la puissance de l’économie de marché.

Entre les deux guerres, c’est son économie, ses contradictions, qui l’avaient conduit à une crise catastrophique génératrice de la crise révolutionnaire des années 30 et de la guerre mondiale qui a clos la même décennie.

Et si l’impérialisme s’est sorti sans encombre de la crise sociale et politique des années 30, c’est grâce à la trahison de la bureaucratie soviétique. Ce fut une intervention politique volontaire, car ces dirigeants craignaient la révolution prolétarienne encore plus, si c’est possible, que les dirigeants impérialistes pouvaient la craindre.

La Deuxième Guerre mondiale fut crainte par tous les dirigeants impérialistes, car ils avaient l’expérience de la façon dont la première s’était terminée, par une gigantesque crise révolutionnaire que avait secoué toute l’Europe et une partie de l’Asie.

Quand ils se sont engagés, à leur corps défendant, dans la Deuxième Guerre mondiale, ils savaient que la guerre à laquelle ils étaient acculés par les « mérites » de leur économie de marché, portait en elle ce risque majeur.

Mais Staline avait fait massacrer, dans la même décennie de 1930 à 1940, des dizaines de milliers de militants révolutionnaires, de militants communistes, en avaient démoralisé bien d’autres encore, avait laissé sacrifier des dizaines de milliers de militants communistes au fascisme en Allemagne, avait corrompu, du haut en bas, le mouvement ouvrier européen.

Et de plus, durant la guerre, il apporta un appui décisif à la politique impérialiste des alliés en stérilisant dans l’oeuf toute posibilité pour le prolétariat européen ou asiatique de retrouver spontanément la voie révolutionnaire.

Enfin, dans l’immédiat après-guerre, les dirigeants de l’URSS n’ouvrirent pas à l’immense réservoir de forces constitué par les révolutions coloniales, la possibilité de se transformer en révolution prolétarienne, facteur d’extension possible de détruire l’impérialisme, au lieu simplement de le gêner très momentanément.

Aujourd’hui les dirigeants de la bureaucratie russe ont joué leur partie jusqu’au bout et ils en sont victime. car l’impérialisme a survécu là où il aurait pu mourir mille fois, en prenant l’apparence, aux yeux du monde entier, d’un régime fort, idéal, en expansion, et qu’aucun autre régime, aucune autre société, ne peut contester.

Ceux qui annoncent aujourd’hui une « reprise économique » l’interprêtent en tout cas comme le fruit d’une exploitation toujours plus dure des travailleurs et des masses populaires, d’un creusement dramatique des inégalités. Autant dans les pays riches que dans les pays pauvres, même si les effets n’y sont encore les mêmes.

Et c’est ce qui inquiète les dirigeants de l’impérialisme. Ils savent bien que la prétendue disparition du communisme n’est pas un véritable succès politique pour eux. Ils savent bien que la prétendue reprise économique n’est est pas un non plus. Ils savent qu’ils n'ont pas à pavoiser. Ils savent que tout est pour le pire dans leur meilleur des mondes.

Ils savent qu’un système où on peut perdre chaque année davantage d’argent sur les tables de jeu du Nevada que les États-Unis n’en consacrent à l’aide au pays sous-développés, ou encore qu’un système où les Américains peuvent dépenser davantage en un an pour nourrir leurs chiens que ne dépensent les 600 millions de personnes qui ont faim dans le monde, qu’un tel système n’est ni défendable, ni tenable.

Un dénommé Georges Kennan, prétendu théoricien de la théorie du containment de l’URSS, en 1947, explique qu’il n’y avait vraiment plus rien à endiguer en URSS. Seulement des profits à y faire, peut-être. Par contre « s’il y a un danger réel pour les USA, c’est en nous-mêmes » écrit-il, « dans le Tiers Monde et sa misère » ... « c’est cela qu’on a aujourd’hui à « contenir » ».

Oui, ce n’est plus un « bloc » que l’impérialisme a à endiguer. C’est un monde. Et si les quelque quatre milliards 900 millions de prolétaires de la planète (à supposer qu’il y ait même cent millions de riches) décidaient d’en finir avec l’Apartheid par l’argent, on ne serait pas si loin que cela du communisme, et du vrai.

Car ce qu’on peut conclure de ces décennies d’explosion, puis de dégénérescence et de déclin de l’URSS, c’est que si le stalinisme a perdu, peut-être définitivement, la partie contre l’impérialisme, la classe ouvrière, elle, n’a perdu que des batailles mais pas la guerre de classe qui ne cessera qu’avec l’exploitation.