Il
est vain de se perdre en conjectures sur la réalité d’un retournement
de la situation économique ou d’un début de reprise. Des affirmations
dans ce sens se multiplient depuis quelques semaines dans les
déclarations des hommes politiques au pouvoir. Non seulement ces gens-là
n’ont guère de prise sur le fonctionnement de l’économie, mais leurs
discours obéissent à bien d’autres motifs que celui de décrire la
réalité des choses. Et ce qui est vrai pour tous les gouvernants l’est
encore plus pour un gouvernement socialiste. Le seul argument qui le
crédibilise auprès de la bourgeoisie, qu’il sert aussi fidèlement que la
droite, est d’être plus apte que celle-ci à faire passer des mesures
antiouvrières, avec la complicité des dirigeants syndicaux.
Les éléments cités pour illustrer la réalité d’une reprise, le
redémarrage des affaires aux États-Unis, en particulier dans
l’immobilier, la fin du tassement de la croissance en Chine, etc.,
pèsent bien peu à côté de la montée inexorable du chômage, de la
stagnation de la production industrielle, du recul du commerce
international. Les commentateurs à l’enthousiasme le plus débridé sont
obligés d’admettre que les chiffres avancés pour appuyer leur scénario
d’amorce de reprise sont faibles et aléatoires. Et, par-dessus tout,
pèsent de plus en plus sur l’économie la finance, les déplacements
spéculatifs dont les mouvements erratiques menacent la vie économique
mondiale de nouveaux effondrements.
La menace financière
Au cours des vingt dernières années, l’économie capitaliste a connu
une succession de secousses financières plus ou moins généralisées, plus
ou moins graves. La dernière en date, celle déclenchée par l’affaire
des subprimes en 2007-2008, a failli se traduire par un krach bancaire
généralisé, qui aurait eu des conséquences incalculables pour la vie
économique. Mais cet effondrement ne s’est pas produit. Moyennant des
interventions massives des États et des politiques monétaires,
l’économie mondiale a évité un effondrement du type de celui de 1929
avec ses suites.
Les moyens mis en œuvre pour enrayer cette catastrophe ont encore
amplifié la financiarisation de l’économie, avec comme conséquence
l’aggravation des menaces pour l’avenir ; ils ont aggravé le parasitisme
du grand capital et surtout la situation de la classe ouvrière.
La crise s’est traduite par une concentration croissante des
capitaux, renforçant encore la mainmise des plus puissants sur le reste
de l’économie. Elle a éliminé un certain nombre de canards boiteux du
capitalisme. Mais le taux de profit est globalement élevé, les
dividendes distribués également. Pour le moment, la grande bourgeoisie
n’a pas trop à se plaindre de la crise. Si tant est que les grands
bourgeois se préoccupent des intérêts de leur classe, et pas seulement
chacun de son propre coffre-fort, la grande bourgeoisie peut se bercer
d’un optimisme relatif et attendre les jours meilleurs de la reprise.
Le journal économique Les Échos des 13 et 14 septembre 2013 annonce d’ailleurs triomphalement en une : « Bourse : cinq ans pour effacer la crise du siècle »
(la recherche du sensationnel l’emportant pour le rédacteur, qui
néglige le fait que le siècle n’a que treize ans !). Cela dit, le
constat fait par le quotidien demeure : « Le CAC 40 retrouve son niveau de septembre 2008, au moment de la faillite de Lehman » et, « en un peu plus d’un an, il a progressé de 40 % pour s’installer au-dessus des 4 000 points. »
Ce rebond considérable de la valeur des actions ne donne évidemment
qu’une image très approximative de la situation économique réelle. Et,
avec la quantité de liquidités déversées en permanence dans l’économie
par les États, ce miroir est de plus en plus déformé par la spéculation.
Cette hausse de la Bourse reflète sans doute l’anticipation par le
grand capital d’une reprise de l’économie. Mais cela n’en reste pas
moins un pari spéculatif. En effet, un des problèmes majeurs de
l’économie avec la financiarisation croissante est que les profits de la
sphère financière viennent, en dernier ressort, de l’exploitation dans
la sphère productive et que, pour reprendre la fameuse expression chère
aux boursicoteurs, « l’arbre ne peut pas monter jusqu’au ciel ». Un
décalage trop important entre l’économie productive et les anticipations
boursières ne peut guère perdurer et l’économie productive finit
toujours par se rappeler au bon souvenir des capitalistes.
L’optimisme inquiet de la bourgeoisie pour ses profits
Le fait est cependant que ce triomphalisme concernant l’avenir
illustre l’optimisme présent de la bourgeoisie et son espoir que les
profits des entreprises, que l’exploitation accrue de la classe ouvrière
a permis de sauvegarder pendant la crise, continueront à prospérer. Et
tant que les profits présents font espérer des profits plus élevés
demain, au diable l’avenir à plus long terme, quand bien même le journal
économique Les Échos, toujours dans son édition des 13 et 14 septembre, affirme dans les pages intérieures que « la grande finance a retrouvé de grands profits. Mais une saine et solide croissance économique n’est toujours pas là . » Ou encore : « La finance demeure intrinsèquement un facteur d’instabilité pour l’économie mondiale. »
Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale
européenne (BCE), qui se flatte du rôle des dirigeants des banques
centrales – dont lui-même – dans le sauvetage de l’économie, à coups de
centaines de milliards, en 2008 et après, ajoute cependant : « Nous sommes encore dans une situation dangereuse. » En en appelant aux États et aux banques pour mettre leurs affaires en ordre, il complète : « Sinon, la période présente n’aura servi qu’à préparer la prochaine crise. »
Depuis son sauvetage par les États en 2008, le système bancaire reste
sous perfusion. 85 milliards de dollars par mois déversés rien que par
la banque centrale américaine pour racheter des bons du Trésor, des
obligations d’État et des crédits hypothécaires, c’est-à-dire pour faire
marcher la planche à billets. Mais cette perfusion ne sert même pas à
soulager l’économie malade. Elle alimente pour ainsi dire directement la
spéculation. Celle qui porte sur les taux de change s’est, à elle
seule, accrue de 35 % dans l’année.
La grande crainte des dirigeants américains est néanmoins qu’arrêter
la perfusion, si une reprise s’amorçait, provoquerait ce krach financier
qu’ils se sont donné tant de mal à éviter en 2008.
Les porte-parole les plus lucides de la bourgeoisie, du genre de
Trichet, se gardent bien de donner dans l’optimisme béat. Mais leur mise
en garde est une façon aussi de suggérer que, pour les classes
populaires, le temps des sacrifices n’est pas terminé.
« Tant que le capitalisme n’aura pas été brisé par une révolution
prolétarienne, il vivra les mêmes périodes de hausse et de baisse, il
connaîtra les mêmes cycles. (L’alternance entre) les crises et les améliorations (est propre) au capitalisme dès le jour de sa naissance ; elle l’accompagnera jusqu’à sa tombe », écrivait Trotsky, commentant la crise de 1920-1921.
En d’autres termes, les marxistes, en considérant les pulsations
cycliques de l’économie capitaliste, n’en concluent nullement qu’une
crise conduit à l’effondrement du capitalisme et que la perspective
d’une révolution sociale peut résulter de cet effondrement.
La domination de la bourgeoisie sur la société d’aujourd’hui ne
s’écroulera que sous l’action consciente de la classe révolutionnaire
porteuse de l’avenir, le prolétariat.
Aussi, sur la question de la reprise ou pas, les marxistes n’ont pas
plus que quiconque le don de prévoir l’évolution de l’économie. Mais ce
sont les porte-voix mêmes de la bourgeoisie qui relèvent la fragilité de
l’économie, les menaces qui découlent de la financiarisation, et qui
donnent finalement tous les arguments pour douter de la moindre amorce
de reprise ailleurs que dans l’optimisme professionnel des dirigeants
politiques.
Une reprise hypothétique n’arrêterait pas l’offensive de la bourgeoisie contre les exploités
Au-delà de la discussion oiseuse sur la réalité d’une prochaine
reprise, il est important de comprendre que, si la crise perdure et à
plus forte raison si une nouvelle crise financière se traduit par un
effondrement brutal de la production, cela aura des conséquences
catastrophiques, pour la classe ouvrière comme pour toute la société.
Mais il est tout aussi important de garder à l’esprit que, même si la
reprise s’amorçait, cela ne signifierait absolument pas la fin de
l’offensive de la bourgeoisie contre la classe ouvrière.
Le grand capital a profité de la crise pour accroître le rapport des forces en sa faveur face à la classe ouvrière.
Sur le plan matériel, c’est une évidence. La condition ouvrière ne
cesse de se dégrader au fil de la crise. L’aspect le plus catastrophique
de cette dégradation est certainement le chômage, qui écarte de
l’activité productive une part croissante de la classe ouvrière, la
privant d’un salaire régulier. La généralisation de la précarité, la
dégradation des protections sociales s’ajoutent au chômage pour pousser
l’ensemble de la classe ouvrière sur la voie de la paupérisation.
Le poids de la fraction paupérisée du prolétariat pèse pour ainsi
dire physiquement sur l’ensemble de la classe ouvrière. Le caractère
même de la crise, qui a pris la forme d’une dégradation longue et
continue, fait qu’un grand nombre de travailleurs sont transformés en
chômeurs de longue durée, sans espoir de retrouver du travail.
Le changement du rapport des forces entre la bourgeoisie et le
prolétariat se reflète dans le fait qu’en ces années de crise la
bourgeoisie a augmenté de façon considérable sa part dans le revenu
national au détriment de la classe ouvrière. Il se reflète autant et
plus encore dans le moral et dans les consciences. Face à une
bourgeoisie triomphante, alors même que son économie est en crise, la
classe ouvrière est démoralisée et ne croit pas en l’avenir.
Cette situation est un élément essentiel du rapport de force. Face à
la domination du capital sous sa forme la plus parasitaire et la plus
abjecte, celle de l’argent-roi, la classe ouvrière se sent désarmée.
Le grand capital a réussi à faire de la crise de son économie une
arme de guerre efficace contre la classe ouvrière. Il reprend tout ce
qu’il avait dû céder dans les luttes de la classe ouvrière par le passé,
ou, à titre préventif, dans la crainte de telles luttes dans un avenir
proche.
Même en cas de reprise économique, la bourgeoisie n’a aucune raison
de revenir en arrière sur ce que le rapport de force qu’elle a réussi à
établir lui a permis d’imposer en défaveur du prolétariat. Elle n’y a
pas intérêt politiquement. Elle a un sens aigu du rapport de force avec
la classe ouvrière, car la permanence de l’exploitation et le montant de
ses profits en dépendent. Et c’est particulièrement frappant en cette
période de crise. Car, si la financiarisation de l’économie redistribue
les cartes du point de vue de la profitabilité des différentes formes du
grand capital, en premier lieu entre des placements financiers, bien
plus et plus immédiatement rentables que les investissements productifs,
la classe capitaliste s’est bien sortie de la crise jusqu’à maintenant,
en parvenant à accroître la plus-value globale extraite de la classe
ouvrière. Autrement dit, par l’exploitation accrue de cette dernière. Et
cette exploitation accrue est liée au rapport de force.
Conscience de classe et rapport de force
Le rapport de force global entre la bourgeoisie et le prolétariat est
cependant indissociable d’éléments subjectifs, tels le degré de
conscience du prolétariat et l’état du mouvement ouvrier organisé qui
l’incarne. Et c’est là où les dégâts de la crise actuelle de l’économie
capitaliste et de toutes ses conséquences sont les plus graves.
Oh, dans ce domaine, le recul de la conscience de classe du
prolétariat est un mouvement qui ne date pas d’hier. La crise présente a
surtout poussé très loin une régression de très longue durée ! Depuis
des décennies, le réformisme social-démocrate, relayé et aggravé par le
stalinisme, a dénaturé, transformé les idées révolutionnaires dont le
prolétariat était porteur en édulcorant, en faisant oublier,
progressivement ou brutalement, l’idée même de la lutte de classe
prolétarienne et ses perspectives historiques.
Dans la présente crise, la bourgeoisie n’éprouve même plus le besoin
de déguiser ses préoccupations derrière les discours aussi lénifiants
que mensongers de dirigeants se revendiquant en paroles du socialisme ou
du communisme. Elle impose, cette fois-ci ouvertement, ses valeurs en
les présentant comme celles de toute la société. L’expression « classe
ouvrière » elle-même disparaît du vocabulaire pour être remplacée par
« classe moyenne ».
Un des signes tangibles de cette évolution est évidemment, en France,
la montée du Front national. Elle est, pour le moment, essentiellement
électorale. Si cette montée dans les milieux petits-bourgeois constitue
une menace grave et pour la classe ouvrière et pour la société, en
facilitant la mobilisation de la petite bourgeoisie sur une base
réactionnaire et antiouvrière, pour le moment cette menace est
potentielle et subordonnée à l’évolution de la situation générale et de
la crise. Son aspect le plus inquiétant est l’attraction exercée par le
Front national sur la fraction la plus démoralisée et la plus
désorientée de la classe ouvrière.
Contrairement à ce que croient les imbéciles et les gauchistes au
sens propre du terme, cette influence électorale du FN parmi les
travailleurs ne se combat pas avec des slogans du genre « le fascisme ne
passera pas », ni en échangeant quelques coups de poing avec les
militants d’extrême droite. Le problème fondamental est la nécessité que
la classe ouvrière renoue avec ses perspectives de classe et avec les
valeurs du mouvement ouvrier.
La montée des pratiques religieuses, de l’influence d’organisations
politiques islamistes, le repliement communautaire expriment, par-delà
leurs différences profondes, la même évolution réactionnaire que
l’influence du Front national.
Car il ne faut pas perdre de vue qu’une partie importante de la
classe ouvrière en France, en particulier dans son noyau le plus
exploité de l’industrie et du bâtiment, est composée de travailleurs
d’origine maghrébine et plus généralement africaine.
La responsabilité des ex-partis ouvriers et des bureaucraties syndicales
Et c’est là où est grande la responsabilité historique des courants
réformistes du mouvement ouvrier, devenus depuis longtemps des partis de
gauche de la bourgeoisie. En bradant les valeurs du mouvement ouvrier,
en les dénaturant, ils les ont dévalorisées. En cessant de combattre
l’ordre bourgeois et, pire, en le servant ouvertement au niveau
gouvernemental, ils ont assumé et, pour ce qui est du PS, assument
aujourd’hui la responsabilité de toutes ses tares. Et ils les assument
plus particulièrement et très directement dans le monde ouvrier.
La pénétration de l’influence du FN aussi bien que, dans un autre
ordre d’idées, des courants islamistes réactionnaires repose sur
l’affaiblissement de la conscience d’appartenir à une seule et même
classe sociale par-delà l’origine, la corporation ou la nationalité.
L’individualisme, le chacun pour soi ont largement pris la place du sens
de l’intérêt collectif ; la débrouillardise individuelle, celle de
l’action et de la solidarité de classe. Le lumpen-prolétariat et son
influence corrosive sont aussi anciens que le prolétariat lui-même, et
le mouvement ouvrier conscient a toujours eu à les combattre. Mais
justement, l’adoration de l’argent facile et la loi de la jungle
capitaliste pénètrent d’autant plus facilement dans les quartiers
populaires aujourd’hui qu’il n’y a pas, en face, un mouvement ouvrier
conscient solide, fier de ses valeurs et de ses combats et capable de
les propager, en particulier dans la jeunesse.
Cette conscience-là, si elle a ses racines objectives dans l’identité
des intérêts des prolétaires qui ont en commun d’être exploités,
résultait de décennies d’activité du mouvement ouvrier conscient. C’est
cette activité consciente, volontariste, qui a d’abord été dénaturée
puis abandonnée.
Les directions des grands partis qui avaient des liens historiques
avec la classe ouvrière, comme les directions syndicales, ont repris à
leur compte les idées, les justifications, jusqu’aux mots même de la
bourgeoisie : compétitivité, nécessité de rembourser la dette, intérêt
national… Ces partis comme ces syndicats n’éprouvent même plus le besoin
d’utiliser un certain langage hérité du passé et de la lutte de classe
pour tromper les travailleurs, pour dissimuler le fait qu’ils sont au
service des intérêts de la bourgeoisie.
Pour ne citer que cet exemple, dès l’aube du mouvement ouvrier
politique Marx mettait en garde les prolétaires de son temps contre le
fait de laisser pénétrer dans leurs rangs la concurrence, idée propre à
la bourgeoisie.
Aujourd’hui, c’est sans honte que partis ex-ouvriers et chefs
syndicaux reprennent à leur compte et comme allant de soi le mot et la
notion de compétitivité.
Dans le Programme de transition, Trotsky affirmait : « La crise actuelle de la civilisation humaine est la crise de la direction du prolétariat », pour fixer comme tâche aux communistes révolutionnaires de son époque d’« affranchir
le prolétariat de la vieille direction dont le conservatisme se trouve
en contradiction complète avec la situation catastrophique du
capitalisme à son déclin et constitue le principal obstacle au progrès
historique ».
Ce programme a été rédigé en 1938, à une époque où la crise de 1929
et ses suites avaient engendré de grandes convulsions sociales, où se
posait objectivement la question de savoir qui, de la bourgeoisie ou du
prolétariat, allait diriger la société. À cette époque, la classe
ouvrière était présente sur la scène politique avec un grand nombre de
militants encadrés et organisés. L’incapacité des directions à mener le
prolétariat jusqu’au bout de son combat, conduit dans l’impasse
notamment en France et plus encore en Espagne par la politique des
Fronts populaires, avait débouché sur la Deuxième Guerre impérialiste
mondiale.
Les exhortations de Trotsky, dans le Programme de transition,
étaient non seulement le constat de la trahison des directions
staliniennes et social-démocrates, mais aussi une façon d’affirmer sa
conviction que la classe ouvrière saurait se relever.
Dans la crise présente, la crise des directions ne se limite pas aux
dirigeants et aux appareils, mais se traduit aussi par l’affaiblissement
du milieu militant qui existait dans la classe ouvrière.
Mais l’histoire du mouvement ouvrier a connu bien des périodes plus
ou moins longues où, notamment après une défaite, la classe ouvrière a
su relever collectivement la tête. Un des aspects de ces reprises de
confiance a toujours été la capacité qu’avait le prolétariat de faire
émerger en son sein de nouvelles générations de militants.
En parlant du rôle démobilisateur et criminel du stalinisme en
Allemagne dans les années qui ont précédé l’arrivée du fascisme au
pouvoir, Trotsky affirmait : « La classe ouvrière allemande se relèvera, mais le stalinisme, jamais. »
La classe ouvrière relèvera la tête
Que la crise continue ou, peut-être plus encore, si une reprise
s’amorce, la classe ouvrière retrouvera sa combativité. Bien souvent
dans le passé, c’est précisément au moment de la reprise que les luttes
ouvrières ont redémarré avec vigueur. Et, dans cette reprise de
combativité, un rôle essentiel reviendra aux nouvelles générations qui
n’ont pas connu les déceptions du passé.
L’avenir dira autour de quels axes se produira le nouvel élan de la
classe ouvrière et autour de quelles idées se retrouveront ses meilleurs
éléments militants.
Les appareils réformistes hérités du passé, bien que fossilisés,
partiront bien sûr avec un certain avantage, ne serait-ce qu’à cause de
leur présence de longue date dans le monde ouvrier. Il serait dans
l’ordre des choses que l’éveil de la classe ouvrière passe, dans un
premier temps, par le renflouement des vieilles organisations
réformistes, tout au plus badigeonnées en rouge, peut-être autour de
nouveaux « sauveurs suprêmes » qui auront réussi à faire passer de
vieilles idées pour des nouveautés.
Si ces organisations devaient rester les seules à proposer une
politique pour la renaissance ouvrière, cela déboucherait inévitablement
sur de nouvelles trahisons.
Voilà pourquoi il est vital, et, par certains côtés, plus encore dans
cette période de recul, de défendre les perspectives communistes
révolutionnaires.
Voilà pourquoi il ne s’agit pas d’ajouter un peu de rouge au langage
réformiste ni de trouver de nouveaux terrains de recrutement autour des
préoccupations qui concernent la petite bourgeoisie, mais de se
revendiquer le plus clairement possible de la lutte de classe du
prolétariat et de sa perspective ultime qui est d’arracher le pouvoir à
la bourgeoisie afin de changer de fond en comble l’organisation
économique et sociale.
Seule la renaissance des luttes ouvrières peut redonner à ces idées
force et crédibilité. Les communistes révolutionnaires n’ont pas le
pouvoir de susciter cette renaissance, qui résultera de la prise de
conscience moléculaire de centaines de milliers, de millions de
prolétaires. Mais il faut qu’ils saisissent toutes les occasions
politiques et, pour ce qui est de l’avenir immédiat et/ou prévisible,
les prochaines échéances électorales sont une de ces occasions de lever
le drapeau de l’émancipation sociale.
Affirmer des idées communistes révolutionnaires est, dans la période
actuelle, aller à contre-courant. Dans le contexte de triomphe des
valeurs de la bourgeoisie, de démoralisation et de recul de la
conscience dans la classe ouvrière, défendre les idées communistes
révolutionnaires implique de savoir affronter l’hostilité ou, peut-être
pire, l’indifférence.
Mais – faut-il le rappeler ? – le courant qui a maintenu le drapeau
du communisme révolutionnaire à l’époque où la barbarie nazie et la
réaction stalinienne plongeaient le monde dans la plus noire des
réactions, quand il était « minuit dans le siècle », l’a fait dans des
conditions autrement plus difficiles. Et l’emprise stalinienne sur le
mouvement ouvrier ici même, en France, et la chasse aux communistes
révolutionnaires se sont prolongées bien au-delà de la mort de Staline.
La réalité objective pèse bien plus lourd que l’activité des
communistes révolutionnaires, en tout cas jusqu’à ce qu’un retournement
se produise dans l’état d’esprit de la classe ouvrière. Le recul des
consciences favorisera les faiseurs de miracles, ceux qui prétendent
découvrir de nouveaux chemins alors qu’ils n’ont fait qu’oublier les
anciens.
Mais cette période a au moins un avantage qu’il faut saisir, c’est la
visibilité qu’elle peut procurer même à de petites organisations. Sur
le fond d’apathie et de recul du milieu militant dans la classe
ouvrière, ceux qui ne sont pas démoralisés, ceux qui gardent leurs
capacités militantes, surtout leurs idées et leur confiance en la
capacité de la classe ouvrière à retrouver le chemin de la lutte mais
aussi à renouer avec son rôle historique, sont plus perceptibles.
Ils ne seront pas suivis dans un premier temps ? Certes. Mais le jour
où la classe ouvrière commencera à chercher des solutions, lorsque les
premiers femmes et hommes, les jeunes, retrouveront l’envie d’agir, les
militants aujourd’hui isolés seront en situation d’être les points de
fixation autour desquels s’aggloméreront des dizaines ou des centaines
d’autres.
Personne ne peut prédire quand et comment une telle situation se
produira. En tant que marxistes, nous avons la profonde conviction que
le communisme révolutionnaire est « l’expression consciente d’un
processus inconscient ». Si le prolétariat est capable de reprendre à
son compte les idées de lutte de classe et s’il est le seul à pouvoir
les pousser jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au renversement du pouvoir
de la bourgeoisie, c’est que ces idées résultent du mouvement même de
la société, du mouvement même de l’histoire. Tôt ou tard, elles
triompheront.
[source]