Pourquoi une candidature communiste ?

Mais qu’est-ce qu’être communiste aujourd’hui ?
C’est avoir pour programme le renversement de la dictature de
la classe capitaliste sur une économie qu’elle conduit à la
ruine. C’est militer pour l’expropriation de la grande bourgeoisie, afin
que les richesses et les moyens de les produire soient mis sous le
contrôle exclusif de la collectivité de ceux qui travaillent et produisent.
Ainsi la production serait consacrée à la satisfaction des besoins de tous
au lieu de laisser l’économie guidée par la recherche du profit privé. Il
est inacceptable qu’une minorité de privilégiés puisse transformer en
biens privés ce qui résulte de l’effort de tous. Il est irrationnel que
l’humanité, qui accroît sans cesse sa maîtrise sur la nature, soit désarmée
devant ce qui résulte de sa propre activité, que la crise et la
spéculation soient plus menaçantes pour la société que les fléaux
naturels. Le communisme, c’est permettre à la collectivité de maîtriser
son activité économique afin que tous les êtres humains accèdent de
façon égale aux biens matériels et culturels que la société est capable
de produire en ce 21e siècle. Cette perspective ne pourra se réaliser que
si la classe ouvrière, la classe de ceux qui n’ont que leur travail pour
vivre, enlève le pouvoir à la bourgeoisie et à ses représentants pour
l’exercer elle-même, collectivement et démocratiquement.
La crise ne devrait-elle pas inciter les différentes classes
sociales à se serrer les coudes ?
C’est ce qu’essayent de nous faire croire les privilégiés, tous
ceux qui continuent à s’enrichir pendant que les licenciements se
multiplient, que le chômage s’aggrave, et qu’un nombre croissant de
travailleurs tombent dans la pauvreté. Ce ne sont pas les communistes
qui prônent la lutte des classes, ce sont les possédants, le grand
patronat, les puissances d’argent qui la mènent. La seule question qui
vaille pour les exploités est de savoir s’ils acceptent, résignés, les
coups que leur portent ceux qui dominent la société, ou s’ils se battent
pour leur droit à une existence digne.
Pourquoi la solidarité nationale est-elle une tromperie ?
La minorité qui continue à s’enrichir malgré la crise y parvient
en appauvrissant la majorité. La « solidarité nationale » prônée par les
dirigeants politiques est destinée à dissimuler cette réalité. On essaye
de nous faire croire que ce qui est bon pour les banquiers et le
grand patronat est bon pour toute la société. C’est un mensonge. En
répétant, par exemple, que le remboursement de la dette de l’État est un
impératif qui concerne tout le monde, on nous trompe doublement. L’État ne
s’est pas endetté pour aider les plus pauvres à sortir la tête de l’eau,
mais pour inonder d’argent les grandes entreprises capitalistes et les
banquiers. C’est à ceux qui ont profité des emprunts de rembourser, pas à
la majorité qui n’en a pas vu la couleur. Et puis, accepter une logique
qui garantit le profit des banquiers mais qui refuse de garantir l’emploi
et le salaire, le seul moyen d’existence de la majorité exploitée de la
population, ce serait bénir le fouet avec lequel les grands possédants
frappent ceux dont ils s’approprient les fruits du travail.
Quels sont les vrais maîtres de la société ?
Rarement il a été aussi patent que pendant cette crise que le
grand capital, les financiers, les monopoles nationaux et internationaux
imposent leur loi à tous, même lorsque leurs décisions sont
catastrophiques pour toute la société. Les chefs d’État s’inclinent devant
leur puissance et exécutent servilement leurs exigences. Ils ont tous,
de Sarkozy à Obama, poussé les hauts cris au début de la crise financière,
contre les banquiers, les spéculateurs, et contre leur comportement irresponsable.
Ces criailleries n’ont duré qu’un temps. Ils n’ont rien fait contre ces «
irresponsables ». Mieux, ou pire pour la société : ils continuent à leur verser
des milliards que ces irresponsables utilisent pour spéculer comme avant,
mais à une échelle toujours plus grande. Les milliards empochés par cette
minorité sont prélevés sur la majorité de la population. Les plans
d’austérité qui se généralisent partout constituent la facture qu’ils
présentent aux pauvres pour que ces derniers payent la générosité des
États envers les banquiers et les riches. La seule politique correspondant
aux intérêts de la majorité de la société serait d’exproprier les banques
et les entreprises financières sans indemnité ni rachat et de soumettre
leur activité au contrôle de la population. Cela exige de les affronter au
lieu de leur obéir.
Mais écarter Sarkozy de la présidence ne serait-il pas un
premier pas, même modeste, dans le sens du changement ?
Sarkozy et son équipe, cyniques serviteurs des riches, sont
vomis par le monde du travail. Mais ceux qui disent qu’il faudrait le
mettre dehors savent au fond d’eux-mêmes qu’ils n’ont rien à attendre de
l’arrivée au pouvoir d’un Hollande. Et, avec juste raison. Le véritable
pouvoir n’est pas entre les mains de ceux qui sont élus, députés,
sénateurs ou même président de la République. Il est dans les conseils
d’administration des grandes entreprises capitalistes et des banques, il
est entre les mains des états-majors de l’armée et de la police, des hauts
fonctionnaires qui ne sont pas élus et qui restent dans l’ombre mais qui
assurent la permanence de la politique. Les gouvernements peuvent changer,
le président aussi, mais ils ne sont que des fusibles destinés à sauter si
le mécontentement, si grand soit-il, ne s’exprime que dans les urnes. Les
hauts serviteurs de l’État, dévoués corps et âme à la classe sociale qui
domine la société, la bourgeoisie capitaliste, restent en place,
continuent à faire tourner la machine et à mettre à exécution la politique
exigée par les puissances d’argent.
Un autre gouvernement ne pourrait-il pas mener une autre
politique, un peu plus équitable, au moins envers les
travailleurs, les chômeurs, les retraités ?
Par ces temps de crise, moins que jamais, du moins si le
gouvernement n’est pas soumis à une pression d’en bas tellement
puissante que les possédants eux-mêmes lâchent du lest de peur d’avoir
tout à perdre. Même des dirigeants qui seraient bien disposés à l’égard
des classes exploitées se heurteraient au mur de l’argent et à la
puissance du grand patronat et de tous ses serviteurs à tous les niveaux
de l’appareil d’État.
Et, de plus, le passé a prouvé maintes fois que le Parti
socialiste, quand il est au gouvernement, n’est bien disposé à l’égard des
classes populaires que dans la mesure où cela ne touche pas les intérêts
de la grande bourgeoisie. Mitterrand aussi bien que Jospin ont renié
les quelques engagements qu’ils avaient pris vis-à-vis des travailleurs
et les ont déçus. C’est bien pourquoi il ne peut pas être question
pour des communistes révolutionnaires de participer à un gouvernement qui,
étant donné le rapport des forces actuel entre exploiteurs et exploités,
est inévitablement le « conseil d’administration » de la bourgeoisie.
Mais comment changer la vie si ce n’est pas par les élections
?
Pas par le changement de gouvernement dans le cadre du jeu
institutionnel conçu et mis en place pour préserver la domination
sociale de la bourgeoisie capitaliste. Il n’y a de salut pour la classe
exploitée que dans la révolte, dans les luttes sociales assez puissantes pour
briser ce cadre et mettre en cause le pouvoir économique et social de
la grande bourgeoisie.
Y a-t-il encore une force assez puissante pour mettre en
cause le pouvoir de l’argent et de ceux qui le possèdent, dans la
société d’aujourd’hui, très diversifiée, très complexe ?
Aussi complexe que soit la société moderne, elle est composée
en majorité de femmes et d’hommes qui n’ont pour vivre que leur
capacité de travailler et le salaire qu’ils touchent en contrepartie de
leur travail.
Leurs métiers peuvent être extrêmement divers, leurs formations
aussi et, bien sûr, la vie d’un ingénieur correctement payé, d’un pilote
d’avion, n’est pas la même que celle d’un ouvrier sur chaîne ou d’une
caissière de supermarché. Ils ont cependant en commun qu’en perdant leur
emploi, ils perdent tout car ils n’ont pas de capital pour vivre en
parasites en exploitant les autres. Ils n’ont aucune raison objective de
défendre le pouvoir du grand capital car, de capital, ils n’en possèdent
pas. Les intérêts de ceux qui possèdent des capitaux ne sont pas les
leurs. Toute cette classe sociale a encore une chose en commun :
c’est grâce à son travail que la société fonctionne. C’est sa place
décisive dans la production, son nombre, qui lui donnent la force susceptible de
s’opposer à la force de l’argent. Mais cette force ne peut se déployer vraiment
que si les exploités prennent conscience de l’identité fondamentale de
leurs intérêts et de l’antagonisme fondamental entre leurs intérêts
communs et ceux de la grande bourgeoisie.
La lutte des salariés pour refuser les sacrifices que le
grand patronat et le gouvernement leur imposent n’est-elle pas l’expression
d’un égoïsme catégoriel, comme le répètent si souvent ceux qui gouvernent
?
Non : là encore, c’est l’idée que voudraient nous imposer tous
ceux qui servent la soupe aux riches. Ils présentent l’avidité de nos
exploiteurs comme une vertu, et les réactions défensives des exploités
comme de l’égoïsme par rapport à « l’intérêt national ». Ils ne cessent de
s’en prendre, dans la presse ou à la télévision, à ceux qui sont en grève,
les accusant de « prendre en otages » tantôt les usagers, tantôt des
consommateurs, alors même que ce sont les banquiers qui rackettent toute
la population !
Les salariés, en y incluant évidemment les chômeurs et les
retraités, constituent la majorité de la population. La majorité, surtout,
de la population active. C’est leur travail qui fait fonctionner toute la
société.
C’est cette classe sociale qui produit dans les usines, sur les chantiers, qui
assure la manutention et la vente dans les grandes chaînes de distribution.
C’est elle qui assure l’organisation du travail dans les entreprises et la
gestion des banques. C’est elle qui fait rouler les trains, voler les avions.
C’est elle qui enseigne dans les écoles, soigne dans les hôpitaux. Elle
est la principale classe productive. Toute la vie sociale et économique
repose sur son travail. Elle a le droit et le devoir moral, humain, de
défendre ses conditions d’existence.
Pourquoi parlez-vous tout le temps de « travailleurs », et
pas de « chômeurs » ?
Les chômeurs font partie intégrante de l’ensemble des
travailleurs. S’ils n’ont pas d’emplois, ce n’est pas en raison d’un choix
personnel, pas plus qu’en raison d’un niveau insuffisant de qualification
ou d’une formation inadaptée, comme le prétendent ceux qui gouvernent.
S’ils sont chômeurs, c’est parce qu’ils ont été licenciés ou, pour ce qui
est des jeunes en particulier, parce que le système en crise n’offre pas
assez d’emplois.
Avec l’aggravation de la crise, toutes les catégories
professionnelles peuvent être poussées vers le chômage, les travailleurs
non qualifiés aussi bien que des ingénieurs ou des chercheurs hautement
qualifiés. En fait, à quelque catégorie de salariés qu’ils appartiennent,
les travailleurs sont tous des chômeurs en puissance. Et le combat contre
le chômage doit être l’objectif de l’ensemble des travailleurs, y
compris et surtout de ceux qui ont encore un emploi parce qu’ils ont le
plus de moyens pour peser sur le grand patronat. Font partie
intégrante de la classe ouvrière, tout autant que les chômeurs, ceux que
les aléas de la vie, et de la vie professionnelle en particulier, ont mis
dans l’incapacité de travailler : handicapés, accidentés du travail,
allocataires de toute sorte.
Mais comment se défendre lorsque le chômage s’accroît et que
les patrons peuvent d’autant plus mettre à la porte les récalcitrants
qu’ils trouvent facilement des chômeurs contents d’être embauchés, même
pour moins cher ?
Il est vrai que le chômage rend le rapport de forces plus
favorable au patronat. Mais pour nombreuses que soient les entreprises qui
ferment, bien plus nombreuses sont celles qui tournent. Elles ont
beau faire une part importante de leurs profits dans les opérations
financières, l’accroissement global des profits de la bourgeoisie vient
tout de même des bénéfices résultant de l’exploitation des travailleurs.
Si la classe ouvrière arrêtait de produire, ce sont tous les profits, y
compris ceux qui sont réalisés dans les spéculations financières, qui
s’écrouleraient. La classe ouvrière a les moyens et la possibilité de se
défendre tout autant qu’avant la crise. Ce que la crise et le chômage ont
changé, c’est qu’on ne peut plus défendre efficacement ses conditions
d’existence dans le cadre d’une seule catégorie, d’une seule entreprise ou
d’une seule profession. L’ensemble du monde du travail a le même
intérêt fondamental à imposer aux possédants capitalistes ses exigences.
La lutte d’ensemble, seule, permet à la classe ouvrière de déployer
toute sa force. La pire des choses pour la classe ouvrière serait de ne
pas savoir surmonter les divisions artificielles imposées par la
bourgeoisie. La pire des choses serait que les travailleurs qui n’ont pas
de travail voient en ceux qui en ont des adversaires, et que ceux qui en
ont craignent que les chômeurs prennent leur place. La pire des choses
serait que les travailleurs cherchent dans leurs propres rangs des boucs
émissaires : travailleurs immigrés, travailleurs précaires, femmes, jeunes
ou anciens.
Comment imposer les exigences vitales des travailleurs ?
Elles ne peuvent être imposées que par une lutte collective des
travailleurs, suffisamment massive, suffisamment explosive, pour menacer
réellement la classe capitaliste. Nul ne peut prédire quelle injustice
patronale, quelle provocation contre les travailleurs, quelle mesure
gouvernementale, déclenchera cette vague puissante. Ce qui est certain, c’est
que c’est une nécessité car la classe capitaliste ne lâchera rien sans sentir
la colère ouvrière et la menace sur ses profits et sur sa fortune. Ce qui peut,
en revanche, être prévu et préparé, ce sont les revendications qui
permettraient d’unir tous les travailleurs autour d’objectifs qui leur sont
communs.
Voilà pourquoi il est nécessaire d’établir un programme de lutte,
d’en débattre et de le populariser dans le monde ouvrier bien avant que sonne
l’heure de la mobilisation.
Quels sont les objectifs à imposer aux possédants et aux
gouvernements, quels qu’ils soient ?
Le premier fléau qui frappe la classe ouvrière en cette période de
crise est le chômage. Face aux licenciements, il faudra imposer l’interdiction
de tout licenciement, quitte à ce que les entreprises concernées répartissent
le travail entre tous sans diminution de salaire. Pour financer cela, il faut
prendre sur les profits des entreprises qui seraient infiniment mieux utilisés
de cette façon qu’en étant distribués aux actionnaires et placés sur les
marchés financiers, c’est-à-dire dans la spéculation. Si, la crise s’aggravant,
les profits du présent ne suffisaient pas, il faudrait alors puiser dans les
profits du passé, accaparés par les propriétaires et actionnaires des
entreprises et accumulés dans des fortunes privées. Il faut aussi imposer à
l’État qu’il revienne sur la politique aberrante qui consiste à supprimer des
emplois dans les services publics, aggravant ainsi le chômage tout en diminuant
la qualité du service. Il n’y a pas trop d’enseignants, pas trop de personnel
dans les hôpitaux, pas trop de postiers, pas trop d’agents dans les transports
publics, pas trop de personnel technique un peu partout. Il faut imposer à
l’État la création de nouveaux services publics, en commençant là où le secteur
privé est manifestement défaillant comme dans le domaine de la construction de
logements corrects mais à prix abordables pour les revenus modestes ou, encore,
dans le domaine de l’aide aux personnes âgées et dépendantes.
Face à la dégradation du pouvoir d’achat, aussi bien du fait des
hausses de prix qui s’accélèrent que des taxes et prélèvement divers imposés
par l’État, il faut une augmentation générale de tous les salaires, retraites
et pensions. C’est indispensable pour rattraper le pouvoir d’achat déjà perdu
au fil du temps. Les 1 700 euros revendiqués par certaines centrales syndicales
devraient être un minimum net qui ne puisse pas souffrir d’exception. Pour
l’avenir, il faut que le pouvoir d’achat soit garanti par l’échelle mobile,
l’indexation des salaires, retraites et pensions sur les hausses de prix,
mesurées par la population elle-même, mobilisée pour cela, et pas par des
officines gouvernementales. Face à l’attitude du grand patronat qui consiste à
détourner les profits des entreprises vers des opérations financières, vers une
spéculation catastrophique pour l’économie, il faut mettre fin au pouvoir
absolu des conseils d’administration sur les entreprises et, partant, sur
l’économie. Les entreprises sont les lieux où se crée la richesse sociale grâce
à la collaboration de milliers de travailleurs, de la base à l’encadrement.
L’activité sociale et ce qui en résulte ne doivent pas dépendre d’un petit
comité secret au pouvoir dictatorial qui représente exclusivement les intérêts
des propriétaires et des gros actionnaires, mais doivent être soumis au
contrôle de tous : les travailleurs de l’entreprise en premier lieu, mais aussi
les consommateurs, les usagers et tous ceux dont l’existence est liée aux
décisions d’une entreprise.
Comment assurer ce contrôle ?
La première condition de ce contrôle est de supprimer immédiatement
toutes les lois qui assurent le secret des affaires, derrière lequel les
patrons dissimulent aussi bien tous les mauvais coups qu’ils préparent contre
leurs propres travailleurs mais aussi tous leurs mensonges concernant la
qualité ou l’utilité de leurs produits, toutes les atteintes à l’environnement
ou à la santé, tous les gaspillages, à commencer par le détournement des
profits vers les opérations financières. Combien de scandales actuels, de celui
de l’amiante à l’escroquerie sur les prothèses mammaires en passant par le
Mediator, ce médicament qui tue, montrent l’irresponsabilité des capitalistes à
l’égard de la société ! La suppression du secret des affaires rendrait possible
au moins que tous ceux qui sont au courant d’un projet de la direction, dommageable
pour les travailleurs de l’entreprise ou dommageable pour les usagers ou les
consommateurs, puissent rendre publics les mauvais coups qui se préparent et en
informent ceux qui sont concernés. Mais le contrôle ne deviendra réel, complet,
que si les travailleurs d’une entreprise en ont la préoccupation et se
mobilisent pour cela. Un contrôle réel signifie que l’on sache non seulement ce
que produit l’entreprise et par quelles méthodes, mais aussi qui sont les
fournisseurs et les sous-traitants, quelles sont les conditions des contrats
qui les lient, quels sont les coûts réels en tenant compte des
dessous-de-table, quels sont les prix de vente et quelles sont les marges ?
Cela signifie surveiller en permanence l’argent qui rentre et l’argent qui sort,
à quoi servent les bénéfices, quelle est la part qui en est distribuée aux
actionnaires, directement sous forme de dividendes ou indirectement sous de
multiples formes : jetons de présence aux réunions du conseil d’administration,
primes et avantages en nature de toutes sortes, quels sont les privilèges
accordés aux dirigeant et aux cadres supérieurs, des retraites-chapeaux aux
appartements, en passant par les voitures de fonction ? Dès que les patrons
sont confrontés à une revendication même minime de leurs salariés, leur
réaction standard est d’invoquer l’impossibilité pour leur trésorerie d’y faire
face. Eh bien, il faut les obliger à présenter leurs comptes. Non pas ceux
qu’ont établis leurs avocats fiscalistes, destinés à tromper un fisc complaisant,
mais les comptes réels. Dès qu’il s’agit de justifier des licenciements
collectifs, les patrons invoquent la compétitivité sur le marché national ou
mondial. Vérifier et rendre publics tous les comptes permettrait aussi de
démontrer que, pour baisser les prix à la production et donc pour augmenter la
compétitivité d’une entreprise, il y a une autre voie que celle qui consiste à
diminuer les salaires. Il suffit de diminuer les dividendes des actionnaires.
Les travailleurs ont-ils les moyens de contrôler le fonctionnement d’une entreprise ?
Oui. Ceux qui font tout dans cette entreprise ont les moyens de
tout contrôler. Tout dans une entreprise passe entre les mains de ses
travailleurs. Les ouvriers, les magasiniers, les techniciens savent tout de la
nature de ce qu’ils produisent, de ses qualités et défauts, ils savent d’autant
plus tout des stocks que ce sont eux qui les manipulent et qui, le cas échéant,
doivent se débrouiller pour rattraper les loupés. Les employés, les comptables
de l’entreprise, les informaticiens chargés d’entrer les données, savent tout
des comptes de l’entreprise. Il suffit de centraliser les éléments épars pour
en savoir plus sur l’entreprise que son PDG et, à plus forte raison, que les
propriétaires et les gros actionnaires, qui souvent ignorent même ce que
l’entreprise produit, laissant les tâches de la gestion à des cadres salariés
et se contentant de surveiller le montant et la progression de leurs profits.
En exerçant en permanence ce contrôle, les travailleurs se rendraient vite
compte que les « plans de licenciement » ne sont pas imposés par des nécessités
économiques abstraites mais résultent de choix. Les bas salaires et leur
blocage résultent du même type de choix, privilégiant systématiquement la
rétribution du capital par rapport au pouvoir d’achat de ceux sans le travail
de qui le capital ne pourrait pas rapporter du profit. Le contrôle amène tout
naturellement à la conscience que les travailleurs mobilisés peuvent imposer
aux capitalistes d’autres choix.
Le contrôle des entreprises par les travailleurs et par la
population n’est-il pas contradictoire avec le droit des propriétaires
capitalistes ?
Si. En exerçant leur contrôle, les travailleurs ne se rendraient
pas seulement compte que, dans tel ou tel cas concret, il est possible de
prendre d’autres décisions que celles imposées par la recherche du profit
maximum. Ils se rendraient aussi compte que la société peut se passer des
capitalistes, que l’économie peut tourner autrement que tirée par la seule
course au profit individuel, mais aussi que les travailleurs peuvent diriger
l’économie, collectivement. Ce sont eux qui la font déjà fonctionner. Les
travailleurs ont collectivement tous les moyens de prendre les décisions, même
et surtout les plus importantes : à quelle production consacrer la capacité de
production des entreprises, avec quels moyens ? Ils auraient au départ cette
supériorité sur les conseils d’administration capitalistes que leur motivation
ne serait pas le profit individuel d’une poignée de richissimes propriétaires
ou actionnaires.
Mais ce serait la mise en cause de la propriété !
Oui, et alors ? Cette propriété-là, celle des grandes entreprises
par les groupes capitalistes, ne résulte certes pas de l’accumulation de
l’argent gagné à la sueur de leur front par les grandes familles bourgeoises.
Elle résulte non seulement de l’exploitation de leurs travailleurs, mais de la
spoliation de leurs fournisseurs et sous-traitants et, s’agissant de la grande
distribution, de la spoliation des paysans producteurs obligés d’accepter des
prix qui ne rétribuent même pas leur travail.
L’antagonisme entre les intérêts des propriétaires et ceux des
travailleurs ne serait-il pas une source de chaos, incompatible avec le
fonctionnement normal de l’économie ?
C’est le fonctionnement « normal », c’est-à-dire actuel,
capitaliste, de l’économie qui est une source de chaos. Il suffit de constater
le chaos engendré dans l’économie mondiale par la spéculation et les
manipulations des banques. Mais il est vrai que les deux systèmes sont
incompatibles. Ou bien ce sont les capitalistes qui conservent la direction de
l’économie, avec le résultat que l’on voit clairement avec la crise, où la
société crève, non pas suite à une catastrophe naturelle, ni même parce qu’il
n’y a pas assez de capacités de production, mais parce qu’il y en a trop et
utilisées en dépit du bon sens. Ou bien les travailleurs écartent la
bourgeoisie de la direction de l’économie, en lui enlevant la propriété des
entreprises et des banques, en remettant les grands moyens de production à la
collectivité afin qu’elle puisse les gérer démocratiquement pour orienter la
production en fonction des besoins de tous et pas des profits individuels d’une
minorité. Le choix entre les deux ne peut se décider que dans la lutte sociale
poussée à son extrême : la lutte pour le pouvoir opposant la majorité
laborieuse de la population à une classe privilégiée de plus en plus
parasitaire, incapable de maîtriser sa propre économie.
Les travailleurs de ce pays ont-ils à craindre ceux d’autres pays
?
Non, quoi qu’en disent les démagogues chauvins qui sont à
l’extrême droite, mais pas seulement. Prétendre cela est toujours un moyen de
détourner le regard des travailleurs de leur ennemi véritable, la classe
capitaliste qui les exploite d’ordinaire et les pousse à la pauvreté en cette
période de crise. Les travailleurs sont partout victimes de la crise. Ils
subissent partout des plans d’austérité. Ils ont partout le même intérêt à
s’opposer à leurs exploiteurs qui sont souvent les mêmes groupes industriels ou
financiers qui, eux, ne connaissent pas de frontières pour s’enrichir sur le
dos des exploités. « Prolétaires de tous les pays, unissons-nous ! », ce mot
d’ordre est plus d’actualité que jamais. Les travailleurs des différents pays
sont des frères dans le combat commun contre le grand capital. Dans une
économie mondiale complètement interdépendante, le même produit résulte de la
participation aux différentes phases de sa production d’un grand nombre de
travailleurs d’un grand nombre de pays, depuis l’extraction des matières
premières jusqu’au produit final.
Les travailleurs ne pourront se débarrasser de leurs exploiteurs
que s’ils unissent leurs efforts à l’échelle internationale. Une organisation
supérieure de l’économie ne peut résulter que de la coopération consciente et
fraternelle de tous les travailleurs du monde.
Il n’y a pas que les salariés, les chômeurs et les retraités qui, dans
les classes populaires, subissent les conséquences de la crise ! Non, en effet.
Petits paysans, commerçants et artisans payent chèrement la volonté du grand
capital de continuer à grandir même pendant la crise. Ils la payent par les
conditions de plus en plus draconiennes qui leur sont imposées par les
entreprises capitalistes de l’industrie ou de la distribution dont dépendent
leurs revenus, soit en tant que fournisseurs, soit en tant que clients. Ils la
payent par des conditions de crédit de plus en plus difficiles du côté des
banques, alors pourtant que ces dernières bénéficient de la part des banques
centrales de crédits quasi gratuits. Ils la payent aussi parce que les
prélèvements croissants de l’État les saignent alors que les impôts des grandes
sociétés cotées en Bourse sont ridiculement bas, sans compter tous les
passe-droits et toutes les niches fiscales que leurs avocats spécialisés savent
trouver. Les membres des catégories populaires dont le revenu est lié aux salaires
ouvriers subissent les conséquences de la baisse du pouvoir d’achat de leurs
clients, et la fermeture d’une usine, catastrophe pour les travailleurs
licenciés, en est une aussi pour tous les petits commerçants du voisinage.
Les véritables profiteurs de la société, ceux qui ne travaillent
pas et gagnent des milliards, ont l’habitude de dresser les uns contre les autres
tous ceux qui gagnent leur vie en travaillant eux-mêmes. Ouvriers, artisans,
petits commerçants et paysans ont au contraire des intérêts communs et ils
peuvent se battre pour des objectifs qui les unissent face à la classe
capitaliste. Le contrôle de la population sur les entreprises capitalistes qui
exploitent les uns et étranglent les autres est un de ces objectifs communs
possibles. Comme en est un le contrôle du système bancaire et de l’attribution
des crédits. « C’est une révolution ! », s’indigneront tous ceux qui sont
attachés, par intérêt ou par ignorance, à l’organisation actuelle de l’économie
Oui, ce serait une révolution. Mais c’est justement parce que les communistes
révolutionnaires ne redoutent pas cette conclusion ultime qu’ils peuvent
avancer les objectifs visant à garantir les intérêts des exploités face aux
politiques qui visent, au contraire, à préserver les privilèges de la classe
capitaliste. Seuls les communistes révolutionnaires, qui n’ont aucun lien avec la
bourgeoisie et ne sont pas intégrés dans ses institutions politiques, ne
redoutent pas les conséquences d’une lutte des travailleurs qui prend de
l’envergure et menace l’ordre économique et social actuel. Ils considèrent, au
contraire, les luttes des exploités comme le seul moyen d’ouvrir des perspectives
devant la société. Ils les souhaitent, ils y prennent leur part et les
préparent.
« Une économie sans capitaux et profits privés, basée sur la
propriété collective
et une production démocratiquement décidée, ne pourra jamais
marcher », s’écrieront d’autres Ce type d’argument est toujours celui
qu’invoquent les défenseurs d’un ordre social dépassé et devenu incapable
d’assurer le développement de l’humanité. Pour les rois, les princes, la
noblesse de l’Ancien régime, de plus en plus parasitaires, il ne pouvait y
avoir rien de meilleur que l’organisation sociale qui assurait leurs
privilèges. Elle devait être éternelle. Jusqu’à ce que la révolution de 1789
rende l’impossible possible.
Mais que pensez-vous de toutes les propositions discutées entre
dirigeants, voire dans les instances internationales, et que l’on présente
comme des solutions possibles à la crise ?
On nous inonde, en effet, à longueur d’émissions de radio ou de télévision,
de déclarations politiques, de débats en tout genre : faut-il sortir de l’euro
ou y rester ? Faut-il des mesures protectionnistes ? Faut-il « produire
français » ou « acheter français » ? Comment réguler les banques tout en
continuant à leur donner de l’argent ? Faut-il fermer les frontières devant des
produits, voire des travailleurs venus d’ailleurs ? Toutes ces discussions, que
l’on nous présente comme décisives pour l’avenir de la société, ne sont que de la poudre aux yeux !
Ce sont des boniments de charlatans car tout ce « beau monde », économistes distingués,
hommes politiques ou chefs d’État, ne maîtrise absolument pas l’économie
capitaliste. Le seul moteur de celle-ci est la recherche effrénée de profit des
possesseurs de capitaux et la loi de la jungle que cela engendre. S’il y avait
une solution, depuis que dure la crise, ils auraient eu le temps de la trouver
! La pire des choses serait que les travailleurs se divisent sur ces questions,
au lieu de se battre pour leurs propres exigences, leur droit d’avoir un emploi
et un salaire correct, en somme pour ne pas être les victimes d’une crise dont
ils ne sont en rien responsables.
Mais tout cela n’est pas en cause dans les élections.
Alors quel est l’intérêt de présenter une candidate à la
présidentielle ?
Les élections ne permettent pas de changer les choses. Elles permettent
seulement de s’exprimer. Mais c’est un droit que les travailleurs de ce pays
ont mis des décennies à conquérir. Dans nombre de pays, ils en sont encore
privés. Il ne faut jamais abandonner un droit conquis, mais il faut savoir l’utiliser
efficacement. Les électeurs des classes exploitées, si souvent trompés et
grugés, ont bien des raisons de se tourner de plus en plus vers l’abstention.
S’abstenir n’exprime cependant pas seulement le dégoût légitime envers ceux qui
gouvernent, mais aussi la résignation. Refuser de choisir entre différentes
options politiques, toutes favorables à la bourgeoisie, est une chose. Rejeter
toute politique, y compris une politique favorable aux intérêts des
travailleurs, est une façon de laisser le monopole de la politique à nos
exploiteurs. Aux politiques favorables à la bourgeoisie, il faut opposer une
politique représentant les intérêts des travailleurs et des exploités.
La candidate communiste ne sera donc qu’une candidate de
témoignage ?
Et les autres ? En dehors des deux qui arriveront en tête au
premier tour et qui seront qualifiés pour le second, ils ne seront tous que des
candidats de témoignage. Comme le sera même celui qui aura perdu au second
tour. De plus, à en juger par l’absence de la moindre différence politique
entre certains candidats qui acceptent par avance de gouverner ensemble, leurs
candidatures ne témoigneront même pas de quoi que ce soit, si n’est de leurs
seules ambitions personnelles. Une candidature communiste témoignera, au moins,
de la persistance d’un courant révolutionnaire dans le mouvement ouvrier. Ce courant
s’intitulait il y a plus d’un siècle « socialiste », puis « communiste ». Il
regroupait celles et ceux qui aspiraient à la révolution sociale, à
l’émancipation des travailleurs, à une société égalitaire, même lorsque les
dirigeants de ces courants menaient des politiques très éloignées de ces
idéaux. Il faut que cette aspiration soit représentée partout dans cette
élection. Il y aura de la part des bien-pensants – il y a déjà – une pression pour
le vote « utile ». Le Parti socialiste s’en sert déjà pour tenter d’imposer que
tous ceux qui souhaitent mettre Sarkozy dehors votent pour Hollande dès le
premier tour. C’est une façon de contraindre l’électorat populaire à entrer dès
le premier tour dans le carcan des institutions qui ne laisse au deuxième tour
que le choix de celui qui, des deux candidats, mènera la politique de la
bourgeoisie.
Il faut refuser cette pression. Même ceux qui, dans l’électorat
populaire,
par dégoût de Sarkozy, choisiront de voter pour Hollande au deuxième
tour, ont intérêt à exprimer au premier tour qu’ils ne lui font pas confiance,
qu’ils le garderont à l’oeil et que, même avec la gauche au pouvoir, ils
sauront imposer leurs exigences.
En quoi défendre un programme de lutte dans une élection peut-il
être utile pour sa réalisation ?
Les bulletins de vote, même en faveur d’une candidate communiste révolutionnaire,
ne remplacent en rien les luttes réelles des travailleurs. Mais ils donnent aux
électeurs des classes populaires le moyen d’affirmer qu’ils sont d’accord avec
ce programme. Ils sont d’accord pour affirmer par leur vote que :
– Pour mettre fin au chômage, il faut imposer au grand patronat l’interdiction
des licenciements et la répartition du travail entre tous sans diminution de
salaire ; il faut imposer à l’État d’embaucher dans les services publics utiles
à toute la population, qu’ils existent déjà ou qu’ils soient encore à créer.
– Pour assurer un pouvoir d’achat convenable pour tous, il faut imposer
l’augmentation de tous les salaires et de toutes les retraites et pensions. Il
faut garantir ce pouvoir d’achat par l’indexation automatique des salaires,
retraites et pensions sur le coût de la vie mesuré par des représentants de la
population.
– Il faut imposer le contrôle des travailleurs sur les entreprises
industrielles
et bancaires.
Ne vaut-t-il pas mieux voter, dès le premier tour, pour « le moins
pire » des deux candidats qui ont une chance d’être élus au second, en
l’occurrence pour Hollande ?
Certainement pas. Rien ne dit d’abord que Hollande soit le « moins
pire ». Quand bien même il n’a pas la cynique dévotion de Sarkozy envers les
riches, ce qu’il fera, s’il se retrouve à la présidence de la République,
dépendra de l’évolution de la crise et des exigences des banquiers et du grand
patronat. Bien qu’il soit encore dans l’opposition, il ne prend aucun
engagement envers les classes exploitées. Comme Sarkozy, il propose la
poursuite des politiques d’austérité et il le justifie de la même manière :
l’endettement de l’État français. En clair, son seul engagement est que les
créanciers, la bourgeoisie grande et moyenne qui est derrière les banques,
continueront leur racket sur la population, alors qu’à ses yeux, les salariés
ne méritent aucune garantie, ni de leur pouvoir d’achat, ni même de leur
emploi. Choisir de voter pour Hollande, c’est voter contre la personne de Sarkozy,
mais pas contre sa politique. Et ce serait lui donner les moyens de se
prévaloir de l’approbation populaire, même lorsque, une fois élu, il prendra
les pires mesures antipopulaires.
Mélenchon affirme qu’il représente la gauche de la gauche. Pourquoi
ne pas soutenir sa candidature ?
À quoi cela servirait-il ? Mélenchon n’a aucune chance d’arriver
devant Hollande au premier tour et encore moins d’être élu président de la
République. Lui aussi est un simple « candidat de témoignage ». Mais il ne
témoigne pas des mêmes idées que Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière.
Le courant communiste révolutionnaire n’a aucune raison de s’autocensurer
et, par la même occasion, de censurer l’électorat ouvrier en lui enlevant la
possibilité de se prononcer sur les objectifs défendus dans cette élection par
sa candidate. Nathalie Arthaud et Mélenchon représentent deux options
politiques différentes. Plutôt que de supputer, sur la base de sondages, le
nombre de voix qu’obtiendra l’une ou l’autre et qui, de toute façon, ne
permettront à aucun des deux d’être présent au deuxième tour, il faut laisser
aux électeurs la possibilité de voter pour celui qui représente le mieux leurs
idées.
Mélenchon critique Hollande, mais tout son passé de dirigeant du Parti
socialiste et d’ancien ministre du gouvernement Jospin laisse prévoir que sa
politique vise pour l’essentiel à récupérer, au profit de sa carrière politique,
la fraction de l’électorat socialiste qui n’approuve pas la modération de
Hollande. Fera-t-il partie du gouvernement socialiste si Hollande est élu ou se
contentera-t-il de le soutenir ? Ce sera une affaire de circonstances qui
dépendra du nombre de voix qu’il obtiendra. Et le fait que l’essentiel de la
campagne de Mélenchon est assuré par les militants du Parti communiste ne
rendra pas meilleure sa politique future. Cela prouve seulement que la
direction du Parti communiste a choisi d’abdiquer devant Mélenchon et de mettre
à la disposition de ce dernier le dévouement de ses militants. La candidate de
Lutte Ouvrière est la seule candidate communiste présente dans la campagne
électorale.
Mais ces divisions de la gauche ne favoriseront-elles pas l’extrême
droite de Marine Le Pen ?
Ce qui la favorise, c’est que l’électorat populaire est écœuré par
la gauche réformiste qui, quand elle est au pouvoir, gouverne pour le compte
des possédants, comme la droite, et qu’elle est tout aussi impitoyable avec les
travailleurs et les pauvres. La présence de ministres communistes n’y a jamais
rien changé. Chaque fois que le Parti communiste a accédé au gouvernement, il
s’est toujours aligné sur le Parti socialiste qui lui permettait cette
participation gouvernementale. L’alternance apparaît pour ce qu’elle est :
bidon. En dernier ressort, le seul argument du Front national pour glaner des
électeurs dans les classes populaires, alors qu’il est le parti de la frange la
plus réactionnaire du pays, la plus hostile au mouvement ouvrier, la plus
anticommuniste, le parti des nostalgiques de Pétain et des guerres coloniales,
c’est que les Le Pen n’ont jamais participé au pouvoir gouvernemental.
Mais pour ce qui est des illusions suivies de déceptions,
l’électorat populaire a déjà donné. Il serait stupide de recommencer avec les Le
Pen qui sont Sarkozy en pire. En pire, parce que dans l’opposition le Front
national ne se différencie de Sarkozy qu’en propageant des insanités xénophobes
et racistes avec une vigueur encore plus grande, au point qu’il est difficile
de discerner qui copie qui. Sans même être associé au pouvoir, le Front
national est déjà nuisible à la classe ouvrière, ne serait-ce que parce que sa
démagogie aboutit à dresser des travailleurs les uns contre les autres en
fonction de leur nationalité, de leur origine, de leur statut légal, avec ou
sans papiers. Toute politique opposant les travailleurs les uns aux autres, pire,
transformant les uns en boucs émissaires des autres, et qui, par là même,
obscurcit la conscience de classe des travailleurs, affaiblit ces derniers et
sert les intérêts de la grande bourgeoisie.
Et si le Front national était associé au gouvernement, ce qui
n’est nullement inconcevable tant les idées et les dirigeants politiques des uns
et des autres sont proches, cela pousserait le pouvoir dans un sens encore plus
dur pour le monde du travail, encore plus porté vers la répression de toute
contestation venant de la classe ouvrière, encore plus réactionnaire.
L’éventualité d’un renforcement de l’influence électorale du Front
national n’est-elle pas inquiétante pour le monde du travail ?
Si, bien sûr. Mais les élections ne sont qu’un thermomètre. Ce qui
serait plus inquiétant, en effet, c’est qu’une fraction plus grande de l’électorat
se retrouve dans les insanités répandues par cette organisation et que, par là
même, elle se mette à la remorque des milieux les plus réactionnaires du pays,
derrière ses pires ennemis.
Le Parti socialiste essaie de faire de cette inquiétude un
argument électoral pour le vote en faveur de Hollande. Mais ce n’est
certainement pas ce parti qui peut endiguer la montée de l’influence électorale
du Front national, puisque c’est lui qui en est responsable pour une large part
par ses reniements passés, par ses trahisons, par son incapacité à défendre un
tant soit peu les intérêts des plus pauvres par couardise devant les plus
riches.
Les catégories populaires qui, par démoralisation, se laisseraient
séduire par Marine Le Pen ne pourront en être détournées que lorsque le monde du
travail reprendra confiance en lui-même, contre le grand capital, et le
contestera par la lutte.
Pourquoi voter et faire voter pour Nathalie Arthaud ?
Le vote en faveur de Nathalie Arthaud signifie clairement que le désaveu
vient de ceux qui sont dans le camp des travailleurs, et pas de ceux qui
critiquent Sarkozy parce que, à leur gré, il n’est pas assez réactionnaire,
assez anti-ouvrier. Ce sera le vote qui exprimera le désaveu le plus clair, le
plus radical, contre Sarkozy, car il n’exprimera pas seulement l’hostilité à
l’homme et à sa politique, mais à toute l’organisation capitaliste de la
société dont il a été toujours été le serviteur obséquieux. Ce sera un vote de
rejet de tous les candidats de droite dont la seule ambition est d’offrir à la
bourgeoisie leur prétention au pouvoir pour prolonger la même politique, comme
Sarkozy a prolongé celle de Chirac. Ce sera un vote de rejet de l’extrême
droite dont la démagogie pour prendre la place de la droite parlementaire ne
peut pas dissimuler qu’elle représente une politique encore plus menaçante pour
le monde du travail. Ce sera un vote d’opposition à Sarkozy qui exprimera en
même temps la méfiance de l’électeur à l’égard de Hollande et du Parti
socialiste qui, chaque fois qu’il a disposé du pouvoir politique, a toujours mené
la même politique que la droite, celle ordonnée par le grand patronat. Ce sera
un vote pour exprimer son écœurement face à un système institutionnel qui
prétend représenter la volonté populaire, mais où le pouvoir réel appartient à
l’argent et à ceux qui en ont beaucoup. Ce sera un vote contre les alternances
pratiquées ne permettant aux électeurs que de changer quelques têtes au sommet
pour que rien ne change. Ce sera un vote pour exprimer la conviction que, si
les élections ne peuvent pas changer la vie, la lutte collective des exploités
en a la force et la possibilité. Ce sera surtout un vote pour exprimer son
approbation du programme de lutte défendu par Lutte Ouvrière et sa candidate.
Les votes en faveur de Nathalie Arthaud, pour minoritaires qu’ils soient, montreront
qu’il existe dans l’électorat populaire une fraction qui est consciente que
l’aggravation du sort du monde du travail vient de la domination du grand
capital et qui est prête à la contester et à la combattre. Et puis, au-delà de
ceux qui choisiront d’affirmer leur accord avec ce programme de lutte de la
seule manière claire et efficace qui soit, en votant pour Nathalie Arthaud, il
y a aussi ceux tout qui, en votant pour un autre candidat de gauche, se
retrouvent dans les objectifs défendus et y adhéreront lorsque l’heure de la
lutte sera venue.
Pourquoi et comment participer à sa campagne ?
Nous ne pouvons pas compter sur la grande presse et sur la
télévision pour propager ces idées. Elles ne se propageront que si nombreux sont
ceux qui ont la volonté de les propager autour d’eux, dans leurs familles, dans
leurs entreprises, dans leurs quartiers. Il y a de nombreuses façons de le
faire, à commencer par la discussion avec ses proches, avec ses voisins, en
diffusant des tracts, en collant des affiches. Chacune, chacun, peut apporter
sa contribution, et les petits ruisseaux de l’opposition ouvrière peuvent
devenir une rivière.
Et après les élections ?
Quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, quelle que
soit la majorité qui sortira des élections législatives qui suivront, les
problèmes resteront entiers pour les travailleurs, pour les chômeurs, pour les
retraités, pour la majorité laborieuse de la population.
Les élections n’ont pas le pouvoir d’arrêter la crise. La classe
capitaliste continuera à prélever sur le monde du travail de quoi compenser, et
au-delà, ce que lui coûte la crise économique. Et le gouvernement nouvellement
mis en place continuera à appliquer une politique d’austérité au nom de la
nécessité de rembourser la dette de l’État.
Une fois les urnes rangées, les véritables batailles resteront à
mener. Les liens tissés autour de la candidature de Nathalie Arthaud et des objectifs
défendus pendant la campagne, seront précieux à l’occasion de ces luttes pour
démultiplier la force de ceux qui défendront ce programme de lutte et, le cas
échéant, pour coordonner leurs actions. C’est dans ce sens que la campagne
électorale peut et doit devenir une étape dans la construction d’un parti
communiste révolutionnaire dans ce pays.
Pourquoi un parti communiste révolutionnaire ?
Les grands partis d’aujourd’hui sont tous, sans exception, des
partis au service de la bourgeoisie. Ils ont des discours différents pour se
faire élire, et encore de moins en moins, mais aucun ne combat l’organisation capitaliste
de l’économie, le monopole de quelques milliers de grandes familles bourgeoises
sur les entreprises et sur les banques. La classe des exploités a besoin d’un
parti qui représente ses intérêts politiques, non pas seulement à l’occasion
d’une consultation électorale pour pousser un cri d’indignation, mais pour
peser sur la vie politique ; pour exprimer face à chaque décision du
gouvernement de la bourgeoisie les exigences des exploités et pour proposer les
actions nécessaires pour les faire prévaloir. Le Parti socialiste à ses
origines, à la fin du 19e siècle, puis le Parti communiste après sa création,
dans les années 1920, ont été de tels partis. Ils ont, tous les deux, fini par
faillir à leur tâche et par s’intégrer dans le système institutionnel de la
bourgeoisie. Ce n’est pas le lieu ici d’en évoquer les raisons mais elles sont
parfaitement explicables. Aujourd’hui que ces partis ne représentent plus le
long combat du monde du travail pour son émancipation des chaînes de
l’exploitation, reconstruire le parti qui reprenne le flambeau est une
nécessité. Nul ne peut prévoir par quel cheminement un tel parti pourra se
reconstituer. Mais il sera nécessairement l’oeuvre de milliers et de milliers
de travailleurs ou d’intellectuels prêts à se mettre dans leur camp, qui
parviendraient à la conscience qu’il ne suffit pas de déplorer les dégâts du
capitalisme. Il faut y mettre fin et, pour y mettre fin, la seule force sociale
qui en a la capacité est celle des exploités en mouvement et organisés pour
cela.
Lutte Ouvrière milite sur ce terrain et la reconstruction d’un
parti communiste révolutionnaire est sa raison d’être. Pour que naisse un véritable
parti ouvrier révolutionnaire, il faut que surgissent à partir de la classe
ouvrière des milliers, des dizaines de milliers de femmes, d’hommes, de jeunes,
qui se consacrent aux intérêts collectifs de leur classe sociale jusqu’au but
ultime qui est le renversement du pouvoir de la bourgeoisie. La faillite
manifeste du capitalisme, illustrée par la crise actuelle, les dégâts qu’elle
entraînera dans la société finiront par convaincre un nombre croissant de
personnes que ce système ne mérite pas de perdurer. Cette conviction les
amènera à prendre part au combat pour la nécessaire transformation de la
société.
Il faut un parti qui soit présent dans les entreprises pour
combattre le patronat capitaliste, là où se trouvent les sources de sa
richesse. Il faut un parti qui soit présent dans les quartiers populaires pour
intervenir sur les multiples problèmes du monde du travail : s’opposer à
l’expulsion d’un locataire étranglé par son bailleur ; vérifier les prix dans
le supermarché du quartier et dénoncer les hausses excessives ; vérifier si le
nombre de places dans la crèche est suffisant, s’il y a assez d’instituteurs dans
la maternelle et l’école primaire et d’enseignants au collège pour assurer une
éducation convenable aux enfants des classes populaires ; surveiller aussi ce
qui se passe au commissariat pour intervenir contre des exactions ou les
contrôles au faciès. Du point de vue des idées et du programme, ce parti ne
surgira pas de rien. Le passé, la lutte séculaire du monde du travail pour son émancipation,
ont laissé un riche capital d’expériences formulées par des générations communistes
révolutionnaires depuis que Marx l’avait formulé dans le Manifeste Communiste :
« L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »
Il faut se servir de tout ce capital d’idées et d’expériences,
mais il faut des femmes et des hommes qui aient cette volonté. Si les élections
qui viennent contribuent un tant soit peu à accroître leur nombre, à renforcer leur
détermination et à resserrer les liens entre eux, les élections de 2012
constitueront, bien plus qu’un épisode sans lendemain, une étape dans la
construction d’un parti communiste révolutionnaire.