Le
24 septembre 1957, Little Rock, capitale de l'Arkansas, offrait un
spectacle inédit : le président Eisenhower y avait envoyé l'armée et les
parachutistes, toute une division aéroportée, pour faire entrer dans le
lycée de Central High, jusqu'alors réservé aux Blancs, neuf élèves
noirs. La détermination de la population noire à briser une ségrégation
qui privait de fait les Noirs du droit à l'éducation, tenant tête à la
violence haineuse des racistes, obligeait le président à intervenir.
C'est trois ans plus tôt, en 1954, au terme d'une bataille juridique menée par l'aile modérée du mouvement noir, que la Cour suprême avait déclaré illégale la ségrégation scolaire qui, dans le sud des États-Unis, interdisait aux élèves noirs de fréquenter des collèges jusqu'alors réservés aux élèves blancs. Mais les réticences des dirigeants politiques et de l'appareil d'État à faire respecter les quelques mesures en faveur des droits des Noirs, que ceux-ci avaient réussi à obtenir de la Cour suprême après des luttes courageuses et opiniâtres, encourageaient les racistes à s'opposer par la force à tout début d'application, en particulier dans le sud des États-Unis.
Si bien que lorsque le maire de Little Rock tenta un tout début de déségrégation dans un seul lycée de la ville en y inscrivant neuf élèves noirs, le gouverneur de l'État, qui cherchait l'appui des racistes pour sa réélection, encouragea ces derniers à se mobiliser et fit savoir, la veille de la rentrée scolaire, le 2 septembre, qu'il mobiliserait la Garde nationale contre les élèves noirs, et que, s'il le fallait, " le sang coulerait dans les rues ". Ces propos, raconte une militante noire, " électrifièrent Little Rock. Le lendemain matin, ils choquèrent les États-Unis. À midi, ils horrifiaient le monde entier. "
Le 3 septembre 1957, neuf élèves noirs se présentèrent donc à l'entrée du lycée. Les racistes ainsi qu'une unité de la Garde nationale, baïonnette au canon, les empêchèrent de pénétrer. Mais ils refusèrent d'intégrer une école noire et la Garde nationale resta campée devant le lycée pendant des jours, jusqu'à ce qu'Eisenhower convainque le gouverneur de bien vouloir retirer ses troupes.
Celui-ci finit par obtempérer mais en appelant, à la télévision, les élèves noirs à renoncer à se présenter au lycée, ce qui revenait à appeler tous les racistes à se mobiliser pour les en empêcher. Le 23 septembre, des centaines de ségrégationistes se massèrent devant le lycée. Ils tabassèrent trois journalistes noirs pris pour des parents d'élèves, pendant que les neuf lycéens, escortés par la police municipale, réussissaient à pénétrer dans le lycée par une porte latérale.
Dès qu'ils apprirent la nouvelle, la foule des racistes mena l'assaut contre le lycée. La police réussit à en extraire les neuf élèves et à les reconduire chez eux. Ils avaient échappé au lynchage. Mais la tension était à son comble dans la ville. Et les autorités avaient tout lieu de craindre que la population noire se mobilise tout entière pour faire respecter ses droits.
Après tout, c'est bien ce qui venait de se passer à Montgomery en Alabama, où toute la population noire de la ville avait fait bloc et s'était organisée avec un courage sans faille pour boycotter les bus de la ville pendant une année entière jusqu'à obtenir, en décembre 1956, la fin de la ségrégation dans ces transports publics.
Un peu partout dans le pays, des incidents plus ou moins graves témoignaient d'une révolte profonde des Noirs contre les humiliations qu'on leur faisait subir et d'une volonté d'affirmer leur dignité d'homme et de femme, quel qu'en soit le prix. Voilà qui ne pouvait qu'effrayer les autorités.
Devant la tension croissante, le maire de Little Rock demanda donc l'intervention des troupes fédérales. Le lendemain, 24 septembre, le président Eisenhower décidait d'envoyer ses troupes. Et c'est escortés de parachutistes et de jeeps avec des mitrailleuses que les neuf élèves noirs purent intégrer le lycée. Ils durent encore affronter pendant des mois les vexations et les quolibets des élèves racistes. " Tous les matins pendant neuf mois nous nous levions, nous cirions nos chaussures, et nous partions à la guerre ", déclara l'un des neuf élèves.
Cette obstination, qui puisait sa force dans un mouvement noir en plein développement, fut aussi un stimulant et un exemple pour les adversaires de la ségrégation. Il fallut encore deux ans de lutte pour que Little Rock commence une déségrégation progressive. Mais cette affaire nourrit la colère et la mobilisation d'une génération qui entendait briser la ségrégation dans les écoles, mais aussi dans les universités, les restaurants et tous les lieux publics jusqu'alors interdits aux Noirs.
Tout ce qui fut obtenu alors le fut grâce à ces luttes menées avec courage et acharnement.
C'est trois ans plus tôt, en 1954, au terme d'une bataille juridique menée par l'aile modérée du mouvement noir, que la Cour suprême avait déclaré illégale la ségrégation scolaire qui, dans le sud des États-Unis, interdisait aux élèves noirs de fréquenter des collèges jusqu'alors réservés aux élèves blancs. Mais les réticences des dirigeants politiques et de l'appareil d'État à faire respecter les quelques mesures en faveur des droits des Noirs, que ceux-ci avaient réussi à obtenir de la Cour suprême après des luttes courageuses et opiniâtres, encourageaient les racistes à s'opposer par la force à tout début d'application, en particulier dans le sud des États-Unis.
Si bien que lorsque le maire de Little Rock tenta un tout début de déségrégation dans un seul lycée de la ville en y inscrivant neuf élèves noirs, le gouverneur de l'État, qui cherchait l'appui des racistes pour sa réélection, encouragea ces derniers à se mobiliser et fit savoir, la veille de la rentrée scolaire, le 2 septembre, qu'il mobiliserait la Garde nationale contre les élèves noirs, et que, s'il le fallait, " le sang coulerait dans les rues ". Ces propos, raconte une militante noire, " électrifièrent Little Rock. Le lendemain matin, ils choquèrent les États-Unis. À midi, ils horrifiaient le monde entier. "
Le 3 septembre 1957, neuf élèves noirs se présentèrent donc à l'entrée du lycée. Les racistes ainsi qu'une unité de la Garde nationale, baïonnette au canon, les empêchèrent de pénétrer. Mais ils refusèrent d'intégrer une école noire et la Garde nationale resta campée devant le lycée pendant des jours, jusqu'à ce qu'Eisenhower convainque le gouverneur de bien vouloir retirer ses troupes.
Celui-ci finit par obtempérer mais en appelant, à la télévision, les élèves noirs à renoncer à se présenter au lycée, ce qui revenait à appeler tous les racistes à se mobiliser pour les en empêcher. Le 23 septembre, des centaines de ségrégationistes se massèrent devant le lycée. Ils tabassèrent trois journalistes noirs pris pour des parents d'élèves, pendant que les neuf lycéens, escortés par la police municipale, réussissaient à pénétrer dans le lycée par une porte latérale.
Dès qu'ils apprirent la nouvelle, la foule des racistes mena l'assaut contre le lycée. La police réussit à en extraire les neuf élèves et à les reconduire chez eux. Ils avaient échappé au lynchage. Mais la tension était à son comble dans la ville. Et les autorités avaient tout lieu de craindre que la population noire se mobilise tout entière pour faire respecter ses droits.
Après tout, c'est bien ce qui venait de se passer à Montgomery en Alabama, où toute la population noire de la ville avait fait bloc et s'était organisée avec un courage sans faille pour boycotter les bus de la ville pendant une année entière jusqu'à obtenir, en décembre 1956, la fin de la ségrégation dans ces transports publics.
Un peu partout dans le pays, des incidents plus ou moins graves témoignaient d'une révolte profonde des Noirs contre les humiliations qu'on leur faisait subir et d'une volonté d'affirmer leur dignité d'homme et de femme, quel qu'en soit le prix. Voilà qui ne pouvait qu'effrayer les autorités.
Devant la tension croissante, le maire de Little Rock demanda donc l'intervention des troupes fédérales. Le lendemain, 24 septembre, le président Eisenhower décidait d'envoyer ses troupes. Et c'est escortés de parachutistes et de jeeps avec des mitrailleuses que les neuf élèves noirs purent intégrer le lycée. Ils durent encore affronter pendant des mois les vexations et les quolibets des élèves racistes. " Tous les matins pendant neuf mois nous nous levions, nous cirions nos chaussures, et nous partions à la guerre ", déclara l'un des neuf élèves.
Cette obstination, qui puisait sa force dans un mouvement noir en plein développement, fut aussi un stimulant et un exemple pour les adversaires de la ségrégation. Il fallut encore deux ans de lutte pour que Little Rock commence une déségrégation progressive. Mais cette affaire nourrit la colère et la mobilisation d'une génération qui entendait briser la ségrégation dans les écoles, mais aussi dans les universités, les restaurants et tous les lieux publics jusqu'alors interdits aux Noirs.
Tout ce qui fut obtenu alors le fut grâce à ces luttes menées avec courage et acharnement.
Vincent GELAS (LO n°2043)
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