mardi 24 mars 2009

:: Les directions syndicales travaillent pour qui ?

Les centrales syndicales en France, si l'on excepte peut-être le syndicat Sud, s'emploient actuellement à neutraliser le mécontentement qui s'est exprimé lors des deux dernières journées de manifestations et de grève générale, les 29 janvier et 19 mars 2009.

Il s'agit pour elles, de toute évidence, d'empêcher que les travailleurs en France, à l'instar des travailleurs de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion, organisent, sur des revendications claires, un mouvement de grève générale reconductible... et victorieux.

Pour le moment, ils réussissent leur coup : l'ensemble des salariés en colère sont réduits à des mouvements isolés, fractionnés et sans lendemain. Qui plus est, une seule date de mobilisation générale est prévue : celle du rituel Premier mai, jour férié, fête du travail. Une date de principe, une date qui fait déjà pouffer le MEDEF et Mme Parisot...

Malgré les interrogations qui s'expriment ici ou là contre ce sabotage, il se pourrait donc bien que les dirigeants syndicaux parviennent à "désarmer la radicalité" et à éviter "l'explosion sociale" tant redoutée par le patronat et le gouvernement...

Pour comprendre cette situation enrageante, je vous propose ici l'extrait d'un texte paru dans la revue communiste (trotskyste) Lutte de Classe en mai 1987 dans lequel l'auteur explique les raisons pour lesquelles, fondamentalement, les travailleurs ne doivent plus faire confiance aux dirigeants des bureaucraties syndicales :

"Un des problèmes majeurs qui se posent aux travail leurs conscients et, par voie de conséquence, aux révolutionnaires est que, dans les pays les plus industrialisés, les syndicats sont devenus des organismes officiels de plus en plus intégrés à la société bour geoise. Interlocuteurs institutionnalisés de l'Etat et des patrons, ils siègent dans maints comités, conseils, commissions, et autres appendices des Etats, ils sont gestionnaires directs ou associés d'organismes sociaux. Tout ceci leur procure des postes, des moyens, un poids social et des possibilités matérielles qui les rendent de plus en plus indépendants des travailleurs et de plus en plus dépendants de la bourgeoisie et de son Etat.
Quels que soient le nombre de leurs syndiqués, la façon dont sont recueillies les cotisations, les modalités même du fonctionnement syndical, il y a dans tous les pays, où existe un syndicalisme légal, une constante : les syndicats fonctionnent comme des appareils bureaucratiques ayant leurs propres intérêts, de plus en plus coupés de la base ouvrière, à laquelle les rattachent, seuls, les délégués d'atelier ou d'usine.
Ils sont donc en voie de conséquence devenus les agents de l'Etat bourgeois dans le monde du travail. Cela apparaît de façon claire en période de crise économique : non seulement les syndicats sont incapables d'impulser les combats nécessaires à la défense des travailleurs, mais ils acceptent de fait l'austérité quand il n'en sont pas les propagandistes et les acteurs comme on le voit dans le cas des Etats-Unis où ils ont accepté de signer des accords comportant des baisses de salaires".

Pour compléter cette lecture, vous pouvez également écouter la dernière série d'émissions de Daniel Mermet sur la mobilisation du 19 mars, notamment celle-ci dans laquelle on peut entendre des militants syndicaux prêts à un long combat, si nécessaire, contre le capital et ses représentants politiques. Des militants qui sont, on le comprend, particulièrement dubitatifs sur la politique de leur direction...

"Organiser le pessimisme" disait Walter Benjamin...