jeudi 7 avril 2011

Il nous incombe de continuer à garder levé le drapeau du communisme

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Ce drapeau, le parti qui se dit encore communiste l'a abandonné depuis longtemps. Le fait de participer à un gouvernement de la bourgeoisie, comme l'a fait le Parti communiste de Robert Hue, et avant lui celui de Marchais, et avant encore celui de Thorez, est déjà en lui-même une indication que ce parti n'est pas communiste, parce qu'on ne peut pas se poser en combattant de la société future et en même temps se ranger parmi les défenseurs gouvernementaux de la société actuelle.
Et même si, aujourd'hui, la direction du Parti communiste remet le mot en service, quelle confiance peut-on faire à un parti qui ne radicalise son langage que lorsque la bourgeoisie le rejette après usage ?
Nombreux sont, je l'espère, à la base du PCF, les militants qui n'ont pas perdu leur conviction qu'une société égalitaire est possible. Ceux-là, je les considère comme des frères d'armes. Mais comment imaginer que la direction de ce parti puisse de nouveau incarner les idéaux communistes ?
Une partie de l'extrême gauche elle-même est aujourd'hui honteuse de sa filiation communiste. La perspective dans laquelle elle milite est celle d'une gauche plus combative, d'une gauche plus radicale, d'une gauche vraiment à gauche ou, comme elle dit pour ratisser le plus large, 100 % à gauche. Bien malin celui qui saura distinguer ce langage-là du langage nouveau que veut se donner la gauche du PS. Ce dernier ne cache d'ailleurs pas son ambition d'une OPA sur sa gauche. Et ce ne sont sûrement pas les thèmes de l'anti-mondialisme, du féminisme ou de l'écologisme qui le gêneront. Ce sont des mots utilisés justement pour servir de pont entre les différentes nuances de l'éventail qui se réclame de la gauche, mais dont le noyau sera de toute façon la gauche qui se dit à vocation gouvernementale, c'est-à-dire, pour parler clair, la gauche bourgeoise.
L'émergence d'une gauche tenant un langage plus radical n'est après tout pas impossible, si la droite est solidement installée au pouvoir et pour longtemps. Mais cela ne ferait que recréer, au mieux, une version moderne de l'ancien PSU.
Eh bien, ce n'est certainement pas dans cette perspective que nous militons. Il nous reste à incarner fièrement une autre perspective, celle d'un parti représentant réellement les intérêts politiques de la classe ouvrière. Il nous reste à oeuvrer pour que se construise un parti qui ne vise pas à s'intégrer dans l'ordre social actuel, fût-ce avec la prétention stupide de pouvoir le faire évoluer dans le bon sens, mais qui, au contraire, combat pour la transformation radicale de la société.
Un parti qui reste systématiquement dans le camp des exploités, des opprimés, sans abandonner ce camp pour quelque poste ministériel que ce soit.
Un parti qui n'abandonne pas ses convictions pour s'adapter à la politique des dirigeants réformistes même lorsque ceux-ci sont dans l'opposition.
Un parti qui ne veut pas dissimuler la réalité de la lutte de classe car cela ne sert que les intérêts de la classe exploiteuse qui, pour mener sa lutte de classe, n'a pas besoin de la nommer.
Mais un parti qui, au contraire, cherche à mettre le doigt sur le caractère de classe de la politique menée pour que les travailleurs opposent à la lutte de classe de la bourgeoisie leur propre lutte.
Un parti qui ne se contente pas de dénoncer les abus du règne du fric ou de la domination des trusts sur une économie mondialisée mais qui se donne pour objectif d'organiser la seule classe sociale capable de mettre fin au capitalisme et à son sous-produit l'impérialisme mondial, c'est-à-dire le prolétariat mondial. Un parti qui ne se contente pas de participer de temps à autre à une manifestation internationale, mais qui milite jour après jour dans les entreprises, dans les quartiers populaires, pour organiser les travailleurs dans le but de transformer la société.
Oui, l'aspect fondamental de notre activité continuera à être la défense du programme d'émancipation de la classe travailleuse, le programme communiste. Défendre ce programme avant tout dans la classe ouvrière car c'est d'elle, et d'elle seule, que dépend sa réalisation future. Le défendre en particulier auprès des travailleurs qui se sont retrouvés pendant longtemps dans ou autour du Parti communiste et qui sont découragés, désorientés et à qui il faut redonner confiance et montrer que le courant communiste n'a pas disparu et que l'avenir lui appartient. Bien sûr, nous sommes calomniés, mais c'est parce que nous sommes réellement communistes. Nous le sommes comme l'était, dans un passé déjà lointain, le Parti communiste lorsqu'il méritait réellement ce nom.
Mais il faut aussi gagner à ces idées une génération de jeunes, de jeunes travailleurs aussi bien que des étudiants. Il faut non seulement leur montrer que le monde qui est le nôtre est invivable, que les concentrations de richesses entre quelques mains pendant que la pauvreté se généralise sont insupportables. Comme est insupportable l'idée que la recherche du profit de quelques-uns conduit la terre vers une catastrophe écologique.
Il faut aussi leur montrer qu'il est possible de transformer la société et que chacun, travailleur ou étudiant, peut y jouer son rôle.
Il faut les éclairer pour qu'ils ne soient pas abusés par ceux qui présentent de vieilles idées réformistes sous des couleurs modernes pour pouvoir mieux les tromper. Qui cherchent à les tromper en présentant quelques réformettes, une taxe par ci, un allégement de dette par là, comme des idées de l'avenir, alors que tout cela est non seulement inefficace mais cautionne encore et toujours l'idée que le capitalisme est réformable.
Eh bien, non, le capitalisme n'est pas réformable.
Voyez les milliards qui partent en fumée dans la crise boursière actuelle. Oh, bien sûr, ce sont pour une large part des capitaux fictifs. Mais l'exploitation qui les a engendrés n'est pas fictive. Combien de souffrances, combien de vies d'exploitation pour que s'accumulent ces milliards qui, aujourd'hui, partent en fumée ?
Alors, nous ne savons pas si le fait que le gouvernement soit de droite amènera plus facilement les travailleurs à la conviction qu'ils ne peuvent rien en attendre. Nous ne savons pas si, après avoir subi les coups de la gauche puis ceux de la droite, ils ne se contenteront pas d'écouter, à nouveau, les bateleurs de foire de la gauche bourgeoise ou si, dégoûtés de tout, ils se réfugieront dans l'apolitisme.
Mais nous savons que la combativité peut revenir très vite. Et c'est peut-être justement le fait que le patronat et le gouvernement se croient tout permis qui déclenchera la colère ouvrière.
Nous ne savons pas non plus par quelle voie, à travers quelle expérience politique collective, ce regain de combativité ouvrière conduira une partie du monde du travail vers les idéaux et vers le programme communistes.
Ce que nous savons, c'est que les idées que nous défendons, il n'y a que nous pour les défendre. Alors, quel que soit le vent, nous continuerons à les défendre.
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Extrait de : 
Pour une réponse collective du monde du travail - Discours d'Arlette LAGUILLER au meeting du 4/10/2002