mercredi 19 février 2014

:: Etre communiste révolutionnaire (trotskiste) en 2014 : situation et perspectives

Il est vain de se perdre en conjectures sur la réa­lité d’un retournement de la situation économique ou d’un début de reprise. Des affirmations dans ce sens se multiplient depuis quelques semaines dans les déclarations des hommes politiques au pouvoir. Non seulement ces gens-là n’ont guère de prise sur le fonctionnement de l’économie, mais leurs discours obéissent à bien d’autres motifs que celui de décrire la réalité des choses. Et ce qui est vrai pour tous les gouvernants l’est encore plus pour un gouvernement socialiste. Le seul argument qui le crédibilise auprès de la bourgeoisie, qu’il sert aussi fidèlement que la droite, est d’être plus apte que celle-ci à faire passer des mesures antiouvrières, avec la complicité des dirigeants syndicaux.
 
Les éléments cités pour illustrer la réalité d’une reprise, le redémarrage des affaires aux États-Unis, en particulier dans l’immobilier, la fin du tassement de la croissance en Chine, etc., pèsent bien peu à côté de la montée inexorable du chômage, de la stagnation de la production industrielle, du recul du commerce international. Les commentateurs à l’enthousiasme le plus débridé sont obligés d’admettre que les chiffres avancés pour appuyer leur scénario d’amorce de reprise sont faibles et aléatoires. Et, par-dessus tout, pèsent de plus en plus sur l’économie la finance, les déplacements spéculatifs dont les mouvements erratiques menacent la vie économique mondiale de nouveaux effondrements.

 

La menace financière

 

Au cours des vingt dernières années, l’économie capitaliste a connu une succession de secousses financières plus ou moins généralisées, plus ou moins graves. La dernière en date, celle déclenchée par l’affaire des subprimes en 2007-2008, a failli se traduire par un krach bancaire généralisé, qui aurait eu des conséquences incalculables pour la vie économique. Mais cet effondrement ne s’est pas produit. Moyennant des interventions massives des États et des politiques monétaires, l’économie mondiale a évité un effondrement du type de celui de 1929 avec ses suites.

Les moyens mis en œuvre pour enrayer cette catastrophe ont encore amplifié la financiarisation de l’économie, avec comme conséquence l’aggravation des menaces pour l’avenir ; ils ont aggravé le parasitisme du grand capital et surtout la situation de la classe ouvrière.

La crise s’est traduite par une concentration croissante des capitaux, renforçant encore la mainmise des plus puissants sur le reste de l’économie. Elle a éliminé un certain nombre de canards boiteux du capitalisme. Mais le taux de profit est globalement élevé, les dividendes distribués également. Pour le moment, la grande bourgeoisie n’a pas trop à se plaindre de la crise. Si tant est que les grands bourgeois se préoccupent des intérêts de leur classe, et pas seulement chacun de son propre coffre-fort, la grande bourgeoisie peut se bercer d’un optimisme relatif et attendre les jours meilleurs de la reprise.

Le journal économique Les Échos des 13 et 14 septembre 2013 annonce d’ailleurs triomphalement en une : « Bourse : cinq ans pour effacer la crise du siècle » (la recherche du sensationnel l’emportant pour le rédacteur, qui néglige le fait que le siècle n’a que treize ans !). Cela dit, le constat fait par le quotidien demeure : « Le CAC 40 retrouve son niveau de septembre 2008, au moment de la faillite de Lehman » et, « en un peu plus d’un an, il a progressé de 40 % pour s’installer au-dessus des 4 000 points. »

Ce rebond considérable de la valeur des actions ne donne évidemment qu’une image très approximative de la situation économique réelle. Et, avec la quantité de liquidités déversées en permanence dans l’économie par les États, ce miroir est de plus en plus déformé par la spéculation.

Cette hausse de la Bourse reflète sans doute l’anticipation par le grand capital d’une reprise de l’économie. Mais cela n’en reste pas moins un pari spéculatif. En effet, un des problèmes majeurs de l’économie avec la financiarisation croissante est que les profits de la sphère financière viennent, en dernier ressort, de l’exploitation dans la sphère productive et que, pour reprendre la fameuse expression chère aux boursicoteurs, « l’arbre ne peut pas monter jusqu’au ciel ». Un décalage trop important entre l’économie productive et les anticipations boursières ne peut guère perdurer et l’économie productive finit toujours par se rappeler au bon souvenir des capitalistes.

 

L’optimisme inquiet de la bourgeoisie pour ses profits

 

Le fait est cependant que ce triomphalisme concernant l’avenir illustre l’optimisme présent de la bourgeoisie et son espoir que les profits des entreprises, que l’exploitation accrue de la classe ouvrière a permis de sauvegarder pendant la crise, continueront à prospérer. Et tant que les profits présents font espérer des profits plus élevés demain, au diable l’avenir à plus long terme, quand bien même le journal économique Les Échos, toujours dans son édition des 13 et 14 septembre, affirme dans les pages intérieures que « la grande finance a retrouvé de grands profits. Mais une saine et solide croissance économique n’est toujours pas là . » Ou encore : « La finance demeure intrinsèquement un facteur d’instabilité pour l’économie mondiale. »

Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), qui se flatte du rôle des dirigeants des banques centrales – dont lui-même – dans le sauvetage de l’économie, à coups de centaines de milliards, en 2008 et après, ajoute cependant : « Nous sommes encore dans une situation dangereuse. » En en appelant aux États et aux banques pour mettre leurs affaires en ordre, il complète : « Sinon, la période présente n’aura servi qu’à préparer la prochaine crise. »

Depuis son sauvetage par les États en 2008, le système bancaire reste sous perfusion. 85 milliards de dollars par mois déversés rien que par la banque centrale américaine pour racheter des bons du Trésor, des obligations d’État et des crédits hypothécaires, c’est-à-dire pour faire marcher la planche à billets. Mais cette perfusion ne sert même pas à soulager l’économie malade. Elle alimente pour ainsi dire directement la spéculation. Celle qui porte sur les taux de change s’est, à elle seule, accrue de 35 % dans l’année.
La grande crainte des dirigeants américains est néanmoins qu’arrêter la perfusion, si une reprise s’amorçait, provoquerait ce krach financier qu’ils se sont donné tant de mal à éviter en 2008.

Les porte-parole les plus lucides de la bourgeoisie, du genre de Trichet, se gardent bien de donner dans l’optimisme béat. Mais leur mise en garde est une façon aussi de suggérer que, pour les classes populaires, le temps des sacrifices n’est pas terminé.

« Tant que le capitalisme n’aura pas été brisé par une révolution prolétarienne, il vivra les mêmes périodes de hausse et de baisse, il connaîtra les mêmes cycles. (L’alternance entre) les crises et les améliorations (est propre) au capitalisme dès le jour de sa naissance ; elle l’accompagnera jusqu’à sa tombe », écrivait Trotsky, commentant la crise de 1920-1921.

En d’autres termes, les marxistes, en considérant les pulsations cycliques de l’économie capitaliste, n’en concluent nullement qu’une crise conduit à l’effondrement du capitalisme et que la perspective d’une révolution sociale peut résulter de cet effondrement.

La domination de la bourgeoisie sur la société d’aujourd’hui ne s’écroulera que sous l’action consciente de la classe révolutionnaire porteuse de l’avenir, le prolétariat.

Aussi, sur la question de la reprise ou pas, les marxistes n’ont pas plus que quiconque le don de prévoir l’évolution de l’économie. Mais ce sont les porte-voix mêmes de la bourgeoisie qui relèvent la fragilité de l’économie, les menaces qui découlent de la financiarisation, et qui donnent finalement tous les arguments pour douter de la moindre amorce de reprise ailleurs que dans l’optimisme professionnel des dirigeants politiques.

 

Une reprise hypothétique n’arrêterait pas l’offensive de la bourgeoisie contre les exploités

 

Au-delà de la discussion oiseuse sur la réalité d’une prochaine reprise, il est important de comprendre que, si la crise perdure et à plus forte raison si une nouvelle crise financière se traduit par un effondrement brutal de la production, cela aura des conséquences catastrophiques, pour la classe ouvrière comme pour toute la société.

Mais il est tout aussi important de garder à l’esprit que, même si la reprise s’amorçait, cela ne signifierait absolument pas la fin de l’offensive de la bourgeoisie contre la classe ouvrière.
Le grand capital a profité de la crise pour accroître le rapport des forces en sa faveur face à la classe ouvrière.

Sur le plan matériel, c’est une évidence. La condition ouvrière ne cesse de se dégrader au fil de la crise. L’aspect le plus catastrophique de cette dégradation est certainement le chômage, qui écarte de l’activité productive une part croissante de la classe ouvrière, la privant d’un salaire régulier. La généralisation de la précarité, la dégradation des protections sociales s’ajoutent au chômage pour pousser l’ensemble de la classe ouvrière sur la voie de la paupérisation.

Le poids de la fraction paupérisée du prolétariat pèse pour ainsi dire physiquement sur l’ensemble de la classe ouvrière. Le caractère même de la crise, qui a pris la forme d’une dégradation longue et continue, fait qu’un grand nombre de travailleurs sont transformés en chômeurs de longue durée, sans espoir de retrouver du travail.

Le changement du rapport des forces entre la bourgeoisie et le prolétariat se reflète dans le fait qu’en ces années de crise la bourgeoisie a augmenté de façon considérable sa part dans le revenu national au détriment de la classe ouvrière. Il se reflète autant et plus encore dans le moral et dans les consciences. Face à une bourgeoisie triomphante, alors même que son économie est en crise, la classe ouvrière est démoralisée et ne croit pas en l’avenir.

Cette situation est un élément essentiel du rapport de force. Face à la domination du capital sous sa forme la plus parasitaire et la plus abjecte, celle de l’argent-roi, la classe ouvrière se sent désarmée.
Le grand capital a réussi à faire de la crise de son économie une arme de guerre efficace contre la classe ouvrière. Il reprend tout ce qu’il avait dû céder dans les luttes de la classe ouvrière par le passé, ou, à titre préventif, dans la crainte de telles luttes dans un avenir proche.

Même en cas de reprise économique, la bourgeoisie n’a aucune raison de revenir en arrière sur ce que le rapport de force qu’elle a réussi à établir lui a permis d’imposer en défaveur du prolétariat. Elle n’y a pas intérêt politiquement. Elle a un sens aigu du rapport de force avec la classe ouvrière, car la permanence de l’exploitation et le montant de ses profits en dépendent. Et c’est particulièrement frappant en cette période de crise. Car, si la financiarisation de l’économie redistribue les cartes du point de vue de la profitabilité des différentes formes du grand capital, en premier lieu entre des placements financiers, bien plus et plus immédiatement rentables que les investissements productifs, la classe capitaliste s’est bien sortie de la crise jusqu’à maintenant, en parvenant à accroître la plus-value globale extraite de la classe ouvrière. Autrement dit, par l’exploitation accrue de cette dernière. Et cette exploitation accrue est liée au rapport de force.

 

Conscience de classe et rapport de force

 

Le rapport de force global entre la bourgeoisie et le prolétariat est cependant indissociable d’éléments subjectifs, tels le degré de conscience du prolétariat et l’état du mouvement ouvrier organisé qui l’incarne. Et c’est là où les dégâts de la crise actuelle de l’économie capitaliste et de toutes ses conséquences sont les plus graves.

Oh, dans ce domaine, le recul de la conscience de classe du prolétariat est un mouvement qui ne date pas d’hier. La crise présente a surtout poussé très loin une régression de très longue durée ! Depuis des décennies, le réformisme social-démocrate, relayé et aggravé par le stalinisme, a dénaturé, transformé les idées révolutionnaires dont le prolétariat était porteur en édulcorant, en faisant oublier, progressivement ou brutalement, l’idée même de la lutte de classe prolétarienne et ses perspectives historiques.
Dans la présente crise, la bourgeoisie n’éprouve même plus le besoin de déguiser ses préoccupations derrière les discours aussi lénifiants que mensongers de dirigeants se revendiquant en paroles du socialisme ou du communisme. Elle impose, cette fois-ci ouvertement, ses valeurs en les présentant comme celles de toute la société. L’expression « classe ouvrière » elle-même disparaît du vocabulaire pour être remplacée par « classe moyenne ».

Un des signes tangibles de cette évolution est évidemment, en France, la montée du Front national. Elle est, pour le moment, essentiellement électorale. Si cette montée dans les milieux petits-bourgeois constitue une menace grave et pour la classe ouvrière et pour la société, en facilitant la mobilisation de la petite bourgeoisie sur une base réactionnaire et antiouvrière, pour le moment cette menace est potentielle et subordonnée à l’évolution de la situation générale et de la crise. Son aspect le plus inquiétant est l’attraction exercée par le Front national sur la fraction la plus démoralisée et la plus désorientée de la classe ouvrière.
Contrairement à ce que croient les imbéciles et les gauchistes au sens propre du terme, cette influence électorale du FN parmi les travailleurs ne se combat pas avec des slogans du genre « le fascisme ne passera pas », ni en échangeant quelques coups de poing avec les militants d’extrême droite. Le problème fondamental est la nécessité que la classe ouvrière renoue avec ses perspectives de classe et avec les valeurs du mouvement ouvrier.

La montée des pratiques religieuses, de l’influence d’organisations politiques islamistes, le repliement communautaire expriment, par-delà leurs différences profondes, la même évolution réactionnaire que l’influence du Front national.

Car il ne faut pas perdre de vue qu’une partie importante de la classe ouvrière en France, en particulier dans son noyau le plus exploité de l’industrie et du bâtiment, est composée de travailleurs d’origine maghrébine et plus généralement africaine.

 

La responsabilité des ex-partis ouvriers et des bureaucraties syndicales

 

Et c’est là où est grande la responsabilité historique des courants réformistes du mouvement ouvrier, devenus depuis longtemps des partis de gauche de la bourgeoisie. En bradant les valeurs du mouvement ouvrier, en les dénaturant, ils les ont dévalorisées. En cessant de combattre l’ordre bourgeois et, pire, en le servant ouvertement au niveau gouvernemental, ils ont assumé et, pour ce qui est du PS, assument aujourd’hui la responsabilité de toutes ses tares. Et ils les assument plus particulièrement et très directement dans le monde ouvrier.

La pénétration de l’influence du FN aussi bien que, dans un autre ordre d’idées, des courants islamistes réactionnaires repose sur l’affaiblissement de la conscience d’appartenir à une seule et même classe sociale par-delà l’origine, la corporation ou la nationalité. L’individualisme, le chacun pour soi ont largement pris la place du sens de l’intérêt collectif ; la débrouillardise individuelle, celle de l’action et de la solidarité de classe. Le lumpen-prolétariat et son influence corrosive sont aussi anciens que le prolétariat lui-même, et le mouvement ouvrier conscient a toujours eu à les combattre. Mais justement, l’adoration de l’argent facile et la loi de la jungle capitaliste pénètrent d’autant plus facilement dans les quartiers populaires aujourd’hui qu’il n’y a pas, en face, un mouvement ouvrier conscient solide, fier de ses valeurs et de ses combats et capable de les propager, en particulier dans la jeunesse.

Cette conscience-là, si elle a ses racines objectives dans l’identité des intérêts des prolétaires qui ont en commun d’être exploités, résultait de décennies d’activité du mouvement ouvrier conscient. C’est cette activité consciente, volontariste, qui a d’abord été dénaturée puis abandonnée.

Les directions des grands partis qui avaient des liens historiques avec la classe ouvrière, comme les directions syndicales, ont repris à leur compte les idées, les justifications, jusqu’aux mots même de la bourgeoisie : compétitivité, nécessité de rembourser la dette, intérêt national… Ces partis comme ces syndicats n’éprouvent même plus le besoin d’utiliser un certain langage hérité du passé et de la lutte de classe pour tromper les travailleurs, pour dissimuler le fait qu’ils sont au service des intérêts de la bourgeoisie.

Pour ne citer que cet exemple, dès l’aube du mouvement ouvrier politique Marx mettait en garde les prolétaires de son temps contre le fait de laisser pénétrer dans leurs rangs la concurrence, idée propre à la bourgeoisie.

Aujourd’hui, c’est sans honte que partis ex-ouvriers et chefs syndicaux reprennent à leur compte et comme allant de soi le mot et la notion de compétitivité.

Dans le Programme de transition, Trotsky affirmait : « La crise actuelle de la civilisation humaine est la crise de la direction du prolétariat », pour fixer comme tâche aux communistes révolutionnaires de son époque d’« affranchir le prolétariat de la vieille direction dont le conservatisme se trouve en contradiction complète avec la situation catastrophique du capitalisme à son déclin et constitue le principal obstacle au progrès historique ».

Ce programme a été rédigé en 1938, à une époque où la crise de 1929 et ses suites avaient engendré de grandes convulsions sociales, où se posait objectivement la question de savoir qui, de la bourgeoisie ou du prolétariat, allait diriger la société. À cette époque, la classe ouvrière était présente sur la scène politique avec un grand nombre de militants encadrés et organisés. L’incapacité des directions à mener le prolétariat jusqu’au bout de son combat, conduit dans l’impasse notamment en France et plus encore en Espagne par la politique des Fronts populaires, avait débouché sur la Deuxième Guerre impérialiste mondiale.

Les exhortations de Trotsky, dans le Programme de transition, étaient non seulement le constat de la trahison des directions staliniennes et social-démocrates, mais aussi une façon d’affirmer sa conviction que la classe ouvrière saurait se relever.

Dans la crise présente, la crise des directions ne se limite pas aux dirigeants et aux appareils, mais se traduit aussi par l’affaiblissement du milieu militant qui existait dans la classe ouvrière.
Mais l’histoire du mouvement ouvrier a connu bien des périodes plus ou moins longues où, notamment après une défaite, la classe ouvrière a su relever collectivement la tête. Un des aspects de ces reprises de confiance a toujours été la capacité qu’avait le prolétariat de faire émerger en son sein de nouvelles générations de militants.

En parlant du rôle démobilisateur et criminel du stalinisme en Allemagne dans les années qui ont précédé l’arrivée du fascisme au pouvoir, Trotsky affirmait : « La classe ouvrière allemande se relèvera, mais le stalinisme, jamais. »

 

La classe ouvrière relèvera la tête

 

Que la crise continue ou, peut-être plus encore, si une reprise s’amorce, la classe ouvrière retrouvera sa combativité. Bien souvent dans le passé, c’est précisément au moment de la reprise que les luttes ouvrières ont redémarré avec vigueur. Et, dans cette reprise de combativité, un rôle essentiel reviendra aux nouvelles générations qui n’ont pas connu les déceptions du passé.

L’avenir dira autour de quels axes se produira le nouvel élan de la classe ouvrière et autour de quelles idées se retrouveront ses meilleurs éléments militants.

Les appareils réformistes hérités du passé, bien que fossilisés, partiront bien sûr avec un certain avantage, ne serait-ce qu’à cause de leur présence de longue date dans le monde ouvrier. Il serait dans l’ordre des choses que l’éveil de la classe ouvrière passe, dans un premier temps, par le renflouement des vieilles organisations réformistes, tout au plus badigeonnées en rouge, peut-être autour de nouveaux « sauveurs suprêmes » qui auront réussi à faire passer de vieilles idées pour des nouveautés.

Si ces organisations devaient rester les seules à proposer une politique pour la renaissance ouvrière, cela déboucherait inévitablement sur de nouvelles trahisons.

Voilà pourquoi il est vital, et, par certains côtés, plus encore dans cette période de recul, de défendre les perspectives communistes révolutionnaires.

Voilà pourquoi il ne s’agit pas d’ajouter un peu de rouge au langage réformiste ni de trouver de nouveaux terrains de recrutement autour des préoccupations qui concernent la petite bourgeoisie, mais de se revendiquer le plus clairement possible de la lutte de classe du prolétariat et de sa perspective ultime qui est d’arracher le pouvoir à la bourgeoisie afin de changer de fond en comble l’organisation économique et sociale.

Seule la renaissance des luttes ouvrières peut redonner à ces idées force et crédibilité. Les communistes révolutionnaires n’ont pas le pouvoir de susciter cette renaissance, qui résultera de la prise de conscience moléculaire de centaines de milliers, de millions de prolétaires. Mais il faut qu’ils saisissent toutes les occasions politiques et, pour ce qui est de l’avenir immédiat et/ou prévisible, les prochaines échéances électorales sont une de ces occasions de lever le drapeau de l’émancipation sociale.

Affirmer des idées communistes révolutionnaires est, dans la période actuelle, aller à contre-courant. Dans le contexte de triomphe des valeurs de la bourgeoisie, de démoralisation et de recul de la conscience dans la classe ouvrière, défendre les idées communistes révolutionnaires implique de savoir affronter l’hostilité ou, peut-être pire, l’indifférence.

Mais – faut-il le rappeler ? – le courant qui a maintenu le drapeau du communisme révolutionnaire à l’époque où la barbarie nazie et la réaction stalinienne plongeaient le monde dans la plus noire des réactions, quand il était « minuit dans le siècle », l’a fait dans des conditions autrement plus difficiles. Et l’emprise stalinienne sur le mouvement ouvrier ici même, en France, et la chasse aux communistes révolutionnaires se sont prolongées bien au-delà de la mort de Staline.

La réalité objective pèse bien plus lourd que l’activité des communistes révolutionnaires, en tout cas jusqu’à ce qu’un retournement se produise dans l’état d’esprit de la classe ouvrière. Le recul des consciences favorisera les faiseurs de miracles, ceux qui prétendent découvrir de nouveaux chemins alors qu’ils n’ont fait qu’oublier les anciens.

Mais cette période a au moins un avantage qu’il faut saisir, c’est la visibilité qu’elle peut procurer même à de petites organisations. Sur le fond d’apathie et de recul du milieu militant dans la classe ouvrière, ceux qui ne sont pas démoralisés, ceux qui gardent leurs capacités militantes, surtout leurs idées et leur confiance en la capacité de la classe ouvrière à retrouver le chemin de la lutte mais aussi à renouer avec son rôle historique, sont plus perceptibles.

Ils ne seront pas suivis dans un premier temps ? Certes. Mais le jour où la classe ouvrière commencera à chercher des solutions, lorsque les premiers femmes et hommes, les jeunes, retrouveront l’envie d’agir, les militants aujourd’hui isolés seront en situation d’être les points de fixation autour desquels s’aggloméreront des dizaines ou des centaines d’autres.

Personne ne peut prédire quand et comment une telle situation se produira. En tant que marxistes, nous avons la profonde conviction que le communisme révolutionnaire est « l’expression consciente d’un processus inconscient ». Si le prolétariat est capable de reprendre à son compte les idées de lutte de classe et s’il est le seul à pouvoir les pousser jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au renversement du pouvoir de la bourgeoisie, c’est que ces idées résultent du mouvement même de la société, du mouvement même de l’histoire. Tôt ou tard, elles triompheront.

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