mardi 3 janvier 2012

:: Quand, avec l’aggravation de la crise, la démagogie protectionniste se renforce…

L’unification de l’Europe est une nécessité depuis au bas mot un siècle. Les deux guerres mondiales, parties toutes les deux de rivalités impérialistes internes à l’Europe, ont exprimé de la façon la plus tragique pour les peuples et la plus stérile pour l’histoire l’incapacité des bourgeoisies à surmonter le morcellement étatique d’un continent où le développement économique étouffait, plus que partout ailleurs, dans les cadres nationaux. Les bourgeoisies d’Europe, même les plus puissantes, freinées par l’insuffisance de leurs marchés nationaux respectifs, pas assez puissantes pour conquérir ceux de leurs concurrentes, ont fini par devenir des acteurs de second ordre de l’économie capitaliste mondiale.
Malgré l’interpénétration croissante des économies des différents pays européens, malgré l’intérêt évident des grandes entreprises capitalistes agissant à l’échelle du continent, les bourgeoisies nationales restent cramponnées à leurs États et défendent pied à pied les prérogatives de ces derniers.
Il a fallu plus d’un demi-siècle de tractations laborieuses pour que le Marché commun entre six pays d’Europe occidentale devienne l’Union européenne, composée de 27 pays après l’intégration de l’ancien glacis de l’Union soviétique (sans jamais englober l’ensemble du continent qui, pour plus de la moitié de sa superficie et un tiers de ses habitants, reste toujours en dehors de l’Union).
L’Union européenne s’est dotée progressivement de certains attributs d’un pouvoir d’État, avec l’accroissement des prérogatives de la Commission européenne, sorte d’exécutif, flanquée d’un Parlement européen dont le pouvoir à légiférer s’est élargi. A été surtout mise en place une vaste bureaucratie administrative, pesante et coûteuse comme un véritable appareil d’État, sans en être un.
Les prérogatives étatiques de l’Union européenne sont, de plus, à géométrie variable. C’est ainsi, par exemple, que l’espace Schengen, à l’intérieur duquel les déplacements des personnes sont libres, ne concerne pas l’ensemble de l’Union (la Grande-Bretagne notamment se tient à l’écart), alors qu’en revanche d’autres pays, la Norvège et l’Islande qui n’appartiennent pas à l’Union européenne, font partie de cet espace. De plus, les États peuvent revenir en arrière, comme l’a fait quelque temps le Danemark en rétablissant le contrôle à ses frontières nationales sous la pression de formations d’extrême droite.
Un autre pas en avant plus important a été la création d’une monnaie unique européenne. La Grande-Bretagne a cependant refusé d’adopter l’euro, ainsi que la Suède et le Danemark.
Ces petits pas de la construction européenne ont représenté chaque fois un certain abandon négocié de souveraineté. Mais les États nationaux ne se sont pas pour autant effacés au profit d’un État fédéral à l’échelle de l’Union. Les prérogatives abandonnées par les États nationaux au profit de Bruxelles sont soit celles exigées par les grandes entreprises pour assurer le grand marché dont elles ont besoin, soit au contraire celles qui les indiffèrent totalement. D’où ce mélange de pouvoir réglementaire des institutions européennes qui, dans certains domaines, frise le ridicule, alors que dans d’autres il appartient aux États nationaux de décider. Et, évidemment, « l’Europe sociale », que promettent les partis de la gauche réformiste quand ils sont dans l’opposition, est le cadet des soucis des grandes entreprises mondialisées au profit de qui se construit l’Europe actuelle.
L’euro a été le complément logique du marché unique, indispensable pour préserver celui-ci des soubresauts monétaires internes à l’Union. Mais, faute d’une homogénéisation fiscale et surtout d’un exécutif centralisé capable de mener une politique monétaire, il n’a jamais cessé d’être exposé à des tensions que la crise financière a exacerbées.
La crise financière a mis en évidence la fragilité de l’Union européenne. Le roi est nu. Le capital financier à la recherche permanente de placements spéculatifs a su trouver les failles derrière la façade de l’unité de la zone euro et, par là même, les élargir. Les taux d’intérêt, qui étaient identiques pour tous les États emprunteurs dans les premières années de la zone euro, ont commencé à se différencier, ouvrant de nouveaux champs aux spéculateurs.
Même les quelques pas en avant faits par les bourgeoisies pour surmonter les rivalités nationales, comme dans le domaine de l’unification monétaire, sont aujourd’hui menacés. Cela confirme les idées des révolutionnaires communistes, Trotsky en particulier, qui affirmaient, il y a près d’un siècle, qu’il appartiendra à la révolution prolétarienne de parvenir à une Europe réellement unie à l’échelle du continent, sans frontières et sans morcellement.
Les États-Unis d’Europe, inscrits depuis plus d’un siècle dans les nécessités économiques, seront communistes ou ne seront pas. Les crises financières répétées de 2008 et 2011 ont mis en évidence et accentué les inégalités dans les relations entre États de l’Union. Avec une Grande-Bretagne faisant cavalier seul, la zone euro et l’Union européenne elle-même sont devenues une sorte de condominium franco-allemand. Faute d’un gouvernement européen, les décisions concernant l’ensemble de l’Union sont prises lors des rencontres informelles entre Sarkozy et Merkel. Et elles sont prises plus encore par la Banque centrale européenne, qui apparaît du coup comme le seul pouvoir exécutif à l’échelle de l’Union en matière de politique monétaire. Mais l’indépendance de la Banque centrale européenne signifie seulement l’indépendance à l’égard des formalités vaguement démocratiques des institutions européennes et à l’égard des petits États de l’Union. La BCE est en même temps le lieu où se déroulent discrètement les tractations entre les principales puissances impérialistes de la zone euro et où s’élaborent les compromis entre elles.
L’entente entre les deux principales puissances impérialistes de l’Europe, la France et l’Allemagne (avec la Grande-Bretagne qui se tient à l’écart), est la condition nécessaire, mais certainement pas suffisante, pour toute décision de l’Union.
Non seulement les puissances impérialistes de moindre envergure, l’Italie ou les Pays-Bas, cherchent à faire prévaloir leurs intérêts, mais les multiples rebondissements de la politique de l’Union à l’égard de la Grèce montrent que des États nationaux de la taille de la Finlande, de la Slovaquie, voire de Malte, sont susceptibles de retarder des décisions, même si elles correspondent aux intérêts des deux plus puissants. Le vote du Parlement slovaque contre le renforcement du fonds de stabilité européen est significatif de leurs problèmes, même si, sous la pression, il a vite fait de revenir dessus.
Devant les soubresauts de la spéculation financière, renforcés en Europe par la cacophonie des intérêts divergents des États, l’absence de gouvernance européenne est patente. On ne peut cependant pas écarter la possibilité que la crise financière agisse dans un premier temps comme une incitation à renforcer les actions communautaires imposées par les circonstances, c’est-à-dire par les intérêts de la finance. De fait, la Banque centrale européenne a déjà pris plusieurs mesures d’urgence en matière de politique monétaire qui outrepassent largement ses prérogatives. Ses statuts, soigneusement étudiés à l’époque de sa mise en place pour éviter que les États les plus riches n’aient à payer pour les États les plus pauvres, sont foulés aux pieds depuis plusieurs mois pour venir au secours, non point de la Grèce, mais des banques impliquées dans les prêts à la Grèce. C’est ainsi que la Banque centrale européenne, prenant exemple de manière hypocrite sur la Banque centrale américaine, s’est engagée dans une politique de rachat d’obligations pourries détenues par les banques privées, une politique inflationniste qui augmente la masse de monnaie et de crédits en euros.
Le rôle des dirigeants politiques étant de justifier politiquement ce que veulent et ce que font les groupes financiers, les propositions se multiplient pour renforcer la gouvernance européenne. Le regain de la phraséologie fédéraliste ou pro-européenne ne sort pas de rien. Il s’enracine dans la même situation de crise qui fait fleurir symétriquement la phraséologie protectionniste.
Mais la seule forme de gouvernance européenne possible est l’entente entre les deux principales puissances impérialistes pour imposer leurs quatre volontés aux pays moins puissants. Cette entente elle-même ne peut avoir d’autre fondement que la conjonction des intérêts de deux bourgeoisies impérialistes rivales. Jusqu’où ira cette conjonction d’intérêts si la crise s’aggrave ? L’avenir le dira, mais plus que jamais leurs relations ressemblent, pour paraphraser Trotsky, à celles de deux brigands attachés à la même chaîne.
Dans le débat qui oppose, dans le camp de la bourgeoisie, ceux qui revendiquent plus d’Europe à ceux qui prônent le protectionnisme national, les communistes révolutionnaires n’ont pas à prendre parti. Les circonstances peuvent amener la bourgeoisie à adopter successivement les deux attitudes, voire l’attitude qui consiste à renforcer encore le protectionnisme de l’Union européenne vis-à-vis de l’extérieur, ce qui en soi implique dans la réalité une plus grande centralisation des décisions à l’intérieur de l’Union. Si plus personne dans les milieux dirigeants de la bourgeoisie n’écarte la menace d’un éclatement de la zone euro et/ou la dislocation de l’ensemble de l’Union européenne, cela peut prendre une multitude de formes : le retour à un simple Marché commun, comme le prônent bien des dirigeants politiques de Grande-Bretagne, ou la fragmentation en plusieurs zones avec des degrés de coopération variables, en maintenant ou pas la fiction de l’Union européenne actuelle.
Quelle qu’en soit la forme, le repliement national serait le signe d’une évolution catastrophique de la situation économique et redoublerait l’offensive de la bourgeoisie contre les classes laborieuses. Mais plus d’Europe n’ouvrirait pas pour autant une perspective plus favorable aux classes exploitées. Cela signifierait seulement que la construction européenne s’aligne sur les exigences du moment du capital financier.
Il est significatif, par exemple, que la proposition la plus concrète en matière d’avancée de gouvernance européenne soit de créer des euro-obligations, en l’occurrence une certaine mise en commun des budgets des États pour venir en aide au système bancaire. Le Marché commun a été institué il y a plus de cinquante ans en raison de l’exigence des grandes entreprises capitalistes – y compris et surtout à l’époque de trusts américains – de disposer d’un vaste marché sans enfermement douanier national. Il serait tout à fait dans la logique du capitalisme que le nouvel élan dans l’unification européenne vienne du besoin de la finance de doter l’Europe d’une gouvernance capable de prendre en charge la mutualisation de l’aide aux banques. Cela signifierait que les États les plus riches acceptent de vider les poches de leurs classes populaires en faveur non seulement des banques qui sévissent sur leur propre territoire, mais aussi de celles qui sévissent sur le territoire de pays plus pauvres.
Il y a là non seulement le résumé de plus d’un demi-siècle de construction européenne sur la base du capitalisme, mais aussi l’expression de plusieurs décennies de financiarisation de l’économie.
La mise sous tutelle de la Grèce, dont les finances sont aujourd’hui contrôlées par une Troïka, composée de représentants de la Commission européenne, du FMI et de la Banque centrale européenne, rabaisse ce pays au niveau d’un protectorat. Cette Troïka est en train d’être complétée par un groupe d’une cinquantaine de hauts fonctionnaires européens représentant principalement les intérêts des États français et allemand, c’est-à-dire de leurs banques particulièrement mouillées dans les prêts à l’État grec. Cet organisme de tutelle est destiné, pour reprendre l’expression de Sarkozy, à « vérifier pas à pas que les engagements demandés par l’Europe à la Grèce sont scrupuleusement tenus ». Jean-Claude Junker, président de l’Eurogroupe, c’est-à-dire des pays de la zone euro, a exprimé encore plus clairement les choses en affirmant que « la souveraineté de la Grèce sera énormément restreinte ». Et cela, sans même tenir compte de la privatisation des entreprises nationalisées et de la mise à l’encan des services publics eux-mêmes, dont de grandes sociétés françaises ou allemandes s’approprieront les éléments profitables.
L’exemple de la Grèce montre d’ailleurs que l’appartenance au club plus limité de la zone euro ne protège pas des relations de dépendance par rapport aux puissances impérialistes d’Europe. À plus forte raison, l’ensemble des pays de l’Est européen ont été intégrés dans l’Union européenne comme des pays de seconde zone, dont la vie économique, mais aussi dans une large mesure la vie politique, dépendent des pays impérialistes de la partie occidentale de l’Europe.

:: La gauche altermondialiste, cette gauche qui se place fondamentalement sur le terrain de la bourgeoisie…

Il est désormais courant, et pas seulement dans les milieux de la gauche réformiste, de dénoncer la finance et ses excès. L’économiste Joseph Stiglitz, ex-ministre de Clinton et prix Nobel d’économie, qui passe pour le maître à penser des altermondialistes, a intitulé son ouvrage analysant les derniers rebondissements de la crise : Le triomphe de la cupidité. Comme si la chose était inconnue du capitalisme d’avant les dérégulations des fatidiques années quatre-vingt !
Critiquer les politiques libérales, les dérégulations ou encore la globalisation ou la financiarisation de l’économie, et en rester à cette critique-là sans expliquer comment tout cela s’enracine dans l’évolution de l’économie capitaliste elle-même, est une façon de défendre l’économie capitaliste. Le fait que le Parti socialiste, le Parti communiste, et jusqu’à une partie de l’extrême gauche, reprennent à leur compte ce type d’explication, montre que tous ces gens se placent fondamentalement sur le terrain de la bourgeoisie.
Les altermondialistes n’ont que des platitudes à offrir en guise de réponse à la question « Pourquoi un tel développement de la financiarisation ? » En rester à la dénonciation des politiques libérales menées par les gouvernements, voire à l’influence des théories monétaristes de certains gourous de l’économie politique bourgeoise, est une de ces platitudes. Elles n’expliquent pas pourquoi, en un moment de l’histoire économique de l’après-guerre – précisément après les premières manifestations de la crise économique au tournant des années soixante-soixante-dix – ces politiques libérales ont commencé à s’imposer.
Que les États et leurs dirigeants aient joué un rôle à chaque étape dans la financiarisation de l’économie, c’est une évidence. Les multitudes de mesures prises pour « déréguler », pour supprimer des obstacles devant les placements et les déplacements de capitaux, d’un pays à l’autre, d’un secteur à l’autre, ont été des mesures étatiques. Mais les gouvernements n’ont fait que donner une traduction juridique à l’évolution du capitalisme lui-même, à sa dynamique interne – fût-ce parfois en anticipant.
Les altermondialistes dénoncent les têtes pensantes du libéralisme économique qui défendent l’idée que les marchés s’autorégulent. À juste raison. La multiplication des crises financières et leur gravité croissante font le deuil de ce genre de stupidités. Les crises de l’économie capitaliste n’ont cependant pas disparu, mêmes aux périodes où le marché était plus ou moins réglementé. Et surtout, c’est le marché réglementé qui a enfanté le marché déréglementé. Et, avant de l’avoir enfanté, il l’a porté en son sein. Il a préparé les financiers à l’exiger, les économistes à le justifier, et les politiques à en assurer les conditions légales. De quoi donc le retour à la réglementation – si tant est qu’il soit possible aujourd’hui – pourrait-il préserver l’économie capitaliste ?
La prépondérance du capital financier sur le capital industriel a une histoire plus que séculaire derrière elle. C’est même une des caractéristiques de l’évolution du capitalisme arrivé à maturité – à la sénilité, pour reprendre l’expression de Lénine –, un des signes de son passage du stade concurrentiel vers le stade impérialiste. Mais dans le cadre de cette évolution globale, la finance et l’activité productive évoluent en symbiose. Leurs rôles respectifs reflètent les pulsations de l’économie capitaliste.
La régulation, moyen de circonstance pour sauver le grand capital
Les mesures de régulation, qui font tant rêver les économistes qui se posent en maîtres à penser de la gauche bourgeoise, ont été réinventées dans le contexte de la crise de 1929 et des années de dépression. Elles ont pris des formes différentes dans la démocratie impérialiste des États-Unis et sous le régime fasciste de l’Allemagne bourgeoise, mais les objectifs étaient les mêmes : sauver le grand capital.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la régulation devint la règle dans tous les pays impérialistes. Cette régulation non seulement n’a pas empêché les grands trusts de prospérer, mais au contraire la guerre fut une période d’enrichissement pour les plus gros requins de l’économie capitaliste.
La régulation se prolongea bien longtemps après la guerre, imposée par la nécessité de fournir des béquilles étatiques au capital privé, incapable de faire face, sur la base du profit privé et de la concurrence, à toutes les tâches de la reconstruction et de la relance de la production. Même dans les pays impérialistes, notamment ceux d’Europe, l’État n’a pas seulement réglementé : il a joué un rôle important en matière de production comme de crédit. Ont été élaborées de multiples règles juridiques et administratives, parmi lesquelles la séparation des activités respectives des banques et des assurances, le cloisonnement à l’intérieur même du secteur bancaire entre banques de dépôt et banques d’investissement. S’y ajoutaient, dans les relations entre pays, le contrôle des changes et la mise en place d’un système monétaire international avec la prédominance du dollar.
Preuve qu’il est en effet possible de truffer le capitalisme de règlements. Mais preuve aussi que, si l’on ne touche pas aux fondements de l’économie capitaliste, la propriété privée des moyens de production et la course au profit, les crises ne disparaissent pas, et dès lors que les règles destinées au départ à aider le grand capital se transforment en corsets, le grand capital sait les faire sauter.
Les Reagan, Thatcher, les grands prêtres du capitalisme libéral, n’ont été que des instruments, des exécutants de la volonté du grand capital en un moment donné de son évolution. Parmi les balivernes véhiculées par les milieux altermondialistes, il y a le reproche fait aux traités de Maastricht et de Lisbonne d’interdire à la Banque centrale européenne de prêter aux États.
Du coup, ceux-ci sont contraints d’emprunter sur les marchés financiers, ce qui les rend prisonniers de ces marchés. Le montant élevé de la dette publique serait exclusivement dû aux intérêts versés aux banques privées. S’il est tout à fait exact qu’une partie importante de l’endettement est due aux prélèvements des banques et que les décisions des gouvernements de se financer sur le marché des capitaux moyennant intérêts a été un immense cadeau au système financier, l’explication des altermondialistes est partielle, et pour des raisons intéressées. D’abord parce que mettre au pilori uniquement les traités de Maastricht et de Lisbonne, qui ont donné le fondement juridique en Europe à cette limitation des droits de la Banque centrale, c’est taire volontairement que les dettes publiques des États-Unis et de la Grande-Bretagne sont également considérables, alors que ces deux pays ne font pas partie de la zone euro et que les obligations créées par Maastricht et Lisbonne ne les concernent pas.
Ensuite parce que présenter comme une alternative à la crise financière actuelle le retour au droit de chaque État de la zone euro de faire marcher la planche à billets n’est en rien une solution pour surmonter la crise, ni une perspective plus favorable pour les classes exploitées. Une politique inflationniste, même menée par l’État national, c’est encore une politique destinée à vider les poches des salariés en démolissant le pouvoir d’achat des salaires. Les circonstances peuvent amener la bourgeoisie à adopter cette politique. Les États-Unis l’appliquent déjà. L’Europe aussi, dans une certaine mesure.
Les travailleurs n’ont évidemment pas à se retrouver derrière la politique de la bourgeoisie, qu’elle vise la stabilité monétaire ou qu’elle soit inflationniste. Cela repose la nécessité pour le monde du travail de mettre parmi ses objectifs l’échelle mobile des salaires, susceptible de préserver leur pouvoir d’achat.
Dans le texte du congrès de l’année dernière consacré à « La crise de l’économie capitaliste », nous constations que : « Contrairement aux craintes des milieux financiers, voire des dirigeants politiques des grandes puissances impérialistes, l’utilisation effrénée de la planche à billets ne s’est pas traduite, ou pas encore, par un retour à la forte inflation des années soixante-dix. […] Tout se passe comme si l’économie était cloisonnée et que la masse monétaire supplémentaire résultant de la planche à billets était entièrement absorbée par le système financier lui-même. »
Étant donné cependant le fonctionnement forcené de la planche à billets aux États-Unis, en Grande-Bretagne et, d’une autre manière, en Europe, il est probable que la masse monétaire en circulation puisse alimenter tout à la fois le casino des riches et l’inflation pour les classes populaires.
Les altermondialistes prennent soin de ne jamais mettre en cause les fondements de l’économie capitaliste tout en critiquant certains de ses dégâts. Ce n’est pas pour rien qu’ils peuvent postuler à l’insigne honneur d’être les maîtres à penser du Parti socialiste. Ne sont-ils pas déjà flattés que même le très réactionnaire duo Sarkozy-Merkel envisage d’un œil favorable la taxe Tobin, ce dérisoire prélèvement qui non seulement ne touche en rien aux fondements de l’économie capitaliste, c’est-à-dire aux véritables causes de la crise, mais effleure à peine les intérêts des financiers spéculateurs. La dernière réunion du G20, ce cénacle des dignitaires de l’impérialisme, a même mis l’idée de taxer les opérations financières à l’ordre du jour de ses palabres.
La gauche gouvernementale et ses inspirateurs altermondialistes et assimilés posent en fait leur candidature pour être les exécutants de la volonté du grand capital, si le chaos financier actuel l’amène à faire appel aux béquilles étatiques.

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