lundi 9 mai 2011

:: La classe ouvrière doit renouer avec la politique révolutionnaire

Le capitalisme a créé ou grossi des nouvelles zones d’exploitation, sa rapacité a engendré des réactions ouvrières. Toute une gamme de coups de colère, de grèves ou d’actions de résistance passive. Patrons et PDG occidentaux détachés à Rio, Séoul ou Mexico n’ont pas trouvé la sinécure. De même que le capitalisme a créé des poches d’industrialisation, la classe ouvrière, elle, a créé autant de foyers de luttes, explosant ici ou là selon des contingences locales, mais sous la nécessité partout, pour la classe ouvrière pressurée par la même poignée de trusts internationaux, de défendre sa survie.
Le problème, c’est que la somme de ces foyers de lutte ne font pas encore un mouvement ouvrier, une seule et même force consciente d’elle-même. Cela ne fait pas un seul et même camp. Pas encore.

A quelle distance en est-on ? Est-ce que la classe ouvrière mondiale peut franchir ce pas, et comment, dans quels délais ? Ce sont autant de questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre.
Nous savons seulement que ce n’est pas la combativité qui manque.
Ce ne sont pas non plus les conditions objectives qui font défaut. L’impérialisme est plus que pourrissant. Si ses hommes peuvent encore se tenir à l’abri dans leurs buildings de verre et d’acier, imputrescibles et climatisés, leur système condamne le reste du monde à vivre sur un tas d’ordures. Littéralement. Jusques et y compris au coeur des métropoles impérialistes.
Mais c’est la conscience politique qui manque à la classe ouvrière. Elle lutte, elle résiste, à tour de rôle même en des temps rapprochés, elle subit la répression, la démoralisation (surtout quand elle perd ses illusions dans les politiciens social-démocrates qui se présentent à elle comme ses sauveurs suprêmes), mais jusqu’à présent, elle retrouve à chaque fois ses forces. Cela dit, tout se passe comme si la classe ouvrière repartait chaque fois à l’attaque sans avoir assez retenu du passé.
Ce n’est pas pour nous étonner. Si un mouvement ouvrier digne de ce nom a existé dans le passé, si des travailleurs se sont réunis, se sont concertés, se sont organisés non seulement pour la défense de leurs conditions d’existence mais aussi pour discuter de l’avenir du monde, de la transformation indispensable de la société, et s’il en reste encore quelque chose - et peut-être bien plus qu’il n’y paraît -, c’est parce que la politique s’est imposée au mouvement ouvrier.
En fait, des hommes et des femmes, des révolutionnaires, des communistes depuis Marx l’ont proposée au mouvement ouvrier. Ils ont milité pour une Internationale, pour un programme et une direction du mouvement ouvrier mondial. Les grandes grèves des ouvriers français, allemands ou russes du début du siècle n’ont peut-être pas été, à chaque période, ni plus nombreuses, ni plus longues, ni même plus victorieuses que les vagues de grève du Tiers monde de ces dernières années. Mais même quand des révolutionnaires ne les animaient pas directement, l’existence de partis ouvriers, d’une Internationale faisait qu’elles se déroulaient dans un contexte conscient pour la classe ouvrière.
C’est cela qui n’existe plus, ou tellement peu, et qui reste à reconstruire. Mais c’est indispensable, et c’est possible. En tout cas, encore une fois, la période n’y est pas défavorable. Et si nous avons parlé des manifestations de la classe ouvrière, sur le terrain revendicatif (ce qui peut fonder nos espoirs pour l’avenir), il ne faut pas non plus oublier que d’autres forces politiques, réactionnaires et obscurantistes, se manifestent aujourd’hui aussi dans le monde.
Dans ces pays du Tiers monde, par exemple, les militaires ne désarment pas. Ils sont toujours là, même s’ils ont laissé momentanément le devant de la scène. Certains sont des noyaux possible, si ce n’est déjà agissants, de formations fascistes.
En Argentine, par exemple, de tels hommes et courants font parler d’eux, et réussissent même à se faire entendre dans les milieux populaires les moins conscients.
Dans ce Tiers monde aujourd’hui, où une partie des classes moyennes sont sévèrement et brutalement paupérisées elles aussi, et où il ne manque pas de « lumpen » pour se faire enrôler dans des mafias anti-ouvrières, on pourrait voir se développer rapidement des courants réactionnaires anti-ouvriers. Et comment pourrait-on s’en étonner, dans des régions — l’Amérique Latine ou les Philippines — où la violence anti-populaire armée est une vieille tradition ?
Le réformisme aujourd’hui - et depuis longtemps d’ailleurs - n’a pas d’autre avenir que comme soutien de la bourgeoisie. Alors, ou bien dans la période à venir les courants réactionnaires l’emportent, et le monde ne sera alors pas à l’abri de la barbarie guerrière. Ou bien les révolutionnaires sauront utiliser les possibilités objectives, et le mouvement ouvrier pourra renouer avec la lutte politique révolutionnaire.

Extrait du CLT n°41 du 9 novembre 1990 : "Crise ou relance, le capital le fait dûrement payer au prolétariat de la planète"