vendredi 9 septembre 2011

:: 11 septembre 2001 : le contexte. #911

Le système impérialiste protège, sécrète et perpétue des inégalités non seulement entre les deux classes sociales fondamentales de la société mais aussi entre pays impérialistes et pays sous-développés. La stratégie militaire et la diplomatie des grandes puissances impérialistes sont destinées, en dernier ressort, à préserver la domination économique sur le monde de leurs grands groupes industriels et financiers. L'impérialisme américain ne diffère de ce point de vue des impérialismes de seconde zone, comme la Grande-Bretagne, la France, etc., que par ses moyens économiques et militaires supérieurs et par sa position de gendarme de l'ordre impérialiste à l'échelle du monde.
Mais gouverner au profit de groupes impérialistes, c'est gouverner contre les peuples. Les régimes sur lesquels s'appuie l'impérialisme américain, comme à une moindre échelle les impérialismes anglais et français, dans les pays arriérés sont en règle générale des régimes oppressifs, anti-populaires.
Dans les pays sous-développés, les régimes les plus serviles à l'égard des groupes impérialistes et, par là même, les alliés les plus fidèles des Etats-Unis sont précisément ceux qui, faute de soutien de leur propre population, ont absolument besoin de leur appui. La subordination envers les Etats-Unis repose sur la solide conviction des tenants de ces régimes que leur survie face à leur propre population est liée au soutien des Etats-Unis. Les dirigeants des grandes puissances impérialistes ont maintes fois fait l'expérience de régimes qui, en acquérant une certaine base populaire, prennent leurs distances.
Si les Etats-Unis tiennent tant à l'alliance avec Israël, c'est qu'il est à peu près le seul régime au Moyen-Orient dont la politique pro-américaine trouve un large consensus dans la population. La politique sioniste des dirigeants d'Israël se conjugue avec la politique réactionnaire des Etats arabes de la région pour forger dans la population d'Israël la conviction que, hors de l'alliance américaine, il n'y a pas de survie pour un Etat hébreu.
Mais cette politique, qui repose sur la violence contre le peuple palestinien, est en même temps un piège pour le peuple d'Israël lui-même. La politique de répression de l'Etat d'Israël a suscité une génération de jeunes prêts à se sacrifier dans des attentats-suicides. Ces actions sont condamnables parce qu'aveugles mais c'est l'arme des pauvres et des faibles, contre laquelle les chars et les hélicoptères ne peuvent pas faire grand-chose. Cette politique que le gouvernement d'Israël mène avec le soutien matériel et politique des Etats-Unis prépare pour la jeunesse israélienne un avenir aussi bouché que l'est déjà celui de la jeunesse palestinienne.
A cultiver la violence...
Sur la majeure partie pauvre de la planète, l'appui des Etats-Unis aux régimes et aux forces politiques les plus réactionnaires a été une constante de leur politique.
Au temps de l'Union soviétique et de la "guerre froide", les dirigeants américains justifiaient leur politique par la préoccupation de contenir l'influence soviétique.
En premier lieu, sur les limites des zones d'influence soviétique et occidentale. Les deux guerres livrées par les Etats-Unis pour empêcher le risque d'une modification des zones d'influence, l'une en Corée, l'autre au Vietnam, allaient de pair avec la mise en place de dictatures et un soutien indéfectible à ces dernières.
Il a suffi que l'Inde flirte, à l'époque de la Conférence de Bandung, avec une attitude neutraliste pour que les Etats-Unis renforcent leur soutien aux dictatures militaires successives du Pakistan, notamment à celle du général Zia qui, de son côté, menait une politique favorisant le fondamentalisme religieux.
L'impératif d'entourer l'Union soviétique de régimes fidèles à l'alliance américaine motive depuis plusieurs décennies le soutien tout aussi indéfectible au régime turc, quel que soit son caractère dictatorial, militaire et policier, quitte à sacrifier à cette alliance le droit du peuple kurde à une existence nationale, comme d'ailleurs bien d'autres droits et libertés démocratiques pour le peuple turc lui-même.
C'est pour la même raison que les Etats-Unis avaient soutenu le régime du chah en Iran, y compris et surtout contre son propre peuple. La CIA a joué un rôle majeur, au côté des services secrets britanniques, dans le coup d'Etat pour renverser le Premier ministre Mossadegh qui avait osé, en 1951, nationaliser le pétrole iranien. Mais les Etats-Unis ont eu beau protéger le chah et faire de son armée la principale force militaire de la région, il a été emporté par la révolte qui porta au pouvoir l'islamiste Khomeiny. Pour contrer Khomeiny, les Etats-Unis ont alors appuyé Saddam Hussein, le dictateur d'Irak. Dans la longue guerre meurtrière qui a opposé l'Irak à l'Iran de 1980 à 1988, Saddam Hussein était le chevalier blanc des puissances occidentales. La guerre fit plusieurs centaines de milliers de morts. On sait ce qu'il en est advenu : Saddam croyait pouvoir outrepasser le rôle que lui avaient assigné les grandes puissances et il a avalé le Koweit, mini-Etat détaché artificiellement des ensembles étatiques plus grands de la région de l'Irak en particulier dans l'intérêt des grandes compagnies pétrolières. Pour punir Saddam Hussein, l'allié d'hier devenu ennemi, on a bombardé son peuple. La guerre du Golfe et le blocus économique qui se poursuit depuis, n'ont même pas fait tomber le dictateur, mais ils ont fait mourir, sous les bombes ou de privations, un million et demi d'Irakiens.
Les taliban, de leur côté, n'auraient pas pu s'imposer en Afghanistan sans le soutien du Pakistan, en armes et en encadrement, c'est-à-dire sans l'accord des Etats-Unis. Les Etats-Unis espéraient alors que les taliban parviendraient à mettre fin à la situation d'anarchie armée, consécutive à la retraite des troupes soviétiques. Et ils ne furent pas fâchés à l'idée que le prosélytisme des intégristes afghans suscite des courants islamistes dans les républiques d'Asie centrale issues de l'Union soviétique.
Deux autres zones stratégiquement importantes pour les Etats-Unis ont eu à subir les conséquences de cette politique : l'Amérique latine et le Moyen-Orient.
En Amérique latine, faut-il rappeler la longue liste des dictateurs militaires soutenus par les Etats-Unis, la participation de la CIA au renversement du pouvoir d'Arbenz au Guatemala en 1954, l'intervention militaire contre une insurrection populaire à Saint-Domingue en 1964, à Grenade pour renverser un gouvernement considéré trop progressiste en 1983, à Panama avec le prétexte d'arrêter Noriega, ancien agent pourtant de la CIA mais trop impliqué dans le trafic de la drogue et, surtout, coupable de démagogie anti-américaine. Noriega a été arrêté, mais l'intervention fit plusieurs milliers de victimes. Faut-il rappeler l'appui au renversement d'Allende par Pinochet en 1973 et aux massacres qui s'en suivirent, le soutien accordé aux groupes para-militaires d'extrême droite au Salvador et au Guatemala ou aux "contras" contre le régime sandiniste au Nicaragua ?
Au-delà même de ces zones stratégiques, faut-il rappeler le sanglant coup d'Etat militaire en Indonésie en 1965 pour renverser le pouvoir de Soekarno, suspecté de "neutralisme", et le nombre incalculable de victimes un million, peut-être plus en particulier parmi les paysans pauvres qualifiés de rouges ?
Même l'Afrique continent où l'impérialisme américain a laissé le rôle de gendarme aux anciennes puissances coloniales, la France et la Grande-Bretagne pour l'essentiel porte encore aujourd'hui les stigmates du jeu politique américain. Pendant la guerre anticoloniale en Angola et après, pour contrer l'influence du MPLA, suspecté d'être favorable à l'Union soviétique, les Etats-Unis ont financé et armé l'UNITA. Plus d'un quart de siècle après s'être débarrassée du pouvoir colonial portugais, l'Angola n'est toujours pas sortie d'une guerre civile sanglante, opposant le gouvernement central à la guérilla de l'UNITA. Et si l'armée américaine ne peut guère se vanter de son intervention en Somalie, cette intervention a bien eu lieu.
Au Moyen-Orient, si c'est Israël qui est la pièce maîtresse du système d'alliances des Etats-Unis, il n'est pas le seul. L'impérialisme américain a hérité de l'impérialisme britannique et français une situation où les peuples arabes ont été morcelés entre une multitude d'Etats offrant la possibilité de jouer sur leurs rivalités en s'appuyant sur les plus réactionnaires contre ceux qui étaient tentés de prendre un peu d'autonomie politique ou économique.
L'Arabie saoudite, avec son régime sans doute le plus réactionnaire d'une région qui en compte quelques autres, s'est imposée comme le principal défenseur hors Israël des intérêts des Etats-Unis en général et de leurs trusts pétroliers en particulier.
Et il n'est nullement paradoxal que l'argent saoudien ait joué un rôle majeur dans le financement des groupes islamistes, non seulement dans la région mais bien au-delà, jusqu'au GIA algérien ou au groupe Abou Sayaf aux Philippines.
L'Arabie saoudite a pu d'autant plus facilement financer des groupes islamistes que, pendant longtemps, les Etats-Unis comme la Grande-Bretagne, également impliquée dans la région, voyaient dans les forces islamistes des contre-feux au nationalisme arabe montant, symbolisé pendant un temps par l'Egypte de Nasser et puis, dans une certaine mesure, par la Syrie et l'Irak.
On ne manie pas ces forces réactionnaires sans qu'il y ait des chocs en retour.
En dehors de l'Arabie saoudite et de son régime intégriste wahhabite, les forces islamistes sont restées pendant longtemps marginales, se limitant pour l'essentiel aux Frères musulmans égyptiens dont on sait qu'ils ont été aidés, au moins à leurs débuts, par les agents britanniques en Egypte.
Et, paradoxalement, c'est précisément le cours réactionnaire des choses à l'échelle du monde, disons depuis plus d'un quart de siècle, qui a joué un tour à la politique de l'impérialisme américain. Ce cours réactionnaire des choses s'est concrétisé par un recul général des forces qui se revendiquaient bien plus à tort qu'à raison, mais c'est une autre question du socialisme ou du communisme, et même des forces qui se voulaient "nationalistes", "progressistes" ou "tiers-mondistes". Toutes ces forces s'alimentaient en dernier ressort des mécontentements, des colères, des frustrations des peuples opprimés par l'impérialisme.
L'anti-impérialisme déclaré de ces forces multiples se limitait surtout aux discours. Mais il faut se souvenir de l'énorme popularité que valut à Nasser un geste comme la nationalisation du canal de Suez. Nasser et surtout son successeur Sadate finirent par rentrer dans le rang. Mais les causes qui firent leur succès n'ont pas disparu. Au contraire.
La politique de spoliation et de répression d'Israël vis-à-vis du peuple palestinien s'est aggravée avec la durée, avec la politique systématique d'établissement de colonies israéliennes en Palestine, avec la guerre menée lors des Intifadas par une armée moderne contre les cailloux, les bâtons et les bombes primitives d'un peuple désarmé. Qu'il soit dit en passant qu'à son échelle, Israël a mené une politique similaire à celle des Etats-Unis et a cru, un moment, pouvoir se protéger contre le nationalisme d'Arafat en laissant ses services secrets appuyer les intégristes du Hamas.
Mais les créatures échappent aujourd'hui aux créateurs. Le Hamas canalise à son profit la perte de confiance croissante des masses palestiniennes à l'égard d'Arafat. Les intégristes du Soudan et les taliban afghans se sont retournés contre leurs anciens protecteurs. Le recul du nationalisme "socialisant" dans les pays arabes a laissé le champ libre aux forces politiques islamistes pour s'adonner à une certaine démagogie anti-américaine.
Faute que d'autres perspectives soient offertes aux masses déshéritées de la région, l'intégrisme religieux, jusqu'à ses variantes terroristes, est devenu le vecteur par lequel s'expriment leur désespoir et leur haine de la situation qui leur est faite.

:: 9 septembre 1917 : mutinerie des soldats britanniques à Étaples


Pendant la Première Guerre mondiale, la ville d'Étaples, au sud de Boulogne-sur-Mer, accueillait un camp militaire britannique où, le 9 septembre 1917, éclata une mutinerie qui dura six jours. La mutinerie terminée, les autorités britanniques, qui craignaient la contagion de la révolution russe, n'eurent qu'une obsession, faire comme si elle n'avait jamais existé. Il fallut plus de soixante ans 
pour que cette affaire soit évoquée à travers des publications britanniques.


Le camp militaire d'Étaples mélangeait jeunes recrues et vétérans, qui s'y entraînaient à la guerre des gaz et au combat à la baïonnette. Les soldats enduraient de longues marches forcées dans des dunes de sable, des séances d'autant plus épuisantes qu'ils avaient le plus souvent le ventre vide. Il n'était pas rare que des soldats demandent à retourner au front, tant les conditions étaient difficiles. L'encadrement était féroce et les distractions rares, surtout destinées aux officiers. La police militaire terrorisait les soldats, y compris les blessés traités dans les différents hôpitaux militaires de la...



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:: La prétendue expérience socialiste suédoise [LDC, 1976]


A la suite d’un léger déplacement de voix, la social-démocratie suédoise vient de céder la place, après plus de quarante années de présence au gouvernement - un délai suffisamment long pour constituer l’exception dans l’histoire de la social-démocratie européenne. Bien entendu, pour la droite, cet échec électoral a constitué la preuve que la population suédoise refusait de supporter plus longtemps le poids d’une machine étatique envahissante et oppressive ; alors que dans la gauche, par exemple parmi les homologues français des sociaux-démocrates suédois, on n’a voulu y voir que le recul momentané d’une « expérience socialiste », sans précédent dans ses formes comme dans sa durée.
Mais de part et d’autre et quels que soient les commentaires circonstanciels dictés par les préoccupations électoralistes qui agitent le monde politique en France, il y avait la reconnaissance implicite d’une expérience originale, celle d’un « socialisme à la suédoise ».
C’est pourtant ce qui est le plus contestable.
Qu’en est-il exactement de ce paradis social-démocrate suédois ? Comment, quand, pourquoi et dans l’intérêt de qui ont été adoptées les principales mesures réglant la vie économique et sociale ? Quel fut le rôle exact des sociaux-démocrates dans ce pays qui est encore constitutionnellement un royaume et socialement un pays capitaliste, voilà ce qui demande à être apprécié.

:: 9 septembre 1976 - Mort de Mao Tsé-toung : un nationaliste, pas un communiste

Il y a 25 ans mourait Mao Tsé-toung. La presse ne manque pas une occasion de rappeler les épisodes sanglants de son régime, et surtout de les attribuer au communisme dont Mao disait se réclamer. Et en effet, la Chine maoïste a bien souvent servi, avec l'URSS stalinienne dont elle avait copié certains traits, de repoussoir anticommuniste. A en croire nombre de journalistes, ce pays n'aurait été pendant des dizaines d'années qu'un vaste goulag asiatique, dont se seraient peu à peu affranchis les successeurs de Mao en renouant avec l'Occident et l'économie de marché. Un scénario intéressé, maintes fois rabâché, qui a peu à voir avec la réalité. 

Un régime avant tout nationaliste 
Lorsque Mao et ses compagnons d'armes prirent le pouvoir en 1949, leur objectif se bornait en fait à limiter l'emprise sur leur pays des puissances impérialistes qui en suçaient le sang depuis plus d'un siècle. Car pour ce qui est de « l'ouverture à l'Occident », la Chine avait largement donné. Au milieu du XIXe siècle, afin de promouvoir le « libre commerce » de l'opium, les canonnières anglaises et françaises avaient forcé la Chine à se soumettre à la rapacité des grandes puissances, s'arrogeant des enclaves dans ses ports, des concessions « interdites aux chiens et aux Chinois », à partir desquelles elles pillaient tout le pays. Et en fait de démocratie, la population avait vu les soldats occidentaux et japonais prêter main forte à ses oppresseurs chinois à chaque fois qu'elle tentait de relever la tête. 
C'est à cette situation que Mao entendait mettre un terme, pour faire du pays un Etat moderne. Cet objectif fut celui de maints autres leaders du Tiers Monde, sous bien des drapeaux. En Chine, il se trouva qu'il fut incarné par un parti et des hommes qui, une vingtaine d'années auparavant, s'étaient formés dans le moule du stalinisme dont ils avaient retenu la phraséologie et, aussi, l'idée que l'intervention de l'Etat pouvait être un moteur puissant du développement économique. Il n'en reste pas moins que lorsque le Parti Communiste Chinois, après de longues années de guérillas infructueuses, prit le pouvoir, porté par l'immense révolte paysanne qui déferla sur la Chine à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce ne fut pas pour instaurer un régime où les richesses cesseraient d'appartenir à une petite minorité de privilégiés. En 1945, Mao avait déclaré ne pas viser « la bourgeoisie en général, mais l'oppression impérialiste et féodale, (et que) le programme de la révolution n'est pas d'abolir la propriété privée, mais de protéger la propriété privée en général ; cette révolution ouvrira la voie au développement du capitalisme ». Et dès l'installation du nouveau régime, la classe ouvrière fut appelée à « continuer à vaquer à ses occupations » et la paysannerie priée de tempérer ses velléités de réforme agraire. Il s'agissait de ne pas compromettre l'harmonie du « Bloc des quatre classes », bourgeoisie nationale, prolétariat, paysannerie et classes moyennes, sous l'égide duquel se plaçait la direction maoïste. 

Une étatisation imposée par le blocus impérialiste 
Encore aurait-il fallu que cette bourgeoisie nationale, vis-à-vis de laquelle Mao multipliait les attentions, accepte de jouer le jeu et que l'impérialisme tolère ce régime. Ce ne fut pas le cas. Dès la fin 1950, les USA décrétèrent le blocus économique du pays alors que débutait la guerre de Corée. Dans ce contexte, les bourgeois chinois que Mao aurait voulu convaincre de faire tourner la production dans l'intérêt national, tout en conservant leurs richesses et privilèges, s'y refusèrent. Ils trouvaient plus rentable de continuer leurs trafics habituels, désorganisant l'économie et mettant le pays en danger militaire, et n'envisageaient nullement de renoncer à leur rôle parasitaire. C'est donc par la force des choses, par instinct de survie et non par idéologie, que le régime dut nationaliser les entreprises au milieu des années cinquante. 
Malgré ces conditions d'isolement, aggravées ensuite encore par la rupture avec l'URSS, la direction maoïste poursuivait son but, toujours le même : essayer de faire de la Chine un Etat moderne et une grande puissance, alors que, isolée, appauvrie par un siècle de pillage impérialiste, elle n'en avait pas les moyens. C'est donc à l'immense masse paysanne que le régime allait imposer des efforts inouïs pour tenter d'atteindre ses objectifs. Dans les campagnes « collectivisées », les paysans se virent arracher la plus grande partie du fruit de leur travail pour financer l'industrialisation. On leur imposa de s'épuiser dans de grands travaux et même, lors du « Grand Bond en avant », de produire de l'acier dans les villages pour « rattraper l'Angleterre en 15 ans » ! Dans les villes, la classe ouvrière fut soumise à un régime quasi militaire. Régulièrement le pouvoir eut recours à la répression et mobilisa ses cadres pour étouffer toute velléité d'agitation sociale. La « Révolution culturelle », qui débuta en 1969, vit le régime s'appuyer sur l'armée pour mobiliser la jeunesse estudiantine afin de mettre au pas la population urbaine. Cela, dans le cadre d'une reprise en main militaire du pays par l'appareil d'Etat car, la guerre du Vietnam s'étendant alors, le régime semblait craindre d'être à son tour menacé, en tout cas déstabilisé par elle. 

Le bilan du maoïsme… et celui du capitalisme en chine 
L'étatisme a permis à la Chine, sinon d'échapper au sous-développement, du moins de ne pas laisser libre cours aux prélèvements de l'impérialisme ainsi qu'à ceux de la bourgeoisie locale. Cela lui a évité de s'enfoncer toujours plus dans la pauvreté, comme nombre d'Etats du Tiers Monde devenus indépendants à la même époque. Mais cet étatisme, outil d'une perspective nationaliste qui fut la constante du maoïsme, n'avait rien de communiste, pas plus que la politique et les intérêts qu'il servait. Aussi est-ce le plus naturellement du monde que l'Etat chinois réintégra le marché capitaliste dès que les USA le lui permirent. Cela se fit du vivant même de Mao lorsque, défaits au Vietnam, les Etats-Unis décidèrent de rechercher un nouveau règlement global en Asie, intégrant désormais la Chine. Peu avant la mort de Mao, Nixon vint ainsi lui serrer la main à Pékin. Depuis lors les dirigeants chinois n'ont fait qu'approfondir cette voie, à travers certes maints à-coups et zigzags. 
Les capitalistes du monde entier peuvent désormais exploiter les ouvriers chinois dans des « zones franches » créées à cet effet depuis 1979. Certains y trouvent leur compte, ainsi que toute une frange de nouveaux riches chinois. Mais ce n'est bien sûr pas le cas de l'immense majorité de la population. 
Tout en pressurant celle-ci pour tenter de faire décoller l'économie, le régime maoïste avait en effet instauré un certain égalitarisme dans la distribution des ressources, au moins celles de première nécessité. En tout cas, cela avait évité à la population de connaître un dénuement aussi effroyable que celui de l'Inde, comparable à bien des égards, mais dont le régime est toujours resté dans le giron de l'impérialisme. Il y avait des privilèges en Chine maoïste, mais ils pesaient infiniment moins sur la population que les prélèvements imposés par l'impérialisme aux pays du Tiers Monde qu'il domine. Et cette différence de situation avait suffi à assurer aux Chinois un sort un peu plus enviable au niveau de la santé, de l'éducation, du logement ou de l'alimentation, que celui des Indiens, par exemple. 
De ce point de vue, la réintroduction de la Chine dans le marché mondial, c'est-à-dire dans une économie de plus en plus ouverte au pillage, ne peut que faire resurgir les tares du passé. Dans les villes et les campagnes, cela a déjà fortement accru des différenciations sociales, annonciatrices à terme d'une profonde régression sociale. 
Le temps écoulé depuis que la Chine a renoué avec le marché mondial est maintenant comparable à celui pendant lequel elle en avait été écartée. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'impérialisme, avec ses immenses moyens, n'a pas fait mieux que le régime maoïste pour ce qui est d'améliorer le sort de la population. 
Alors, si l'histoire de la Chine depuis 1949 entraîne une condamnation, ce n'est pas celle du communisme, que le régime nationaliste fondé par Mao n'a jamais représenté. C'est celle du capitalisme sous toutes ses formes. 

:: Capitalisme : des crises du siècle passe à celles du siècle présent


L’équilibre de l’économie capitaliste ne peut être atteint qu’à une double condition. D’une part, puisque dans cette économie on produit pour vendre, il faut que la production globale s’établisse au niveau de la demande solvable. D’autre part, il faut qu’entre les diverses branches de l’économie, et essentiellement entre celles du secteur qui fabrique des moyens de production et de celui qui fabrique les biens de consommation, le développement respecte une proportionnalité et une série de relations complexes difficiles à satisfaire.
Or, l’économie n’obéit à aucun plan d’ensemble ; la production est réalisée par un grand nombre de producteurs individuels, agissant séparément les uns des autres, sans aucun autre contrôle social que celui exercé après coup, c’est-à-dire après la réalisation de la production, par le marché. Ce trait fondamental, le capitalisme l’a gardé par delà toutes les transformations qui l’ont affecté au long d’une évolution qui l’a conduit de la libre concurrence aux monopoles.
La recherche du maximum de profit individuel, non seulement sans aucune coordination, mais précisément les uns au détriment des autres, qui est le propre d’un tel mode de production, exclut toute harmonisation préétablie. Les équilibres indispensables ne pouvant pas s’établir avant la production, s’imposent après, sur le marché. Si la tendance du capital à accroître la production pour accroître le profit capitaliste a fait que la production a dépassé la demande solvable, les ventes s’effondrent, et une période de ralentissement succède à l’activité productive fiévreuse et aveugle. La production capitaliste s’ajuste ainsi au niveau des besoins solvables de la société par des oscillations, tantôt dépassant ce niveau, tantôt tombant jusqu’à une interruption presque totale.
L’équilibre précaire entre le secteur des moyens de production et le secteur produisant des articles de consommation, est nécessairement rompu par le fait même de l’accroissement de la production qui caractérise une période d’expansion. L’élargissement de la production se traduit par une croissance de la composition organique du capital, par un renouvellement massif et une extension du capital fixe, autrement dit, par une demande soutenue adressée par tous les capitalistes au secteur produisant des moyens de production (machines, usines, équipements, etc...). Ce secteur s’accroît beaucoup plus rapidement que celui qui produit des articles de consommation. L’équilibre est rompu en faveur du premier secteur. Mais dès que le renouvellement et l’extension du capital fixe sont terminés, dès que l’équipement des capitalistes est achevé, le secteur qui fabrique des moyens de production ne trouve plus d’acheteurs, il se retrouve en état de surproduction, donnant le point de départ de la crise. Ainsi, la marche cyclique de l’économie. est rythmée par la période de renouvellement du capital fixe dans l’économie.
L’histoire de l’économie capitaliste tout au long du XIXe siècle, avait été ponctuée par des crises qui se succédaient avec une régularité remarquable tous les dix-onze ans environ.
Si la nécessité impérieuse de crises pour rétablir périodiquement les équilibres économiques rompus découle de la nature même de la production capitaliste, la forme de ces crises, leur périodicité, leur caractère plus ou moins étendu, sont liés aux conditions concrètes de l’économie à la période où se produit la crise.
Au XIXe siècle, et essentiellement dans sa première partie, où la domination du capital se limitait à un nombre relativement restreint de pays les crises n’affectèrent naturellement que ce même nombre limité de pays. Parfois ensemble, mais souvent même séparément. Les crises gardaient un caractère essentiellement national.
Par ailleurs, dans ces pays mêmes, le tissu économique était infiniment moins complexe qu’aujourd’hui, la vie économique et ses fluctuations étaient dominées par un nombre également restreint de branches importantes comme la sidérurgie et, en connexion, les chemins de fer, comme encore le textile et les diverses branches qui fournissaient à ce dernier ses matières premières (coton, laine, etc...).
Une crise de surproduction sur n’importe lequel de ces divers marchés était immédiatement perceptible et, étant donné le poids spécifique relativement important de chacun par rapport à l’ensemble, la crise prenait rapidement un caractère général. Tantôt déclenchées par la mévente du coton, tantôt par un effondrement des valeurs du chemin de fer, les crises, en se généralisant, finissaient par mettre les quelques grandes branches dominantes à peu près au même diapason, de sorte que leurs cycles apparaissaient pratiquement concomitants, Ainsi. ponctués par des crises de surproduction qui apparaissaient clairement comme telles, les cycles économiques se succédaient régulièrement, à un rythme plus ou moins commun de renouvellement du capital fixe de l’ordre d’une dizaine d’années.
La profonde nécessité des crises en économie capitaliste n’implique nullement que cette nécessité se concrétise sous une forme immuable depuis la révolution industrielle et l’âge d’or du capitalisme libéral.
L’économie évolue dans le sens d’une complexité croissante. La multiplication extraordinaire des branches et, en particulier, de celles qui produisent des moyens de production, diminue le poids spécifique de chacune et, par suite, l’effet des variations cycliques de chacune sur l’ensemble de l’économie.
Le rythme de renouvellement du capital fixe qui est à la base des cycles, s’est modifié. Pour des raisons techniques d’une part : la durée de construction d’une usine, la mise en place d’un équipement, la fabrication de machines, sont considérablement réduites dans un très grand nombre de branches. Mais aussi parce que l’usure technologique est plus rapide, parce que des possibilités de financement nouvelles facilitent les renouvellements nécessités, etc...
A cette tendance générale à la réduction du rythme de renouvellement du capital fixe, l’augmentation du nombre des branches ajoute la diversification. De ce fait, la crise dans une branche ne prend pas ipso facto l’allure d’une crise générale. En revanche, lorsque la crise se généralise à toutes les branches, elle est infiniment plus profonde, plus étendue et plus catastrophique qu’au siècle passé.
Le crédit a connu une croissance considérable et, avec cette croissance, il permet plus largement encore que jamais d’entretenir une animation industrielle artificielle, alors même que la crise de surproduction est déjà potentiellement ouverte. Ce rôle croissant du crédit, comme celui de la monnaie-papier à cours forcé (avec les possibilités de manipulations monétaires qu’elle ouvre) ont donné à la spéculation un champ d’action toujours plus vaste, de moins en moins lié à l’activité productive réelle, de plus en plus étranger à toute rationalité.
Enfin et surtout, le théâtre des faits et méfaits du capital s’est élargi à l’échelle du globe. Là où il y avait des pays, il y a des continents entiers, là où il y avait des capitaines d’industrie, il y a des trusts puissants. Le jeu des lois de l’économie se déroule à une toute autre échelle qu’au début du XIXe siècle - et ses conséquences désastreuses également.
Tous ces phénomènes contribuent à donner aux vieilles crises du capitalisme une allure toute nouvelle. La crise de 1929, la plus terrible que l’économie capitaliste ait connue - et qu’il a connue à l’échelle du monde entier - n’était déjà plus une crise de surproduction « classique ».
Que ceux dont c’est le rôle de dépeindre le système bourgeois sous des couleurs idylliques, s’évertuent à dégager de cet incessant renouvellement des formes sous lesquelles les crises apparaissent, de quoi alimenter le conte d’un capitalisme harmonieux, est une chose. Mais les capitalistes vivent moins que quiconque de légendes, fussent-elles conformes à leurs voeux les plus chers. Qu’elle se manifeste au travers d’une crise de surproduction, d’un krach boursier, d’un effondrement monétaire, ou sous la forme plus bénigne d’une récession, la douloureuse régulation de l’économie capitaliste se traduit pour la plupart de ses profiteurs, par un ralentissement des affaires et, donc, par la réduction du profit. Et contre l’hydre aux mille têtes et aux mille visages de la crise, les capitalistes ne peuvent plus se passer de l’archange protecteur, l’État.
L’État, outre ses puissants moyens économico-politiques, possède dans son comportement économique la vertu exceptionnelle de ne pas obéir aux mêmes lois qui s’imposent à chaque capitaliste particulier : il ne recherche pas le maximum de profits pour lui-même, il tente d’intervenir pour permettre à l’économie capitaliste dans son ensemble de survivre.
Aux encenseurs attardés des « s ains mécanismes de l’économie capitaliste » d’ânonner la fière devise « laisser faire » de la bourgeoisie montante - au demeurant, même à cette époque révolue, cette dernière était moins fière dans son comportement envers le soutien étatique que ne le proclamait la devise - les capitalistes, avec infiniment plus de sens pratique, comptent absolument sur l’État pour suppléer la demande défaillante afin de permettre au capital de fonctionner.
Keynes, qui fit sa fortune d’économiste célèbre en théorisant la nécessité de l’intervention économique constante de l’État au service de la bourgeoisie, affirmait sans ambages que cette intervention était indispensable en tant « qu’unique moyen pratique d’éviter la destruction complète des formes économiques existantes, comme la condition du bon fonctionnement de l’initiative individuelle ».
Et, pour remplir cette noble mission, à l’État de se débrouiller pour trouver les fonds nécessaires. Les impôts, bien sûr, pour transférer des poches des exploités de quoi aider les industriels. Mais aussi, et depuis plus d’un demi-siècle, de manière croissante, les manipulations monétaires.

[source, 1972]

mardi 6 septembre 2011

:: 6 septembre 1976 : décès de David Korner dit Barta

Né le 19 octobre 1914 à Buhusi, en Roumanie, David Korner (dit Barta, Albert ou A.Mathieu) sympathise au début des années 30 avec le parti communiste roumain.

Venu en France à l'automne 1933, il rejoint la Ligue Communiste Internationaliste, c'est à dire le mouvement trotskyste. Il partage son temps entre Paris et Bucarest où il participe en 1935 à la création d'un Groupe Bolchévik-Léniniste roumain. On n'en sait guère que ce qu'il mentionne dans deux rapports à la LCI et dans deux lettres à Trotsky.

A la fin de l'année 1936, il quitte la Roumanie avec trois camarades, dont Louise (la future Irène de l'Union Communiste) pour rejoindre la révolution espagnole. Bloqués en France, ils militent au Parti Ouvrier Internationaliste (POI) trotskyste.

Début 1939 il rejoint le Parti Socialiste Ouvrier et Paysan (PSOP) avec la fraction Rous-Craipeau, à la direction de laquelle il appartient. Il rompt avec les Comités Pour la Quatrième Internationale en septembre 1939. Avec Louise il édite jusqu'en janvier 1940 trois numéros du journal internationaliste clandestin L'Ouvrier.

En novembre 1940 il rédige sa brochure « La lutte contre la deuxième Guerre impérialiste mondiale », seul manifeste authentiquement internationaliste en France à l'époque. De 1942 à 1944, publication de 34 numéros de La Lutte de Classes et construction d'un petit groupe qui rejette la réunification car le Parti Communiste Internationaliste (PCI) - section française de la Quatrième Internationale - refuse d'analyser les causes des errements nationalistes du début de la guerre. En septembre 1944, Mathieu Bucholtz, l'un des principaux militants du groupe, est assassiné par les staliniens.

De 1944 à 1947, travail d'implantation systématique dans la classe ouvrière rendu d'autant plus vital que, pour la première fois, apparait une fracture durable entre la conscience ouvrière et le parti communiste français (PCF) dont les ministres et les militants harcèlent la classe ouvrière de leur zèle productiviste.

Cette activité débouche sur la grève Renault d'avril-mai 1947 dirigé par l'Union Communiste au travers de Pierre Bois, son principal militant dans l'usine. Ce mouvement était le fruit d'un travail long et patient : « Si nous nous sommes trouvés à la tête de la grève Renault d'avril 1947, c'est que l'ensemble de notre orientation (syndicale et politique) nous y avait menés. » Un succès donc. Mais aussi un échec en ce sens que la grève générale qu'ils avaient espéré déclencher ne survient pas. Du moins pas tout de suite. Le PCF réussit à l'endiguer, la transformant en la grève générale larvée de fin 1947 et 1948.

Exclus de fait de la Confédération Générale du Travail (CGT), quelques centaines d'ouvriers de chez Renault se retrouvent au sein du Syndicat Démocratique Renault (SDR), structure qui devient pratiquement la seule forme d'organisation de l'Union Communiste et absorbe toutes ses forces. Outre le climat de liberté que la grève et sa création ont imposé dans l'usine, le SDR rencontre un certain nombre de succès: reconnaissance de sa représentativité légale et celle, politique, de la CGT qui doit, en 1949, en plein stalinisme, accepter la présence de trotskystes à la tribune d'un meeting commun.

Pourtant, en 1949 une scission se produit et l'organisation - qui n'a jamais compté plus de deux dizaines de membres - n'y survit pas. Barta cesse de militer en 1951.

Le groupe Voix Ouvrière (puis Lutte Ouvrière) s'est inscrit dès sa création (1956) dans la continuité de l'U.C. bien que, malgré plusieurs tentatives, les relations avec Barta n'aient jamais été renouées durablement.