jeudi 18 juin 2015

:: 30 juin 1960 : indépendance du Congo belge [LO, juillet 2010]


Le 30 juin 1960, la Belgique octroyait l'indépendance au Congo, son ancienne colonie. À l'issue de négociations avec les principaux leaders politiques, le roi Baudouin transmettait le pouvoir à Joseph Kasavubu et Patrice Lumumba, respectivement président et Premier ministre de la nouvelle république. Mais l'impérialisme belge entendait bien conserver un droit de regard sur l'évolution du pays et préserver ses intérêts économiques, quitte à mettre le Congo à feu et à sang pendant cinq ans.

Un lourd passé colonial

C'est dans les années 1880 que le roi Léopold II de Belgique, jouant sur les rivalités entre la France, l'Angleterre et l'Allemagne en Afrique, s'empara d'un immense territoire, grand comme quatre-vingts fois la Belgique, qu'il considéra comme sa propriété. Il fit main basse sur les fabuleuses richesses naturelles du Congo, n'hésitant pas à recourir aux méthodes les plus barbares pour obtenir de la population le maximum d'ivoire puis de caoutchouc qui poussait à l'état sauvage dans les forêts équatoriales. En quelques années, ce système d'exploitation fit la fortune de Léopold et des sociétés capitalistes qui s'étaient engagées derrière lui, mais il coûta la vie à plusieurs millions d'Africains.

La cession du Congo par le roi à l'État belge, en 1908, ne changea rien à la domination coloniale. Des dizaines de milliers de fonctionnaires belges régnaient sur une population soumise au travail forcé et privée de tout droit politique.

Entre les deux guerres mondiales, les ressources minières du Congo (cuivre, diamant, étain, zinc et minerais rares.) furent largement exploitées, ainsi que d'immenses plantations consacrées à des cultures d'exportation (coton, café, riz, caoutchouc...). Les trusts qui pillaient le Congo, avec la protection et la complicité de l'État belge, avaient pour nom la Société Générale de Belgique, le Comité national du Kivu, la Société des huileries du Congo, la Forminières - une filiale de la Société Générale régnant sur l'exploitation des diamants du Kasaï -, et surtout l'Union minière du Haut-Katanga. À la veille de l'indépendance, cette riche province assurait à elle seule plus de la moitié des exportations du pays.

De l'agitation anticoloniale à l'indépendance

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le Congo belge fut touché comme bien d'autres pays africains par une agitation anticoloniale. En 1944 et 1945, grèves, émeutes et révoltes se multiplièrent chez les ouvriers, les paysans et les soldats.

Parallèlement, à l'initiative d'une petite élite intellectuelle qui ne comptait que quelques milliers de membres à la veille de l'indépendance, des clubs, des cercles d'études et des associations se constituèrent dans les grandes villes. Du côté des partis réclamant l'indépendance immédiate se trouvait l'Abako, l'association des Bakongo, une ethnie résidant principalement dans les régions de la capitale Léopoldville (aujourd'hui Kinshasa) et de l'embouchure du fleuve Congo. Son porte-parole était un ancien séminariste, Joseph Kasavubu. Le Mouvement national congolais, fondé par Patrice Lumumba en 1956, tenait quant à lui un langage très radical et prônait la création d'un État national dépassant les cloisonnements ethniques. La Belgique voyait d'un mauvais oil l'influence grandissante du MNC et de Lumumba, confirmée par son succès aux premières élections générales de mai 1960.

À côté de ces deux grands partis, se créèrent de nombreux mouvements sur des bases régionales ou ethniques, comme la Conakat (Confédération des associations katangaises) de Moïse Tschombé, le PSA (Parti de la solidarité africaine) d'Antoine Gizenga, et bien d'autres, notamment au Kivu et au Kasaï.

L'agitation anticoloniale culmina en 1959. Début janvier, la police ouvrit le feu pour disperser une réunion interdite de l'Abako à Léopoldville. Ce massacre, qui fit officiellement 49 morts et 116 blessés, déclencha un soulèvement populaire qui dura plusieurs jours. Les manifestants, qui avaient pour revendication l'indépendance, s'attaquèrent à des colons blancs. L'armée réprima brutalement ce mouvement et, tenus pour responsables, plusieurs leaders de l'Abako, dont Kasavubu, furent arrêtés.

Devant l'ampleur de ces événements, le pouvoir belge comprit qu'il était en train de perdre sa colonie. Dans son discours du 13 janvier, le roi Baudouin évoqua pour la première fois, l'indépendance et la réunion d'un Parlement congolais élu au suffrage universel. Mais les troubles continuèrent et s'étendirent à tout le pays. En octobre, Lumumba fut à son tour arrêté après des émeutes à Stanleyville (aujourd'hui Khisangani).

Cherchant une issue à la crise, le pouvoir belge réunit à Bruxelles les leaders de tous les partis congolais, y compris Lumumba, qui sortit pour la circonstance de sa prison, à la demande insistante des autres participants. L'indépendance fut décidée pour le 30 juin 1960 et l'exécutif du nouveau pouvoir confié aux représentants de deux principaux partis, Kasavubu et Lumumba.

Le jour dit, Baudouin prononça un discours dans lequel il vantait les bienfaits de la colonisation et son action dans l'accession du pays à l'indépendance. Bousculant le protocole, Lumumba prit la parole derrière lui pour rétablir la vérité : l'indépendance n'était pas octroyée, mais le fruit d'une longue lutte après quatre-vingts ans d'humiliations, de spoliations et de souffrances pour la population noire.

Les manœuvres sanglantes de l'impérialisme pour préserver ses intérêts

En dépit de l'indépendance, l'État belge entendait conserver un étroit contrôle sur le Congo. L'économie restait évidemment aux mains des trusts belges et occidentaux. L'armée, baptisée Force publique, était toujours encadrée par des officiers belges. Le général qui la commandait avait d'ailleurs fait inscrire ce slogan qui en disait long : « Après l'indépendance = avant l'indépendance .»

Mais la population pauvre des villes comme des campagnes attendait de l'indépendance une amélioration concrète de son niveau de vie et plus de considération de la part des Blancs. La situation restait donc très tendue. Un incident opposant des soldats congolais à des officiers belges mit le feu aux poudres en provoquant une mutinerie à Thysville, qui s'étendit rapidement à toutes les garnisons du pays.

Lorsque la rébellion gagna le Katanga, les plus hautes autorités belges et l'Union minière suscitèrent la sécession de cette riche province et propulsèrent Moïse Tschombé, un nationaliste opposé à Lumumba, à la tête d'un gouvernement fantoche. Le Katanga fut bientôt rejoint par le Sud-Kasaï, où agissait une filiale de la Société Générale contrôlant l'extraction du diamant. En fait, l'impérialisme belge attisait les rivalités ethniques et régionales, afin de provoquer l'éclatement du Congo et d'isoler les provinces les plus riches pour mieux les garder sous son contrôle.

Cette mutinerie et quelques exactions commises à l'encontre de la communauté blanche provoquèrent un vent de panique chez les fonctionnaires belges, dont beaucoup s'enfuirent. Invoquant la nécessité d'« assurer la protections de ses ressortissants », le gouvernement belge décida, à la mi-juillet, d'envoyer 10 000 soldats.

Lumumba lui-même réclama l'intervention de l'ONU contre l'agression extérieure de l'armée belge. Mais, en guise d'intervention, les troupes de l'ONU s'employèrent surtout à protéger les provinces sécessionnistes que le gouvernement central congolais entendait réduire.

Le coup d'État de Mobutu

L'impérialisme jugea que l'heure était venue de se débarrasser d'un Lumumba qui contrariait de plus en plus ses projets. Agissant d'un commun accord, la monarchie belge, les trusts, l'ONU et la CIA préparèrent son élimination. Avec leur aide, le colonel Mobutu s'empara du pouvoir le 14 septembre. Lumumba fut arrêté et placé en résidence surveillée. Après une tentative de fuite, il fut rattrapé par la soldatesque de Mobutu. Torturé, il fut envoyé au Katanga où Tschombé le fit assassiner le 17 janvier 1961.

Finalement, au terme d'une répression qui dura plusieurs mois et vit des milliers d'opposants arrêtés, voire exécutés, les bandes armées de Mobutu parvinrent à imposer leur dictature militaire qui allait sévir pendant plus de trente ans.

Roger MEYNIER (LO, juillet 2010)

:: 17-18 juin 1940 - Pétain - De Gaulle, comment on réécrit l'histoire [LO, juin 2010]

Juin 1940 : moins d'un mois après le début de l'offensive allemande à l'ouest, qui lui avait permis d'occuper la Hollande, la Belgique et le nord de la France, la Wehrmacht perce la ligne de défense établie sur la Somme et sur l'Oise. Le 14 juin Paris est occupé.

Le 17, Pétain, nouveau chef du gouvernement, parle à la radio en déclarant : « C'est le coeur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser les combats. (...) Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. »

Le 18, De Gaulle déclare à la radio de Londres : « Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. »

La première de ces deux interventions radiophoniques a été accueillie avec soulagement par des millions de personnes à l'époque. La seconde n'a eu que quelques rares auditeurs. Mais c'est elle qui est le centre de toutes les commémorations en ce soixante-dixième anniversaire, où il est de bon ton d'opposer l'esprit de résistance républicain du général au défaitisme, puis à la trahison du maréchal qui devint le chef de la dictature militaro-policière que fut l'« État français ».

Les deux hommes n'étaient pourtant pas politiquement si différents. De Gaulle avait longtemps été le collaborateur de Pétain, et ils partageaient les mêmes idées réactionnaires. La défaite militaire française avait donné à Pétain l'occasion d'arriver au pouvoir, et de balayer en moins d'un mois la Troisième République, avec l'ambition, non pas de protéger les Français (thème de tous les historiens peu ou prou pétainistes), mais de maintenir dans la mesure du possible un appareil d'État français, au service des classes possédantes, leur évitant de subir le sort d'une Pologne qui, après sa défaite, avait été transformée en véritable colonie soumise sans défense au bon - ou plutôt mauvais - vouloir des vainqueurs.

Dans ce scénario-là, l'obscur général de brigade à titre temporaire, qui n'avait occupé que dix jours un poste gouvernemental, et encore de deuxième rang (sous-secrétaire d'État à la Guerre), n'avait aucun rôle à jouer. D'autant que, depuis des années, il s'était opposé aux conceptions stratégiques du « vainqueur de Verdun », en prônant l'emploi de forces concentrées de blindés, qui venait si bien de réussir à l'état-major allemand.

Lâché par son allié français (auquel il n'avait d'ailleurs pas apporté un grand secours), le gouvernement anglais aurait voulu rallier à lui des hommes politiques français de poids, susceptibles de maintenir dans la guerre la flotte et l'Empire colonial français. Mais tous les pressentis se défilèrent, et comme, faute de grives, on mange des merles, la Grande-Bretagne, qui s'attendait à une tentative de débarquement allemand à travers la Manche, mit quelques moyens à la disposition de De Gaulle, reconnu comme chef des « Français libres ».

Celui-ci se retrouva alors jouer un rôle symétrique à celui de Pétain, en défendant les intérêts futurs de la bourgeoisie française, auprès des Britanniques d'abord, des alliés anglo-américains ensuite, à partir de l'entrée en guerre des USA.

Si Hitler avait gagné la guerre, c'est sans nul doute Pétain que les livres d'histoire célébreraient aujourd'hui comme le sauveur de la France (peut-être réduite à la portion congrue), et personne ne se souviendrait du « général félon » qui s'était « réfugié » à Londres. Mais De Gaulle avait fait le bon pari.
Il fut, pour les Anglo-Américains un allié encombrant, défendant avec intransigeance les intérêts de « la France » - c'est-à-dire de sa bourgeoisie - auquel les USA auraient bien aimé substituer un partenaire plus docile, mais qui s'imposa grâce à l'appui que lui apporta la « Résistance intérieure », en particulier le Parti Communiste.

C'est ainsi que naquit la légende d'un « gaullisme » situé au-dessus des partis, quand De Gaulle, après l'invasion de l'URSS par l'armée allemande et le passage du Parti Communiste à la résistance armée, mit momentanément son anticommunisme dans sa poche, tout comme Churchill, pourfendeur du « bolchévisme », se découvrit une amitié soudaine pour Staline.

Mais la défense de la démocratie par De Gaulle et les forces politiques qui le soutinrent, les peuples coloniaux opprimés par le colonialisme français ont pu en mesurer dès mai 1945 le caractère mensonger.

François DUBURG (LO, juin 2010)

:: Chine, 20 juin 1900 - La révolte des Boxeurs [LO, juin 2010]

La révolte des Boxeurs (connus aussi sous le nom anglais de Boxers), qui ébranla la Chine de 1898 à 1901, fut lancée par une société secrète appelée les Poings de la justice et de la concorde, qui pratiquait ce qu'on appelait alors la boxe chinoise et aujourd'hui le kung-fu. Ce mouvement, initialement opposé aux puissances étrangères qui dépeçaient la Chine et à la cour impériale des Qing qui gouvernaient alors, conduisit, à partir du 20 juin 1900, au siège des légations étrangères présentes à Pékin. Ce siège dura 55 jours et se termina par la défaite des Boxeurs insurgés et la mise sous tutelle de la Chine par huit nations impérialistes (Allemagne, Autriche-Hongrie, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie).

Les grandes puissances européennes arrivèrent en Chine au début du 19e siècle. Elles entendaient l'ouvrir à leurs marchandises et se créer des sphères d'influence. Elles finirent par obliger l'Empire chinois à leur céder des ports et des quartiers de Shanghai, où se trouvaient les concessions française, allemande, américaine et britannique.

LE REJET DE LA DYNASTIE EN PLACE ET DES GRANDES PUISSANCES OCCUPANTES


La colère de la population chinoise contre cette présence étrangère s'exprima d'abord contre les missionnaires venus convertir la population. Ceux-ci jouaient un rôle d'informateurs des occupants impérialistes, participaient à des opérations d'expropriation de terres, étaient mêlés à des incidents parfois sanglants avec la population. À chaque attaque contre les missionnaires, les puissances impérialistes réclamaient des sanctions et des dédommagements pour les Églises, qui étendaient ainsi leur influence.

En 1895, la défaite de la Chine dans une guerre avec le Japon entraîna la perte de Taïwan, de la région de Port-Arthur, de sa suzeraineté sur la Corée, et de lourds dommages de guerre à payer au Japon, ce qui accentua la mainmise des banques étrangères sur la Chine. Entre 1896 et 1898, les puissances impérialistes accélérèrent le partage du territoire, la prise de contrôle des chemins de fer et des ports, instruments du pillage des ressources chinoises.

Au sommet de l'État, des intellectuels réformateurs tentèrent d'imposer sans succès une modernisation bourgeoise de la Chine, avec la bénédiction de l'empereur Guangxu. Mais le clan conservateur de l'impératrice douairière Tseu-hi s'y opposa. Avec le soutien du chef de l'armée Yuan Shikai, elle mit l'empereur aux arrêts et fit exécuter les réformateurs.

La société du Yìhequan, Poings de la justice et de la concorde, plus tard appelée Yìhetuan, Milice de la justice et de la concorde, entraînait ses adhérents aux arts martiaux et à des pratiques mystiques censées les rendre invulnérables aux balles. Ses membres, les Boxeurs, étaient des ouvriers agricoles auxquels se joignirent des bateliers, des porteurs et des artisans ruinés. En s'opposant de façon radicale à la dynastie régnante des Qing et à l'occupation impérialiste, ils donnaient une forme organisée aux aspirations des masses chinoises.

L'assassinat de deux missionnaires allemands en novembre 1897 dans le Shandong lança le mouvement. Le Shandong était le berceau du kung-fu, mais aussi la région qui avait subi de plein fouet la guerre sino-japonaise et les manoeuvres impérialistes qui suivirent, conclues par la mainmise de l'Allemagne sur cette région.

Les Boxeurs combattirent au grand jour à partir de mars 1898. Haranguant la population avec le mot d'ordre « Renversons les Qing, détruisons les étrangers », ils affrontèrent les armées impérialistes et l'armée chinoise dans ce qui devenait une insurrection paysanne. Il n'était plus seulement question de s'en prendre aux missions, les Boxeurs détruisirent les lignes télégraphiques et les voies ferrées. En 1899, la répression eut pour effet d'élargir leur influence et de leur apporter de nouveaux partisans. Ils allaient bientôt déferler sur Pékin et Tien-tsin.

L'IMPERATRICE CHAPEAUTE LE MOUVEMENT

Devant l'ampleur du mouvement, l'impératrice douairière Tseu-hi voulut l'encadrer, afin de neutraliser son action contre son propre pouvoir. Pour apparaître comme défendant l'intérêt national, elle refusa quelques concessions aux puissances impérialistes. En janvier 1900, un édit de l'impératrice reconnut les sociétés secrètes. En mai, alors que les ambassades impérialistes réclamaient l'interdiction des Boxeurs, la cour les organisait en milices. Deux princes et un général étaient placés à leur tête.

Le 2 juin, un périmètre de sécurité étant mis en place autour des légations étrangères, 450 soldats occidentaux arrivèrent à Pékin pour les défendre. Mais à partir du 7 juin les Boxeurs envahirent la capitale. Les insurgés, désormais soutenus par des éléments de l'armée impériale, changèrent leur mot d'ordre qui devint « Soutenons les Qing, détruisons les étrangers ». Courant juin, les Boxeurs affrontèrent avec succès un détachement britannique qui tentait de venir en renfort à Pékin. Le 17 juin, les troupes impériales chinoises se joignirent aux Boxeurs pour attaquer les légations. Le 20 juin 1900, l'assassinat d'un baron allemand marquait le début du siège. Le 21, l'impératrice demandait aux ambassadeurs étrangers de quitter Pékin pour Tien-tsin. Devant leur refus, elle ordonna à ses troupes et aux Boxeurs d'attaquer les légations.

LES LEGATIONS ETRANGERES DE PEKIN ASSIEGEES

Il y eut des combats pour le contrôle de la gare de Pékin et les Boxeurs lancèrent des assauts contre les concessions, dont certains bâtiments furent entièrement détruits. Mais le 14 août, une armée associant les troupes des huit nations alliées contre la Chine entra à Pékin, après avoir livré plusieurs batailles contre les forces chinoises. Les légations furent libérées. À la suite de quoi, militaires et colons commirent les pires atrocités, pillant, violant et tuant par milliers des Chinois accusés, à tort ou à raison, d'être des Boxeurs. D'octobre 1900 au printemps 1901, il y eut plusieurs dizaines d'expéditions punitives dans l'arrière-pays. Cette terreur entendait prévenir toute autre révolte de la population chinoise. Enfin, le 1er février 1901, les Boxeurs étaient dissous et l'impératrice ordonnait à ses troupes de les massacrer : elle avait à nouveau fait volte-face.

LA CHINE SOUS LE JOUG IMPERIALISTE

Le 7 septembre 1901, les huit nations impérialistes imposaient à la Chine un protocole humiliant prévoyant le paiement de 67,5 millions de livres sterling sur trente-neuf ans (en pratique, elle paiera jusqu'en 1930), l'exécution ou le bannissement de certains responsables chinois, l'interdiction d'importer des armes, la destruction des forts défendant Pékin, l'expansion des légations et de nouvelles zones d'occupation militaire. La Chine fut ainsi placée sous la tutelle des nations impérialistes. Des fonctionnaires français contrôlaient les postes tandis que les Britanniques s'occupaient des douanes.

Malgré la défaite, le souvenir de cette lutte mais aussi celui des zigzags de la cour impériale allaient alimenter l'opposition aux forces occupantes et les sentiments antidynastiques de la population. Dix ans plus tard, en 1911, la dynastie tombait et la république était proclamée.

Jacques FONTENOY (LO, juin 2010)

:: Mai - juin 1940 : quand la « démocratie » française renforçait la répression contre les antifascistes étrangers [LO, juin 2010]

Fin avril dernier, le maire de la commune de Parthenay refusait la lecture publique de la lettre écrite par une ancienne déportée du camp d'Auschwitz, Ida Grinspan, dans le cadre de la journée de la déportation, car celle-ci expliquait que son arrestation avait été opérée par trois gendarmes français. Devant les remous créés par sa réaction, il a dû faire machine arrière, mais ce fait est bien significatif. Le rôle de l'appareil d'État « démocratique » français dans la répression qui s'est abattue sur les communistes, les étrangers et les Juifs, qu'ils soient français ou étrangers, et ce dès 1938, n'est pas un fait que certains politiciens ou intellectuels partisans de l'ordre établi aiment à mettre en lumière, même soixante-dix ans après.

Il y a soixante-dix ans, à la mi-mai 1940, le gouvernement français décidait l'internement systématique de milliers d'hommes et de femmes dans des camps, des camps qui avaient été ouverts dès janvier 1939 pour regrouper les civils et combattants républicains espagnols qui fuyaient la dictature de Franco. Après eux, les premiers à se retrouver derrière les barbelés furent quelques milliers de communistes français, puis vinrent en plus grand nombre les étrangers considérés comme « indésirables » en France, alors que la grande majorité d'entre eux avaient fui le régime nazi en Allemagne ou dans les pays qu'elle occupait, ce régime que la « démocratie française » prétendait combattre. Puis ce furent les Tziganes et massivement les Juifs étrangers qui y furent regroupés. Ainsi, c'est la police « démocratique » française de la IIIe République qui arrêta, rafla communistes, antifascistes allemands ou autrichiens, et Juifs, bien avant que Pétain ne dispose des pleins pouvoirs en juillet 1940.

AVRIL 1938 - SEPTEMBRE 1939 : LES MESURES CONTRE LES ETRANGERS DE DALADIER.

Le 14 avril 1938, le jour de l'entrée en fonctions du gouvernement du radical Daladier, le ministre de l'Intérieur Albert Sarrault promulgua une circulaire sur le nécessaire contrôle des « étrangers indésirables ». Beaucoup d'Allemands étaient arrivés en France dès l'arrivée au pouvoir d'Hitler en 1933 et dans les années suivantes. Après l'Anschluss, le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne, le 15 mars 1938, 8 000 Autrichiens fuyant les nazis pensèrent eux aussi trouver refuge en France, pendant que des Allemands continuaient à arriver. Le décret-loi du 2 mai et la loi du 14 mai 1938 aggravèrent encore la situation de ces étrangers, en déclarant tous ceux rentrés en France illégalement passibles d'une amende ou d'emprisonnement d'un mois à un an. Le préfet devenait le seul responsable habilité à accorder ou à refuser le prolongement de la validité de la carte d'identité. Le 12 novembre 1938, un nouveau décret-loi aggrava encore les dispositions du mois de mai, prévoyant l'internement des étrangers dans des camps, même si cet internement n'était pas encore systématique.

En fait, le gouvernement du radical Daladier, qui dans le même temps s'employait à briser la résistance ouvrière - au même moment paraissaient les décrets-lois du 13 novembre 1938 mettant en pièces les conquêtes de 1936 - et à empêcher toute opposition de d'exprimer, cherchait pour cela à s'appuyer sur les éléments les plus réactionnaires de la société.

SEPTEMBRE 1939 - MAI 1940 : REPRESSION ET EXTENSION DE L'INTERNEMENT

Daladier agissait ainsi en bon serviteur des intérêts de la bourgeoisie qui, une fois remise de la peur que lui avait inspirée la grève générale de 1936, reprenait toutes les conquêtes arrachées par les travailleurs et entendait les mettre au pas, et avec eux l'ensemble de la population. La répression se dirigea donc simultanément contre les militants ouvriers français et contre les étrangers considérés comme des fauteurs de trouble. La signature du pacte germano-soviétique le 23 août 1939 fournit à point nommé un prétexte à Daladier pour s'attaquer aux militants du Parti Communiste Français. La dissolution du PCF fut décidée le 26 septembre 1939 : 3 400 militants communistes furent arrêtés, enfermés en prison puis envoyés dans les camps.

Le tour de vis réactionnaire allait aggraver encore la situation des Allemands et des Autrichiens, en majorité Juifs et surtout, encore une fois, pour la plupart antinazis, même s'il y avait alors en France un certain nombre d'agents nazis. Après la déclaration de la guerre à l'Allemagne le 3 septembre 1939, le gouvernement étendit encore les mesures d'internement des étrangers, alors que la plupart étaient connus pour leurs opinions antifascistes ou leur appartenance à des partis ou à des syndicats de gauche, et ce alors qu'il prétendait mener la guerre contre le nazisme. Le décret-loi du 18 novembre 1939 marqua un nouveau tour de vis contre les individus soi-disant dangereux. L'article 1 stipulait que : « Les individus dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique peuvent, sur décision du préfet, être éloignés par l'autorité militaire des lieux où ils résident et, en cas de nécessité, être astreints à résider dans un centre. » Les préfets furent investis de très grands pouvoirs. À l'automne 1939, la République française avait déjà interné 20 000 réfugiés allemands, pour la plupart antinazis, dans une centaine de camps.

MAI 1940 : SYSTEMATISATION DE L'INTERNEMENT

Avec la déroute de l'armée française en mai 1940 et l'exode de la population devant l'avancée de l'armée allemande, la situation des prisonniers des camps d'internement s'aggrava. Ainsi, au moment de la débâcle, des centaines d'étrangers, pour beaucoup Allemands juifs ou communistes, ou les deux, furent enfermés au Vernet. Les arrestations arbitraires se multiplièrent. Un décret, un de plus, qui ordonnait l'internement des « apatrides », c'est-à-dire de ceux qui avaient perdu leur nationalité du fait de leurs opinions, fut signé au même moment (10 mai 1940). À partir du 12 mai 1940, tous les ressortissants allemands ou autrichiens de 17 à 65 ans de la région parisienne reçurent l'ordre de rejoindre divers lieux : les femmes le stade du Vélodrome d'Hiver et les hommes le stade Buffalo. À partir du 15 mai 1940, 5 000 femmes allemandes juives ou apatrides furent enfermées au stade du Vel'd'Hiv. Elles y restèrent trois semaines dans des conditions très dures avant d'être déportées au camp de Rivesaltes ou de Gurs dans les Basses-Pyrénées. Certaines furent libérées à la fin de l'été, mais environ 1 500 femmes restèrent prises dans le piège des camps français et finirent par être livrées aux autorités allemandes. « Nous étions des réfugiées allemandes persécutées par les nazis et venues se placer sous la protection de la République française... Toutes ont été internées par cette même République un certain 15 mai 1940, date passée sous silence, celle de la première rafle du Vel' d'Hiv' », raconte ainsi Lilo Petersen, qui avait 18 ans lorsqu'elle fut arrêtée avec sa mère, une intellectuelle allemande antinazie.

Les mesures d'internement furent étendues aux Italiens à partir du 10 juin 1940, quand Mussolini décida de se lancer dans la guerre contre la France. Il y avait 700 000 ressortissants italiens en France. Il était donc difficile de les interner tous, d'autant que la France allait s'avouer vaincue moins de deux semaines plus tard, mais la procédure fut engagée. Bon nombre de ceux qui furent internés étaient des antifascistes.

Tous ceux qui étaient enfermés dans les prisons et centres de rassemblement de la région parisienne furent transférés, sous surveillance policière, vers les camps d'internement du Sud. Les hommes considérés comme très suspects furent envoyés au Vernet, les femmes à Rieucros. Plus d'un millier d'ex-combattants des Brigades Internationales furent transférés de Gurs au Vernet. Beaucoup craignaient d'être livrés aux nazis.

Les premiers persécutés du nazisme étaient de nouveau placés derrière les barbelés du fait même qu'une guerre était menée contre leur pays d'origine ; de nouveau ils côtoyaient dans les camps les quelques nazis convaincus qui, eux, furent très rapidement libérés une fois la victoire allemande assurée.
Aujourd'hui, la responsabilité de l'État français de Vichy dans les persécutions et les crimes contre les étrangers et les Juifs de France est officiellement reconnue. Mais pas celle des gouvernement précédents, pas celle des Daladier et Reynaud. Dans les livres d'histoire, les persécutions contre les Juifs ne commencent que le 3 octobre 1940, date des mesures prises par Pétain contre les Juifs, pas avant. On continue à cacher soigneusement tout ce qui s'est passé avant l'arrivée au pouvoir de Pétain, avant le 10 juillet 1940.

Aline RETESSE (LO, juin 2010)