mercredi 2 mars 2011

:: Renouer le lien entre les idées révolutionnaires et la classe ouvrière [UCI, 1987]

Notre tendance se distingue des autres, y compris des autres tendances trotskystes, par l’analyse que nous faisons des causes de la situation actuelle du mouvement révolutionnaire, et des moyens d’y remédier.
Pour nous, la tâche principale aujourd’hui, pour les militants révolutionnaires, est de rétablir la liaison avec le prolétariat, de réimplanter les idées communistes révolutionnaires au sein de la classe sociale qui devrait être leur milieu naturel : la classe ouvrière. Car elles en sont tenues éloignées, malheureusement, depuis maintenant des décennies.
Ce n’est pas le moindre résultat qu’ait entraîné la dégénérescence stalinienne de l’URSS et des partis communistes, que d’avoir créé une coupure profonde, physique, entre les révolutionnaires et la classe ouvrière. Autant le mouvement communiste de la Troisième Internationale avait pu naître et se développer au sein même du mouvement ouvrier de son époque et en particulier au sein des partis ouvriers sociaux-démocrates de la Seconde Internationale, autant l’Internationale Communiste devenue stalinienne réussit à mettre les révolutionnaires à l’index du mouvement ouvrier, les chassant des partis communistes et des syndicats par la menace, la calomnie, l’injure et l’assassinat.
En URSS même, une génération de révolutionnaires trotskystes, celle qui était la plus riche de traditions et d’expérience, a été anéantie par la répression stalinienne. Hors d’URSS, si la répression stalinienne fut moins meurtrière, elle réussit tout de même à créer un fossé de haine et de peur entre les révolutionnaires et le mouvement ouvrier réel. Le mouvement trotskyste à ses débuts se trouva composé ainsi essentiellement d’intellectuels, souvent de valeur sans doute, mais coupés de la classe ouvrière.
C’était pour la Quatrième Internationale naissante, un handicap grave, mais pas insurmontable. Mais, privée de leader véritable dès 1940 par l’assassinat de Trotsky, elle n’a pas su jusqu’à présent le surmonter. Se limitant à défendre formellement le programme trotskyste dans le milieu qui était le sien, celui de l’intelligentsia petite-bourgeoise de gauche, elle n’a non seulement pas su reprendre pied dans la classe ouvrière, elle a aussi bien souvent cédé aux tendances politiques qui agitaient ce milieu ou celui de la social-démocratie, théorisant bien souvent sa coupure d’avec les masses prolétariennes plutôt que de se donner les moyens de la surmonter.
Nous sommes une tendance trotskyste qui s’est créée en réaction contre la pratique de la plupart des organisations de la Quatrième Internationale et leur incapacité générale à nouer des liens réels avec la classe ouvrière. Nous pensons que la coupure historique créée par le stalinisme reste le handicap principal que connaissent les révolutionnaires de notre époque. L’ignorer ne sert à rien. Au contraire, ils doivent en tirer toutes les conclusions et donner toute la priorité à cet objectif : l’implantation dans la classe ouvrière.
Il faut pour cela non seulement en avoir la préoccupation politique, mais aussi se donner tous les moyens organisationnels pour répondre à cette tâche. Cela nécessite, en particulier, de militer pour créer des organisations réellement bolchéviques, formées de militants ayant réellement lié leur sort à celui de la classe ouvrière, ayant le souci quotidien de l’intervention politique au sein de celle-ci, et en particulier de tendre tous leurs efforts pour gagner sa confiance, et se porter à la tête de ses luttes.
Nous n’avons pas la prétention d’avoir réglé ce problème ni même celle de pouvoir le régler par nos seules forces. Nous pensons seulement apporter notre contribution à l’implantation des idées révolutionnaires dans la classe ouvrière.
En ce qui nous concerne, le bilan que nous avons dans ce domaine constitue pour le mouvement trotskyste un certain capital politique et organisationnel qui est, toute modestie gardée, l’un des meilleurs de l’ensemble du mouvement trotskyste. Mais ce capital, s’il n’est pas négligeable à l’échelle du mouvement trotskyste, reste bien insuffisant, nous en sommes conscients, si on le mesure à sa véritable échelle, qui est celle des tâches politiques et organisationnelles que la période actuelle implique.
C’est pourquoi nous n’entendons donner de leçons à personne. Nous entendons seulement mener la discussion indispensable au sein du mouvement trotskyste et communiste révolutionnaire en général, dans lequel cela devrait être une attitude naturelle que d’accepter l’échange, le débat, de confronter le bilan de chacun. Pour notre part, c’est bien évidemment à partir du nôtre, de nos expériences, de notre intervention, que nous souhaitons l’engager, avec tous ceux qui se situent sur le terrain de l’internationalisme révolutionnaire prolétarien.