mardi 22 janvier 2013

:: Avis au peuple (le toast de Londres) – Auguste Blanqui (25 février 1851)


Quels écueils menacent la révolution de demain ?
L’écueil où s’est brisée celle d’hier : la déplorable popularité de bourgeois déguisés en tribuns. Ledru-Rollin, Louis-Blanc, Crémieux, Lamartine, Garnier-Pagès, Dupont de l’Eure, Flocon, Albert, Arago, Marrast ! Liste funèbre ! Noms sinistres, écrits en caractères sanglants sur tous les pavés de l’Europe démocratique.
C’est le Gouvernement Provisoire qui a tué la révolution. C’est sur sa tête que doit retomber la responsabilité de tous les désastres, le sang de tant de milliers de victimes. La réaction n’a fait que son métier en égorgeant la démocratie. Le crime est aux traîtres que le peuple confiant avait acceptés pour guides et qui l’ont livré à la réaction.
Misérable gouvernement ! Malgré les cris et les prières, il lance l’impôt des 45 centimes qui soulève les campagnes désespérées, il maintient les états-majors royalistes, la magistrature royaliste, les lois royalistes. Trahison !
Il court sus aux ouvriers de Paris ; le quinze avril, il emprisonne ceux de Limoges, il mitraille ceux de Rouen le 27, il déchaîne tous leurs bourreaux, il berne et traque tous les sincères républicains. Trahison ! Trahison !
À lui seul le fardeau terrible de toutes les calamités qui ont presque anéanti la révolution.
Oh ! Ce sont là de grands coupables et entre tous les plus coupables, ceux en qui le peuple trompé par des phrases de tribun, voyait son épée et son bouclier ; ceux qu’il proclamait avec enthousiasme, arbitres de son avenir.
Malheur à nous, si, au jour du prochain triomphe populaire, l’indulgence oublieuse des masses laissait monter au pouvoir un de ces hommes qui ont forfait à leur mandat ! Une seconde fois, c’en serait fait de la révolution.
Que les travailleurs aient sans cesse devant les yeux, cette liste de noms maudits ! Mais si un seul apparaissait jamais dans un gouvernement sorti de l’insurrection, qu’ils crient tous, d’une voix : trahison !
Discours, sermons, programmes ne seraient encore que piperie et mensonge ; les mêmes jongleurs ne reviendraient que pour exécuter le même tour, avec la même gibecière ; il formerait le premier anneau dune chaîne nouvelle de réaction plus furieuse !
Sur eux, anathème, s’ils osaient jamais reparaître !
Honte et pitié sur la foule imbécile qui retomberait encore dans leurs filets.
Ce n’est pas assez que les escamoteurs de février soient à jamais repoussés de l’Hôtel de Ville, il faut se prémunir contre de nouveaux traîtres.
Traîtres seraient les gouvernements qui, élevés sur les pavois prolétaires, ne sauraient pas opérer à l’instant même :
1° - le désarmement des gardes bourgeoises ;
2° - l’armement et l’organisation en milice nationale de tous les ouvriers.
Sans doute, il est bien d’autres mesures indispensables mais elles sortiraient naturellement de ce premier acte qui est la garantie préalable, l’unique gage de sécurité pour le peuple. Il ne doit pas rester un fusil aux mains de la bourgeoisie. Hors de la, point de salut.
Les doctrines diverses qui se disputent aujourd’hui les sympathies des masses pourront un jour réaliser leurs promesses d’amélioration et de bien-être, mais à la condition de ne pas abandonner la proie pour l’ombre.
Les armes et l’organisation, voilà l’élément décisif du progrès, le moyen sérieux d’en finir avec la misère. Qui a du fer, a du pain.
On se prosterne devant les baïonnettes, ont balaye les cohues désarmées. La France hérissée de travailleurs en armes, c’est l’avènement du socialisme.
En présence des prolétaires armés, obstacles, résistance, impossibilité, tout disparaîtra.
Et pour les prolétaires qui se laissent abuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocats, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours.
Que le peuple choisisse !