mercredi 26 octobre 2011

:: Pierre Tresso (Blasco), Quatrième Internationale (section française), assassiné par les stalinens en octobre 1943

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Le 26 ou 27 octobre 1943, (la date reste incertaine), quatre militants trotskystes étaient assassinés dans le maquis Wodli en Haute-Loire. Pietro Tresso, Abraham Sadek, Maurice Sieglmann et Jean Reboul furent exécutés par les staliniens avec lesquels, le 1er octobre, ils s'étaient évadés de la prison du Puy-en-Velay.

(...) Tresso était un des fondateurs du PC italien. Sous le pseudonyme de « Blasco », il représentait la direction de la Quatrième Internationale au sein de la section française et esayait de maintenir la liaison avec la direction à New York. Il fut arrêté à Marseille en avril 1941 avec Albert Demazière et Jean Reboul, Abraham Sadek, lui, avait été condamné à Lyon dans une autre affaire et envoyé à la prison du Puy. Quant à Maurice Sieglmann, il s'y trouvait déjà. Demazière s'évada du Puy avec ses quatre camarades mais il parvint, par chance, à échapper à la mort en perdant par hasard le contact avec ce maquis. (...)

A partir de 1935-1936, la bureaucratie russe mena une guerre à mort, dans tout le mouvement communiste international, contre tous ceux qui, comme Trotsky, Blasco et ses camarades, étaient restés fidèles au vrai communisme, celui de Marx, Engels et Lénine, celui qui avait permis la victoire de la révolution prolétarienne en Russie en 1917. Les staliniens les combattaient parce qu'ils craignaient plus que tout qu'existent, sur leur gauche, des militants défendant des idées révolutionnaires authentiques. En empêchant ainsi que se constitue une direction révolutionnaire du prolétariat, ils espéraient consolider le pouvoir de la bureaucratie russe. Cette lutte, commencée en Russie, s'étendit en Espagne, en Pologne, au Mexique, en France, au Vietnam, en Grèce, en Albanie, etc. La bureaucratie stalinienne, née elle-même de l'échec de la révolution mondiale, impulsa ainsi l'une des plus formidables périodes de recul du mouvement ouvrier qui, au lieu de consolider l'Etat ouvrier russe, allait conduire au résultat inverse : son éclatement.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, à travers la résistance, le PCF, qui cherchait à se faire reconnaître par la bourgeoisie française comme un parti responsable, choisit de placer le mouvement ouvrier français à la remorque d'un des représentants de celle-ci, le général de Gaulle. En même temps que les staliniens faisaient taire, y compris par le meurtre, les trotskystes qui représentaient les intérêts indépendants du prolétariat, le PCF cautionna en 1944-45 la remise en place des institutions bourgeoises et de la plupart des hommes de Vichy (type Papon). Le PCF désarma les siens, remit la classe ouvrière au travail, l'obligeant par sa présence dans les entreprises du pays à supporter l'immense effort de remise en route de l'économie capitaliste entre 1944 et 1947.

Les crimes du maquis du Wodli ne sont donc pas un simple épisode scandaleux de l'histoire de la Résistance, mais un révélateur du contenu de la politique réactionnaire menée alors par les staliniens : en essayant d'écarter les idées révolutionnaires de la classe ouvrière, le stalinisme, succédant à la social-démocratie, a contribué pour toute une époque à faire douter le prolétariat de ses capacités à changer le monde. Les effets néfastes de cette orientation, véritable crime politique, pèsent encore sur notre sort aujourd'hui. (..)

Jacques FONTENOY (extraits d'un article de Lutte Ouvrière n° 1500)

BLASCO (Pietro Tresso)
Extraits d'un article de Pierre Frank (dans l'Internationale, 1965)

Né à Magré (province de Vicence) en 1893, il rejoignit les Jeunesses socialistes italiennes à l'âge de 14 ans, et fut poursuivi au cours de la première guerre mondiale. En 1921, au congrès de Livourne, il fut parmi les fondateurs du Parti communiste italien. Il fut élu au Comité central de ce parti en 1925 et ensuite au Bureau politique. En 1930, il fut exclu du parti ainsi que deux autres membres du Bureau politique. La direction du P.C. italien se trouvait en exil en France. Les exclus, Blasco, Feroci, Santini, qui vivaient alors à Paris, rejoignirent l'Opposition de gauche, Blasco participa à la Conférence de Copenhague en 1932 lors du séjour de Trotsky dans cette ville, et à la Conférence de fondation de la IVème Internationale en 1938. Pendant la guerre, il prit part à la lutte clandestine des trotskystes en France, fut arrêté en 1942 et condamné à dix ans de travaux forcés par le tribunal militaire de Marseille pour activité illégale en militant pour la IVème Internationale. Enfermé à la prison du Puy, il fut libéré avec tous les les détenus de cette prison par le maquis en octobre 1943. Ceux-ci restèrent dans le maquis. Mais, peu après cette libération de prison, on n'eut plus de nouvelles de Blasco et des trois autres trotskystes libérés dans les mêmes conditions. On n'a jamais retrouvé leurs corps. Les quelques indications recueillies immédiatement à la fin de la guerre permettent de penser avec beaucoup de certitude que les dirigeants staliniens du maquis de la Haute-Loire, en exécution d'ordres, éliminèrent physiquement les trotskystes.

Voici brièvement résumée la vie de Blasco. Je ne puis évoquer celle-ci sans rappeler qu'il joua un rôle important dans la vie de l'organisation trotskyste en France où il vécut dans les années d'émigration, et qu'il contribua de manière très sensible à son travail et, surtout, à la formation de ses militants, en premier lieu de ses dirigeants. Le mouvement trotskyste en France, par suite de tout un concours de circonstances, ne conserva guère de vieux dirigeants communistes, il fut pris en mains par des jeunes qui n'avaient jamais occupé de fonctions même à un niveau moyen dans le mouvement de masse. Cette inexpérience vint s'ajouter aux multiples difficultés que connaissait l'Opposition de gauche sous la répression stalinienne. Dans ces conditions, Blasco qui, autant que les dures conditions matérielles auxquelles il était soumis pour gagner sa vie le permettaient dans ces années de misère, de chômage, de répression, participa au travail de direction dans notre mouvement, apporta la plus précieuse des contributions à la formation politique des jeunes militants qui en assumaient la direction. Sans comparaison, certes, avec l'apport immense de Trotsky, sa contribution avait cependant pour elle cet avantage d'être sous la forme d'une présence personnelle, presque quotidienne, et qu'elle aida souvent à faire ce passage, si malaisé pour les hommes encore inexpérimentés, de la ligne théoriquement définie à son application pratique.

Blasco fut un des peu nombreux cadres dirigeants de l'Internationale communiste (il participa à des congrès de celle-ci ainsi qu'à des congrès de l'Internationale syndicale rouge) que la dégénérescence stalinienne ni ne corrompit en bureaucrate ni ne détruisit comme communiste et qui, fidèle à l'appel de la Révolution d'Octobre, poursuivit la lutte dans les rangs du mouvement trotskyste jusqu'à son dernier souffle de vie.

P.F.

lundi 24 octobre 2011

:: De la IIIème à la IVème Internationale, une histoire méconnue

Extrait du Cercle Léon Trotsky (Voix Ouvrière) le 28 février 1966

La IVème Internationale est issue historiquement de la IIIème Internationale Communiste fondée au lendemain de la Révolution Russe. Mais l'isolement de cette dernière entraîna sa dégénérescence et celui du Parti Bolchévique dont le poids était déterminant à l'intérieur de l'Internationale.
Et la stalinisation du Parti Bolchévique entraîna celle du Komintern.
Dès 1923 Trotsky engagea la lutte contre la bureaucratie qui envahissait l'Etat et le Parti. Avec l'Opposition de gauche il essaya de combattre la politique de Staline qui mettait en péril les conquêtes de la Révolution d'Octobre (Comité Anglo-Russe en 1926, Révolution Chinoise, politique de concessions puis d'extermination envers les koulaks).
Rejoint par Zinoviev et Kamenev en 25-26, abandonné par ceux-ci un an plus tard, il se retrouve seul en 1928 ; l'Opposition de Gauche groupe à l'époque un grand nombre de militants de valeur, vieux bolchéviques qui ont fait Octobre.
L'enterrement de Joffé en 1927 sera leur dernière manifestation publique.
Deux ans plus tard en 1929, Trotsky est exilé hors d'URSS et Staline pour la première fois fait assassiner un sympathisant de l'opposition : Blumkine. L'exemple de Blumkine montrait en quelque sorte aux trotskystes d'Union Soviétique le seul avenir qui les attendait : la balle dans la nuque.
Le découragement dû au manque de perspective révolutionnaire, la possibilité de se rendre utile à la Patrie Socialiste, vont entraîner redditions et capitulations chez de nombreux membres de l'Opposition.
En 1929 Karl Radek militant des mouvements ouvriers polonais, allemand et russe capitule. Il est suivi d'Ivan Nikitich Smirnov, surnommé le Lénine de Sibérie, le vainqueur de Koltchak, de Serge Mratchkovsky, dirigeant de l'Opposition, d'Ivan Smilga chef de la Baltique, de Preobrajensky co-auteur avec Boukharine de "l'A.B.C. du Communisme".
Puis en 1934, Christian Rakovsky, lié à Trotsky depuis la Première guerre mondiale où ensemble ils écrivent le journal russe internationaliste de Paris : "Nache Slovo", Rakovsky, le Président du Conseil des Commissaires du Peuple d'Ukraine, capitule à son tour.
Mais d'autres comme Vladimir Smirnov, dirigeant de l'insurrection d'Octobre à Moscou, comme Solntsev, refusent de se plier au diktat stalinien. Le premier, devenu aveugle par suite des privations en isolateur disparaîtra sans avoir capitulé, le second, jeune bolchevik, mourra d'épuisement en janvier 1936 après une grève de la faim.
Mais Staline prépare la plus effroyable boucherie que le mouvement révolutionnaire ait connue. De 1936 à 1938 il va éliminer toute la vieille garde bolchevique au cours des sinistres mascarades de justice socialiste baptisées "Procès de Moscou".
En août 1936 sont jugés et exécutés : Zinoviev, Kamenev, Evdokimov, Bakaiev, I.N. Smirnov, Mratchkovsky, Ter Vaganian. Le 23 août, Tomsky mis en cause au cours du procès se suicidera. Du 23 au 30 janvier 1937, Piatakov et Mouralov seront exécutés. Du 2 au 13 mars 1938 Boukharine, Rykov, Rakovsky - et ce sont seulement là les plus connus - tous avoueront "être à la solde des impérialistes et avoir voulu tuer Staline".
Dans la Russie le massacre commence. Des milliers de bolcheviks obscurs, dont l'histoire n'a pas retenu les noms seront éliminés.
Évidemment les trotskystes n'échappent pas à la règle. Dans le tome III de sa biographie sur Trotsky, Deutscher a montré la fin des trotskystes au camp de Vorkouta. Arrivés à la mine durant l'été 1936, ils refusaient de travailler plus de huit heures par jour (le règlement exigeait dix et douze heures). Ils organisaient meetings et manifestations lors des procès de Moscou. Ils ignoraient systématiquement le règlement des camps. De mars à mai 1938 ils furent tous exécutés.
Mais le massacre ne touche pas seulement le Parti russe.
Tous les révolutionnaires étrangers se trouvant à Moscou sont eux aussi victimes des purges. Nous pouvons citer les Allemands Neumann, Remmele, le spartakiste Heckert ; les polonais Adolph Warsky, ami de Rosa Luxembourg, un des fondateurs de la Social-Démocratie polonaise et vétéran du P.C. Polonais, Lensky et Bronsky combattants de la Révolution Russe, Wera Kostzewa.
Le 17 décembre 1936 la Pravda annonce que "l'épuration des éléments trotskystes et anarcho—syndicalistes a commencé en Espagne et sera exécutée jusqu'au bout avec la même énergie qu'en URSS". Le 17 mai 1937 débutera la répression contre les anarchistes, les trotskystes et les militants du P.O.UM.
Comme l'écrivait Trotsky le 20 février 1938 dans la brochure consacrée à la mémoire de son fils Léon Sédov assassiné par la Guépéou :
"De cette génération ainée, dans les rangs de laquelle nous sommes entrés à la fin du siècle dernier, tous, sans exception, ont été balayés de la scène. Ce que n'ont pu faire les bagnes du tzar, la déportation rigoureuse, les besoins des années d'émigration, la guerre civile et les maladies, Staline l'a fait comme le fléau le plus malfaisant de la Révolution. Après la génération ainée, a été anéantie la meilleure partie de la génération moyenne, c'est à dire celle qu'a suscitée 1917 et qui a reçu sa formation des 24 armées du front révolutionnaire".
Ainsi Staline, par une fureur sanguinaire qui lui valait une place d'honneur au Panthéon des massacreurs d'ouvriers, laissant loin derrière les Thiers, Dollfus, Hitler et autres Franco, faisait disparaître des milliers de révolutionnaires socialistes, hommes qui quelques années auparavant avaient fait trembler la bourgeoisie de tous les pays.
Il ne traduisait par là que la peur de la bureaucratie russe devant toute révolution. Il est bon de se rappeler aujourd'hui, alors que certains osent se dire révolutionnaires en se réclamant de Staline, qu'avant de devenir le petit père des peuples, le sinistre Géorgien fut d'abord leur bourreau.
Dès le début de son exil, Trotsky espère que Staline expulsera à l'étranger d'autres militants de l'Opposition. Mais son espoir est déçu. Il est seul, bien seul. Et après le massacre de la Vieille Garde, il reste désormais l'unique maillon qui puisse transmettre l'héritage d'Octobre aux générations nouvelles.
La tâche qu'il entreprend est impressionnante. Il s'agit pour, lui de regrouper les révolutionnaires afin de continuer la lutte pour la Révolution. Mais se dressent contre cette poignée de militants non seulement la bourgeoisie et son appareil de répression, nais aussi la clique stalinienne et ses complices des différents P.C.
Très rapidement des agents provocateurs staliniens s'infiltrent dans le mouvement trotskyste, trahissant , suscitant partout suspicion et semant le trouble quand ils n'assassinent pas. Le meilleur exemple est celui de Marc Zborowsky, dit Etienne, agent provocateur stalinien, le meilleur ami et on l'apprit plus tard, l'assassin de Sedov, le fils de Trotsky. Il dirigera à la mort de Sedov le bulletin de l'Opposition et représentera la Section russe à la Conférence de fondation de la IVème Internationale en 1938. Huit secrétaires politiques de Trotsky sont successivement abattus et en Espagne tous les trotskystes sont massacrés.
De plus, l'énorme appareil du Komintern se sert de ses milliers de journaux pour déverser sur eux des flots de calomnies.
Mais malgré les tortures, les assassinats, les calomnies, les dénonciations, malgré les conditions de vie et de militantisme effroyables, les militants trotskystes tiennent bon et font preuve d'un courage admirable.
Mais parmi les militants trotskystes, les seuls qui aient eu une véritable formation bolchevique étaient ceux d'Union Soviétique.
A l'étranger les groupes qui soutiennent Trotsky sont formée pour la plupart d'hommes courageux, d'intellectuels brillants, dévoués tout entier à la cause de la Révolution. Mais ils ressemblent peu aux militants bolcheviks qui eux, se sont formés au cours des longues années de répression, qui ont subi le feu de deux révolutions et d'une guerre civile. Ils ignorent totalement ce qu'est la discipline bolchevique et le travail au sein de la classe ouvrière. Mais leur faiblesse n'est finalement que celle de la IIIème Internationale. Créée par le Parti Bolchevique sur une base programmatique, l'Internationale Communiste regroupa un certain nombre d'organisations les unes révolutionnaires, les autres plus ou moins opportunistes. Et les vingt et une conditions qui dressaient une barrière contre les opportunistes furent facilement tournées.
En France au Congrès de Tours, c'est la majorité du P.S. qui vota l'adhésion à la IIIème Internationale. Non seulement ces gens n'avaient pas de formation bolchevique mais beaucoup d'entre eux étaient des réformistes notoires.
Aussi les militants gagnés par le mouvement trotskyste viennent soit de la IIème, soit de la IIIème Internationale, à leur déclin, qui sont de bien mauvaises écoles de militantisme. Dès cette époque les militants communistes sont formés au détriment du travail en profondeur et en plus sans formation bolchevique. Les trotskystes sont de plus isolés de la classe ouvrière car aux yeux de milliers de travailleurs les Partis Communistes qui se réclament de la Révolution Russe apparaissent comme des partis révolutionnaires. Car si le mouvement trotskyste compte des militants et sympathisants de grande valeur comme Trotsky lui-même, Rosmer, Cannon aux U.S.A., l'italien Blasco, il n'a pas de cadres moyens liés aux masses et capables de former l'armature d'un parti révolutionnaire.
Chassé du mouvement ouvrier par le stalinisme, le mouvement trotskyste recrutera surtout chez les intellectuels. "La prédominance des intellectuels dans une organisation [révolutionnaire], écrit Trotsky, est inévitable dans la première période de son développement".
Mais ces intellectuels pendant des années de 1928 à 1933 n'ont pas eu la possibilité de militer sur le terrain des luttes ouvrières et n'ont pas eu de formation ni de traditions véritablement communistes.
Tout cela confère au mouvement trotskyste un caractère petit-bourgeois qui rendent aléatoire tout développement ultérieur de la IVème Internationale. Et si dans la première période de son développement la prédominance d'intellectuels est obligatoire le fait que cette prédominance se perpétue entraîne obligatoirement des déformations politiques et organisationnelles. Nous essaierons de montrer les conséquences qu'eurent l'influence du milieu petit-bourgeois et son idéologie dans les rangs des révolutionnaires de la IVème Internationale.
Lors de la proclamation de la IVème Internationale en 1938, toute une partie des trotskistes, considérait cette décision comme prématurée et arbitraire. Des groupes trotskystes refusèrent donc l'appellation de IVème Internationale et continuèrent à militer "Pour une IVème Internationale".
La proclamation de la IVème Internationale était-elle prématurée ? NON, nous ne le pensons pas. Bien entendu à cette époque, Trotsky le premier ne pensait pas pouvoir construire réellement avant la guerre toute proche la IVème Internationale.
Elle existait certes, avec des sections dans de nombreux pays. Mais nulle part pratiquement ces sections n'étaient numériquement nombreuses, ce qui n'était pas très grave, mais nulle part liées aux masses, ce qui l'était plus.
Il fallait la créer cependant, cc n'était pas une erreur, car il était nécessaire de proclamer aux yeux de tous les travailleurs la valeur de l'Internationalisme devant les trahisons nationalistes et chauvines des partis staliniens et sociaux-démocrates.
La guerre mondiale ne pouvait pas manquer de provoquer une situation, une crise révolutionnaire, Il fallait que les masses aient un drapeau internationaliste auquel se rallier. A Zimmerwald et à Kienthal les internationalistes avaient, durant la première guerre mondiale planté les jalons d'une future Internationale. Là, les militants de la IVème Internationale s'y prenaient à l'avance et ils ne pouvaient pas ne pas le faire !
Cela eut été un renoncement aux responsabilités de l'heure. Cela devait être fait indépendamment du succès escompté à court terme. Car pour Trotsky et ses camarades il fallait répondre présent aux tâches du moment et non pas attendre des jours meilleurs pour faire leur devoir vis-à-vis de leur classe.
Si Trotsky n'avait pas créé la IVème Internationale, Isaac Deutscher lui aurait certainement décerné un satisfecit, mais ni nous, ni vous ne serions ici aujourd'hui.
L'assassinat de Léon Trotsky deux ans plus tard fut une perte irréparable pour le mouvement ouvrier en général et la IVème Internationale en particulier.
De son vivant Trotsky réussissait à maintenir le mouvement trotskyste dans une cohésion très relative dans le domaine politique. Il représentait à lui seul l'acquis théorique d'un demi-siècle de luttes ouvrières et de révolution. Il était, sans vouloir vexer personne, la seule tête théorique de la IVème Internationale et sa direction. Et de plus, il masquait de sa personne l'opportunisme plus ou moins latent des sections.

dimanche 23 octobre 2011

:: Construire la IVème Internationale... Mais sérieusement

[...] Une Internationale révolutionnaire est plus que jamais nécessaire. De plus, le fait que ces camarades ne mettent aucun préalable, le fait aussi qu'il ne s'agisse pas d'une adhésion formelle à un bout de la IVème qui se proclame la seule, la vraie, l'authentique direction révolutionnaire du prolétariat, mais qu'il s'agit d'essayer de travailler ensemble, sans s'illusionner sur l'importance de nos forces, nous incite d'autant plus à prendre part à cette conférence.

Mais, bien que la tenue de la conférence constitue un premier pas en avant dans le regroupement d'organisations révolutionnaires, ce premier pas ne garantit nullement le succès de la tentative. Car les organisations du C.I. nous semblent aborder de manière fausse un certain nombre de problèmes et ces fautes risquent de compromettre gravement l'avenir. Nous avons donc l'intention lors de la conférence, de prendre toutes nos responsabilités et de lutter pour que le Comité International corrige ses faiblesses et que, mieux armé, il s'attaque résolument à la tâche qu'il s'est fixé.

1°) Tout d'abord sur le plan théorique il est nécessaire de réanalyser le monde moderne à la lumière de la théorie marxiste. Il ne s'agit pas pour nous de remettre en cause l'analyse de la nature de l'Union Soviétique. Celle qu'en a donné Trotsky est la complète complète faite jusqu'à présent et sa valeur nous parait totale ! Mais le C.I. a hérité d'un certain nombre d'analyses de la IVe Internationale qui elles, nous paraissent radicalement fausses. Et sur le plan théorique, cela conduit ces camarades à d'insolubles contradictions. Par exemple, ces camarades parlent de l'Etat ouvrier chinois et de l'Etat bourgeois cubain. Pourtant, si nous analysons le processus qui a conduit à la formation de ces deux Etats, nous ne voyons aucune différence de nature entre eux. Mais alors que leur analyse de l'Etat cubain s'est faite après leur rupture avec le courant pabliste, leur analyse de la Chine est celle qu'ils ont héritée directement et sans changer une ligne, de la IVème Internationale dite pabliste. Et le fait qu'ils puissent faire coexister deux conceptions d'un même phénomène montre de leur part un manque de rigueur certain dans l'emploi des méthodes d'analyse marxistes, il prouva que ces camarades ne font pas assez attention à la théorie, malgré leurs affirmations.

Quelle sera la nature de notre intervention ?

Et bien longtemps après leur rupture avec Pablo, ces camarades soutiennent encore la théorie des Etats ouvriers dégénérés ou déformés dans le glacis. L'expression figure dans 1a résolution éditée par le C.I.

2°) Ensuite, il est de la plus haute importance d'analyser clairement les causes qui ont conduit à l'échec de la IVème Internationale. C'est la la condition "sine qua non" pour ne pas retomber dans les mêmes erreurs et aboutir aux mêmes échecs. Et l'analyse que donne le C.I. de l'échec de la IVème Internationale est celle aussi d'une certaine insuffisance théorique. Nous lisons entre autres dans le texte du C.I. :
"l'opportunisme petit-bourgeois sous la forme d'une tendance révisionniste cristallisée pénétrant toutes les sections du mouvement trotskyste, a détruit la IVème Internationale... (p. 9), puis, plus loin : "un tel centre (c'est-à-dire le S.I. de Pablo) ne discutait pas des expériences vivantes des sections dans le cours du développement du programme et de la théorie marxiste, mais, au lieu de cela, il laissait les sections sans direction, ou bien intervenait bureaucratiquement (sur la base des statuts les plus "bolchevik") pour imposer une ligne internationale aux sections" (p. 17).

Mais d'où venait cette tendance révisionniste ? Comment a-t-elle pu non seulement se développer, mais aussi triompher dans l'Internationale ? Nous n'avons nulle part une explication satisfaisante de ce phénomène. Les méthodes bureaucratiques de Pablo n'expliquent rien. Une partie des groupes rattachés au Comité International et qui avaient rompu politiquement et organisationnellement avec Pablo en 1953, l'ont rejoint dix ans plus tard, sans pression bureaucratique possible. Une autre explication aussi peu satisfaisante est celle qui énonce que :
"... la dégénérescence révisionniste au sein de la IVème Internationale est un phénomène de classe de caractère international correspondant aux besoins de l'impérialisme dans sa phase ultime de contradictions extrêmes et de dépendance pour sa survie, de la bureaucratie stalinienne, de la social-démocratie et des dirigeants nationalistes" (p. 16).


Faire de la situation objective (la crise de l'impérialisme) une des causes de la destruction de la IVème Internationale, c'est finalement faire endosser ses propres responsabilités à la "situation". Si cela peut expliquer l'apparition d'une tendance petite-bourgeoise dans la IVème Internationale, cela n'explique absolument pas pourquoi cette tendance a rallié à elle la majorité des sections.

Car loin de voir dans le pablisme un corps étranger, pénétrant la IVe Internationale, l'immense majorité des sections a reconnu en Pablo sa propre image. Image petite bourgeoise, bien sûr, opportuniste, bien sûr, mais c'est parce que depuis la mort de Trotsky, la IVème Internationale était une organisation opportuniste et petite-bourgeoise.

Affirmer que l'échec de la IVème Internationale est du à Pablo, à ses méthodes organisationnelles, à sa politique, c'est grandir considérablement son importance. C'est faire de lui une espèce d'escroc politique de génie qui non seulement arriverait à mystifier des centaines de militants révolutionnaires, mais à faire que ceux-ci se transforment, par une "transcroissance sui generis" sans doute, en opportunistes petit-bourgeois, en couverture de gauche de la bureaucratie, en flanc-gardes de la bourgeoisie.

Ces camarades ne voient pas les vrais problèmes car ils se mettent un bandeau sur les yeux. Et ce bandeau s'appelle Pablo. Mais à marcher les yeux bandés, on risque la chute. Et si la cécité de ces camarades persiste, cette chute sera l'échec de notre entreprise commune.
Notre intervention dans cette tentative de réunification consistera donc aussi à tenter d'amener ces camarades à analyser correctement les causes de la dégénérescence de la IVème.
C'est-à-dire que non seulement nous défendrons l'analyse qui est la nôtre et que je viens d'exposer ce soir mais nous défendrons aussi, ce qui en est le corollaire, les méthodes organisationnelles propres à tenter d'écarter des organisations trotskystes les éléments petit-bourgeois et opportunistes.

Lorsqu'une tendance petite-bourgeoise apparut à la veille du la guerre au sein de la section américaine le S.W.P., Trotsky, que personne n'accusera je suppose de sous-estimer l'importance de l'élaboration théorique et politique, conseilla fermement aux trotskystes américains toute une série de mesures organisationnelles pour mettre à l'épreuve les militants d'origine petite-bourgeoise.

Cette préoccupation de se préserver des éléments petit-bourgeois n'apparaît nulle part, et pour cause, dans le texte du C.I. et, de plus, dans le domaine politique, ces camarades font preuve de pratiques opportunistes qui nous procurent de grandes craintes quant au succès de notre entreprise commune.

3°) En effet, le fait qu'ils n'analysent pas correctement les causes de l'échec de la IVème Internationale les conduit naturellement à négliger les symptômes de la maladie qui a fait mourir la IVème Internationale que peuvent présenter leurs propres organisations. Nous négligerons ici les reproches et les critiques qui pourraient paraître polémiques pour ne prendre qu'un exemple.

Manifestement dans la résolution du C.I. un certain nombre de phrases et d'affirmations sont incontestablement le résultat de compromis politiques. Nous dirons même théoriques, en particulier, justement, à propos de l'analyse de la nature des pays du "glacis soviétique". Que des divergences existent au sein du C.I. ou même à l'intérieur des organisations qui y sont affiliées c'est normal. Mais qu'un texte d'orientation soit mi-chèvre, mi-chou pour ne choquer personne, c'est une façon peu sérieuse de procéder, et qui peut être grave pour l'avenir, de deux points de vue différents.

D'abord ce genre de compromis est l'indice d'une certaine façon de poser, ou plutôt de ne pas poser les problèmes politiques. On peut envisager beaucoup de compromis mais certes pas sur plan des idées. On doit exprimer clairement accords et désaccords mais ne pas rédiger un texte qui ne reflète ni la position des uns, ni celle des autres et qui sert à façonner une bien piètre unité de façade. Et qui veut-on, qui espère-t-on tromper ?

D'un autre point de vue, cela est grave pour l'avenir car cela déconsidère du point de vue théorique et du point de vue organisationnel la direction internationale que l'on veut reconstituer. Ce n'est qu'avec beaucoup de rigueur, et aucun compromis de cette sorte, que la future IVème Internationale pourra gagner le crédit politique nécessaire à l'autorité sur toutes les sections. Il faut que cette Internationale puisse être un centre d'attraction, un guide révolutionnaire du monde entier.

La résolution du C.I. ne laisse pas bien augurer de cela et pour gagner et mériter la confiance de tous, à notre avis, ces camarades devront là aussi faire un effort pour écarter de leur méthodologie des pratiques politiques qui ne sont ni marxistes, ni bolcheviques, ni trotskystes.
Notre critique dans ce domaine sera fraternelle et autant que possible constructive car nous sommes les premiers à souhaiter que l'Internationale Révolutionnaire renaisse mais elle sera ferme car il ne faut pas compter sur nous pour accepter des compromis de cette sorte ou même les voir sans les dénoncer.

4°) Tels seront les points essentiels de notre participation à la discussion, Nous ne nous faisons cependant guère d'illusions sur les difficultés de cette reconstruction. Il se peut que très facilement les camarades du C.I. fassent leur l'analyse que nous faisons.
Bien plus difficile sera la mise en accord de la pratique quotidienne avec cette analyse. Les différents groupes de la IVème Internationale ne sont toujours pas implantés réellement dans la classe ouvrière.

La pression de l'entourage petit-bourgeois est toujours aussi sensible que par le passé. Se délimiter de cet entourage est chose bien difficile surtout quand les évènements politiques font que les succès que nos idées rencontrent sont toujours plus grands en milieu intellectuel que dans le milieu des ouvriers d'industrie. Même des pratiques militantes et organisationnelles rigoureuses ne mettent pas à l'abri de cette pression et de ses répercussions politiques. Nous avons nous-mêmes à le vivre tout les jours.

Mais une chose est certaine et nous pouvons malheureusement le dire avec la même assurance qu'en 1944 :

Si les militants et les organisations du C.I. ne se penchent pas immédiatement sur ces questions en se, donnant les moyens moraux et matériels de les régler, leur tentative, et la notre donc, car nous sommes solidaires, sera un nouvel échec.

Il faudra attendre plusieurs années encore pour que, dans différents pays, de nouvelles générations venues au trotskisme dans d'autres conditions peut-être, reconstruisent pour de bon une Internationale Révolutionnaire qu'il faudra très certainement appeler Vème Internationale car elle consacrerait l'échec définitif de toute une génération de militants.

Nous ne le souhaitons pas. Nous espérons militer suffisamment sérieusement pour être un facteur suffisant pour que cette tentative-ci soit la bonne.

vendredi 7 octobre 2011

:: Thèses de Lénine sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne - 4 mars 1919

1. La croissance du mouvement révolutionnaire prolétarien dans tous les pays suscite les efforts convulsifs de la bourgeoisie et des agents qu’elle possède dans les organisations ouvrières pour découvrir les arguments philosophico-politiques capables de servir à la défense de la domination des exploiteurs. La condamnation de la dictature et la défense de la démocratie figurent au nombre de ces arguments. Le mensonge et l’hypocrisie d’un tel argument répété à satiété dans la presse capitaliste et à la conférence de l’Internationale jaune de Berne en février 1919 sont évidents pour tous ceux qui ne tentent pas de trahir les principes fondamentaux du socialisme.

2. D’abord, cet argument s’appuie sur les conceptions de « démocratie en général » et de « dictature en général », sans préciser la question de la classe. Poser ainsi le problème, en dehors de la question de classes, en prétendant considérer l’ensemble de la nation, c’est proprement se moquer de la doctrine fondamentale du socialisme, à savoir la doctrine de la lutte de classes, acceptée en paroles, mais oubliée en fait par les socialistes passés dans le camp de la bourgeoisie. Car, dans aucun pays civilisé, dans aucun pays capitaliste, il n’existe de démocratie en général : il n’y a que la démocratie bourgeoise. Il ne s’agit pas davantage de la dictature exercée par la classe opprimée, c’est-à-dire par le prolétariat, sur les oppresseurs et les exploiteurs, sur la classe bourgeoise, dans le but de triompher de la résistance des exploiteurs luttant pour leur domination.

3. L’histoire enseigne qu’aucune classe opprimée n’est jamais parvenue à la domination, et n’a pu y parvenir sans passer par une période de dictature pendant laquelle elle s’empare du pouvoir politique et abat par la force la résistance désespérée, exaspérée, qui ne s’arrête devant aucun crime, qu’ont toujours opposée les exploiteurs. La bourgeoisie dont aujourd’hui la domination est soutenue par les socialistes qui pérorent sur la dictature en général et qui se démènent en faveur de la démocratie en général a conquis le pouvoir dans les pays civilisés au prix d’une série d’insurrections, de guerres civiles, de l’écrasement par la force — des rois, des nobles, des propriétaires d’esclaves — et par la répression des tentative de restauration.

Des milliers de fois, les socialistes de tous les pays ont expliqué au peuple le caractère de classe de ces révolutions bourgeoises, dans leurs livres, dans leurs brochures, dans les résolutions de leurs congrès, dans leurs discours de propagande. C’est pourquoi cette défense actuelle de la démocratie bourgeoise au moyen de discours sur la « dictature en général », tous ces cris et ces pleurs contre la dictature du prolétariat sous prétexte de condamner « la dictature en général », ne sont qu’une trahison véritable du socialisme, qu’une désertion caractérisée au profit de la bourgeoisie, qu’une négation du droit du prolétariat à sa révolution prolétarienne. C’est défendre le réformisme bourgeois, précisément à l’heure où il a fait faillite dans le monde entier, alors que la guerre a créé un état de choses révolutionnaire.

4. Tous les socialistes en démontrant le caractère de classe de la civilisation bourgeoise, de la démocratie bourgeoise, du parlementarisme bourgeois, ont exprimé cette idée déjà formulée, avec le maximum d’exactitude scientifique par Marx et Engels que la plus démocratique des républiques bourgeoises ne saurait être autre chose qu’une machine à opprimer la classe ouvrière à la merci de la bourgeoisie, la masse des travailleurs à la merci d’une poignée de capitalistes. Il n’y a pas un seul révolutionnaire, pas un seul marxiste parmi ceux qui crient aujourd’hui contre la dictature et pour la démocratie qui n’ait juré ses grands dieux devant les ouvriers qu’il acceptait cette vérité fondamentale du socialisme ; et maintenant que le prolétariat révolutionnaire est en fermentation et en mouvement, qu’il tend à détruire cette machine d’oppression et à conquérir la dictature du prolétariat, ces traîtres au socialisme voudraient faire croire que la bourgeoisie a donné aux travailleurs la « démocratie pure », comme si la bourgeoisie avait renoncé à toute résistance et était prête à obéir à la majorité des travailleurs, comme si, dans une république démocratique, il n’y avait pas une machine gouvernementale faite pour opérer l’écrasement du travail par le capital.

5. La Commune de Paris, que tous ceux qui veulent passer pour socialistes honorent en paroles, parce qu’ils savent que les masses ouvrières sont pleines d’une vive et sincère sympathie pour elle, a montré avec une particulière netteté la relativité historique, la valeur limitée du parlementarisme bourgeois et de la démocratie bourgeoise, institutions marquant un très grand progrès par rapport à celles du moyen-âge, mais exigeant nécessairement une réforme fondamentale à l’époque de la révolution prolétarienne. Marx, qui a apprécié mieux qu’aucun autre l’importance historique de la Commune, a prouvé en l’analysant le caractère d’exploitation de la démocratie et du parlementarisme bourgeois, régime sous lequel les classes opprimées recouvrent le droit de décider en un seul jour pour une période de plusieurs années quel sera le représentant des classes possédantes qui représentera et opprimera le peuple au Parlement. Et c’est à l’heure où le mouvement soviétiste embrassant le monde entier, continue aux yeux de tous l’œuvre de la Commune que les traîtres du socialisme oublient l’expérience concrète de la Commune de Paris, et répètent les vieilles sornettes bourgeoises sur la « démocratie en général ». La Commune n’était pourtant pas une institution parlementaire.

6. La valeur de la Commune consiste, ensuite en ce qu’elle a tenté de bouleverser, de détruire de fond en comble l’appareil gouvernemental bourgeois dans l’administration, dans la justice, dans l’armée, dans la police, en le remplaçant par l’organisation autonome des masses ouvrières, sans reconnaître aucune distinction des pouvoirs législatif et exécutif.

Toutes les démocraties bourgeoises contemporaines, sans excepter la République allemande que les traîtres du socialisme appellent prolétarienne en dépit de la vérité, conservent au contraire le vieil appareil gouvernemental. Ainsi, il se confirme une fois de plus, de façon absolument évidente, que tous ces cris en faveur de la démocratie ne servent en réalité qu’à défendre la bourgeoisie et ses privilèges de classe exploiteuse.

7. La liberté de réunion peut être prise pour exemple des principes de la démocratie pure. Tout ouvrier conscient qui n’a pas rompu avec sa classe, comprendra du premier coup qu’il serait insensé de permettre la liberté de réunion aux exploiteurs, dans un temps et dans les circonstances où des exploiteurs s’opposent à leur déchéance et défendent leurs privilèges. La bourgeoisie, quand elle était révolutionnaire, soit en Angleterre en 1649, soit en France en 1793, n’a jamais accordé la liberté de réunion aux monarchistes ni aux nobles qui appelaient les troupes étrangères et « se réunissaient » pour organiser des tentatives de restauration. Si la bourgeoisie d’aujourd’hui, qui depuis longtemps est devenue réactionnaire, réclame du prolétariat qu’il garantisse à l’avance, malgré toute la résistance que feront les capitalistes à leur expropriation, la liberté de réunion pour les exploiteurs, les ouvriers ne pourront que rire de l’hypocrisie de cette bourgeoisie.

D’autre part, les ouvriers savent très bien que la liberté de réunion, même dans la république bourgeoise la plus démocratique, est une phrase vide de sens, puisque les riches possèdent les meilleurs édifices publics et privés, ainsi que le loisir nécessaire pour se réunir sous la protection de cet appareil gouvernemental bourgeois. Les prolétaires de la ville et de la campagne et les petits paysans, c’est-à-dire l’immense majorité de la population, ne possèdent ni l’un ni l’autre. Tant qu’il en est ainsi, l’égalité, c’est-à-dire la démocratie pure est un leurre. Pour conquérir la véritable légalité, pour réaliser vraiment la démocratie au profit des travailleurs, il faut préalablement enlever aux exploiteurs toutes les riches demeures publiques et privées, il faut préalablement donner des loisirs aux travailleurs, il faut que la liberté de leurs réunions soit protégée par des ouvriers armés et non point par les officiers hobereaux ou capitalistes avec des soldats à leur dévotion.

C’est seulement alors que l’on pourra, sans se moquer des ouvriers, des travailleurs, parler de liberté de réunion et d’égalité. Or, qui peut accomplir cette réforme, sinon l’avant-garde des travailleurs, le prolétariat, par le renversement des exploiteurs et de la bourgeoisie ?

8. La liberté de la presse est également une des grandes devises de la démocratie pure. Encore une fois, les ouvriers savent que les socialistes de tous les pays ont reconnu des millions de fois que cette liberté est un mensonge, tant que les meilleures imprimeries et les plus gros stocks de papier sont accaparés par les capitalistes, tant que subsiste le pouvoir du capital dans le monde entier avec d’autant plus de clarté, de netteté et de cynisme que le régime démocratique et républicain est plus développé, comme par exemple en Amérique. Afin de conquérir la véritable égalité et la vraie démocratie dans l’intérêt des travailleurs, des ouvriers et des paysans, il faut commencer par enlever au capital la faculté de louer les écrivains, d’acheter et de corrompre des journaux et des maisons d’édition, et pour cela il faut renverser le joug du capital, renverser les exploiteurs, briser leur résistance. Les capitalistes appellent liberté de la presse la faculté pour les riches de corrompre la presse, la faculté d’utiliser leurs richesses pour fabriquer et pour soutenir la soi-disant opinion publique. Les défenseurs de la « démocratie pure » sont en réalité une fois de plus des défenseurs du système vil et corrompu de la domination des riches sur l’instruction des masses ; ils sont ceux qui trompent le peuple et le détournent avec de belles phrases mensongères, de cette nécessité historique d’affranchir la presse de son assujettissement au capital. De véritable liberté ou égalité, il n’y en aura que dans le régime édifié par les communistes, dans lequel il serait matériellement impossible de soumettre la presse directement ou indirectement au pouvoir de l’argent, dans lequel rien n’empêchera chaque travailleur, ou chaque groupe de travailleurs, de posséder ou d’user, en toute égalité, du droit de se servir des imprimeries et du papier de l’Etat.

9. L’histoire du xixe siècle et du xxe siècle nous a montré, même avant la guerre, ce qu’était la fameuse démocratie pure sous le régime capitaliste. Les marxistes ont toujours répété que plus la démocratie était développée, plus elle était pure, plus aussi devait être vive, acharnée et impitoyable la lutte des classes, et plus apparaissait purement le joug du capital et la dictature de la bourgeoisie. L’affaire Dreyfus de la France républicaine, les violences sanglantes des détachements soudoyés et armés par les capitalistes contre les grévistes dans la république libre et démocratique d’Amérique, ces faits et des milliers d’autres semblables découvrent cette vérité qu’essaye en vain de cacher la bourgeoisie, que c’est précisément dans les républiques les plus démocratiques que règnent en réalité la terreur et la dictature de la bourgeoisie, terreur et dictature qui apparaissent ouvertement chaque fois qu’il semble aux exploiteurs que le pouvoir du capital commence à être ébranlé.

10. La guerre impérialiste de 1914-1918 a définitivement manifesté, même aux yeux des ouvriers non éclairés, ce vrai caractère de la démocratie bourgeoise, même dans les républiques les plus libres — comme caractère de dictature bourgeoise. C’est pour enrichir un groupe allemand ou anglais de millionnaires ou de milliardaires qu’ont été massacrés des dizaines de millions d’hommes et qu’a été instituée la dictature militaire de la bourgeoisie dans les républiques les plus libres. Cette dictature militaire persiste, même après la défaite de l’Allemagne dans les pays de l’Entente. C’est la guerre qui, mieux que tout, a ouvert les yeux aux travailleurs, a arraché les faux appas à la démocratie bourgeoise, a montré au peuple tout l’abîme de la spéculation et du lucre pendant la guerre et à l’occasion de la guerre. C’est au nom de la liberté et de l’égalité que la bourgeoisie a fait cette guerre ; c’est au nom de la liberté et de l’égalité que les fournisseurs aux armées ont amassé des richesses inouïes. Tous les efforts de l’Internationale jaune de Berne n’arriveront pas à dissimuler aux masses le caractère d’exploitation actuellement manifeste de la liberté bourgeoise, de l’égalité bourgeoise, de la démocratie bourgeoise.

11. Dans le pays capitaliste le plus développé d’Europe, en Allemagne, les premiers mois de cette complète liberté républicaine, apportée par la défaite de l’Allemagne impérialiste, ont révélé aux ouvriers allemands et au monde entier le caractère de classe de la république démocratique bourgeoise. L’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg est un événement d’une importance historique universelle, non seulement par la mort tragique des hommes et des chefs les meilleurs de la vraie Internationale prolétarienne et communiste, mais encore parce qu’il a manifesté dans l’Etat le plus avancé d’Europe et même, on peut le dire, du monde entier, la véritable essence du régime bourgeois. Si des gens en état d’arrestation, c’est-à-dire pris par le pouvoir gouvernemental des social-patriotes sous sa garde, ont pu être tués impunément par des officiers et des capitalistes, c’est que la république démocratique dans laquelle un pareil événement a été possible n’est que la dictature de la bourgeoisie. Les gens qui expriment leur indignation au sujet de l’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg, mais qui ne comprennent pas cette vérité, ne font que montrer par là leur bêtise ou leur hypocrisie. La liberté, dans une des républiques du monde les plus libres et les plus avancées, dans la république allemande, est la liberté de tuer impunément les chefs du prolétariat en état d’arrestation, et il ne peut en être autrement, tant que subsiste le capitalisme, car le développement du principe démocratique, loin d’affaiblir, ne fait que surexciter la lutte de classes qui, par suite des répercussions et des influences de la guerre, a été portée à son point d’ébullition.

Dans tout le monde civilisé, on expulse aujourd’hui les bolcheviks, on les poursuit, on les emprisonne, comme par exemple dans une des plus libres républiques bourgeoises, en Suisse ; on massacre les bolcheviks en Amérique, etc… Du point de vue de la démocratie en général ou de la démocratie pure, il est tout à fait ridicule que les Etats civilisés et avancés, démocratiques, armés jusqu’aux dents, craignent la présence de quelques dizaines d’hommes venus de la Russie retardataire, affamée, ruinée, de cette Russie que, dans leurs dizaines de millions d’exemplaires, les journaux bourgeois appellent sauvage, criminelle, etc… Il est clair que les conditions sociales dans lesquelles une contradiction aussi criante a pu naître réalisent en réalité la dictature de la bourgeoisie.

12. Dans un tel état de choses, la dictature du prolétariat n’est pas seulement absolument légitime, en tant qu’instrument propre au renversement des exploiteurs et à l’écrasement de leur résistance, mais encore absolument indispensable pour toute la masse laborieuse, comme le seul moyen de défense contre la dictature de la bourgeoisie qui a causé la guerre et qui prépare de nouvelles guerres.

Le point le plus important, que ne comprennent pas les socialistes et qui constitue leur myopie théorique, leur emprisonnement dans les préjugés bourgeois et leur trahison politique envers le prolétariat, c’est que dans la société capitaliste, dès que s’aggrave la lutte des classes qui est à sa base, il n’y a pas de milieu entre la dictature de la bourgeoisie et la dictature du prolétariat. Tous les rêves d’une solution intermédiaire ne sont que lamentations réactionnaires de petits bourgeois.

La preuve en est apportée par l’expérience du développement de la démocratie bourgeoise et du mouvement ouvrier depuis plus d’un siècle dans tous les pays civilisés et en particulier par l’expérience des cinq dernières années. C’est aussi la vérité qu’enseigne toute la science de l’économie politique, tout le contenu du marxisme qui explique par quelle nécessité économique naît la dictature de la bourgeoisie, et comment elle ne peut être remplacée que par une classe développée multipliée, fortifiée et devenue très cohérente par le développement même du capitalisme, c’est-à-dire la classe des prolétaires.

13. Une autre erreur théorique et politique des socialistes, consiste à ne pas comprendre que les formes de la démocratie ont constamment changé pendant le cours des siècles, depuis ses premiers germes dans l’antiquité, à mesure qu’une classe dominante était remplacée par une autre. Dans les anciennes républiques de la Grèce, dans les cités du moyen-âge, dans les pays capitalistes civilisés, la démocratie revêt des formes diverses et un degré d’adaptation différent. Ce serait la plus grande sottise de croire que la révolution la plus profonde dans l’histoire de l’humanité, que le passage du pouvoir, pour la première fois au monde, d’une minorité d’exploiteurs à la majorité d’exploités, puisse se produire dans les vieux cadres de la démocratie bourgeoise et parlementaire, puisse se produire sans brisures nettes, sans que se créent de nouvelles institutions incarnant ces nouvelles conditions de vie, etc…

14. La dictature du prolétariat ressemble à la dictature des autres classes parce qu’elle est provoquée, comme toute espèce de dictature, par la nécessité de réprimer violemment la résistance de la classe qui perd la domination politique. Le point fondamental qui sépare la dictature du prolétariat de celle des autres classes, de la dictature des éléments féodaux au moyen-âge, de la dictature de la bourgeoisie dans tous les pays civilisés capitalistes, consiste en ce que la dictature des éléments féodaux et de la bourgeoisie était l’écrasement violent de la résistance de l’énorme majorité de la population, de la classe laborieuse, tandis que la dictature du prolétariat est l’écrasement, par la force, de la résistance des exploiteurs, c’est-à-dire d’une infime minorité de la population : les propriétaires fonciers et les capitalistes.

Il s’ensuit encore que la dictature du prolétariat entraîne inévitablement non seulement une modification des formes et des institutions démocratiques en général, mais encore une modification telle qu’elle aboutit à une extension jusqu’alors inconnue du principe démocratique en faveur des classes opprimées par le capitalisme, en faveur des classes laborieuses. En effet, la forme de la dictature du prolétariat, déjà élaborée en fait, c’est-à-dire le pouvoir des Soviets en Russie, le Raete Système en Allemagne, les Shop Stewards Committees et autres institutions analogues dans les autres pays, signifie précisément et réalise pour les classes laborieuses, c’est-à-dire pour l’énorme majorité de la population, une faculté rapide de profiter des droits et libertés démocratiques comme il n’y en a jamais eu, même d’approchants, dans les républiques bourgeoises les meilleures et les plus démocratiques.

L’essence du pouvoir des Soviets consiste en ce que la base constante et unique de tout le pouvoir gouvernemental, c’est l’organisation des masses jadis opprimées par les capitalistes, c’est-à-dire les ouvriers et les demi-prolétaires (paysans n’exploitant pas le travail d’autrui et ayant constamment besoin de vendre une partie au moins de leur force de travail). Ce sont ces masses qui, même dans les républiques bourgeoises les plus démocratiques, tout en jouissant de l’égalité selon la loi, étaient écartées en réalité par des milliers de coutumes et de manœuvres de toute participation à la vie politique, de tout usage de droits et de libertés démocratiques et qui maintenant sont appelées à prendre une part considérable et obligatoire, une part décisive à la gestion démocratique de l’Etat.

15. L’égalité de tous les citoyens, indépendamment du sexe, de la religion, de la race, de la nationalité, que la démocratie bourgeoise a toujours et partout promise, mais n’a réalisée nulle part et qu’étant donné la domination du capitalisme, elle ne pouvait pas réaliser, le pouvoir des Soviets ou la dictature du prolétariat la réalise tout d’un coup et complètement, car seul il est en état de réaliser le pouvoir des ouvriers qui ne sont pas intéressés à la propriété privée, aux moyens de production, à la lutte pour leur partage et leur distribution.

16. La vieille démocratie, c’est-à-dire la démocratie bourgeoise et le parlementarisme, était organisée de telle façon que les masses laborieuses étaient de plus en plus éloignées de l’appareil gouvernemental. Le pouvoir des Soviets, c’est-à-dire la dictature du prolétariat, est au contraire construit de façon à rapprocher les masses laborieuses de l’appareil gouvernemental. Au même but tend la réunion du pouvoir législatif et exécutif dans l’organisation soviétiste de l’Etat, ainsi que la substitution aux circonscriptions électorales territoriales d’unités de travail, comme les usines et les fabriques.

17. Ce n’est pas seulement sous la monarchie que l’armée était un instrument d’oppression. Elle l’est restée dans toutes les républiques bourgeoises, même les plus démocratiques. Seul le pouvoir des Soviets, en tant qu’organisation permanente des classes opprimées par le capitalisme est capable de supprimer la soumission de l’armée au commandement bourgeois et de fondre réellement le prolétariat avec l’armée, en réalisant l’armement du prolétariat et le désarmement de la bourgeoisie, sans lesquels est impossible le triomphe du socialisme.

18. L’organisation soviétiste de l’Etat est adaptée au rôle directeur du prolétariat comme classe concentrée au maximum et éduquée par le capitalisme. L’expérience de toutes les révolutions et de tous les mouvements des classes opprimées, l’expérience du mouvement socialiste dans le monde entier nous enseignent que seul le prolétariat est en état d’unifier et de conduire les masses éparses et retardataires de la population laborieuse et exploitée.

19. Seule l’organisation soviétiste de l’Etat peut réellement briser d’un coup et détruire définitivement le vieil appareil bourgeois, administratif et judiciaire qui s’est conservé et devait inévitablement se conserver sous le capitalisme, même dans les républiques les plus démocratiques, puisqu’il était de fait le plus grand empêchement à la mise en pratique des principes démocratiques en faveur des ouvriers et des travailleurs. La Commune de Paris a fait, dans cette voie, le premier pas d’une importance historique universelle ; le pouvoir des Soviets a fait le second.

20. L’anéantissement du pouvoir gouvernemental est le but que se sont proposés tous les socialistes. Marx le premier. Sans réalisation de ce but, la vraie démocratie, c’est-à-dire l’égalité et la liberté, est irréalisable. Or, le seul moyen pratique d’y arriver est la démocratie soviétiste ou prolétarienne, puisque, appelant à prendre une part réelle et obligatoire au gouvernement les organisations des masses laborieuses, elle commence dès maintenant à préparer le dépérissement complet de tout gouvernement.

21. La complète banqueroute des socialistes réunis à Berne, leur incompréhension absolue de la démocratie prolétarienne nouvelle apparaissent particulièrement dans ce qui suit : le 10 février 1919, Branting clôturait à Berne la conférence internationale de l’Internationale jaune. Le 11 février 1919, à Berlin, était imprimé dans le journal de ses coreligionnaires Die Freiheit une proclamation du parti des Indépendants au prolétariat. Dans cette proclamation est reconnu le caractère bourgeois du gouvernement de Scheidemann, auquel on reproche son désir d’abolir les Soviets appelés les messagers et les défenseurs de la Révolution, auquel on demande de légaliser les Soviets, de leur donner les droits politiques, le droit de vote contre les décisions de l’Assemblée Constituante, le référendum demeurant juge en dernier ressort.

Cette proclamation dénote la complète faillite des théoriciens qui défendaient la démocratie sans comprendre son caractère bourgeois. Cette tentative ridicule de combiner le système des Soviets, c’est-à-dire la dictature du prolétariat, avec l’Assemblée Constituante, c’est-à-dire la dictature de la bourgeoisie, dévoile jusqu’au bout, à la fois la pauvreté de pensée des socialistes jaunes et des social-démocrates, leur caractère réactionnaire de petits bourgeois et leurs lâches concessions devant la force irrésistiblement croissante de la nouvelle démocratie prolétarienne.

22. En condamnant le bolchevisme, la majorité de l’Internationale de Berne, qui n’a pas osé voter formellement un ordre du jour correspondant à sa pensée, par crainte des masses ouvrières, a agi justement de son point de vue de classe. Cette majorité est complètement solidaire des mencheviks et socialistes révolutionnaires russes, ainsi que des Scheidemann allemands.

Les mencheviks et socialistes révolutionnaires russes, en se plaignant d’être poursuivis par les bolcheviks, essayent de cacher le fait que ces poursuites sont causées par la part prise par les mencheviks et les socialistes révolutionnaires à la guerre civile du côté de la bourgeoisie contre le prolétariat. Les Scheidemann et leur parti ont déjà montré de la même façon en Allemagne qu’ils prenaient la même part à la guerre civile du côté de la bourgeoisie contre les ouvriers.

Il est, par suite, tout. à fait naturel que la majorité des participants de l’Internationale jaune de Berne se soit prononcée contre les bolcheviks ; par là s’est manifesté, non point le désir de défendre la démocratie pure, mais le besoin de se défendre eux-mêmes, chez des gens qui sentent et qui savent que dans la guerre civile ils sont du côté de la bourgeoisie contre le prolétariat.

Voilà pourquoi, du point de vue de la lutte de classes, il est impossible de ne pas reconnaître la justesse de la décision de la majorité de l’Internationale jaune. Le prolétariat ne doit pas craindre la vérité, mais la regarder en face et tirer les conclusions qui en découlent.

Sur la base de ces thèses, et en considération des rapports des délégués des différents pays, le congrès de l’Internationale Communiste déclare que la tâche principale des partis communistes, dans les diverses régions où le pouvoir des Soviets n’est pas encore constitué, consiste en ce qui suit :



1°   Éclairer le plus largement les masses de la classe ouvrière sur la signification historique de la nécessité politique et pratique d’une nouvelle démocratie prolétarienne, qui doit prendre la place de la démocratie bourgeoise et du parlementarisme ;

2°   Élargir et organiser des Soviets dans tous les domaines de l’industrie, dans l’armée, dans la flotte, parmi les ouvriers agricoles et les petits paysans ;

3°  Conquérir, à l’intérieur des Soviets, une majorité communiste, sûre et consciente.