jeudi 30 mai 2013

:: 28 mai 1871, fin de la "Semaine sanglante", la Commune de Paris est morte

Cadavres exquis, La Semaine Sanglante, 1870En 1871, le 28 mai était, comme cette année, un dimanche. Ce jour-là était le dernier de la Commune de Paris, la dernière barricade, celle de la rue Ramponeau, tombait.
Quatre-vingt dix années de luttes et de souffrances ont pu passer, des milliers de Varlin et de Louise Michel ont pu donner leur vie, mais le Parti Communiste Français ose encore aujourd’hui, devant ce Mur des Fédérés, où il va insulter les « Communards » chaque année, se faire le chantre des libertés démocratiques et mettre au premier rang de ses préoccupations la défense de la République bourgeoise. Qu’y a-t-il de commun entre nos modernes apôtres de la démocratie « rénovée » et les hommes qui moururent sous les balles toutes « républicaines » de Monsieur Thiers ?
Si, durant l’hiver 1870-71, le prolétariat parisien avait combattu contre l’envahisseur allemand, ce n’était que le prélude à un combat plus fondamental, celui qu’il allait mener contre l’ennemi « dans son propre pays ». Conservant leurs armes et leur Garde Nationale, les ouvriers parisiens transformèrent les provocations du Gouvernement et de son M. Thiers en une victoire prolétarienne, consacrée par la proclamation de la Commune de Paris.
Dès lors, il ne s’agit plus pour l’avant-garde révolutionnaire, internationalistes et blanquistes, de « transformer », de « rénover » l’Assemblée Nationale et la République. D’ailleurs celle-ci, à peine née, n’eut que le temps de dévoiler son véritable visage : celui de la dictature de la bourgeoisie. En effet, peu à peu, toutes les illusions engendrées par la tradition de 1789 et de la Grande Commune de 1792, parmi les ouvriers, vont s’évanouir et les mesures que prirent les membres de la Commune portent la marque de la lutte à mort qui s’était engagée, car elles visaient quelque chose de plus fondamental qu’un Ministère ou qu’une Assemblée : l’État bourgeois. Toute l’administration fut soumise au suffrage universel, juges et fonctionnaires furent éligibles et révocables à tout moment, les salaires des membres de la Commune ne devaient pas être supérieurs à ceux des autres travailleurs.
La Commune décida la suppression de la conscription, et la dissolution de l’armée permanente, remplacée par le peuple en armes.
C’est cela qui fit trembler la bourgeoisie, unie dans sa terreur et dans sa haine aux envahisseurs d’hier, c’est ce prolétariat armé et organisé, déjà sûr de sa force. Elle devint dès lors d’autant plus féroce qu’elle avait vu sa fin toute proche ; elle se ressaisit, et les ouvriers de Paris durent affronter ses mercenaires, au bout d’à peine deux mois d’existence.
Le 21 mai, les troupes versaillaises entraient dans Paris ; elles avancèrent à peu très sans encombre à travers les quartiers Ouest, puis dès le Centre se heurtèrent à la résistance du prolétariat. La Commune ne veut pas mourir, les Fédérés combattent avec acharnement. Ils luttent jusqu’au dernier moment ; tout Paris combat, et les hommes de M. Thiers massacrent hommes, femmes et enfants. Pierre à pierre, les Fédérés défendent leurs quartiers. Sans illusions. Le 28 mai, les pentes de Belleville et le Père-Lachaise voient mourir les derniers Communards. Mais il en reste encore beaucoup trop pour les bourgeois, et ils s’acharnent alors en fusillades de prisonniers, en arrestations et en déportations..
Les ouvriers parisiens avaient proclamé la commune dans un esprit de fraternité, ils avaient respecté la sacro-sainte banque de france, ils n’avaient fusillé d’otages que contraints. la commune n’a usé de la violence que lorsqu’elle y était acculée par la sauvagerie des bourgeois et leur acharnement à reprendre le pouvoir entre leurs mains. ce sont en grande partie leurs généreuses illusions qui ont perdu les communards.
La bourgeoisie, elle, a montré qu’elle ne faisait pas de cadeaux, que pour maintenir sa domination, elle était prête à employer tous les moyens : la parure démocratique lorsqu’elle peut s’en offrir le luxe, la terreur sanglante autrement.
Dans ces conditions, toute concession à l’idéologie démocratique et républicaine devient une trahison pure et simple et le prolétariat n’a qu’une seule ressource : celle d’instaurer sa propre dictature, pour préparer la construction d’une société où régnera la seule démocratie possible, celle d’une société sans classes.
Telle est la leçon que nous ont léguée les Communards. Ils l’ont payée de leurs souffrances et de leur vie. Et ceux qui, aujourd’hui, contribuent à répandre des illusions qui ont coûté et qui coûtent encore si cher ceux qui se font les apôtres des Fronts Populaires, de l’Union Sacrée et de la démocratie dont ils veulent nous persuader qu’elle est « rénovante », ces hommes qui ont le front de revendiquer la tradition et le drapeau de la Commune de 1871, n’agissent une nouvelle fois que comme des détrousseurs de cadavres.

La « Semaine Sanglante ». Extraits de « HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871 - LISSAGARAY 
« Depuis les grandes pestes, on n’avait vu de telles charretées de viande humaine. Aux contorsions de la violente agonie, il fut aisé de reconnaître que beaucoup, enterrés vifs, avaient lutté contre la terre. Des cadavres étaient si putréfiés qu’il fallut en wagons clos les conduire à grande vitesse dans des fosses à chaux ».
« Les victimes mouraient en silence, sans fanfaronnade. Beaucoup se croisaient les bras, d’autres commandaient le feu. Quelques femmes et des enfants suivaient leur mari, leur père, en criant : « Fusillez-nous avec eux ! ». On vit quelques femmes, étrangères à la lutte, mais affolées par ce carnage, tirer sur les officiers et ensuite se jeter contre le mur dans l’attente de la mort ».
« Il n’y eut plus qu’un gouvernement : l’armée qui assassinait ».
« Dans les fossés se déroulent des combats à l’arme blanche. Les ennemis roulent et meurent dans les tombes. L’obscurité n’empêche pas le désespoir ».
« La lutte terminée, l’armée se transforma en un vaste peloton d’exécution ».
« Les hécatombes asiatiques peuvent seules donner une idée de cette boucherie de prolétaires ».
Le sang courait dans les ruisseaux de la prison ».
« Le mur était taché de matière cérébrale et les soldats barbotaient dans le sang ».
« Aux portes, les femmes des ouvriers, assises, la tête entre les mains, regardaient fixement au loin, attendant un fils ou un mari qui ne reviendraient jamais... ».

Voix ouvrière, Lutte de classe, n°15 (30 mai 1961)