mercredi 23 janvier 2013

:: La révolution russe, notre guide (James Patrick Cannon, 4 novembre 1945)


La transformation du Socialisme de conception utopique en doctrine scientifique fut accomplie par la publication du Manifeste Communiste en 1848 – il y a 97 ans –. La transformation du Socialisme de science en action fut accomplie 69 ans plus tard par la Révolution bolchevique russe du 7 novembre 1917.

Envers la fusion de ces deux grands évènements historiques : l'établissement des principes du Socialisme scientifique et leur vérification dans l'action en 1917, l'union de la théorie et de la pratique, notre position est aujourd'hui la même que dans le passé, et, une fois encore, nous nous réunissons pour célébrer l'anniversaire de la grande Révolution.

Le Socialisme ne peut pas être instauré dans un seul pays. Son instauration exige une action et une coopération internationales. Une révolution ouvrière débutant sur le terrain national, ne peut être achevée sans être étendue aux autres pays. La révolution russe fut le commencement de la révolution internationale. C'est seulement en la considérant sous cet angle, qu'on peut la juger correctement. Chaque année, depuis 28 ans, nous avons eu à répondre à des gens impatients et désillusionnés qui demandaient davantage de la Révolution russe qu'elle ne pouvait donner, et lui retiraient leur approbation, qui annonçaient prématurément la fin et la mort de la révolution, qui voulaient clore cette histoire et s'en débarrasser comme on se débarrasse d'une dette criarde. Mais les bolcheviks russes ne nous promirent pas de tenir mille ans. Ils dirent seulement : "Nous commencerons la révolution internationale en Russie, mais vous, les travailleurs d'Europe et d'Amérique, devrez la finir."

La révolution russe ne fut nationale que dans la forme, dans son essence, elle fut le commencement d'une action internationale. A son sujet, c'est avant tout ce que nous devons comprendre.

Les chefs de la Grande Révolution russe furent internationalistes jusqu'au bout, incapables de penser en termes nationaux étroits. La théorie directrice de la révolution russe ne vient pas de Russie mais d'un juif allemand, Karl Marx, qui, exilé, vécut en Angleterre. La victoire de la révolution fut rendue possible par les contradictions internationales du capitalisme pendant la première guerre mondiale. Elle survécut pendant la période d'après-guerre grâce à la solidarité et au soutien internationaux des travailleurs des pays capitalistes, surtout ceux d'Europe. Les travailleurs d'Europe ne furent pas assez forts pour faire leur propre révolution dans les années d'après-guerre, mais ils furent assez forts pour empêcher une intervention militaire de leurs propres gouvernements, sur une grande échelle, contre la Russie.

Lénine et Trotsky lièrent directement le destin de leur révolution à la révolution en Allemagne. Ils dirent "Nous vivrons dans une forteresse assiégée jusqu'à ce que la révolution européenne vienne à notre aide." Aucun des chefs de la révolution russe ne crut qu'elle pourrait durer très longtemps si elle demeurait seule et isolée dans un monde capitaliste.

La force de la révolution

Mais les bolcheviks russes construisirent mieux qu'ils ne le pensaient. La révolution s'avéra plus forte qu'eux-mêmes, ou n'importe qui d'autre, rêvaient qu'elle put être. La révolution russe n'a pas pu aller jusqu'au bout à l'intérieur des frontières nationales d'un seul pays, mais en dépit de cela, en dépit du retard prolongé de la révolution européenne, vers laquelle ils avaient regardé avec tant d'espoir, la révolution en Russie ne mourut pas. Elle survécut et enfonça de profondes racines dans le sol. Les bases de la propriété instaurées par la révolution – la nationalisation de l'industrie et l'économie planifiée – s'avérèrent beaucoup plus fortes que toutes les prévisions, même les plus optimistes.

Mais la révolution isolée, encerclée par un monde capitaliste hostile, ne put échapper aux ravages d'une terrible réaction qui s'établit sur le sol russe. Cette réaction conduisit à l'abandon de la perspective internationale et à une dégénérescence nationaliste sur toute la ligne. Le régime de la démocratie ouvrière, basé sur les Soviets, fut remplacé par une brutale tyrannie totalitaire. La révolution fut décapitée et une génération entière de bolcheviks fut massacrée. Le pouvoir politique des travailleurs fut renversé, mais les conquêtes économiques de la révolution déployèrent une grande vitalité. Grâce à cela, la révolution survécut à vingt années de dégénérescence bureaucratique et de trahison, et révéla une puissance énorme sur le champ de bataille dans la guerre contre l'Allemagne nazie, ainsi que Trotsky l'avait prédit.

Seul Trotsky analysa et expliqua ce phénomène, jusqu'alors inconnu et imprévu, unique dans l'histoire, d'un Etat ouvrier isolé eu au milieu d'un encerclement capitaliste, mutilé et trahi par une bureaucratie usurpatrice, mais survivant néanmoins, bien que sous une forme horriblement dégénérée.

Trotsky – et nous avec lui – eut beaucoup plus confiance que les autres dans les forces de réserve que le système soviétique d'économie déploierait dans la guerre. Nous le sous-estimâmes pourtant beaucoup. Nous sous-estimâmes même les ressources formidables de forces qui résidaient dans l’œuvre de base de la révolution des ouvriers de 1917 quand ils balayèrent la propriété privée capitaliste et réorganisèrent la production sur une base nationalisée et planifiée. L'effrayante dégénérescence bureaucratique se poursuivit à une allure accélérée pendant la guerre. Jusqu'où elle est allée et jusqu'où elle ira encore, avant que l'essor ne recommence, nous ne le savons pas. Mais nous sommes fermement convaincus que le destin de la révolution de 1917 n'est pas encore décidé. Il sera décidé dans la phase nouvelle de la guerre qu'ils appellent "la paix".
Une leçon de l'histoire
Les révolutions sociales dans l'histoire, qui représentèrent les plus grands, les plus gigantesques efforts et dépenses d'énergie créatrice des masses, concentrée sur un seul point, ont toujours été suivies d'une période de réaction. Nous avons vu cela pendant les vingt et quelques dernières années en Union Soviétique. Mais les réactions contre les grandes révolutions de base n'ont jamais balayé leurs effets de manière à en revenir au point de départ. Considérant ce fait historique fondamental, il faut être très prudent et très circonspect avant d'effacer n'importe quelle partie de l’œuvre de la révolution russe, avant qu'il soit temps de le faire.

La grande révolution française, révolution qui détruisit la féodalité et posa les bases d'une expansion et d'un développement formidables des forces productrices de l'humanité sur une base capitaliste, cette grande révolution eut son Thermidor : la dictature napoléonienne ; elle vit même la restauration de la dynastie des Bourbons. Mais la réaction ne fut jamais assez forte pour restaurer le système féodal de propriété qui avait été balayé par la révolution.

La Guerre Civile américaine – véritable révolution – fut suivie d'une réaction qui restitua le pouvoir politique aux propriétaires d'esclaves du Sud, mais ne put pas revenir assez en arrière pour rétablir la propriété privée sur les esclaves.

Les changements révolutionnaires des formes de propriété, qui permirent à l'humanité d'augmenter sa puissance de production, ont été les bases fondamentales du progrès humain. Ils ont été l’œuvre des grandes révolutions. L'abolition de la propriété privée capitaliste des moyens de production, et la nationalisation de l'industrie, l'économie planifiée rendues possibles par cette abolition de la propriété privée, voilà la grande conquête de la révolution russe qui n'a pas encore été renversée. C'est ce que nous voyons encore en Russie. C'est ce que nous voyons à travers toutes les trahisons monstrueuses de la bureaucratie stalinienne. Et c'est ce que nous défendons. Non le stalinisme, non la bureaucratie traître et corrosive, mais les conquêtes économiques de la Grande Révolution qui subsistent encore. C'est ce que nous défendons contre les impérialistes et aussi contre la bureaucratie stalinienne.

Le marxisme affirme que le système capitaliste de production est délabré et condamné. Le marxisme affirme que la révolution prolétarienne doit balayer et balaiera l'ordre capitaliste et réorganisera l'économie mondiale sur une base socialiste. C'est ce que Marx et Engels proclamèrent dans le Manifeste Communiste de 1848. Mais ni Marx, ni Engels, ni les disciples qui leur succédèrent ne promirent jamais une voie libre et facile vers le socialisme, sans défaites, sans revers, et même sans catastrophes le long du chemin.

Nous n'avons eu que défaites, revers et catastrophes pendant 22 ans. Notre mouvement a dû faire son chemin face à des défaites constantes depuis 1923, depuis la défaite de la révolution allemande. C'est pourquoi notre mouvement reste relativement petit en nombre et isolé. Mais l'important n'est pas que le mouvement marxiste, face aux défaites et aux catastrophes, ait été petit et isolé. L'important est que malgré tout nous ayons fait notre chemin et que nous combattions encore. Nous, Marxistes-Trotskystes, nous pouvons encore combattre et nous combattons encore, non parce que nous chérissons des illusions ; non parce que nous voulons nous tromper nous et les autres ; mais parce que nous voyons toute la réalité dans le monde et pas seulement une partie de la réalité. Nous reconnaissons les défaites mais nous ne reconnaissons pas la défaite totale de l'humanité. La guerre fut une terrible défaite pour le genre humain. Le fascisme fut une terrible défaite. La dégénérescence de l'Union soviétique sous les staliniens est une défaite. Que la première phase de la guerre n'ait pas provoqué de révolutions victorieuses en Europe, c'est en un sens une défaite. Ce sont des faits, des faits grands et importants, et nous les reconnaissons. Et nous voyons aussi ce côté du tableau. Nous voyons que le capitalisme, parvenu à cette période de décomposition et de mortelle agonie, est entièrement et complètement incapable d'organiser l'économie mondiale pour fournir, non l'abondance, mais même la subsistance à la masse du peuple.

Nous voyons non seulement les faiblesses du côté des travailleurs, mais nous voyons aussi la débilité maladive de l'ordre capitaliste mondial. Nous ne fermons pas les yeux sur les défaites. Mais dans chaque cas le Trotskisme cherche à établir de façon précise, dans toute situation, ce qui a été perdu, ce qui a été sauvé. Le Trotskisme examine chaque défaite ou revers, et la situation nouvelle ainsi créée, afin de découvrir un point avantageux pour un nouveau développement de la lutte. Et seul le Trotskisme procède de cette façon. C'est pourquoi le Trotskisme est aujourd'hui le seul courant politique révolutionnaire dans le monde entier.
Survivant aux défaites

Il fallait victoire sur victoire au fascisme pour survivre. La grande force militaire tant vantée de Mussolini et d'Hitler ne pouvait pas tenir après quelques défaites militaires. La social-démocratie et le stalinisme sont tous les deux des courants capitulards qui ne survivent qu'à cause des défaites de la classe ouvrière. Ils ont renoncé à la confiance dans le prolétariat et se sont changés en valets de la classe ennemie. Mais les Trotskystes, les Marxistes modernes, ont vécu jusqu'à maintenant plus de 20 ans de défaites continuelles et ont continué à combattre. C'est la plus sure indication que le Trotskisme est la doctrine qui fleurira et se propagera lors des prochaines victoires ouvrières et qui leur prépare la voie.

Le Parti qui fit la révolution russe ne commença pas par la victoire. Les bolcheviks commencèrent en effet par la défaite de la révolution de 1905 et persévérèrent à travers les longues années de la réaction tsariste de 1906 à 1917. Ce fut précisément pendant cette période, quand tout le peuple découragé, quand tous les désillusionnés se mirent à l'abri, quand ils abandonnèrent tous la lutte, y renoncèrent comme étant sans espoir --ce fut précisément pendant cette période que le bolchevisme montra sa mesure. Dans les profondeurs d'une réaction et d'une défaite très sombres, les bolcheviks forgèrent le parti qui était destiné à diriger la révolution victorieuse en 1917.
L'accusation a été portée contre nous – et non pour la première fois – que notre théorie est une religion avec laquelle nous nous consolons, que notre analyse de l'Union soviétique, de ce qui a été perdu, de ce qui a été sauvé et de ce qui vaut encore d'être défendu, est une religion. Ceux qui portèrent cette accusation dans le passé. – et il y en a eu beaucoup – presque toujours finirent par placer leur propre foi dans l'impérialisme "démocratique". Nous n'avons en aucun cas, rien à faire avec cette sorte de religion.

Théorie et pratique

Le marxisme et la révolution russe représentent l'union de la théorie et de la pratique ; l'union entre le mot et le fait. Chaque tendance à la capitulation devant la classe ennemie que nous avons connue dans le passé – et nous en avons connu beaucoup – chacune commença par une révision de la théorie et finit par le renoncement à l'action. Après le premier accès de victoire en 1917, chaque revers de la révolution combattante, chaque difficulté, chaque défaite, apportèrent de nouvelles vagues de découragement, et avec elles de nouvelles expérimentations et de nouvelles révisions de la théorie ; et finalement de nouvelles capitulations de principes devant la classe ennemie. Le cas du professeur Burnham n'en est que le plus récent exemple.

Le cas du professeur Burnham est assez récent pour être rappelé. Il commença par une révision de la théorie marxiste de l'État et de l'analyse marxiste de la révolution russe, et finit dans le camp de l'impérialisme américain. C'est la capitulation la plus infâme et la plus honteuse dont on puisse être coupable. Elle représente une véritable trahison à l'égard de l'humanité, parce que l'impérialisme américain est l'ennemi de l'humanité. Celui qui passe dans ce camp possède une "religion" dont aucun travailleur, qui se respecte, ne s'infectera jamais.
Le stalinisme lui-même débuta par une révision de la théorie marxiste et finit par une trahison de classe. Trotsky commença sa lutte contre Staline dans le domaine d'une dispute théorique au sujet de la théorie révisionniste du "socialisme dans un seul pays" et du renoncement au caractère internationaliste de la révolution russe. Les trotskystes comprirent la nature du stalinisme mieux, l'expliquèrent plus tôt ; le combattirent plus longtemps et plus énergiquement qu'aucun autre. C'est pourquoi personne n'a besoin de nous exciter contre le stalinisme. Mais pour nous, "l'anti-stalinisme" vulgaire n'est pas plus révolutionnaire ni plus attirant. Nous savons où cet "anti-stalinisme" conduit. Jusqu'à maintenant, il a toujours conduit au camp de l'impérialisme "démocratique".
Nous ne pouvons avoir aucune querelle, quelle qu'elle soit, avec ceux qui dénoncent le stalinisme pour ses crimes sanguinaires contre les ouvriers – et ils sont légion –. Mais un zèle excessif à critiquer et à dénoncer l'Union soviétique et ceux qui la défendent encore, cette partie d'elle qui vaut d'être défendue, – contre l'impérialisme – est sujet à suspicion. L'antagonisme sans borne frisant la russophobie – que l'on peut remarquer dans l'atmosphère ces jours-ci – est un sentiment très dangereux, particulièrement en ce moment. Parce qu'il est parfaitement clair pour tout le monde qu'avant qu'aucune paix ne soit conclue, la mobilisation pour la prochaine phase de la guerre, une guerre contre l'Union soviétique, a lieu et s'effectue à un rythme fiévreux. C'est pour elle que les préparatifs se poursuivent ouvertement sur tous les fronts.

Le courant anti-soviétique

Qui peut être assez aveugle pour ne pas les voir et ne pas les comprendre ? Sur le front diplomatique, l'impérialisme américain mobilise ses forces et enrôle des alliés. Sur le front économique, l'impérialisme américain accorde ou refuse des emprunts et des crédits pour atteindre ses buts diplomatiques. Sur le front de la propagande, aussi, le peuple américain est bombardé d'une campagne bien calculée de préjugés pour les préparer à une autre guerre de la "démocratie" – que Dieu nous aide ! – contre l'Union soviétique. Et même sur le front militaire, nous lisons des déclarations effrontées dans les journaux, tous les jours, en ce moment, disant que les armées de Tchang Kaï Chek, engagées dans la guerre civile dans la Chine du Nord, sont armées, équipées et même en partie entraînées par des militaires américains.

Une vague extraordinaire de sentiment public contre la Russie, rappelant les anciens jours de 1917-1919, dont quelques-uns d'entre nous se souviennent, est en train de se mettre en mouvement. L'agitation actuelle rappelle les jours de la guerre finno-soviétique quand, chaque démocrate, chaque libéral, chaque russophobe, chaque anti-stalinien, agitait au service de l'impérialisme américain, le drapeau de la guerre contre l'Union soviétique. Ce fut assez difficile, et il fallut du courage et de l'indépendance de jugement pour résister à cette terrible vague de sentiment et de propagande anti-russe, au moment de la guerre finno-soviétique. Nous voyons la même chose se reproduire aujourd'hui, soutenue tout au long, comme alors, par les crimes bestiaux de Staline. Les crimes de Staline dans l'Union soviétique, en Pologne, en Europe orientale et maintenant en Corée, portent des coups mortels au prestige de l'Union soviétique. Dans les territoires occupés, l'Armée Rouge, sous la direction des staliniens, se comporte de telle façon qu'elle déchire le cœur des ouvriers et les déçoit au sujet de l'Union soviétique, affaiblit leur fidélité et leur amitié pour elle, et ouvre ainsi la voie à une éventuelle et facile mobilisation du monde capitaliste contre elle.

Dénonçant ces crimes de toute notre âme, nous devons encore nous efforcer de maintenir notre équilibre, de voir le tableau dans son ensemble, de voir derrière les crimes et la malpropreté du stalinisme, l'Union soviétique et le jalon que les travailleurs du monde y ont encore. Trotsky a prédit que le sort de l'Union soviétique serait décidé dans la guerre. Cela reste notre ferme conviction. Seulement nous ne sommes pas d'accord avec certaines gens qui pensent avec insouciance que la guerre est finie. La guerre n'a fait que traverser une phase et se trouve maintenant dans un processus de regroupement et de réorganisation pour la seconde phase. La guerre n'est pas finie et la révolution qui, avons-nous dit, sortirait de la guerre en Europe, n'est pas rayée du calendrier. Elle a seulement été retardée et ajournée, principalement par l'absence de direction, par l'absence d'un parti révolutionnaire suffisamment fort. Les partisans de la IVème Internationale, dans le monde entier, travaillent à construire cette direction, à construire ce parti.

La destinée de la révolution

La destinée de la révolution russe n'est pas encore décidée. Une grand part a été trahie, mais quelque chose demeure cependant. Le destin final de la révolution russe est lié à l'issue essentielle de cette période historique et sera décidé avec elle – ou la chute du genre humain ou son émancipation socialiste – telle est l'issue en présence de laquelle se trouve l'humanité aujourd'hui.

La révolution russe n'apparaît que comme une partie, et même pas la plus grande, d'un gigantesque conflit mondial entre des forces qui ne peuvent pas être conciliées. La révolution russe de novembre 1917 a montré aux travailleurs du monde entier la voie vers le pouvoir, vers le renversement du système de propriété capitaliste, vers la réorganisation de l'économie sur une base rationnelle. Il n'y a pas d'autre voie pour sauver le genre humain à l'échelle internationale que la voie de la Russie. Partant de ce point de vue, nous saluons ce soir la Grande Révolution, comme l'initiatrice et l'inspiratrice des plus grandes choses à venir. C'est en cela que réside son importance.

Si nous envisageons la révolution russe d'un point de vue exact, nous devons la voir telle qu'elle fut réellement : une action internationale de la classe laborieuse, débutant dans un pays arriéré, le pays le plus arriéré parmi les grandes puissances, la Russie tsariste, et destinée à être achevée dans le pays le plus avancé et le plus puissant : les États-Unis d'Amérique. Ce qui a été commencé dans le domaine des Tsars sera terminé dans le domaine des monopoleurs américains. Et sans considérer les victoires ou les défaites dans un pays ou dans un autre, ou même sur un continent ou sur un autre, l'issue centrale de notre époque – capitalisme ou socialisme – ne sera pas décidée en fin de compte avant qu'elle le soit aux États-Unis d'Amérique.

La révolution russe n'est pas tombée du ciel. Elle a été prévue et préparée. De même sa continuation en Amérique, la révolution américaine doit être prévue et préparée également. De même que les bolcheviks russes nous ont donné l'exemple d'une révolution victorieuse, ils nous ont aussi donné l'exemple d'un parti fait pour diriger et organiser la révolution. Si nous prenons le parti bolchevik russe comme exemple – et il n'existe pas d'autre exemple méritant même qu'on en parle – cela veut dire un parti qui est d'un marxisme orthodoxe dans sa théorie, qui est strict quant aux principes et fort dans son unité et sa discipline. Seul un tel parti est qualifié pour organiser et conduire une révolution.

Nous nous préparons

Nous nous efforçons de construire un tel parti aux États-Unis, et nous vous invitons à vous joindre à nous pour accomplir cette tâche. Si vous pouvez prévoir, comme nous le faisons, les grandioses perspectives de la révolution américaine, nous vous invitons à vous joindre à nous pour la préparer.

Dans les premières années qui suivirent la révolution russe, l'Union soviétique n'aurait pas pu survivre sans le soutien des travailleurs des pays capitalistes. L'Union soviétique ne peut pas survivre maintenant non plus sans ce soutien. Mais maintenant la question se pose quelque peu différemment. Maintenant la révolution chez eux est une question absolue de vie ou de mort pour les travailleurs des pays capitalistes. Il n'est plus pour eux simplement question d'arrêter ou d'essayer d'arrêter une intervention contre l'Union soviétique. Mener jusqu'au bout le genre de révolution qui fut faite en Russie en 1917 est une question de vie ou de mort pour eux. Il s'agit de se débarrasser du capitalisme avant que le capitalisme détruise l'humanité. C'est une question absolue de vie ou de mort pour les travailleurs dans les pays capitalistes, y compris celui dans lequel nous vivons. En dehors de la révolution socialiste, il n'y a pas de salut pour nous.

C'est ici, aux États-Unis, que se trouve la plus grande puissance impérialiste, un monstre exploitant et opprimant le monde entier. C'est vrai, et nous en tenons pleinement compte. Mais ici aussi il y a une puissance encore plus grande – c'est la classe ouvrière américaine combative et invaincue. Une grande responsabilité historique repose à coup sûr sur nos épaules. Les deux plus grandes puissances du monde -la puissance du mal et de la destruction et la puissance de régénération et de salut du genre humain – sont ici toutes deux.
Il n'y a pour nous qu'une seule voie pour faire notre devoir : c'est de prévoir la révolution et de la préparer. Et la manière de s'y préparer, c'est d'aller vers les travailleurs américains avec le message du parti. Allez à cette source de puissance qui est plus grande même que la puissance de l'impérialisme américain et enseignez aux travailleurs la leçon de la révolution russe. Organisez-les et inspirez-les. Conduisez-les vers la victoire du socialisme en Amérique, qui assurera la victoire du socialisme dans le monde entier.

[sources : LA LUTTE DE CLASSES nº 58, 14 février 1946]


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