lundi 29 novembre 2010

:: "L'idée de nécessité historique n'infirme en rien le rôle de la personnalité dans l’histoire" [Ce que sont les "amis du peuple" #3]

[Mikhaïlovski] parle d'un « conflit entre l'idée de la nécessité historique et l'importance de l'activité individuelle » : les hommes publics se trompent, qui croient être une force agissante, ‑ alors qu'on les « fait agir », qu'ils ne sont que « des marionnettes mues par les lois immanentes et mystérieuses de la nécessité historique ». Telle est, dit‑il, la conclusion découlant de cette idée qu'il qualifie, pour cela, de « stérile » et de « diffuse ». Tous les lecteurs ne comprendront peut‑être pas d'où M. Mikhailovski a tiré ces absurdités, ces marionnettes, etc. La vérité, c'est que l'un des chevaux de bataille de notre philosophe subjectif est l'idée du conflit entre le déterminisme et la morale, entre la nécessité historique et le rôle de la personnalité. Il a noirci là‑dessus des monceaux de papier, laissant échapper quantité de sottises sentimentales et philistines pour résoudre ce conflit en faveur de la morale et du rôle de la personnalité. Il n'y a là en réalité aucun conflit : celui-­ci a été inventé par M. Mikhaïlovski qui craint (non sans raison) que le déterminisme ne vienne priver de base cette morale petite bourgeoise qui lui est si chère. L'idée de déterminisme qui établit la nécessité des actes humains et rejette la fable absurde du libre arbitre, n'abolit nullement ni la raison, ni la conscience de l'homme, ni le jugement de ses actes. Bien au contraire : seul le point de vue déterministe permet de porter un jugement rigoureusement juste, au lieu de tout rejeter sur le libre arbitre. De même l'idée de nécessité historique n'infirme en rien le rôle de la personnalité dans l’histoire : l’histoire tout entière est précisément formée d’actions de personnalités, qui sont sans nul doute des forces agissantes. La question qui se pose effectivement lorsqu'on juge l’activité publique d'un individu, est celle‑ci : quelles conditions peuvent assurer le succès de cette activité ? Où est la garantie que cette activité ne restera pas un acte isolé, noyé dans un océan d’actes contraires ? 
 Extrait de Ce que sont les "amis du peuple" [Lénine, 1894]

:: "On peut ne pas être d’accord avec Marx, mais..." [Ce que sont les "amis du peuple" #2]

"On peut ne pas être d’accord avec Marx, mais on ne saurait nier qu'il a formulé avec la plus grande précision des vues qui constituaient « un fait nouveau » par rapport à celles des socialistes qui l'ont précédé. Le fait nouveau consistait en ceci : les socialistes d'autrefois croyaient qu'il leur suffisait pour appuyer leurs conceptions, de montrer l'oppression des masses sous le régime existant, de montrer la supériorité d'un système où chacun recevrait ce qu'il a lui-même produit; de montrer que ce système idéal est conforme à la « nature humaine », à la conception d'une vie raisonnable et morale, etc. Marx ne pouvait se contenter d'un tel socialisme. Il ne se borna pas à caractériser le régime existant, à le juger, à le condamner; il en donna une définition scientifique, en assi­gnant à ce régime existant, qui varie selon les pays européens et non européens, une base commune : la formation sociale capita­liste dont il soumit les lois du fonctionnement et du développe­ment à une analyse objective (il a montré la nécessité de l’exploi­tation sous ce régime). Il ne pouvait davantage se contenter de cette affirmation que seul le système socialiste est conforme à la nature humaine ‑ comme le déclaraient les grands socialistes utopistes et leurs pitoyables épigones les sociologues subjectifs. Par cette même analyse objective du régime capitaliste, il a prouvé la nécessité de sa transformation en régime socialiste". 
Extrait de Ce que sont les amis du peuple [Lénine 1894]