mardi 23 septembre 2014

:: Les fondements programmatiques de notre politique (Lutte Ouvrière, 2003)

En 1848, Marx et Engels écrivaient dans le Manifeste du parti communiste : « Le caractère distinctif de notre époque, de l’époque de la bourgeoisie, est d’avoir simplifié les antagonismes de classe. La société se divise de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat ».

C’est sur cette assertion capitale, vérifiée par plus d’un siècle et demi de développement historique, que se fondent le programme et la pratique des révolutionnaires prolétariens.

Dès l’aube du XVIe siècle, le développement de la bourgeoisie, de la production manufacturière, avec le commerce vers les Amériques, l’Afrique et les Indes, ont entraîné l’extension du commerce mondial, souvent sous la forme du pillage et, en retour, la création d’un marché intérieur et mondial.

L’industrialisation provoqua un exode des campagnes vers les villes, une urbanisation croissante et l’apparition du prolétariat industriel s’entassant près des lieux de production dans des taudis insalubres avec des conditions de travail abominables.

C’est avec la révolution industrielle au tout début du XIXe siècle que le marché mondial s’est développé considérablement et que l’industrialisation de l’Europe occidentale, puis de la côte est des États-Unis, a créé une véritable division internationale du travail et donné naissance au prolétariat moderne.

Le développement des capacités de production tant industrielle qu’agricole, lié au développement de la bourgeoisie, a créé les fondements économiques susceptibles de satisfaire tous les besoins tant physiques que matériels et intellectuels de toute la population mondiale.

Il est d’ores et déjà possible de construire un monde débarrassé de la faim, de la misère, de l’exploitation et de l’aliénation. Ce sera cette société communiste à laquelle nous voulons oeuvrer.

La surnatalité dans la plupart des pays sous-développés ne sera pas un problème, contrairement à ce que disent certains économistes qui la rendent responsable du sous-développement. Car on a pu juger que, dans les pays occidentaux, sous l’effet du niveau de vie et de la culture, la natalité se stabilise, voire diminue et que la population n’y augmente que grâce à l’apport de l’immigration en provenance des pays pauvres.

La lutte du prolétariat ne saurait donc se concevoir limitée au cadre de frontières nationales. C’est, au contraire, une lutte internationale, se donnant pour but la destruction de la puissance économique et politique de la bourgeoisie et l’organisation de la classe ouvrière en classe économiquement et politiquement dominante à l’échelle mondiale. L’internationalisme exprime cette communauté fondamentale des intérêts et des objectifs, et non pas une simple solidarité. Il implique sur le plan politique que, pour reprendre l’expression du Manifeste communiste, « dans les différentes luttes nationales des prolétaires, (les communistes) mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat ». C’est parce que la révolution russe est restée isolée qu’elle a connu l’épouvantable dégénérescence bureaucratique incarnée par Staline.
Gagner aux idées communistes révolutionnaires une fraction de la classe ouvrière et des autres classes prolétariennes directement ou indirectement exploitées pour construire un parti communiste révolutionnaire ici même, en France, ne peut se concevoir que dans le cadre de la construction ou, au moins, dans la perspective d’un parti mondial de la révolution socialiste.
C’est pourquoi, malgré l’absence d’une telle internationale, nous devons en permanence nous efforcer de poser les problèmes politiques du prolétariat et de la société française en fonction des intérêts politiques et sociaux du prolétariat mondial.

Notre programme se fonde sur les acquis politiques du mouvement communiste révolutionnaire et, en conséquence, sur les bases programmatiques exprimées par le Manifeste communiste, les quatre premiers congrès de l’Internationale communiste et le Programme de transition, programme de fondation de la Quatrième internationale.

Le Manifeste communiste de 1848, en affirmant que « le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital de la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’État, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante... », exprime le rôle irremplaçable du prolétariat dans la transformation sociale.

Ce passage donne aussi la véritable signification de l’expression « dictature du prolétariat » exprimée en 1852 sous la plume de Marx comme le pouvoir démocratique du « prolétariat organisé en classe dominante » (ce qui n’a rien à voir avec la déformation de cette notion imposée par les staliniens pour justifier la dictature de la bureaucratie en URSS). Elle n’est une dictature que dans la mesure où sa fonction essentielle sera de procéder à la « violation despotique du droit de propriété et du régime bourgeois de production... comme moyen de bouleverser le mode de production tout entier ».

Le pouvoir ouvrier sera l’antithèse de l’État de la bourgeoisie qui, même sous l’apparence des régimes les plus formellement démocratiques, a un caractère dictatorial dans sa fonction fondamentale de défendre la propriété bourgeoise et le mode de production capitaliste.

La « dictature démocratique du prolétariat » devra être d’emblée plus démocratique que le plus démocratique des pouvoirs bourgeois où, derrière les institutions électives, le grand capital impose sa propre dictature. Un pouvoir politique destiné à s’éteindre pour laisser la place à « une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ».

Cette conception marxiste de l’État, de son rôle et de sa nature, bourgeoise aujourd’hui, prolétarienne après la révolution, et sa disparition inéluctable, progressive, au fur et à mesure que la société se transforme, a été exposée et surtout défendue par Lénine, en août  1917, entre les deux révolutions, celle de février 1917 qui avait renversé le tsarisme et celle d’octobre-novembre de la même année qui renversa la bourgeoisie.

Lénine, dans sa brochure L’État et la Révolution, écrite en août 1917, rétablit la pensée de Marx sur cette question, déformée par tous les opportunistes qui l’avaient soi-disant représentée, en éclairant les idées de Marx et Engels par l’expérience des révolutions russes de 1905 et de février 1917 et de la situation de crise révolutionnaire de la période où la brochure a été écrite.

Des quatre premiers congrès de l’Internationale communiste, nous tirons la conviction qu’un Parti est indispensable pour que le prolétariat puisse accomplir la révolution socialiste.

« Ce n’est que dans le cas où le prolétariat est guidé par un parti organisé et éprouvé, poursuivant des buts clairement définis et possédant un programme d’actions susceptible d’être appliqué, tant dans la politique intérieure que dans la politique extérieure, ce n’est que dans ce cas que la conquête du pouvoir politique peut être considérée non comme un épisode, mais comme le point de départ d’un travail durable d’édification communiste de la société par le prolétariat ». (Texte adopté en juillet 1920 par le 2e congrès de l’Internationale communiste).

Cela nous distingue non seulement des anarchistes, mais aussi d’une multitude de courants d’aujourd’hui qui répudient toute idée d’organisation politique des classes exploitées et opprimées pour ne parler que de « mouvements sociaux » et qui cachent toujours des objectifs politiques réformistes voire réactionnaires, derrière l’apolitisme.

Mais cela nous distingue, aussi, des partisans d’un « parti ouvrier de masse ». Un parti oeuvrant pour la transformation révolutionnaire de la société ne pourrait être un parti de masse que dans un contexte de montée révolutionnaire lorsque la grande majorité de la classe ouvrière elle-même est convaincue de la nécessité de s’emparer du pouvoir politique. La notion de « parti ouvrier de masse » sert en général de refuge à ceux qui défendent une politique réformiste. L’ensemble des travailleurs n’est pas révolutionnaire en temps normal. Les masses sont au contraire réformistes et ce n’est que dans des périodes critiques que la nécessité d’un changement radical de politique s’empare des masses. En dehors de ces périodes, on ne peut gagner aux idées révolutionnaires qu’une minorité du monde du travail.

Le Programme de transition (septembre 1938) prolongeant les textes programmatiques précédents, outre son analyse de la dégénérescence bureaucratique du premier État ouvrier et sa défense du programme communiste contre les déformations staliniennes, définit ce que sont les « revendications transitoires » qu’il met en avant : « partant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière et conduisant invariablement à une seule et même conclusion : la conquête du pouvoir par le prolétariat », par opposition à la séparation entre le programme minimum qui se limitait à des réformes dans le cadre de la société bourgeoise et le programme maximum qui promettait pour un avenir indéterminé le remplacement du capitalisme par le socialisme".

C’est guidés par ce programme qu’en fonction de la situation économique, sociale et politique actuelle, nous mettons en avant la revendication de l’interdiction des licenciements collectifs sous peine de réquisition surtout dans les entreprises qui affichent cyniquement des profits. C’est une revendication transitoire car sa mise en oeuvre nécessite un niveau de luttes sociales en mesure de mettre en cause la propriété privée capitaliste.

Comme est une revendication transitoire la revendication de l’abolition du secret commercial et bancaire dans la mesure où ce ne peut être que le prolétariat qui se charge de son application. Bien entendu, si la publicité des comptabilités, la transparence des affaires restaient des articles de loi ou si seuls des organismes de collaboration de classe, genre comités d’entreprise, avaient le droit de vérifier les comptes des entreprises, de révolutionnaires ces objectifs deviendraient platement réformistes. Si, cependant, le prolétariat mobilisé les prend en charge, cela l’amène à contrôler les comptes des entreprises et des banques, à intervenir dans leur gestion et, en fin de compte, à remette en cause la disposition totale du capital industriel, commercial et bancaire par la grande bourgeoisie.

Le Programme de transition est également la clé de la compréhension de la dégénérescence bureaucratique du premier État ouvrier et de toutes les déformations introduites par le stalinisme dans le programme et dans les valeurs fondamentales du mouvement ouvrier. Nous avons toujours défendu l’analyse trotskyste contre des courants, et ils ont été nombreux, qui, avant même la mort de Trotsky et plus encore après, en abandonnant pour l’URSS la notion d’État ouvrier dégénéré ont en fait abandonné la notion d’État ouvrier tout court.

En ne remettant pas fondamentalement en cause, même aujourd’hui, cette appréciation alors que l’Union soviétique est morcelée et que la quasi-totalité de ses dirigeants oeuvrent au retour du capitalisme, nous nous plaçons dans la continuité de ce combat politique car, même aujourd’hui, certains traits de la société ex-soviétique ne s’expliquent pas sans un raisonnement basé sur les analyses trotskystes et, surtout, parce que l’évolution vers la domination sociale et économique totale de la bourgeoisie est loin d’être encore accomplie.

La Quatrième internationale, fondée par Léon Trotsky en 1938, a en effet été, jusqu’à la mort de ce dernier en 1940, la seule continuatrice politique du mouvement successivement incarné par l’Association internationale des travailleurs de Marx et Engels, par la Deuxième internationale jusqu’à la Première Guerre mondiale et par l’Internationale communiste des années 1919-1923. Si, en tant que direction internationale, la Quatrième internationale n’a pas résisté à la Seconde Guerre mondiale, le Programme de transition, son programme constitutif, malgré la marque des circonstances où il fut écrit, est encore le meilleur guide existant pour les révolutionnaires prolétariens. C’est en quoi la tâche fondamentale de ceux-ci est la reconstruction d’une Internationale communiste révolutionnaire.

Notre programme politique

La reconstruction d’une Internationale implique la construction, dans tous les pays du monde, de partis prolétariens, défendant le rôle historique du prolétariat, ce qui n’empêche pas, au contraire, de défendre ses intérêts immédiats, mais sans perdre de vue et en restant dans le cadre de la défense de ses intérêts généraux, c’est-à-dire de ceux de toute la société.

Il en résulte, à notre échelle, que nos camarades d’entreprise participent aux luttes petites et grandes que les travailleurs et les exploités en général mènent pour défendre leurs conditions d’existence. Comme il en résulte qu’ils doivent se donner une activité syndicale. Mais, dans les luttes petites et grandes contre la bourgeoisie et son État, comme dans l’activité syndicale, les révolutionnaires communistes, pour reprendre l’expression du Manifeste communiste, « représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité ».

La construction de partis authentiquement prolétariens et la lutte pour la révolution socialiste nécessitent une délimitation rigoureuse, tant politique qu’organisationnelle, du terrain de classe sur lequel les révolutionnaires doivent se placer. Face aux « fronts » de toutes sortes visant à mettre la classe ouvrière à la remorque d’organisations et d’intérêts bourgeois, les révolutionnaires doivent en particulier défendre la nécessité d’une organisation et d’une politique prolétariennes indépendantes, se donnant pour but l’instauration du pouvoir démocratique du prolétariat représenté par un pluralisme des partis révolutionnaires.

La société bourgeoise entretient et reproduit bien des formes d’oppression ou d’exclusion contre les femmes, des minorités nationales, voire ethniques et bien d’autres, car elle en suscite sans cesse de nouvelles - les sans-papiers, les sans-logis - provoquant des réactions de protestation, momentanées ou permanentes. Comme en provoquent fréquemment les multiples conséquences du fonctionnement de l’économie capitaliste.

Les révolutionnaires communistes soutiennent la contestation, même limitée et partielle, de l’organisation capitaliste de la société, sans pour autant attribuer automatiquement à ces mouvements un caractère révolutionnaire que, le plus souvent, ils n’ont pas.

Le stalinisme a déformé ou vidé de sens la plupart des objectifs du mouvement ouvrier. Il en est ainsi des notions d’« anti-impérialisme », d’« anti-capitalisme », voire d’« internationalisme ». Cela fait qu’aujourd’hui bien des courants politiques n’ayant aucun lien, ni passé, ni présent, avec le mouvement ouvrier peuvent s’emparer de ces mots et faire d’autant plus de bruit avec qu’ils les ont vidés de sens.

Le courant altermondialiste n’est que le dernier avatar de ce type de courants qui utilisent certaines notions héritées du mouvement ouvrier, mais vidées de contenu, en canalisant l’indignation voire la révolte que soulève telle ou telle injustice criante ou telle ou telle conséquence catastrophique de l’économie capitaliste.

Nous devons nous démarquer clairement et fermement de ces courants, lever les ambiguïtés de leur langage et dénoncer leur politique qui, derrière des aspects contestataires, est fort respectueuse de l’ordre social.

De façon analogue, le stalinisme a déformé la tradition bolchévique du parti communiste révolutionnaire, reprise par la Troisième internationale. À la notion de parti, à la fois discipliné et démocratique et, surtout, entièrement dévoué aux intérêts politiques du prolétariat, il a substitué celle de parti stalinien où la discipline est remplacée par un autoritarisme destiné à interdire toute critique susceptible de dévoiler que le parti a abandonné les intérêts du prolétariat pour se mettre d’abord au service de la bureaucratie ex-soviétique puis, par son intermédiaire, de la bourgeoisie de chaque pays.

L’évolution des partis staliniens, leur social-démocratisation sur le plan politique et organisationnel, ont parachevé une évolution. Sous prétexte de remise en cause de leur passé stalinien, les PC - et le PCF en particulier - ont surtout abandonné leurs références aux traditions communistes. Cette évolution a contribué au rejet de l’idée même que le prolétariat a besoin d’un parti politique démocratique, mais centralisé et discipliné, pour parvenir à son émancipation. Entraînant derrière eux bien des organisations pseudo-révolutionnaires qui affirment aujourd’hui que le parti n’est plus le principal dans la révolution sociale.

La nécessité d’un parti communiste révolutionnaire refusant de se fondre dans des fronts plus larges n’est pas seulement vraie pour les pays capitalistes avancés, où les tâches de la révolution démocratique bourgeoise ont été accomplies et où le prolétariat constitue une classe très nombreuse.

Cela est également vrai pour les pays « sous-développés » où les tâches de la révolution démocratique bourgeoise n’ont pas été accomplies et qui sont soumis au pillage impérialiste et dont le prolétariat, souvent numériquement faible, est soumis à une exploitation forcenée.  Bien que la quasi-totalité des pays pauvres de la planète ne soit plus soumise à l’oppression coloniale directe, ils subissent toujours, et de façon aggravée, la domination économique et politique de l’impérialisme. Le principal changement apporté par la décolonisation réside dans le fait qu’une couche dirigeante autochtone a pris en charge les tâches d’oppression de l’ancienne métropole coloniale. Les États des pays pauvres sont le plus souvent des dictatures corrompues qui, après les prélèvements de l’impérialisme, pressurent encore leur population pour en extraire ce qui pourrait rester à en soutirer. La misère des masses pauvres n’y a pas de limite.

Les contradictions de classe restent, en conséquence, explosives dans les pays pauvres. Les aspirations de larges masses à des droits démocratiques et surtout à une vie meilleure ont été canalisées pendant toute une période historique, pendant et après le mouvement de  décolonisation, par l’influence d’organisations petites-bourgeoises nationalistes plus ou moins progressistes, se prétendant même, parfois, marxistes-léninistes.

Le pillage impérialiste ne fait cependant pas que saigner ces pays. Il les a aussi fait régresser sur le plan de la conscience politique. L’ère du nationalisme « progressiste », du panafricanisme, du tiers-mondisme de différentes variétés, cède la place à l’ère de la montée des forces réactionnaires, de l’intégrisme dans certains pays, de l’ethnisme dans d’autres. La domination impérialiste repousse nombre de pays pauvres vers une barbarie moyenâgeuse, vers les guerres permanentes et le règne des seigneurs de guerre.

Dans tous les pays pauvres, les révolutionnaires prolétariens devraient prendre en charge les aspirations anti-impérialistes des masses, ainsi que leurs aspirations aux droits et libertés démocratiques. Un parti prolétarien chercherait à se mettre à la pointe de cette lutte en démontrant par sa politique qu’il est le seul à pouvoir aller jusqu’au bout de ce combat.

Mais il doit le faire sur un terrain de classe, ce qui exige sa rigoureuse indépendance de classe. Il doit le faire en éclairant sans cesse les travailleurs urbains et ruraux sur leurs intérêts de classe et sur ce qui les sépare ou les oppose aux catégories sociales dont les représentants sont susceptibles d’utiliser un langage « anti-impérialiste ». Cela l’opposera de façon radicale aux courants intégristes, ethnistes, etc., mais cela l’opposera également aux organisations nationalistes petites-bourgeoises même à prétention progressiste.

Nous n’avons jamais prétendu être une Internationale, même au sens qu’avait la IVe internationale au moment de sa fondation. Même en étant organisationnellement extrêmement faible, la IVe internationale de l’époque était dirigée par Trotsky qui représentait à lui seul le capital politique issu de l’expérience de la révolution russe et celui de la IIIe internationale, capital qui a disparu presque totalement avec lui. Les différents courants trotskystes qui ont joué à l’Internationale, outre le caractère dérisoire de ces jeux, masquaient en même temps l’abandon des efforts d’implantation dans la classe ouvrière de leurs pays, c’est-à-dire l’abandon en fait de la construction des partis communistes révolutionnaires.

Nous avons cependant toujours essayé de raisonner en fonction des intérêts du prolétariat international. C’est de ce point de vue-là que nous avons analysé les phénomènes politiques nouveaux depuis la mort de Trotsky, comme les Démocraties populaires ou la révolution chinoise. Cela nous a amenés souvent à nous différencier, voire à nous opposer aux différents courants trotskystes existants. Avec la disparition des Démocraties populaires, l’objet de nos divergences a disparu, mais pas leur histoire et pas la différence dans les méthodes d’analyse sociale. Ces différences, on les retrouve dans nos jugements respectifs des courants nationalistes plus ou moins radicaux qui existent dans les pays pauvres. Comme elles se retrouvent dans nos attitudes respectives vis-à-vis de la social-démocratie et ses avatars divers.

Nous avons également considéré de notre devoir, quand l’opportunité s’en présentait, d’aider des militants d’autres pays à militer sur la base des idées communistes révolutionnaires.

Malgré un certain nombre de succès électoraux relatifs - relatifs à notre implantation dans la classe ouvrière -, notre tâche fondamentale reste la même qu’il y a vingt ou trente ans.

Outre qu’elle est modeste, l’influence électorale ne fait pas le parti. Aussi, si nous sommes amenés à participer à bien des manifestations de solidarité envers tel ou tel peuple ou fraction de la population particulièrement opprimée, et si nous continuons, comme il est du devoir des communistes révolutionnaires, à nous présenter aux élections, toutes ces activités doivent se placer dans la perspective de la construction d’un parti communiste révolutionnaire prolétarien et lui être subordonnées.

L’émergence d’un tel parti ne dépend évidemment pas que de nous, mais aussi des circonstances, de la reprise de confiance du prolétariat en lui-même, ici, en France, comme ailleurs. Ce qui dépend de nous, c’est de ne pas abandonner les idées, le programme hérités de plus d’un siècle et demi d’histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire, de ne pas les dissoudre dans des alliances ou fronts en vue de succès éphémères, de chercher à organiser des travailleurs autour de ces idées.

Quant aux circonstances favorables qui permettront à ce qui est semé aujourd’hui de pousser demain, nous en puisons l’espoir dans le fait que l’évolution historique donnera raison aux objectifs de transformation sociale du mouvement ouvrier révolutionnaire car notre conviction est que le capitalisme, l’exploitation, l’oppression, les guerres ne peuvent pas représenter le seul avenir de l’humanité.