mercredi 26 octobre 2011

:: Pierre Tresso (Blasco), Quatrième Internationale (section française), assassiné par les stalinens en octobre 1943

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Le 26 ou 27 octobre 1943, (la date reste incertaine), quatre militants trotskystes étaient assassinés dans le maquis Wodli en Haute-Loire. Pietro Tresso, Abraham Sadek, Maurice Sieglmann et Jean Reboul furent exécutés par les staliniens avec lesquels, le 1er octobre, ils s'étaient évadés de la prison du Puy-en-Velay.

(...) Tresso était un des fondateurs du PC italien. Sous le pseudonyme de « Blasco », il représentait la direction de la Quatrième Internationale au sein de la section française et esayait de maintenir la liaison avec la direction à New York. Il fut arrêté à Marseille en avril 1941 avec Albert Demazière et Jean Reboul, Abraham Sadek, lui, avait été condamné à Lyon dans une autre affaire et envoyé à la prison du Puy. Quant à Maurice Sieglmann, il s'y trouvait déjà. Demazière s'évada du Puy avec ses quatre camarades mais il parvint, par chance, à échapper à la mort en perdant par hasard le contact avec ce maquis. (...)

A partir de 1935-1936, la bureaucratie russe mena une guerre à mort, dans tout le mouvement communiste international, contre tous ceux qui, comme Trotsky, Blasco et ses camarades, étaient restés fidèles au vrai communisme, celui de Marx, Engels et Lénine, celui qui avait permis la victoire de la révolution prolétarienne en Russie en 1917. Les staliniens les combattaient parce qu'ils craignaient plus que tout qu'existent, sur leur gauche, des militants défendant des idées révolutionnaires authentiques. En empêchant ainsi que se constitue une direction révolutionnaire du prolétariat, ils espéraient consolider le pouvoir de la bureaucratie russe. Cette lutte, commencée en Russie, s'étendit en Espagne, en Pologne, au Mexique, en France, au Vietnam, en Grèce, en Albanie, etc. La bureaucratie stalinienne, née elle-même de l'échec de la révolution mondiale, impulsa ainsi l'une des plus formidables périodes de recul du mouvement ouvrier qui, au lieu de consolider l'Etat ouvrier russe, allait conduire au résultat inverse : son éclatement.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, à travers la résistance, le PCF, qui cherchait à se faire reconnaître par la bourgeoisie française comme un parti responsable, choisit de placer le mouvement ouvrier français à la remorque d'un des représentants de celle-ci, le général de Gaulle. En même temps que les staliniens faisaient taire, y compris par le meurtre, les trotskystes qui représentaient les intérêts indépendants du prolétariat, le PCF cautionna en 1944-45 la remise en place des institutions bourgeoises et de la plupart des hommes de Vichy (type Papon). Le PCF désarma les siens, remit la classe ouvrière au travail, l'obligeant par sa présence dans les entreprises du pays à supporter l'immense effort de remise en route de l'économie capitaliste entre 1944 et 1947.

Les crimes du maquis du Wodli ne sont donc pas un simple épisode scandaleux de l'histoire de la Résistance, mais un révélateur du contenu de la politique réactionnaire menée alors par les staliniens : en essayant d'écarter les idées révolutionnaires de la classe ouvrière, le stalinisme, succédant à la social-démocratie, a contribué pour toute une époque à faire douter le prolétariat de ses capacités à changer le monde. Les effets néfastes de cette orientation, véritable crime politique, pèsent encore sur notre sort aujourd'hui. (..)

Jacques FONTENOY (extraits d'un article de Lutte Ouvrière n° 1500)

BLASCO (Pietro Tresso)
Extraits d'un article de Pierre Frank (dans l'Internationale, 1965)

Né à Magré (province de Vicence) en 1893, il rejoignit les Jeunesses socialistes italiennes à l'âge de 14 ans, et fut poursuivi au cours de la première guerre mondiale. En 1921, au congrès de Livourne, il fut parmi les fondateurs du Parti communiste italien. Il fut élu au Comité central de ce parti en 1925 et ensuite au Bureau politique. En 1930, il fut exclu du parti ainsi que deux autres membres du Bureau politique. La direction du P.C. italien se trouvait en exil en France. Les exclus, Blasco, Feroci, Santini, qui vivaient alors à Paris, rejoignirent l'Opposition de gauche, Blasco participa à la Conférence de Copenhague en 1932 lors du séjour de Trotsky dans cette ville, et à la Conférence de fondation de la IVème Internationale en 1938. Pendant la guerre, il prit part à la lutte clandestine des trotskystes en France, fut arrêté en 1942 et condamné à dix ans de travaux forcés par le tribunal militaire de Marseille pour activité illégale en militant pour la IVème Internationale. Enfermé à la prison du Puy, il fut libéré avec tous les les détenus de cette prison par le maquis en octobre 1943. Ceux-ci restèrent dans le maquis. Mais, peu après cette libération de prison, on n'eut plus de nouvelles de Blasco et des trois autres trotskystes libérés dans les mêmes conditions. On n'a jamais retrouvé leurs corps. Les quelques indications recueillies immédiatement à la fin de la guerre permettent de penser avec beaucoup de certitude que les dirigeants staliniens du maquis de la Haute-Loire, en exécution d'ordres, éliminèrent physiquement les trotskystes.

Voici brièvement résumée la vie de Blasco. Je ne puis évoquer celle-ci sans rappeler qu'il joua un rôle important dans la vie de l'organisation trotskyste en France où il vécut dans les années d'émigration, et qu'il contribua de manière très sensible à son travail et, surtout, à la formation de ses militants, en premier lieu de ses dirigeants. Le mouvement trotskyste en France, par suite de tout un concours de circonstances, ne conserva guère de vieux dirigeants communistes, il fut pris en mains par des jeunes qui n'avaient jamais occupé de fonctions même à un niveau moyen dans le mouvement de masse. Cette inexpérience vint s'ajouter aux multiples difficultés que connaissait l'Opposition de gauche sous la répression stalinienne. Dans ces conditions, Blasco qui, autant que les dures conditions matérielles auxquelles il était soumis pour gagner sa vie le permettaient dans ces années de misère, de chômage, de répression, participa au travail de direction dans notre mouvement, apporta la plus précieuse des contributions à la formation politique des jeunes militants qui en assumaient la direction. Sans comparaison, certes, avec l'apport immense de Trotsky, sa contribution avait cependant pour elle cet avantage d'être sous la forme d'une présence personnelle, presque quotidienne, et qu'elle aida souvent à faire ce passage, si malaisé pour les hommes encore inexpérimentés, de la ligne théoriquement définie à son application pratique.

Blasco fut un des peu nombreux cadres dirigeants de l'Internationale communiste (il participa à des congrès de celle-ci ainsi qu'à des congrès de l'Internationale syndicale rouge) que la dégénérescence stalinienne ni ne corrompit en bureaucrate ni ne détruisit comme communiste et qui, fidèle à l'appel de la Révolution d'Octobre, poursuivit la lutte dans les rangs du mouvement trotskyste jusqu'à son dernier souffle de vie.

P.F.