mercredi 2 février 2011

:: Le matérialisme de Marx et le communisme moderne

Pour faire un pas de plus, il fallait franchir une étape radicale. Pour comprendre l’évolution des sociétés, il ne fallait pas s’en tenir à une critique d’une société donnée à un instant donné et faire la liste de ce qui allait et ce qui n’allait pas. Il fallait un raisonnement qui englobe l’évolution elle-même.
Ce mode de raisonnement est venu d’un philosophe allemand, Hegel, qui étudiait les événements, les raisonnements, toutes choses, dans leur développement. Il remit au goût du jour un mode de pensée que l’antiquité avait découvert, mais que le matérialisme avait délaissé : la dialectique.
Une formule de Hegel introduisait sa philosophie de l’histoire : “ce qui est rationnel est réel ; et ce qui est réel est rationnel”. Cette phrase abstraite signifiait que toutes les sociétés qui s’étaient succédé au fil de l’histoire de l’humanité, étaient rationnelles, c’est-à-dire qu’elles avaient leur raison d’être, y compris celles qui, de loin, pouvaient sembler aberrantes. Et comme des sociétés totalement contradictoires s’étaient succédé, cela ne pouvait avoir de sens que si le “raisonnable”, ce qui était conforme à la raison, était en constante évolution. Hegel avait été fasciné par la Révolution française dont il était contemporain et qu’il décrivait comme “un magnifique lever de soleil”. Hegel concevait que si la monarchie française avait été rationnelle durant toute une période historique, la révolution de 1789 avait montré que la société devait passer à autre chose. Selon Hegel, l’histoire de l’humanité n’était pas un enchevêtrement chaotique de violences incompréhensibles et condamnables, mais un processus qu’il fallait comprendre et étudier, dont il fallait déterminer le mécanisme interne. Comme moteur ultime de l’évolution des sociétés, Hegel, reprenant un peu les idées des Lumières, voyait la “Raison” et plus précisément “l’Idée de Raison”. L’histoire des sociétés reflétait, selon lui, l’évolution de “l’Idée de Raison” dans l’esprit des hommes.
Cette vision “idéaliste”, qui mettait une idée abstraite au coeur du processus de toute l’histoire de l’humanité, pouvait sembler être un retour en arrière par rapport aux matérialistes du XVIIIe siècle. Mais c’est à partir de cette conception philosophique que le matérialisme put évoluer et prendre une forme plus aboutie.
C’est à Marx qu’on doit cette étape dans l’histoire des idées matérialistes. C’est lui qui reprit la dialectique de Hegel et lui donna une base matérialiste. Selon Marx, la dialectique des idées n’était que le reflet dans le cerveau humain de la dialectique du monde réel. Comme il le disait lui-même : chez Hegel, la dialectique “marche sur la tête ; il suffit de la remettre sur les pieds”.
En appliquant le raisonnement à la fois dialectique et matérialiste à l’évolution des sociétés, Marx mit en évidence que l’histoire des sociétés était l’histoire des luttes entre classes sociales et que ces classes sociales plongeaient leurs racines dans l’organisation économique des sociétés.
Voilà alors comment s’expliquait à très grands traits l’histoire des derniers siècles. La bourgeoisie s’était d’abord développée dans les interstices de la société féodale avec l’essor du commerce. Tout progrès économique élargissait les échanges et, au bout du compte, contribuait à renforcer la bourgeoisie. Arriva un temps où elle était devenue la puissance sociale dominante, alors que la noblesse, elle, perdait toute raison de gouverner. Il devenait alors inévitable que la bourgeoisie prenne la direction de la société.
Mais il n’y avait aucune raison de penser que l’histoire devait s’arrêter là. Dès sa naissance, la bourgeoisie était flanquée de son contraire : les capitalistes ne peuvent pas exister sans salariés. Alors que le bourgeois du Moyen-Âge devenait le capitaliste industriel, le petit peuple des villes, les compagnons des corporations, devenaient les ouvriers d’usine, les prolétaires modernes. Et la nouvelle opposition entre classes était celle entre la bourgeoisie et le prolétariat.
Quand Marx établit son raisonnement, la classe ouvrière n’était nombreuse qu’en Angleterre. Les luttes de cette jeune classe sociale étaient déjà des exemples époustouflants, mais la généralisation de Marx à l’ensemble de l’Europe et même au monde était à l’époque une anticipation géniale.
Cette vision matérialiste de l’Histoire portait en elle un aspect révolutionnaire. Car si ce sont les luttes des classes qui sont le moteur de l’Histoire, alors il ne s’agit plus pour les philosophes matérialistes de simplement observer et critiquer pour aider au progrès. Il faut prendre part à cette lutte des classes, il faut agir. Comme disait Marx : “Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières ; mais ce qui importe c’est de le transformer”.
Accepter les conclusions de ce matérialisme historique, cela signifiait, et signifie toujours d’ailleurs, lutter contre la société capitaliste. Et c’est pour cela que les idées matérialistes ont été associées à la classe ouvrière et à ses idées d’émancipation, et donc au communisme moderne.
Le matérialisme donnait d’ailleurs une vision totalement transformée de ces idées communistes. Le communisme qui existait avant Marx était hérité des premières luttes ouvrières et même des premières luttes du petit peuple des villes du Moyen Âge. Teinté de religiosité, il vantait un communisme de la répartition, une égalité du partage, il ne se posait pas le problème de la production des richesses.
Avec le marxisme, le communisme prit sa place dans l’évolution des sociétés comme l’organisation économique qui doit remplacer le capitalisme en débarrassant la société des contradictions de celui-ci. Le communisme ne se résumait plus au simple partage des richesses mais revendiquait la collectivisation des moyens de production pour utiliser la haute productivité de l’économie capitaliste et supprimer l’anarchie due à la concurrence capitaliste.
Le progrès de l’industrie fit surgir partout en Europe, puis partout dans le monde, des bataillons de travailleurs. La classe ouvrière montra alors qu’elle était une classe sociale combative et capable de lutter pour le pouvoir, validant le matérialisme de Marx.

Pour lire l'intégralité du texte de l'exposé n°122 du 28 janvier 2011 : "Les religions, l’athéisme et le matérialisme"