mercredi 28 mai 2014

:: Le prolétariat d’Europe, avec ses composantes originaires de tous les continents, constitue une seule et même classe sociale


Paris, Meeting Elections européennes (16 mai 2014), intervention de Nathalie Arthaud et de Jean-Pierre Mercier

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,

Comme l’a dit Jean-Pierre, ces élections donnent aux travailleurs l’occasion de se faire entendre.
Mais pour faire entendre leurs intérêts, les travailleurs ne doivent pas se laisser entraîner dans les faux débats qui agitent cette campagne, que ce soit sur les frontières de l’Europe, sur le protectionnisme ou sur l’euro.

Les principaux politiciens opposent l’euro au Franc pour ne pas avoir à se positionner sur le niveau des salaires. Ils opposent la France à l’Europe pour masquer la responsabilité patronale. Ils opposent le protectionnisme à la mondialisation, pour ne pas parler du capitalisme.
Du front de gauche jusqu’au Front national en passant par le PS et la droite, tous jouent à ce jeu là. C’est une diversion.

En plus de détourner les travailleurs des combats qu’ils ont à mener, ces idées distillent le poison de la division, du nationalisme, quand ce n’est pas celui de la xénophobie.

Alors les travailleurs doivent rejeter ces idées nuisibles et réaffirmer l’internationalisme porté depuis toujours par le mouvement ouvrier en proclamant : prolétaires de tous les pays unissez-vous !

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Beaucoup, au premier rang desquels le Front National nous disent que tout est de la faute de Bruxelles et qu’il faut considérer les travailleurs des autres pays d’Europe comme des concurrents, des adversaires, des ennemis.


Des adversaires, ceux qui aux quatre coins d’Europe subissent les mêmes licenciements, les mêmes blocages des salaires, la même démolition des services publics ? Des ennemis, ceux qui sont comme nous sous le diktat des banques et des grands groupes capitalistes ? Des concurrents ceux qui viennent travailler sur les chantiers de construction en France ? Non ! Des travailleurs comme nous tous ici, des exploités bien forcés d’aller où ils peuvent gagner leur croute !

La classe ouvrière est internationale par nature. Elle existe dans tous les pays parce que, partout où le capitalisme s’est imposé, il a généralisé la condition d’exploité à l’immense majorité de la population.

Internationale, aussi parce que les travailleurs de tous les pays se sont mélangés depuis toujours. Marx disait « Les travailleurs n’ont pas de patrie ». Et ce n’était pas qu’une façon de prendre le contrepied du nationalisme de bourgeoisie, c’était un constat. Le constat que dans cette société capitaliste, les travailleurs sont forcés de se déplacer, forcés d’aller vivre où ils trouvent du travail.
Aujourd’hui en France quand on est licencié d’une usine, il faut de plus en plus changer de ville ou de région pour espérer retrouver du travail. Mais combien d’ouvriers espagnols, portugais ont été forcés de laisser leurs familles pour venir se faire embaucher sur les chantiers en France, depuis que la crise les a privés de tout moyen de vivre dans leur pays ?

Combien d’autres travailleurs sont forcés de faire des milliers de kilomètres, de changer de continent, de langue, d’abandonner leurs attaches dans l’espoir tout simple de trouver du travail et de pouvoir vivre ?

Il est aujourd’hui beaucoup question des « travailleurs détachés » roumains, bulgares ou polonais. Mais combien de paysans italiens, algériens, marocains, ont été détachés de leurs champs tout au long du 20ème siècle pour venir travailler dans les mines, sur les ports, dans les usines de montage ?

Au 19ème siècle déjà, Londres, Paris, les grands chantiers de construction de chemin de fer ou les régions minières étaient des points de rassemblement de travailleurs français, allemands, anglais, irlandais, belges, polonais.

Comme aujourd’hui, la bourgeoisie a toujours cherché à profiter de la misère ouvrière pour mettre en concurrence les travailleurs, casser les salaires et aggraver l’exploitation. Mais les travailleurs n’en sont pas restés à se regarder en chiens de faïence. Ils y ont répondu de la seule manière possible : en s’organisant et en combattant ensemble.

Le mouvement ouvrier, à l’image de la classe ouvrière, a toujours été international. Sur les barricades de 1848, les Gavroche ont côtoyé des ouvriers italiens, allemands, suisses, belges. Le premier gouvernement ouvrier, la commune de Paris de 1871 avait nommé à sa direction un Hongrois, Leo Frankel, et un Polonais, Dombrowski, à son commandement général.

La première grande organisation ouvrière fut l’Association internationale des travailleurs créée à Londres, en 1864, à partir de liens existants entre les ouvriers de toute l’Europe. Karl Marx résuma son but en deux phrases « l’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » et « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » et c’est sur cette base que se développèrent les premiers partis ouvriers nationaux dans les années suivantes.

Pour les dirigeants qu’étaient Marx, Engels, Lénine, Trotsky ou Rosa Luxembourg et qui avaient l’internationalisme chevillé au corps, il était évident que le combat des travailleurs était un combat international, mais ça l’était aussi pour un grand nombre de militants.

Leur internationalisme allait de pair avec la lutte de classe et il en va de même aujourd’hui. La conscience internationaliste est indissociable du combat des travailleurs.

C’est la conscience qu’au-delà de leurs différences, au-delà des nationalités et des frontières, les travailleurs ont les mêmes intérêts et forment une seule et même classe sociale.
C’est la conscience que ce qui sépare les hommes, ce ne sont pas les frontières géographiques, mais les frontières sociales, les frontières de classe qui divisent la société en exploités d’un côté et en exploiteurs de l’autre. C’est le rejet du nationalisme et du chauvinisme.

C’est la conviction que les luttes des travailleurs dans quelque pays que ce soit font avancer le sort de tous. C’est la conviction que le combat des uns est le combat de tous.

Cette conscience n’a jamais été innée. Elle s’est construite et elle s’est transmise au travers des organisations ouvrières, au travers de journées de lutte internationale comme le premier mai, au travers aussi du rejet des hymnes et des drapeaux nationaux remplacés par le drapeau rouge et le chant de l’internationale.

C’est peu dire que les partis de gauche n’ont plus cette politique. Cela fait bien longtemps que le Parti Communiste Français a fait sien le drapeau bleu blanc rouge et la Marseillaise, bien longtemps que ses représentants ne parlent plus au nom des travailleurs mais, au nom des « français », comme tous les partis bourgeois.

Le PC comme le Parti gauche se placent comme les politiciens bourgeois sur le terrain du nationalisme. « Qu’est-ce qui sera bon pour la France ? Qu’est-ce qui sera bon pour l’économie du pays ? », se demandent-ils. Mais autant se demander ce qui sera bon pour Bouygues, pour Peugeot, pour Bettencourt, car les intérêts de la France sont toujours les intérêts de la bourgeoisie française, jamais ceux des travailleurs et des pauvres.

Eh bien les travailleurs conscients doivent opposer à tout ce monde là leur point de vue de classe et leur internationalisme et se demander non pas ce qui sera bon pour la France, mais qu’est-ce qui sera bon pour les travailleurs et qu’est-ce qui sera bon pour tous les travailleurs, quelles que soient leur nationalité et leur origine.

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L’internationalisme n’est pas qu’une question de solidarité entre exploités et d’efficacité dans le combat, c’est la seule issue pour l’humanité. C’est la conviction que les travailleurs ne pourront pas s’émanciper dans un seul pays.

Il n’y a pas de société plus folle que cette société capitaliste. Pourquoi sommes nous plongés dans une crise dont personne ne voit le bout ? Non pas parce qu’il manque des bras pour produire, des millions de travailleurs sont condamnés au chômage. Pas parce qu’il manque des usines, des dizaines si ce n’est plus, sont fermées chaque jour en Europe. Pas parce qu’il manque des capitaux, des milliards sont gâchés, dilapidés dans des dépenses extravagantes ou pire, dans la spéculation.
Près d’un milliard de personnes sont condamnées à la sous-alimentation alors que nous produisons de quoi nourrir deux fois la population de la planète. Des centaines de millions d’êtres humains sont privés de l’accès à un logement digne ce nom, à des soins convenables, à la culture, voire simplement à de l’eau courante.
Tout cela pourquoi ? A cause des lois du capitalisme. Parce que les capitalistes ne produisent que pour ceux qui sont solvables, parce qu’ils n’investissent que dans ce qui est le plus rentable, parce qu’ils préfèrent le gain rapide de la spéculation à celui moindre de la production. Parce qu’au lieu d’organiser rationnellement la production et de produire pour les besoins de tous, les capitalistes sont lancés dans une accumulation individuelle délirante et une concurrence à mort.
La seule issue pour l’humanité est de renverser le capitalisme et de fonder l’économie sur des bases collectives. Mais cette économie ne peut pas fonctionner autrement que sur une base mondiale.
L’économie capitaliste étouffe de ses propres contradictions, elle étouffe sous l’effet de la loi du profit et de la propriété privée, de la concurrence. Mais à toutes ces contradictions internes, s’ajoute le fait que l’économie et les entreprises sont internationalisées alors que le monde et les continents sont morcelés en Etats nationaux.
C’est peu dire que le capitalisme est mondialisé depuis toujours, il s’est développé à partir du commerce international. Le commerce avec l’Afrique, avec l’Asie et le moyen Orient, le commerce triangulaire et la traite esclavagiste aux 17 et 18e, ont été à la base de la révolution industrielle.
C’est la bourgeoisie montante qui a réalisé la première mondialisation et elle a ainsi étendu ses méfaits, l’exploitation, les rapines, le pillage et les massacres à la planète entière.
Depuis lors, les échanges internationaux n’ont fait que s’intensifier, les capitaux se sont mêlés, les travailleurs aussi. Le marché est devenu mondial. Les agriculteurs se fournissent et vendent sur le marché mondial. La moindre usine travaille pour, ou avec des entreprises étrangères. Pour être fabriqué, le moindre produit nécessite une chaîne d’échanges internationaux.
Bien malin celui qui voudrait consommer 100 % français ! Un journaliste s’y est frotté en essayant de vivre un an « made in France ». Il s’est débarrassé de 95 % de son mobilier et de ses appareils électriques, a remplacé le café et le thé par la chicorée et le jus de pomme. Grand déchirement paraît-il, il a du se passer de ses jeans, de son réfrigérateur, de son coupe-ongles.
S’il avait cherché de quel acier était fait son opinel, il aurait du aussi s’en séparer car son acier inoxydable est…suédois. Quand à sa mobylette, elle ne roulait sûrement pas au vin rouge. Il n’a pas non plus poussé son expérimentation jusqu’à rechercher une énergie 100 % française, ce qui l’aurait forcé de s’éclairer à la bougie, à supposer qu’il y ait même des bougies et des allumettes 100 % françaises…
Comme quoi, tous ces gens-là sont peut-être naïfs mais pas fous ! Disons, à la décharge de ce journaliste, qu’il a payé un peu de sa personne, quand un Montebourg, chantre du « made in France », et bien placé pour savoir que ses discours ne valent rien, s’est contenté de porter une marinière trois minutes, le temps d’une photo.
Montebourg ressemble à ces bonimenteurs de foire, vous savez, ceux qui sont payés pour raconter et vendre n’importe quoi à des gogos. Parce que son histoire de patriotisme économique c’est vraiment ça !
Regardez son cinéma autour d’Alstom. Il s’excite et fait mine d’œuvrer pour l’intérêt supérieur en poussant l’offre de Siemens. Mais il sait que la décision n’appartient pas au gouvernement. Il sait que dans cette société le pouvoir est dans les mains de ceux qui détiennent les capitaux.
Et ce n’est pas le décret qu’il vient de prendre qui changera cela. Qu’en fera-t-il d’ailleurs ? Que le gouvernement n’imagine pas une seconde nationaliser Alstom, montre qu’il veut pas s’immiscer dans les affaires du groupe. Alors tout cela n’est que gesticulation.
Si les grands actionnaires d’Alstom, à commencer par Bouygues, actionnaire pour 29%, trouvent plus d’intérêt à vendre à GE qu’à Siemens, ils vendront à GE. N’en déplaise au gouvernement, à Montebourg et ses sornettes patriotiques.
Sornettes patriotiques vraiment car ce que ne dit pas Montebourg c’est que les turbines à gaz fabriquées par Alstom l’ont été pendant une décennie sous licence GE, sous licence américaine. C’est cela que Montebourg appelle l’indépendance énergétique de la France ?
Alstom compte 18 000 salariés en France mais 70 000 salariés dans le monde. Avec son activité essentiellement tournée vers l’exportation, Astom n’est pas plus « française » que GE qui emploie 11 000 salariés dans le pays et fait travailler aussi des centaines de sous-traitants.
Quant à faire croire que l’emploi et les intérêts des travailleurs en France seront mieux défendus si le pavillon français est hissé sur le toit de l’usine, c’est se moquer du monde. Les ouvriers de Belfort en savent quelque chose. Qu’ils travaillent chez Alstom ou chez General Electric, ils ont été confrontés aux suppressions d’emplois, aux restructurations, au chantage à la compétitivité.
Alors, laissons les bonimenteurs de foire discourir sur l’indépendance de la France et pleurer sur la perte des « fleurons français » qui ne sont ni des « fleurons » ni « français ». Ils ne sont bons qu’à cela !
L’idée de produire et consommer 100% français est une idée réactionnaire et stupide. On ne va pas installer des usines d’assemblage d’avions de partout. On ne va pas cultiver des oranges ou des bananes ou des cacaoyers en Bretagne ! Les groupes pétroliers parviendront peut-être à leur fin en exploitant le gaz de schiste qu’ils ont trouvé dans le sous-sol français, mais ils n’y trouveront pas de pétrole.
Ce sont les échanges de matière première, de technologies, de produits, de capitaux, d’idées et d’hommes qui irriguent l’économie et lui permette d’avancer. Bien sûr cette économie avance surtout au profit d’une minorité et s’il y a quelque chose à changer c’est cela.
Car la mondialisation est un fait. Il n’y a pas plus de produits français que de produits allemands ou chinois. Le moindre produit nécessite l’intervention d’une myriade de métiers, de services, de pays, de travailleurs. L’imbrication de l’économie à l’échelle de la planète est telle qu’il est impossible de revenir en arrière sans imposer des privations sans fin et une régression effroyable.
Ce que les travailleurs ont à combattre dans la mondialisation capitaliste, ce sont les rapports de domination, le pillage, le sous-développement, et les répercussions néfastes qui en découlent sur l’environnement et la planète, ce que les travailleurs ont à combattre dans la mondialisation capitaliste, ce ne sont pas les échanges, ce n’est pas la mondialisation, c’est le capitalisme.

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L’accord de libre échange transatlantique que l’Europe est en train de négocier avec les Américains est maintenant le symbole de la mondialisation qu’il faudrait combattre. Biensûr il faut dénoncer ce que les multinationales manigancent derrière notre dos. Mais gardons nous de faire croire que les multinationales européennes ou françaises sont meilleures que les américaines !

Le poulet au chlore que les adversaires de ce traité présentent comme une spécialité américaine n’est certes pas très appétissant, mais n’oublions pas que manger européen ne nous a protégé ni de la vache folle ni des lasagnes à la viande de cheval.
Souvenons-nous du scandale du Mediator, vendu à des millions de patients de par le monde comme un coupe-faim par Servier, grand patron français s’il en était, décoré de la légion d’honneur par Sarkozy. Et c’est sans oublier le scandale de l’amiante dont la nocivité fut établie il y a un siècle, qui ne fut interdite qu’en 1997 en France, et qui tue aujourd’hui encore.
Cet accord permettrait aux multinationales de prendre le pouvoir sur les Etats nous-dit on. Comme si elles ne l’avaient pas depuis longtemps !
Alors n’agitons pas des chiffons rouges et gardons-nous de faire croire que le problème est le libre échange et la circulation des marchandises !
Les liens économiques, sociaux et humains qui ont été tissés au travers de cette mondialisation sont des liens précieux, c’est la base sur laquelle un système plus productif que jamais s’est développé. Et cela il ne faut pas le détruire, mais le maîtriser, il faut que les travailleurs le reprennent à leur compte de sorte qu’il serve à l’humanité toute entière.
Cela nécessite de se débarrasser de la dictature d’un nombre restreint de groupes industriels et financiers, en concurrence les uns avec les autres. De faire en sorte que ces immenses possibilités scientifiques, technologiques et productives de la société, ne soient plus subordonnées à la recherche du profit.
Les multinationales sous le contrôle des capitalises ont un grand pouvoir de nuisance, mais ces mêmes multinationales mises au service de la population pourraient être demain les outils fantastiques pour maîtriser notre vie économique, pour l’organiser consciemment, rationnellement de façon à économiser les ressources de façon à combattre la pollution.
Aucun des grands problèmes qui se posent à l’humanité – qu’il s’agisse de nourrir toute la planète, de guérir de maladies meurtrières, de pourvoir le monde entier en énergie, en transports, en logements ne peut être résolu avec le repli national. Toutes ces questions se posent désormais à l’échelle de la planète. S’il revient aux travailleurs de prendre le pouvoir et d’organiser la production, ils devront le faire à l’échelle du monde.

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En 1914, alors qu’éclatait la première guerre mondiale, Trotsky parlait ainsi des objectifs que le prolétariat devait se fixer : « Pour le prolétariat européen, il ne s’agit pas de défendre la « Patrie » nationaliste qui est le principal frein au progrès économique. Il s’agit de créer une patrie bien plus grande : les Républiques des États-Unis d’Europe, première étape sur la voie qui doit mener aux États-Unis du monde.
A l’impérialisme sans issue du capitalisme le prolétariat ne peut qu’opposer une organisation socialiste. Pour résoudre les problèmes insolubles posés par le capitalisme, le prolétariat doit employer ses méthodes : le grand changement social ».
Mais la révolution prolétarienne n’ayant pas vaincu, la construction européenne a été l’œuvre de la bourgeoisie.
Elle n’a pas été l’œuvre d’idéalistes, inspirés par le désir de mettre fin aux guerres et de fonder les relations intereuropéennes sur l’amitié entre les peuples. Elle a été l’œuvre de banquiers, d’industriels, de marchands obsédés par la concurrence.
Pour les bourgeois d’Europe, la construction de l’Europe a été tout à la fois une nécessité et une impossibilité.
Une nécessité parce que l’’industrie française ou allemande, en commençant par celle de l’acier et du charbon ne pouvaient pas se développer dans les frontières étroites des marchés nationaux. Parce qu’elles ne pouvaient pas espérer jouer dans la cour des Etats-unis ou du Japon sans faire un grand marché européen.
Mais une impossibilité aussi parce chaque bourgeoisie voulait bien accéder au marché du voisin tout en continuant à protéger son propre marché. Parce que chaque gouvernement voulait bien des institutions européennes tout en gardant leurs prérogatives.
Cette contradiction ne fait que s’exacerber aujourd’hui avec des groupes capitalistes toujours plus internationalisés, œuvrant à l’échelle de la planète mais toujours plus demandeurs de la protection et des subventions de leur Etat.
Le résultat de ces compromis est l’Union Européenne que l’on connaît : une espèce de mariage de raison où chacun fait chambre à part, défend son pré carré et où ne met surtout son compte bancaire en commun !
C’est une Europe rabougrie, qui au bout de 60 ans, ne compte que 28 pays sur les 45 qui existent en Europe, c’est une UE qui n’englobe toujours pas toute la moitié orientale de l’Europe, la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie, sans parler de la Turquie. Et si des voix s’élèvent aujourd’hui, ce n’est pas pour élargir l’Europe, mais pour la rétrécir en officialisant une Europe à deux vitesses.
Que les défenseurs de l’Europe en soient à vanter le programme Erasmus et l’obligation de la ceinture de sécurité à l’arrière comme les grands acquis de l’Europe montre qu’ils n’ont pas grand-chose à se mettre sous la dent pour nous faire aimer l’Union Européenne !
Leur ultime argument et le seul un peu conséquent, est que l’Union Européenne a garantit la paix.
Mais ces vingt dernières années, du Rwanda à la Yougoslavie en passant par l’Irak, des millions de femmes et d’hommes ont péri sous les bombes ou sous les coups de machettes, des pays entiers ont été ravagés ! L’enfer de la guerre est aujourd’hui le quotidien en Syrie, en Centrafrique, mais du moment que ces Messieurs dorment sur leurs deux oreilles, ils appellent ça la paix !
Les dirigeants français, allemands et britanniques se vantent d’être des forces de paix parce qu’ils ne font pas s’entretuer leur propre peuple comme ils l’ont fait pendant les deux guerres mondiales. Mais ils font s’entretuer d’autres peuples dans le tiers monde.
Ils envoient leurs avions de combats aux quatre coins du monde, ils font sillonner les mers par leurs sous-marins nucléaires, les airs par leurs drones de combat et quand leurs intérêts sont en jeu, ils mettent des pays entiers à feu et à sang.
Les grandes puissances européennes à la tête de l’Europe n’ont rien de vigies pacifiques. Comme les Etats-unis, ce sont des puissances impérialistes, prêtes à tout pour sauvegarder leur influence et leurs intérêts aux quatre coins du monde y compris la guerre.
Et se vanter d’avoir installé la paix en Europe au moment où l’Ukraine s’enfonce dans la guerre civile, guerre dont l’Europe partage la responsabilité avec les Etats-Unis et la Russie, est proprement révoltant !

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Quant au fait qu’en 60 ans de construction, rien n’ait avancé sur le terrain des droits démocratiques et sociaux, il ne faut pas en être surpris. L’Union Européenne a été conçue et créée par et pour les intérêts des groupes capitalistes.

Il n’a jamais été question de créer un espace où les salaires, les droits sociaux, même les droits des femmes, soient alignés vers le haut.
Que les salaires roumains ou bulgares soient 5 à 10 fois inférieurs aux salaires allemands ou français, que Malte, Chypre, la Pologne ou l’Irlande continuent d’interdire l’avortement, et le gouvernement espagnol l’envisage sérieusement, les dirigeants européens s’en moquent complètement. Parler « d’Europe sociale », c’est bon pour les campagnes électorales, mais cela n’engage à rien.
Même un droit aussi élémentaire que la libre circulation des personnes n’est pas complète aujourd’hui, par exemple pour les Roumains, les Bulgares ou les Croates !
Et regardez comment les Roms sont traités. Pour les Roms, la construction de l’Europe aurait pu avoir une signification concrète, et que fait l’Union Européenne ? Elle ne leur laisse que l’étroite possibilité d’errer et d’être chassé d’une ville à une autre, d’un pays à un autre !
Ce que les dirigeants politiques ont appelé la construction européenne n’est qu’une histoire de marchandages sordides où les travailleurs et les plus pauvres n’entrent pas en ligne de compte. C’est une machine de guerre commerciale, un instrument d’oppression de la bourgeoisie, qui s’ajoute à l’instrument d’oppression que constituent les Etats nationaux.
Car nous ne sommes pas de ceux qui rejettent l’Europe pour vanter le repli national ! Combattre l’Europe pour s’en remettre aux institutions et à la souveraineté nationale n’est qu’une autre façon de servir la soupe à la bourgeoisie.
Il est stupide d’opposer la souveraineté nationale à l’Europe quand la souveraineté est dans les mains des capitalistes et qu’elle s’imposer à chacun des pays, comme à l’échelle du monde. Il est stupide d’opposer les responsables de Bruxelles ou d’Europe à ceux de la France ! Ce sont les mêmes politiquement, voire ce sont les mêmes tout court !
Bruxelles ne prend aucune décision importante qui ne soit voulue ou, du moins, avalisée par les gouvernements nationaux, au premier rang desquels il y a le gouvernement français. Quant à celui-ci, il ne prend aucune décision économique de quelque importance que ce soit, sans que celle-ci ne soit elle-même avalisée par le grand patronat.
Ceux qui prétendent que les coups contre les services publics, contre les quelques articles de loi protégeant les travailleurs, viennent de Bruxelles, des institutions européennes ou de Merkel, visent à dégager la responsabilité de chacun des gouvernements et à dédouaner ceux qui sont les laquais de la bourgeoisie.
Non Merkel ne mène pas Hollande par le bout du nez. Ce n’est pas l’égoïsme allemand qui en fait baver à toute l’Europe. Les dirigeants français et allemands sont d’accord pour faire ce que les financiers demandent. Ils ont été d’accord pour étrangler les travailleurs grecs ou espagnols. Ils ont été d’accord pour imposer à tous les Etats des politiques d’austérité.
S’il faut faire porter la responsabilité des décisions prises par l’Europe, c’est sur le couple franco allemand, les deux plus grandes puissances qui dominent la zone euro. Car c’est une caractéristique de l’Europe que d’avoir maintenu les rapports de domination entre les pays les plus riches de l’Europe et ceux plus pauvres comme la Grèce.
Quant à l’Europe de l’est encore beaucoup plus pauvre, elle n’a été que le champ clos des rivalités des multinationales françaises, allemandes et britanniques.
Et les classes populaires de toute la partie orientale de l’Europe, de la Pologne à la Bulgarie ont de quoi être déçues par cette construction européenne dont ils n’ont vu que les banques et les multinationales françaises ou allemandes se comporter en prédateurs. De l’Europe ils n’ont vu que les huissiers leur demandant d’abandonner les maigres protections dont ils disposaient, ils n’ont vu que la crise les condamnant au chômage et c’est en partie ce qui explique la virulence plus grande de l’extrême droite dans cette partie de l’Europe.
L’Union Européenne est à l’image du capitalisme, inégalitaire, injuste, gangrénée par la spéculation et la crise. Mais encore une fois, ce n’est pas l’Europe qui est en cause, mais le capitalisme. Et tous les démagogues qui font croire l’inverse et brandissent le nationalisme emmènent les peuples dans une impasse mortelle.
L’Europe, l’Allemagne, la France, la Grèce, sont des paravents derrière lesquels se cachent la domination des industriels et des financiers de toutes origines. Poser les problèmes en termes nationaux, c’est faire oublier qu’il y a des exploités et des exploiteurs dans tous les pays.
N’en déplaise à Jean-Luc Mélenchon, l’Allemagne n’est pas un pays de nababs retraités qui vivent sur le dos des travailleurs français jeunes et productifs comme il le laisse entendre ! L’Allemagne c’est aussi ces millions de travailleurs allemands, turcs qui vivotent avec 700, 800 € par mois tout en travaillant dur.
Et Jean-Pierre l’a rappelé, Regardez comment après avoir accusé les Grecs d’avoir vécu au-dessus de leurs moyens, ils disent cela de nous aujourd’hui !
Alors être sensible à ce genre d’arguments nationaliste, quand il s’agit des Grecs ou des allemands, opposer les peuples les uns aux autres, ne pas voir les responsabilités de nos propres gouvernements c’est se condamner à subir.
Ce qui se passe en Ukraine doit être pour tous un avertissement. Depuis la chute de Ianoukovitch, les évènements se sont précipités avec l’agitation des bandes nationalistes. A l’agitation des bandes nationalistes dans la partie occidentale de l’Ukraine dont certains ne cachent pas leur inspiration nazie répond l’agitation de celles de la partie orientale.
Chacun désigne l’autre camp comme l’adversaire, le responsable de tous les maux alors que la réalité des pensions de misère, les fermetures des mines, le chômage de masse est autant partagé d’un côté que de l’autre ! et des deux côtés ce sont les mêmes bureaucrates qui amassent des fortunes pendant que leur peuple sombre dans la misère. Le nationalisme est devenu pour la population ukrainienne un piège mortel.
Alors quelle que soit sa forme, A bas le nationalisme !

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Faire croire que l’État-nation pourrait protéger les travailleurs est une escroquerie. Croire que le repli sur les frontières nationales et le protectionnisme pourraient être d’un quelconque secours pour les travailleurs est un leurre.

Le protectionnisme, prétendument solidaire version Melenchon ou gouvernemental version Montebourg, n’est pas meilleur que le protectionnisme xénophobe de Le Pen. Il forme un seul et même piège. Le protectionnisme c’est d’abord des taxes en plus pour les consommateurs.
Tout le monde se plaint des taxes et des augmentations d’impôt, mais le protectionnisme c’est un impôt supplémentaire sur tout ce qui est importé. Les produits bon marché, qui permettent justement aux plus pauvres de joindre les deux bouts, seront renchéris. C’est sûr que cela ne posera pas de problème aux riches mais aux familles populaires, si.
La baisse de l’euro, voire la sortie de l’euro aura les mêmes conséquences. Car baisser la valeur de l’euro, c’est aussi augmenter le prix de tout ce qui est importé et en particulier celui du pétrole. Pour tous les travailleurs qui hésitent à faire le plein de carburant, ce sera bien plus difficile encore.
L’objectif de toutes ces mesures protectionnistes est nous dit-on de remplacer les produits d’importation par des produits « made in France ». A condition que ces Messieurs les capitalistes veuillent bien investir et trouvent un quelconque avantage à produire ces produits en France.
Prenez le secteur du bâtiment. Il manque un million de logements à des prix abordables pour un salaire de travailleur. C’est un secteur protégé de la concurrence, du tout cuit pour les Bouygues, pour les Vinci et autres marchands de béton. Mais ce n’est pas assez rentable à leur goût et ils préfèrent se lancer dans des partenariats public-privé juteux, voire dans la construction de tours de 800 mètres de haut à Dubaï…
Faire croire que le protectionnisme, via des taxes ou la baisse de la monnaie relancera automatiquement la production, l’industrie, la croissance et les emplois est une fumisterie. Croire d’ailleurs que l’on pourrait arrêter les importations tout en continuant de vendre nos propres produits à l’étranger est une escroquerie.
Le protectionnisme, ce n’est pas la fin de la guerre commerciale, c’est son aggravation. C’est une déclaration de guerre dans la guerre. C’est plus de frontières séparant les peuples, plus d’insanités patriotiques. Car le protectionnisme est l’expression économique du nationalisme, ce sont les deux faces d’une même pièce. Et faut-il rappeler que le protectionnisme des années 1930 a débouché sur seconde guerre mondiale ?
Non le protectionnisme n’est pas la recette miracle pour que ce système tourne rond pour les exploités. Il ne le peut pas ! Les travailleurs n’ont pas à choisir entre être exploité à la sauce libre-échange ou protectionnisme, ils ont à se battre contre l’exploitation.

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Le Pen est sans doute celle qui crie le plus fort contre l’Europe. A l’entendre, tout est de la faute à l’Europe, de la commission européenne, de Bruxelles. Rien du patronat ! Rien de la rapacité patronale. Le grand patronat, ses bénéfices, ses dividendes, l’exploitation et les bas salaires qu’il impose, cela n’existe pas pour elle, parce qu’elle est de leur monde.

Pour Le Pen, comme pour les autres, l’exploitation est dans l’ordre des choses, elle est normale et les travailleurs sont voués à la subir. Le Pen fait de la démagogie, elle plaint les travailleurs, elle verse une larme sur les retraités modestes et sur les chômeurs mais elle se prépare à servir le système qui les écrase comme Sarkozy et comme Hollande avec des conséquences pires pour les travailleurs.
Toute la politique du patronat consiste à diviser les travailleurs, à les monter les uns contre les autres. Le Pen fait la même chose. En opposant les travailleurs qui ont la carte d’identité française à ceux qui ne l’ont pas, en opposant les travailleurs musulmans aux autres, quand ce n’est pas les chômeurs à ceux qui ont du travail, Le Pen sème le poison de la division parmi les travailleurs.
Elle accuse les travailleurs détachés des pays de l’Est de faire une concurrence déloyale aux Français. Mais en France, le plus grand contingent de travailleurs détachés, ce sont les Français salariés au Luxembourg !
C’est le propre du capitalisme que de mettre en concurrence les travailleurs les uns avec les autres, de nous mettre tous en concurrence les uns avec les autres, les jeunes et les anciens, les diplômés et les non diplômés, ceux qui ont le permis et la voiture et ceux qui ne l’ont pas. Le piège mortel serait de nous combattre !
Alors Oui Le Pen est l’ennemi mortel des travailleurs. C’est une démagogue qui s’appuie sur la démoralisation et la résignation pour distiller son poison. La seule force qui la fera reculer c’est celle des travailleurs en lutte.

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Beaucoup déplorent que face au Front national, il n’y ait pas d’unité à « l’extrême gauche ». Mais la force de l’extrême-droite réside dans l’absence de perspectives à l’opposé, c’est-à-dire dans l’absence d’un courant politique qui milite sur le terrain de la lutte de classe, dans l’absence d’un parti révolutionnaire, qui rejette non seulement les politiciens qui se succèdent mais l’ordre capitaliste lui-même.
La seule façon d’enrayer l’influence du FN dans la classe ouvrière c’est que les travailleurs reprennent confiance dans leur force, dans leur capacité de peser, qu’ils retrouvent leur combativité. Il ne faut pas chercher une énième combinaison électorale, il faut lever le drapeau des luttes.
Et c’est une évidence que ce n’est pas la politique de Melenchon. Toute la politique de Mélenchon consiste à ressusciter la gauche. Et avec qui ? Avec les 41 députés qui se sont abstenus lors du vote de confiance pour s’écraser ensuite lamentablement ! Avec les Ecologistes qui ont certes quitté le gouvernement mais qui ne sont pas dans l’opposition !
Voilà le nouveau parti de gauche auquel rêve Mélenchon ! Une énième combinaison gouvernementale qui pourrait le hisser au pouvoir en faisant croire que cette fois elle ferait vraiment une politique de gauche ! Mais cela fait des décennies que les travailleurs sont baladés par de faux espoirs.
Le NPA dit avoir proposé une alliance électorale tant à LO qu’au Front de gauche et il regrette avoir obtenu une fin de non recevoir que ce soit d’un côté comme de l’autre. Mais le simple fait d’être prêt à s’unir aussi bien avec Melenchon et avec nous montre que nous ne partageons pas la même démarche.
Encore une fois, ce n’est pas d’un parti de gauche supplémentaire dont les travailleurs ont besoin. Mais d’un parti ouvrier qui parte du point de vue et des intérêts des travailleurs.
Un parti qui ne dise pas aux travailleurs « votez et nous ferons le reste ». Un parti qui milite pour redonner confiance aux travailleurs. Qui affirme que les travailleurs ont une force considérable car ils font marcher toute l’économie. Un parti ouvrier qui mette en avant les seuls moyens que la classe ouvrière a de peser : les luttes et le rapport de force.
Qui affirme que tant que l’on n’a pas la force de renverser ceux qui nous oppriment on est bien obligé de subir mais que les travailleurs ne doivent pas se taire !

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Pour porter ces perspectives il faut faire renaître un parti ouvrier révolutionnaire.
Nos adversaires réformistes ont souvent caricaturé les communistes révolutionnaires en les dépeignant comme les partisans du « grand soir », l’air de dire qu’en dehors de préparer la mythique révolution, ils ne servent à rien.
Mais c’est bien dans les combats quotidiens d’aujourd’hui, dans les combats politiques comme dans les combats sociaux, qu’il manque un parti qui agisse dans la perspective de l’émancipation des travailleurs par le renversement de l’ordre capitaliste.
C’est précisément parce qu’il n’y a pas un tel parti révolutionnaire que des partis de la bourgeoisie, étiquetés à gauche, ont pu pendant des années prétendre représenter les intérêts des travailleurs.
C’est précisément à cause de cela que même un parti dont les objectifs et les moyens sont aux antipodes des intérêts de la classe ouvrière comme le Front national peut prétendre aujourd’hui qu’il représente les travailleurs.
Toute la société est marquée par la montée des idées réactionnaires. Mais la montée du racisme, de l’antisémitisme, de la misogynie, du communautarisme, de la xénophobie, le poids des religions dans la vie sociale ne sont pas suspendus en l’air. Ils résultent de rapports de force au sein de la société, rapport de force entre des femmes et des hommes, entre des courants conservateurs et progressistes.
Le rapport de force entre ceux qui tirent la société en arrière et ceux qui représentent l’avenir a toujours été, à l’époque du capitalisme triomphant, lié aux rapports de force dans la lutte des classes.
Des périodes de recul dans la vie sociale, le passé en a connu quelques-unes. L’opposition la plus radicale aux forces réactionnaires venait toujours du mouvement ouvrier, de sa fraction révolutionnaire.
Eh bien, voilà ce qu’il est indispensable de recréer.
Cela paraît ambitieux comme perspective quand on sait à quel point le courant ouvrier communiste est minoritaire aujourd’hui et à quel point le réformisme social-démocrate puis le stalinisme ont laissé un champ de ruines dans les consciences.
Mais, en même temps, les idées que nous défendons, les idées de la lutte de classe, sont du vécu pour des millions de travailleurs et elles retrouveront le chemin de la classe ouvrière.
Un des obstacles que nous rencontrons, est que nous n’avons pas la crédibilité d’un grand parti. Mais cette crédibilité ne surgira pas à partir de rien. Elle se construit dans les luttes de la classe ouvrière, dans les grèves, dans les affrontements inévitables avec l’Etat de la bourgeoisie.
Mais elle se gagne aussi dans le travail politique sur le terrain, dans les luttes politiques entre autres électorales.
Oh ces européennes, comme les municipales du mois de mars seront vite oubliées par l’écrasante majorité de la population ouvrière, comme par tout le monde. Mais si ces deux campagnes ont pu rendre plus conscients ne serait-ce que quelques centaines ou quelques milliers d’exploités, si elles les ont engagé un tant soit peu dans le combat social, cela servira pour l’avenir.
Car ce seront les événements eux-mêmes, l’arrogance des Gattaz, le mépris de la bourgeoisie et de ses politiciens, la violence de la lutte de classe, qui amèneront un nombre plus important de travailleurs à la conscience que cela ne peut pas durer.
C’est vous dire qu’une fois les élections terminées, les efforts pour que se reconstitue dans ce pays un courant qui se batte au nom de l’émancipation des travailleurs doivent continuer.
Nous sommes une petite organisation, bien sûr. Mais nos camarades qui défendent nos idées depuis des décennies, les camarades ouvriers qui militent dans les entreprises et dans les quartiers populaires, ont pu démontrer qu’ils ne sont pas des girouettes qui changent de politique en fonction de l’air du temps ou d’alliances électorales fugaces.
Et ils seront encore là demain pour continuer de transmettre à d’autres les idées et les pratiques dont ils sont porteurs, notamment à ceux qui nous ont rejoints pendant cette campagne électorale. Il faut que les liens tissés en cette occasion se prolongent.
Ce sera moins visible, et les médias ne s’y intéresseront plus, si tant qu’ils s’y soient intéressés même durant la campagne électorale.
Pour ne citer que cet aspect anecdotique des choses, notre courant a eu droit, dans le cadre des émissions officielles, à deux séquences de 1 minute 26 secondes ! Et il ne suffit même pas de comparer ce temps de parole dérisoire à celui dont disposent les grands partis de la bourgeoisie. C’est du matin au soir et dans toutes les informations que télévision, radio, presse répètent et enfoncent dans les cranes le point de vue de la bourgeoisie.
Il n’y a pas à s’en étonner. Ce n’est jamais grâce à la grande presse, tenue en main par la bourgeoisie, que le mouvement ouvrier s’est développé. Il s’est développé en se donnant les moyens de s’exprimer indépendamment.
Le premier de ces moyens est tout simplement la parole de ceux qui se retrouvent dans les idées du camp des travailleurs. Les traditions du mouvement ouvrier se sont transmises de bouche à oreille, de travailleur à travailleur, elles se transmises par des femmes et des hommes qui avaient la volonté de prendre le contrepied des idées et des préjugés favorables à la bourgeoisie.
Il faut que cela continue aujourd’hui. Il faut que dans les entreprises où réside la force de frappe du monde ouvrier, comme dans les quartiers populaires, on fasse entendre un autre son de cloche que celui du conservatisme social et de la résignation.
Pour cela, il faut bien sûr des militants qui soient sûrs de leurs idées et qui aient la volonté de combattre cet ordre social injuste et dépassé. Mais il faut tout autant des relais, les plus nombreux possibles dans les classes populaires, des femmes et des hommes qui font leurs ces idées et qui ont à cœur de profiter de toutes les occasions, les queues des supermarchés, les files d’attente de la sécu, les discussions de cafés pour les diffuser.
Nous pouvons propager nos idées sans attendre que France 2 et Pujadas nous y invite ! Et n’en doutons pas, quand les travailleurs retrouveront confiance en eux, ces idées se répandront comme une trainée de poudre et elles deviendront une force !

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Alors dans les huit jours qui nous restent pour cette campagne, faisons le maximum pour convaincre le plus possible d’électeurs de faire entendre le camp des travailleurs.
Le programme de lutte des travailleurs et ses perspectives d’émancipation vont de pair avec l’internationalisme. Tout se tient, c’est le même programme, c’est la même vision communiste. Dans le combat contre la bourgeoisie, toute l’histoire du mouvement ouvrier montre que les travailleurs seront opposés non pas à une bourgeoisie nationale, mais à la bourgeoisie mondialisée depuis longtemps.
Car la bourgeoisie elle-même a été forcée par la logique propre de son système à dépasser les frontières. Elle a étendu son système sur toute la planète et a de fait rapproché les peuples et uni les exploités dans un sort commun.
Il faut en faire une force. L’ouvrier français, roumain ou allemand vivent la même exploitation, le même diktat patronal, la même galère de logement, la même tutelle du banquier, ils peuvent même avoir le même patron. Alors moins il y a de frontières, plus les occasions de tisser des liens sont nombreuses, mieux c’est pour le prolétariat
La bourgeoisie mise sur la résignation, sur les préjugés nationalistes, elle mise sur le fait que les travailleurs ne sauront pas réagir s’ils sont mis en concurrence les uns avec les autres.
Ne tombons pas dans le piège. Ayons une politique vis-à-vis des travailleurs nouveaux venus, regroupons-nous.
Il ne suffit pas de dénoncer les insanités anti-immigrés du Front national. Il faut en prendre le contrepied, non pas au nom de repliements identitaires aussi réactionnaires, mais au nom des idées, des valeurs du mouvement ouvrier.
Dans un passé, il est vrai bien lointain, l’honneur du mouvement ouvrier dans les pays développés, où il était le plus puissant, n’était pas seulement de prendre la défense des travailleurs immigrés et d’en être solidaires, c’était de les intégrer dans le mouvement ouvrier, de leur transmettre les idées révolutionnaires et d’en faire des compagnons de combat.
Beaucoup de travailleurs des pays de l’est européen, d’Inde, de Chine d’Indochine ou du Maghreb, transformés humainement et politiquement par le mouvement ouvrier de France ou d’Allemagne ont contribué à répandre ces idées dans leur pays d’origine.
C’est ainsi que les idées socialistes puis communistes se sont développées dans les pays de la partie pauvre de l’Europe, qu’elles ont traversé l’Atlantique et atteint l’Amérique et qu’elles sont allées jusqu’en Asie.
Mais cela s’est fait parce qu’il y avait des organisations, des syndicats, qui transmettaient les idées de lutte de classe, la dignité d’appartenir à une classe sociale qui non seulement produisait tout dans cette société mais qui était porteuse de la transformation sociale.
Aujourd’hui encore, les exploités peuvent tirer profits des migrations et du mélange des travailleurs, ils peuvent retourner la situation à leur avantage à condition d’avoir la volonté de s’unir autour d’une politique qui représente leurs intérêts de classe. A condition de transmettre les idées de lutte de classe, la fierté d’appartenir à une classe sociale qui non seulement produit tout dans cette société mais qui est porteuse de la transformation sociale.

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Le vote Lutte ouvrière permettra aux travailleurs de rejeter non seulement tous les politiciens au service de la bourgeoisie, à commencer par le gouvernement Valls-Hollande, mais de rejeter aussi l’ordre capitaliste lui-même.
Il représentera sans ambigüité les intérêts de classe des travailleurs en affirmant que ce n’est ni l’unification européenne ni l’euro que les travailleurs ont à combattre, mais la dictature des financiers.
Il représentera le combat de tous les travailleurs, contre toutes les oppressions, contre les restrictions à la liberté de circuler, contre la chasse aux immigrés, contre les expulsions des sans-papiers.
Voter Lutte Ouvrière, qui se revendique du communisme, c’est prendre la position la plus radicale contre les organisations d’extrême droite qui constituent une menace pour la classe ouvrière.
Et je veux m’adresser aux jeunes qui sont nés et ont grandi en communiquant et en échangeant avec les quatre coins du monde, à ces jeunes qui ne pourraient pas envisager leur vie sans la liberté de circuler à l’échelle de la planète,
Rejetez ces barbelés,
Rejetez ces frontières artificielles que l’extrême droite veut vous mettre dans la tête,
rejetez les idées nationalistes, le racisme, la xénophobie.

Voter Lutte Ouvrière, c’est opposer l’internationalisme à toutes les formes de démagogie nationaliste.
Voter Lutte ouvrière c’est affirmer que le carcan, ce n’est pas l’Europe, c’est la loi du profit. Le verrou qu’il faut faire sauter, c’est le pouvoir absolu de la bourgeoisie, des financiers, c’est cette dictature qui pèse sur les travailleurs que ce soit à l’échelle nationale européenne ou mondiale.
Qui fera éclater ce carcan ? Qui démarrera le combat ? Les mineurs de Turquie ? Les ouvrières du Bangladesh ? Les ouvriers de Tunisie, d’Espagne, de Grèce, de France ? L’avenir nous le dira.
Mais pour affirmer que le prolétariat d’Europe, avec ses composantes originaires de tous les continents, constitue une seule et même classe sociale,
Pour affirmer la nécessité d’une société débarrassée de l’exploitation, votez et faites voter Lutte Ouvrière.


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Camarades et amis,

Lutte Ouvrière se présente aux élections européennes dans toutes les circonscriptions, parce que nous voulons donner la possibilité à tous les travailleurs d’exprimer sans ambiguïté leur mécontentement et leur écœurement.

Ce n’est pas cela qui suffira à faire changer la situation – pour cela, il faudra que ce soit dans la rue et dans les entreprises que la colère explose – mais puisqu’on nous donne l’occasion de nous exprimer, eh bien nous n’avons aucune, mais alors aucune raison de nous taire et nous devons faire en sorte que dans ces élections le camps des travailleurs se fasse entendre !
Le personnel politique – qu’il soit français ou européen –tente d’expliquer aux électeurs que ces élections pourraient changer quelque chose à leur sort.
Sur un site du Parlement européen, il est ainsi expliqué que ces élections « permettent de décider de la composition politique du Parlement européen » – bon, admettons.
Mais ensuite, que voter « permet de peser directement sur les décisions de l’Union européenne » ! Quelle blague ! Comme si le Parlement européen était moins soumis que les Parlements nationaux aux intérêts de la bourgeoisie, comme s’il était plus « démocratique », plus soucieux de l’avis des électeurs.

Il faudrait demander leur avis à ce sujet aux travailleurs grecs, que l’Europe a jetés dans la misère avec une violence inouïe, pour satisfaire aux intérêts des banquiers français et allemands !

Eh bien, nous tenons à Lutte Ouvrière à nous présenter à ces élections, ne serait-ce que pour permettre aux travailleurs qui le souhaitent, justement, de ne pas donner leur voix aux grands partis qui se succèdent, ici, au pouvoir, depuis des décennies les mêmes politiques anti-ouvrières.
Mais au-delà, cette élection n’a aucune portée réelle. Elle est encore moins démocratique, encore plus éloignée des réalités que la plupart des élections nationales, avec ces grandes circonscriptions ridicules issues d’on ne sait quel tripatouillage bien opaque – avec cette circonscription du Nord qui inclut, allez savoir pourquoi, la Normandie, ce grand Est qui inclut la Nièvre… et je ne parle pas de la circonscription « coloniale », qui va des Antilles à Tahiti en passant par Saint-Pierre et Miquelon et la Réunion.

Les élections municipales ont montré de façon éclatante à quel point ceux qui nous gouvernent se moquent éperdument de l’avis de la population – et même de l’avis de leur propre électorat.
Souvenez-vous, c’était il y a deux mois à peine, le résultat des municipales a été sans appel : une raclée historique pour le Parti socialiste, et une abstention record qui a permis à la droite de s’emparer de dizaines de villes. Unanimes, les membres du gouvernement se sont succédé dans les médias, pour délivrer le même message : « Nous avons entendu, nous avons compris, les choses vont changer ».

Et en effet, les choses ont changé.

En guise de réponse au mécontentement, à la déception, à la frustration de l’électorat populaire, Hollande a choisi d’accentuer sa politique : faire payer les classes populaires pour servir encore plus les riches et les actionnaires des grandes entreprises… Il a choisi de cogner plus fort. Il a remplacé Ayrault, qui passait pour trop mou et était définitivement discrédité, par l’homme le plus ouvertement anti-ouvrier du Parti socialiste, Manuel Valls.
Manuel Valls, l’ancien candidat aux primaires socialistes qui voulait supprimer les 35 heures ; l’ancien ministre de l’Intérieur qui se vantait d’être sans pitié avec les sans-papiers, qui dénonçait à la télévision la poussée des cambriolages due – je le cite – à l’afflux en France de Géorgiens, de Bulgares et de Roumains.

Valls qui expliquait que les Roms ne peuvent pas s’intégrer dans ce pays, qui estimait que le marché d’Évry manquait de « Blancs, de white, de blancos » ;
Valls, l’homme politique socialiste le plus populaire parmi les policiers et les gendarmes,
Valls, dont le fond de la pensée politique consiste à croire que serrer les mâchoires et mettre le menton en avant suffit pour avoir l’air d’un vrai dur,
Valls, enfin, dont la ressemblance physique, politique, et morale avec Sarkozy est telle que même les membres de l’UMP n’arrivent pas à lui trouver des défauts.

Oui, la nomination de Valls à Matignon au lendemain des municipales a été une provocation. Une façon de dire aux électeurs de gauche déçus et dégoûtés : « Vous n’avez encore rien vu ».
Il y a quelques jours, Hollande, interrogé à la télévision, disait qu’il n’avait, je cite, « rien à perdre ». Élu en 2012 en ayant convaincu des millions de travailleurs dégoûtés de Sarkozy qu’il allait apporter « le changement », il s’est montré pire que lui – plus dur encore et plus brutal contre le monde du travail, les retraités, et les pauvres en général.
En réalité, Hollande n’est pas différent de tous les autres hommes politiques de la bourgeoisie : ils sont prêts à tout perdre tant est absolu leur dévouement à la grande bourgeoisie, au grand patronat. Que ce dévouement leur coûte leur popularité, et la plupart du temps la certitude de ne pas être réélus la prochaine fois, ils le savent, c’est la règle du jeu.

Ces hommes et ces femmes – en tout cas ceux qui sont sélectionnés pour accéder aux plus hautes responsabilités de l’appareil d’État – sont certes tous des carriéristes, mais fondamentalement, ils sont plus dévoués aux intérêts de la bourgeoisie qu’à leur propre carrière.
Alors, au lendemain de son accession à Matignon, Hollande et Valls, en guise de « réponse » à la déception de l’électorat populaire, ont annoncé un plan de 50 milliards d’économies faites uniquement sur le dos de la population, qui sonne lui aussi comme un véritable bras d’honneur aux classes populaires.

D’un côté, la suppression totale des cotisations sociales pour les patrons qui exploitent des travailleurs au smic ; de l’autre, l’augmentation des taxes, impôts et charges qui accablent les travailleurs.

D’un côté, des baisses d’impôts sur les entreprises et les bénéfices, de l’autre, la destruction programmée des services publics, la suppression de milliers de postes de fonctionnaires et le gel de leur salaire – ce qui donne l’exemple aux patrons du privé de ce qu’ils doivent faire, le gel, c’est-à-dire, compte tenu de l’inflation, la baisse des pensions pourtant déjà misérables des retraités, des chômeurs, des handicapés.
Jamais encore, depuis l’accession de Hollande au pouvoir, qui pourtant en avait déjà fait beaucoup, n’avait été exprimée avec autant de cynisme et d’arrogance la volonté du gouvernement de faire payer les faibles pour enrichir, encore un peu plus, les riches.
Alors vraiment, après ces municipales et leurs conséquences, il faut être ou bien un menteur patenté, ou bien sacrément naïf, pour faire croire que les élections peuvent servir à changer quoi que ce soit !

Il y a 150 ans, Marx avait une formule toute simple pour définir les élections dans la société capitaliste. Il disait que les élections ne servent qu’à une chose : permettre aux travailleurs de « choisir quel représentant des classes dirigeantes va fouler aux pieds leurs intérêts » dans les Parlements.

Les choses n’ont pas évolué de nos jours, et elles n’évolueront jamais tant que ce sera le grand patronat qui dirigera la société plutôt que nous, les travailleurs : la seule chose qu’on nous laisse décider dans les urnes, c’est qui, de la gauche ou de la droite, va aider nos exploiteurs à nous dépouiller. Rien d’autre !

Et ce qui est vrai à l’échelle de la France l’est, peut-être plus encore, à l’échelle européenne.
Nous avons pu, lors des élections municipales, donner la possibilité aux travailleurs d’exprimer leur écœurement de la politique gouvernementale, mais dans un nombre limité de villes.
L’avantage de ce scrutin européen, c’est qu’il nous permet de nous exprimer à l’échelle nationale, que sur tout le territoire, les travailleurs qui le veulent pourront faire ce geste de dire leur ras-le-bol, d’exprimer clairement leurs revendications et leurs exigences, de dire qu’il n’est plus possible d’accepter que la société ne soit dirigée qu’en fonction des intérêts des riches.
Oh, cela ne suffira pas à changer le rapport de forces, bien sûr.

Aujourd’hui, si un Valls peut fanfaronner et rouler des mécaniques, si les représentants des patrons eux-mêmes, comme Gattaz, peuvent se permettre de vouloir remettre en cause jusqu’à l’existence du smic, c’est uniquement parce qu’ils ne rencontrent aucune opposition réelle.
Parce que, au-delà des péripéties électorales, qui n’ont au fond de réelle importance que pour ceux dont la carrière en dépend, ils n’ont pour l’instant pas à faire face à une réaction massive, collective, explosive, du monde du travail. Tant qu’une telle réaction n’aura pas lieu, le gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite, continuera de porter ses coups.

Cette réaction, il ne faut pas compter sur les confédérations syndicales pour l’organiser.
La politique des grandes centrales syndicales à l’occasion de la journée de grève des fonctionnaires, hier va à l’opposer de redonner confiance à tous les militants et au-delà aux travailleurs.

Au lieu de tout faire pour unir les salariés du public et du privé, au lieu de mettre tout leur poids et toute leur énergie à faire que le fameux « tous ensemble » ne soit pas seulement une incantation mais devienne une réalité, dans la rue, les grandes confédérations, CGT en tête, ont laissé les fonctionnaires défiler seuls.

Alors que le minimum de la conscience exigerait de se saisir de chaque opportunité, de chaque occasion, pour manifester tous ensemble et combattre, de toutes ses forces, ces divisions absurdes et néfastes entre public et privé face aux attaques du gouvernement, les confédérations continuent de les entretenir.

Et ce contre l’avis d’un certain nombre de militants syndicaux, à la base, qui eux ont appelé à manifester hier, parce qu’ils savent que la situation exige l’union la plus large entre tous les travailleurs. Et ils ont mille fois raison !

L’attitude des confédérations, une fois de plus, ne fait que rajouter à la démoralisation et au défaitisme du monde du travail.

Cette complicité des directions syndicales avec le gouvernement et sa politique anti-ouvrière n’a rien de surprenant. Car les syndicats, ce ne sont pas seulement leurs sommets, responsables devant la bourgeoisie ; ce ne sont pas seulement leurs appareils, liés par mille liens à l’appareil d’État. Ce sont aussi leurs bases, leurs militants, qui reflètent à leur façon les aspirations, les préoccupations des travailleurs.

Les dirigeants ont toutes les raisons de craindre que, s’ils tiennent un langage combatif, s’ils prennent des initiatives dont les militants pourraient s’emparer, les dirigeants confédéraux pourraient être pris au sérieux bien au-delà de ce qu’ils souhaitent.

Ces dirigeants ont, en permanence, la peur de voir éclater un mouvement qui risquerait de les déborder. C’est cela qui explique leur prudence, leur manque total de combativité, le fait qu’ils soient encore moins critiques à l’égard du gouvernement que les députés du PS qui, dans les débats feutrés du Parlement, se sont permis de se démarquer de Valls en s’abstenant.
Et s’il y a une chose dont nous sommes certains, c’est que malgré cette attitude démobilisatrice, la colère du monde du travail finira quand même par éclater, avec ou sans l’assentiment des confédérations syndicales !

Et des raisons d’être en colère, nous en avons chaque jour en peu plus.
Semaine après semaine, mois après mois, le gouvernement continue son baratin sur la courbe du chômage… et la courbe du chômage continue de monter.
Chaque jour ou presque apporte ses annonces de suppressions d’emploi, sans compter celles qui ne font pas la une de l’actualité.

À chaque fois, c’est une démonstration plus révoltante non seulement de l’incapacité de ce système de faire face à la crise autrement qu’en jetant les travailleurs dans la déchéance, mais aussi du manque absolu de volonté de la part du gouvernement de s’y opposer.

À chaque occasion, il se trouve un ministre – de préférence un Montebourg, qui ne rate jamais une occasion de se ridiculiser sur ce terrain – pour expliquer que ce gouvernement « fera tout » pour limiter les conséquences en matière d’emploi. Souvenez-vous, lors du feuilleton du rachat de SFR, le gouvernement avait expliqué qu’il veillerait à ce que cela ne se traduise par aucune suppression de poste.

Et voilà que lundi dernier, on apprenait que Bouygues Télécom se prépare à mettre à la porte un quart de ses salariés, soit 1500 à 2000 personnes, pour un groupe qui n’est vraiment pas au bord de la faillite : Bouygues Télécom a annoncé pour 2013 un résultat brut d’exploitation de 880 millions d’euros… et ce n’est que la branche télécom du groupe : sa branche construction annonce qu’elle bénéficie d’une réserve de trésorerie de 3 milliards d’euros.

Quant à Martin Bouygues, le propriétaire du groupe, il a vu sa fortune augmenter de 18% en 2013.

Les grands capitalistes et leurs serviteurs sont bien les seuls, dans ce pays, à voir leurs revenus s’offrir de telles envolées. En même temps que Valls annonçait le gel des pensions des retraités et le salaire des focntionnaires – c’est-à-dire, vu le niveau de l’inflation, leur diminution nette – la presse économique publiait les résultats des grands groupes capitalistes.

On pouvait alors piocher dans les journaux des titres tels que « rebond des profits en 2014 » : selon les prévisions des spécialistes, lorsque les comptes de 2013 seront clos, deux entreprises seulement, sur les 40 que compte le CAC40, annonceront des pertes.

Pour les autres, ce sera non seulement des profits, mais des profits en hausse parfois considérable : le journal Les Échos annonce ainsi des profits en augmentation de 219% pour Orange, de 208% pour la Société générale, de 62% pour Airbus, et ainsi de suite.

Il n’y a pas que le chômage qui atteigne des records historiques dans ce pays : les profits aussi. Selon les Échos toujours, cette année sera la meilleure depuis le début de la crise, avec 87 milliards d’euros de profits pour les entreprises du CAC 40, soit près de 15 milliards de plus que l’année précédente.

Récemment aussi, la presse a publié le palmarès annuel des salaires des PDG des grandes entreprises.

4 millions d’euros de salaire pour le patron de L’Oréal, ou, mieux, Maurice Lévy, pour le patron de Publicis, avec 4,5 millions.

Et pourtant… la vie n’est pas si facile pour ces gens-là, et il ne faut pas croire qu’ils ne sont pas capables de faire des gestes de solidarité avec les pauvres.

Ainsi ce même Maurice Lévy, interrogé la semaine dernière à la radio, répondait à la question de savoir pourquoi le siège de son groupe, Publicis, restait en France, sa réponse, réellement émouvante, n’a pas tardé : « J’ai décidé de rester en France pour souffrir avec les Français ». Puis, réalisant tout de même l’énormité de ce qu’il venait de dire, ce monsieur (qui gagne 12 300 euros par jour rien qu’en salaire) a ajouté : « Enfin… souffrir de façon assez luxueuse, je l’avoue ».

Il faut le rappeler, ces grands PDG ne sont que des salariés de haut vol, des serviteurs, grassement payés des grands actionnaires.

Lorsque l’on voit le niveau de leurs rémunérations, cela donne une petite idée de ce que gagnent les vrais patrons, les capitalistes, les propriétaires des entreprises.

Ceux-là ne se préoccupent même pas, bien souvent, de faire semblant d’être adeptes du « patriotisme économique », comme Lévy, et préfèrent s’installer en Suisse ou en Belgique.
C’est le cas d’un des principaux actionnaires du groupe Auchan, Régis Mulliez, récemment interviewé pour la radio dans sa propriété près de Bruxelles, qui répond à la journaliste qui le questionne sur le montant de sa fortune : « Oh, je ne suis pas comptable, moi… je ne sais pas… ça change tout le temps… autour de 28 milliards. »

Vous avez bien entendu : 28 milliards. Expliquant avoir quitté la France pour échapper « à la rage taxatoire », il poursuit avec un humour aussi léger que de bon goût : « Comme disent nos camarades syndiqués, je suis ici pour profiter des acquis. Les acquis de non-taxation des plus-values. » Le tout, avant de se lancer dans une longue diatribe contre « les assistés », « les gens qui ne sont pas capables de se lever » (le matin), et d’ajouter visiblement très fier : « Nous, dans la famille Mulliez, on ne travaille ni dans la drogue, ni dans les jeux, ni dans la femme ». Il est vrai qu’il aurait pu ajouter : « On ne travaille pas… du tout ! ».

Car ces gens-là se contentent d’accumuler des milliards en usant au travail des milliers de caissières et de manutentionnaires – et je peux témoigné pour avoir travaillé comme de milliers de jeunes travailleurs pendant plusieurs années à Auchan ou dans la grande distribution, quand on fait de la mise en rayon là-bas, on n’a pas besoin de comptable pour savoir ce qui reste sur son compte à partir du 15 du mois tellement les salaires sont faibles !

Et on peut en dire autant à PSA. Dans le groupe, tout les salariés sont légitimement choqué de savoir que, dans une entreprise soi-disant aux abois, le nouveau patron, Carlos Tavares, gagnera entre 1,3 et 3,3 millions d’euros par an selon les résultats – soit 3 500 à 9 000 € par jour, samedi et dimanche compris.

Mais qu’est-ce que ce salaire, sinon une goutte d’eau, à côté des 100 millions d’euros de jackpot exceptionnels que viennent de s’accorder les actionnaires de PSA ?

Voilà à quoi ressemble leur société !

Pour nous, les ouvriers, cela a été la fermeture de l’usine d’Aulnay – avec, contrairement, à ce que prétend la direction, des centaines de licenciements et de travailleurs qui pointent aujourd’hui à Pôle emploi, sans aucune solution.

Cela a été 12 500 suppressions de poste à l’échelle du groupe. C’est encore aujourd’hui des menaces qui planent sur plusieurs usines du groupe, dont plus personne n’ose croire qu’elles seraient à l’abri d’une nouvelle fermeture.

Tout cela, au nom d’une soi-disant baisse de l’activité. Mais à PSA Poissy où je travaille maintenant comme plusieurs centaines de mes camarades d’Aulnay, la baisse d’activité nous ne la voyons pas, c’est le moins qu’on puisse dire.

Depuis des mois, alors que les cadences sont tellement dures que personne ne peut plus les tenir sans se détruire la santé, la direction impose la semaine de six jours pour l’équipe du matin, avec tous les samedis travaillés.

Voilà d’où viennent les 100 millions que viennent de s’offrir les actionnaires de PSA , famille Peugeot en tête : de la descente vers la pauvreté de travailleurs licenciés et de la surexploitation quotidienne de ceux qui restent.

Ce que je décris là n’est évidemment pas seulement le lot des travailleurs de PSA. C’est celui des salariés de toutes les entreprises – des usines aux bureaux, des hypermarchés aux centres d’appels téléphoniques, des entrepôts de logistique aux chantiers… Et puisque l’occasion nous est donnée d’en parler, il est évident que cette situation, bien au-delà de la France, est celle des travailleurs de l’Europe entière.

L’unification de l’Europe s’est faite au moins sur un point : d’un bout à l’autre de l’Europe, le sort des exploités s’aggrave. D’un bout à l’autre de l’Europe, les politiques d’austérité succèdent aux politiques de rigueur, les budgets publics subissent des coupes drastiques, les salaires baissent, les prix augmentent, l’exploitation s’aggrave.

Bien sûr, on ne peut pas mettre sur le même plan les pays les plus riches de l’Union, comme la France ou l’Allemagne, et les plus pauvres – la Roumanie, ou la Bulgarie.

Sans compter ceux qui étaient moins pauvres mais que la crise et la rapacité des grandes banques a rejeté des décennies en arrière, comme la Grèce ou l’Espagne.

Mais partout, des grandes puissances impérialistes comme l’Allemagne et la France jusqu’à la Roumanie où le salaire minimum est de 180 euros par mois, ou à la Lettonie où il atteint tout juste 280 euros mensuels, partout la tendance est la même : faire payer la crise aux travailleurs, avec partout les mêmes attaques, les mêmes méthodes infectes – et partout dans le même but : permettre aux capitalistes de l’industrie et de la banque, les responsables de la crise, de s’en sortir au mieux.

L’une des différences majeures étant, quand même, que dans cette Europe soi-disant unie, il subsiste toujours un fossé considérable entre les quelques puissances impérialistes et les autres, ceux que les capitalistes considèrent comme leur arrière-cour ou leur atelier de production.
Ce sont les trusts français et allemands – à commencer par PSA et Renault – qui surexploitent les ouvriers d’Europe de l’est. Et pire encore, ce sont les grandes banques d’Europe de l’ouest, en particulier les banques françaises, qui sont responsables de la descente aux enfers de pays comme la Grèce. Ne serait-ce que pour cela, l’unification européenne actuelle est une chimère !
Et il faut toute la stupidité et la crasse réactionnaire des nationalistes du Front national pour s’en prendre aux pays de l’Est comme fauteurs de chômage.

Car tout de même, à ce que l’on sache, ce ne sont pas les banques lituaniennes qui ruinent l’économie française, pas les industriels roumains qui licencient ici à tour de bras, pas les ministres de l’économie grecs qui imposent des coupes drastiques dans le budget de la Fonction publique française ! Mais ce sont bien, en revanche, les grands bourgeois et les dirigeants politiques français qui font tout cela dans la partie la plus pauvre de l’Europe ! Ce sont eux qui étranglent les peuples d’Europe !

Évidemment, nous ne parlons pas dans ces élections du fonctionnement de la Commission européenne, de la répartition des tâches entre la commission, le conseil, le Parlement et les mille et une autres composantes de la bureaucratie européenne. La façon dont la bourgeoisie s’organise pour nous exploiter et nous spolier à l’échelle de la France ou de l’Europe n’est pas notre préoccupation …

Mais en revanche, les problèmes que nous évoquons sont fondamentalement ceux de tous les travailleurs européens – et les revendications, les exigences que nous exprimons pourraient, et devraient se traduire dans toutes les langues d’Europe.
Car quel pays d’Europe échappe aujourd’hui au cancer du chômage, de l’explosion de la précarité et de la montée de la misère ?

La Grèce devient, de plus en plus, un pays du Tiers monde – un pays où des organisations comme Médecins sans frontière sont obligées de distribuer tant bien que mal des médicaments aux plus pauvres. 60% des jeunes y sont chômeurs ! Et ce n’est pas fini. Les milliers de licenciements annoncés chez les fonctionnaires grecs vont se rajouter à la disparition de 200 000 emplois dans la fonction publique depuis 2010. Dans un petit pays de 11 millions d’habitants, c’est énorme, et c’est un tsunami social.

La population est plongée dans l’abîme, avec un recul sans précédent du niveau de vie. Mais ce qui retient l’attention des dirigeants de l’Union européenne, c’est d’avoir évité que le pays se déclare en cessation de paiement vis-à-vis des banques, ce qui aurait pu entraîner la faillite de grandes banques françaises.

Voilà ce que c’est que leur Europe.

En Espagne, depuis cinq ans, les travailleurs subissent de plein fouet les conséquences de la crise.

Quatre millions d’emplois ont été supprimés. Les statistiques officielles annoncent plus de 6,2 millions chômeurs, soit plus de 27 % de la population active. 2 millions d’entre eux sont au chômage depuis plus de deux ans et donc sans allocation.

Le chômage des jeunes atteint près de 60%. Près de 2 millions de ménages ne disposent pas de revenus liés à un emploi, parce que tous les membres de la famille sont sans emploi. La situation est tellement catastrophique que près de 300 000 jeunes Espagnols n’ont pas trouvé d’autre solution que de quitter leur pays pour trouver un emploi, comme cela se faisait au milieu du XXe siècle.

Et pourquoi un tel naufrage social ?

Là encore des centaines de milliards d’euros ont été dépensés par tous les gouvernements, de droite et de gauche, pour renflouer les banques en vidant les caisses publiques et en aggravant la dette.

Cela n’a pas remis l’économie en marche et cela n’a aucunement protégé en quoi que ce soit les pauvres. Mais cela a permis à la bourgeoisie espagnole comme à ses comparses d’Europe de se refaire une santé.

Voilà, encore, ce que c’est que leur Europe !

Dans les pays de l’Est, les plus pauvres, comme la Roumanie, l’adhésion à l’Union n’a nullement empêché la pauvreté de se développer, à tel point que des milliers de travailleurs de ces pays cherchent à tout prix à venir s’installer ici, parce que vivre dans un bidonville insalubre en France est encore moins pire que de vivre la misère en Roumanie.

L’Europe se gargarise d’apporter la prospérité à ses membres, mais il faut vraiment tout le cynisme de hauts fonctionnaires grassement payés pour estimer que c’est un progrès suffisant de voir le smic letton passer de 280 à 320 euros en juillet prochain – alors que le minimum de l’unification européenne, si ce mot avait un sens, serait d’imposer que les 28 membres de l’Union adoptent un salaire minimum calé sur le plus élevé des pays membres !

Mais même dans les pays les plus riches de l’Europe, la situation se dégrade rapidement. Je ne reviendrai pas sur ce que nous vivons ici, en France – nous le savons tous.
Je voudrais simplement faire remarquer que lorsque Valls a le culot de dire que « la France vit au dessus de ses moyens », il utilise exactement les mêmes termes que ceux qui, depuis des années, sont utilisés pour qualifier la Grèce. Au même diagnostic – aussi mensonger que cynique – correspondront à coup sûr les mêmes recettes, les mêmes attaques si les travailleurs ne ripostent pas.

Mais regardez l’Allemagne, ce pays qui, selon les convictions des uns et des autres, est érigé en modèle ou fait figure d’épouvantail : modèle de libéralisme débridé, pour la droite et le PS ; épouvantail pour les démagogues nationalistes qui expliquent qu’il faut « dégermaniser l’Europe ».

Mais l’Allemagne, c’est pour nous avant tout un pays où les attaques pleuvent sur nos frères, les travailleurs d’Allemangne.

Déremboursement des médicaments, abaissement du taux de remplacement des retraités à 50 %, généralisation du travail précaire et des emplois sous-payés (les « mini-jobs ») pratiquement exonérés de charges sociales, licenciements facilités, réduction des indemnités chômage, les lois Hartz ont fait reculer la condition ouvrière en Allemagne de plusieurs années.
Au bout d’un an de chômage, les travailleurs ne reçoivent plus que, en tout et pour tout : 382 euros d’aide sociale pour une personne seule, même après toute une vie passée sur les chantiers ou à l’usine.

Le but de toutes ces mesures est de contraindre les chômeurs à accepter des emplois payés à 4 ou 6 euros de l’heure, des emplois qu’on compte aujourd’hui par millions dans le privé. Dans le public, les maisons de retraite et autres associations, il y a même des jobs à 1 euro de l’heure.
Au total, en Allemagne, un quart des travailleurs touche moins de 9 euros de l’heure. Cela fait de l’Allemagne l’un des pays de l’Europe avec la plus forte proportion de travailleurs pauvres, plus qu’en Hongrie, en Espagne ou au Portugal. Tout cela pourquoi ? Pour que les millionnaires et les milliardaires se comptent toujours plus nombreux, et pour que les profits des entreprises soient toujours plus impressionnants.

Alors, camarade, nous le redisons : il n’y a pas plus de « modèle allemand » qu’il n’y a de « modèle social » français ! Il y a une Europe capitaliste, dont tous les États fonctionnent sur le même modèle, la seule différence étant que certains, les plus pauvres, sont exploités par des entreprises étrangères et d’autres, les plus riches, par des capitalistes « bien de chez eux », ce qui ravit les nationalistes mais ne rapporte pas un centime de plus aux exploités !
La vérité, c’est que les travailleurs d’Europe sont tous engagés sur la même pente, la pente qui va vers la dégradation des conditions de vie et de travail, la pente qui mène vers la pauvreté, tout cela au nom de la prospérité des capitalistes… il faudra bien, un jour, que les opprimés de l’Europe entière se lèvent ensemble, pour combattre ensemble, contre leurs oppresseurs communs !

Les objectifs de lutte que nous défendons dans ces élections – ceux que nous défendons depuis que la crise démolit la société tout entière – sont valables dans toute l’Europe, sans avoir besoin de quelque « adaptation » que ce soit ou, pour parler dans le jargon de la commission européenne, de « transposition ». Hormis la barrière de la langue, il n’y a pas un seul pays en Europe où ces objectifs ne puissent être directement compris des travailleurs, et où ils ne seraient pas indispensables.

Contre le chômage, il faut interdire les licenciements !

Dans l’Espagne et ses 27 % de chômeurs, dans la Grèce où les petits boulots de type vendeur de cigarettes à l’unité se développent ; dans l’Allemagne dont le fameux groupe Siemens vient d’annoncer 10 000 licenciements ; dans la Grande-Bretagne dont des secteurs entiers de l’industrie ont été littéralement pulvérisés – oui, dans tous ces pays comme en France, il faut stopper l’hémorragie du chômage en imposant l’interdiction des licenciements, en imposant l’idée que dans une situation sociale aussi dramatique, chaque licenciement supplémentaire est insupportable et criminel.

Et il ne faudra pas seulement interdire les licenciements, mais imposer que le travail soit réparti entre tous les bras et tous les cerveaux, sans baisse de salaire.

Et que cela se fasse aux frais des grands capitalistes qui existent dans tous les pays – car y compris les pays pauvres d’Europe ont leurs milliardaires.

En face des ouvriers sous-payés de Pologne, il y a un Jan Kulcyk, propriétaire d’une société d’import export de gaz et de pétrole, dont la fortune est supérieure à celle de la famille Peugeot. En république Tchèque, où le smic est de 327 euros par mois, Pietr Kellner, patron d’un groupe bancaire, possède une fortune de 10 milliards de dollars. Et je ne parle pas des armateurs grecs, dont la crise n’a pas émoussé la fortune, du patron espagnol de Zara et de ses 57 milliards d’euros de fortune personnelle… Et même si la fortune des capitalistes locaux n’y suffisait pas, il ne serait que justice que les milliards de profits que les trusts comme PSA, Renault, la Société générale ou Siemens génèrent dans les pays pauvres d’Europe reviennent enfin à ceux qui les produisent !
Il faut augmenter les salaires, les allocations, les pensions et les indexer sur les prix !
Là aussi, la réalité est la même dans toute l’Europe. Partout les salaires sont bloqués ou, même quand ils augmentent, le font moins vite que les prix de la vie courante et que les impôts.
Une telle revendication ne serait-elle pas comprise jusqu’en Lituanie, où le gouvernement a imposé une baisse de 20 % des salaires des fonctionnaires ? En Grande-Bretagne, où, dans certaines villes, le prix de l’immobilier a augmenté cette année de 18 %, alors que les salaires stagnent ou baissent ?

Dans tous les pays européens, la baisse des salaires par le biais de la hausse des prix est une vieille habitude des patrons ; il faudra que tôt ou tard, les travailleurs remettent les pendules à l’heure en imposant l’échelle mobile des salaires, seul moyen de ne pas voir son niveau de vie dégringoler !

Et surtout, pour que toutes ces mesures vitales deviennent possibles, il faudra partout imposer le contrôle de la population sur les comptes des capitalistes et des États. Imposer la suppression du secret commercial, bancaire, industriel, la mise en place d’une véritable transparence – pas la transparence bidon que le gouvernement a fait semblant de mettre en place après l’affaire Cahuzac, et que personne n’est en mesure de contrôler, mais une transparence réelle, totale, sans limite, parce que exercée par les travailleurs eux-mêmes.

Cela est vrai dans chaque pays pris individuellement, d’abord.

Parce qu’en Grèce, ce serait une mesure de salut public que les travailleurs et la population sachent réellement ce qui s’est tramé dans les bureaux bien fermés de la Commission européenne, et qui a abouti à la mise sous tutelle d’une population entière.

Parce que dans tous les pays, les capitalistes agissent en secret, préparent leurs plans et leurs sales coups dans la plus totale opacité – c’est inscrit dans l’ADN du capitalisme. Parce que partout, ils justifient les licenciements et les baisses de salaire par des difficultés économiques et financières que personne ne peut vérifier et contrôler.

Mais à l’échelle de l’Europe, de l’Europe prise comme un tout, c’est presque encore plus vrai.
Parce que les politiciens comme les capitalistes d’Europe mettent en permanence les travailleurs de chaque pays en concurrence les uns contre les autres. Mais si partout, les travailleurs imposaient la transparence, s’ils mettaient fin au secret industriel et bancaire, cela permettrait à chacun, au-delà même des frontières, de savoir ce qu’il en est vraiment.

Lors de la révolution russe, en 1917, le premier acte de Trotsky, commissaire du peuple aux Affaires étrangères, a été de publier tous les traités secrets passés entre la Russie et les autres pays – ce qui a donné des armes politiques utiles aux révolutionnaires de tous les autres pays.
Imaginez déjà qu’à l’échelle d’un pays comme la France, les travailleurs se donnent les moyens de se communiquer, d’un secteur à l’autre, toutes les informations auxquelles ils ont accès, à quel point cela serait utile pour les luttes de tous les autres. Les travailleurs des banques – qui savent tout sur les industries car ce sont elles qui les contrôlent – pourraient donner aux ouvriers des informations essentielles sur la politique de leur patrons, sur l’état précis de leur fortune.
Les travailleurs d’une entreprise pourraient communiquer des informations aux sous-traitants, et ainsi de suite…
Eh bien, il est facile d’imaginer comment la transparence ou l’ouverture des comptes pourrait aussi donner à l’internationalisme du mouvement ouvrier un contenu très concret ! En particulier, dans un pays comme la France qui est un pays impérialiste, qui nuit à des dizaines de pays plus pauvres.
D’imaginer ce que les travailleurs de la Société générale auraient à raconter aux travailleurs grecs, s’ils avaient accès à toutes les décisions infâmes que cette banque a prises pour les appauvrir. Ce que les travailleurs de Renault pourraient faire savoir à leurs frêres de Dacia, en Roumanie, ceux de PSA à ceux de Trnava en Slovaquie…
L’ouverture des comptes, la publicité de tous les sales petits secrets des capitalistes, serait un formidable ferment de solidarité et surtout d’aide à la lutte des travailleurs des autres pays.
Les capitalistes, ont le dit souvent, savent tout sur leurs ouvriers. Mais au-delà, ils savent tout aussi des entreprises concurrentes. Avant de commencer à négocier sur le rachat d’Alstom, comment imaginer que Siemens n’a pas déjà accès à toutes les informations stratégiques les plus sensibles ?
Comme le disait Trotsky, encore, « Le « secret » commercial est toujours justifié par les exigences de la « concurrence ». Mais en fait, les trusts n’ont pas de secrets l’un pour l’autre. Le secret commercial, à l’époque actuelle, est un complot constant du capital contre la société. Les projets de limitation de l’absolutisme de « patrons de droit divin » restent de lamentables farces tant que les propriétaires privés de moyens sociaux de production peuvent cacher aux producteurs et aux consommateurs les machinations de l’exploitation, du pillage, de la tromperie. »

Eh bien, ce qui était vrai en 1938 l’est encore plus aujourd’hui, à l’époque de l’Union européenne à 28. Les liens unissant les entreprises d’un pays à l’autre, que ce soit des liens de coopération ou des liens de soumission, dans le cadre des rapports entre les pays impérialistes et les pays pauvres d’Europe, sont plus étroits que jamais. Et de ce point de vue, les travailleurs ont plus de moyens que jamais de se donner les uns aux autres les informations qu’ils trouveraient, s’ils se mêlaient eux-mêmes, directement, de contrôler les comptes des entreprises.

Cela couperait l’herbe sous le pied des tentatives patronales de diviser les travailleurs d’Europe, car tous verraient alors qui les trompe et comment. Ce serait déjà le début de la remise en question de la dictature des capitalistes sur la population.

L’unification européenne, depuis sa mise en place dans les années 1950, est uniquement une unification capitaliste – qui met en avant la libre circulation des capitaux et des marchandises, et permet aux plus gros trusts impérialistes d’intervenir plus facilement dans davantage de pays.
Une véritable unification européenne, sans parler des États-Unis d’Europe que le courant communiste révolutionnaire a toujours appelé de ses vœux, n’existeront que lorsque les travailleurs d’Europe prendront directement leur sort en main. L’ouverture des comptes, la publicité des secrets de la grande bourgeoisie à l’échelle européenne, serait un premier pas vers une véritable Union européenne, non pas l’Europe des bourgeois, mais l’Europe des travailleurs.
C’est pour toutes ces raisons que Lutte Ouvrière se présente à ces élections européennes, pour mettre en avant des revendications, des objectifs de lutte, dont nous pensons qu’ils devraient être celles de tous les travailleurs d’Europe ; et pour permettre à tous les travailleurs qui le souhaitent, ici, dans tout le pays, d’exprimer à la fois leur colère mais aussi leur conviction que le monde du travail ne doit pas baisser les bras.

Sur tout le territoire, les travailleurs sont appelés à s’exprimer ? Il faut qu’ils se saisissent de cette occasion pour le faire, surtout ne pas se taire et laisser la parole à leurs adversaires, au camp d’en face.

Il est probable que, comme lors des municipales, beaucoup d’électeurs des classes populaires exprimeront leur dégoût avec leurs pieds, c’est-à-dire en s’abstenant.

Mais s’abstenir, c’est se taire, s’abstenir, c’est tout simplement ne rien dire.

Et quel travailleur, quel chômeur, quel ouvrier ou employé retraité pourrait n’avoir rien à dire ?

L’abstention est une fausse solution qui peut, elle aussi, se retourner contre ceux qui l’utilisent. Car lorsqu’on ne dit rien, lorsque l’on se tait, on n’est pas maîtres de la façon dont ce sera interprété.

Par contre, personne, dans les grands partis bourgeois, personne ni à gauche, ni à droite, ni au FN, ne pourra s’approprier le vote pour Lutte Ouvrière !

Ce vote, ce sera le nôtre – ce sera celui des nôtres, le vote de la classe ouvrière, le vote des ouvriers et des employés aussi exploités dans les usines que dans les bureaux, le vote des chômeurs qui ne supportent plus d’être laissés au bord du chemin, le vote des retraités qui n’acceptent pas de survivre avec une pension de misère après des années de travail, le vote des mères de famille qui n’en peuvent plus de devoir restreindre chaque mois un plus les achats essentiels !

Et plus encore, ce ne sera pas seulement le vote des travailleurs, mais ce sera le vote des travailleurs conscients, ceux qui ne se font pas avoir, ceux qui ne pensent pas que la crise est la faute à l’Europe ou la faute aux immigrés ou aux Roms, ou la faute aux fonctionnaires, ou la faute aux plus pauvres qu’eux, mais que la situation que nous vivons, en France comme en Europe, est due au système capitaliste et à son caractère délirant, que les responsables de tous nos maux, ce sont les banquiers, les industriels, et les politiciens à leur service !

Les listes que nous présentons, dans les sept circonscriptions de métropole et, avec nos camarades de Combat ouvrier, dans la 8e circonscription d’Outre-mer, représentent le monde du travail. Nos candidats sont ouvriers, employés, enseignants, infirmières, cheminots, retraités ou sans emploi. Et nous, à Lutte Ouvrière, nous ne sommes pas comme bien des partis qui appliquent la parité parce que c’est obligatoire mais qui relèguent les femmes en fin de liste ! Sur nos huit listes, sept sont conduites par des femmes, et nous en sommes fiers !

Alors, camarades, dimanche 25 mai, il faut faire voter pour les listes Lutte Ouvrière. Pour montrer qu’il existe un courant ouvrier qui ne se résigne pas à accepter la crise comme une fatalité, qui estime que c’est à la bourgeoisie de payer la crise dont elle est responsable. Pour mettre en avant l’idée qu’il existe un courant, même minoritaire, qui pense que seules les luttes pourront renverser le cours des choses – et qui a une confiance inébranlable dans la capacité de la classe ouvrière à relever la tête et prendre son avenir en main !

Votez et faites voter Lutte ouvrière, pour dire que vous partagez l’idée que le monde du travail a mille fois le droit moral de protéger ses conditions de vie et de travail, de refuser de se laisser dépouiller pour enrichir les parasites capitalistes. Parasites, et je pèse mes mots ! Si vous regardez les listes que nous présentons dans ces élections, vous y verrez des gens qui sont tous, à un degré ou un autre, utiles dans la société – qu’ils soient instituteurs ou techniciens, dessinateurs ou employé d’hypermarché, laborantine, cuisinier ou enseignante, cheminot ou secrétaire. C’est en cela que nos listes sont représentatives du monde du travail, de ce nous continuons d’appeler le prolétariat, c’est-à-dire, comme disait Marx, ceux qui n’ont rien d’autre à perdre que leurs chaînes, parce qu’ils ne possèdent rien. Ce prolétariat, c’est cette classe sociale qui fait tout fonctionner, sans laquelle la société s’effondrerait. Imaginez que demain, en Europe, tous les capitalistes disparaissaient. La société ne s’en porterait que mieux ! Mais s’il n’y avait plus personne pour produire, pour conduire les trains, pour entretenir les avions, pour soigner les gens, pour travailler la terre, c’est le monde entier qui s’effondrerait, qui s’arrêterait, au sens propre, de fonctionner.

Alors, soyons fiers de porter dans ces élections les couleurs de la classe ouvrière, la seule classe utile et productive de cette société et, même si je serai malheureusement bien incapable de le dire dans toutes les langues d’Europe, je le dis haut et fort :

Vive la classe d’ouvrière de toute l’Europe !

Vive le communisme !