lundi 1 avril 2013

:: La classe capitaliste pousse les travailleurs vers la pauvreté et ruine la société... Comment s'y opposer ?


Après plus de huit mois de gouvernement socialiste, le slogan électoral de Hollande, "le changement c'est maintenant", apparaît pire qu'une phrase creuse; une cynique tromperie.
     Pour le monde du travail, pour la grande majorité de la population, pour tous ceux qui n’ont que leur travail pour vivre, l’année 2013 commence plus mal que n’a commencé 2012.
     Seules ont changé les têtes du président de la République, du Premier ministre et de ses acolytes du gouvernement. De hauts dignitaires de gauche ont remplacé leurs compères de droite dans les palais de la République, pendant que les familles ouvrières continuent à être poussées vers la pauvreté.
     Si personne dans le monde du travail ne regrette que Sarkozy ait été renvoyé dans ses foyers et que son parti offre le spectacle du duo ridicule Copé-Fillon, personne n'a de raison de se réjouir de l'arrivée d'une nouvelle équipe au gouvernement.
     Le chômage continue à augmenter. Les attaques du grand patronat contre les salariés se poursuivent en rafales.
     Les grandes entreprises continuent a annoncer les unes après les autres des plans de licenciements, des réductions d'effectifs, des fermetures d’usines. Les dirigeants politiques et les médias répètent comme des perroquets "compétitivité" et "dette à rembourser" pour couvrir les attaques des propriétaires et des actionnaires des grandes entreprises contre leurs salariés.
     Le gouvernement, de son côté, non seulement se contente de discours et de vaines agitations pour avoir l’air de s'opposer à l'hémorragie des licenciements, mais il contribue à supprimer des emplois dans les services publics. Et dans les secteurs où il ne réduit pas les effectifs, il ne revient pas sur les suppressions d'emplois du temps de Sarkozy.
     Une austérité de gauche a remplacé l'austérité de Sarkozy. Qui, dans le monde du travail, ne voit pas la pauvreté s’élargir et s’approfondir ?
    Nous avons prévenu dans la campagne présidentielle que la perspective d'un "bon gouvernement de gauche" était un leurre pour les travailleurs. Nous avons dit et répété : "Au fur et à mesure que la crise s'aggrave, la férocité de la bourgeoisie grandit et il y a de moins en moins de place pour un “bon gouvernement de gauche” qui, au moins partiellement, protégerait les travailleurs. Il n’y aura que des gouvernements de combat de la bourgeoisie".
     Eh bien, ce gouvernement de combat porte aujourd'hui une étiquette socialiste ! Hollande lui-même a parlé de "budget de combat". Oui, c’est un budget de combat mais un combat contre les travailleurs à qui il veut faire payer la crise.
     Dans le domaine économique, il n'y a pas à s’étonner que le gouvernement Hollande soit dans la continuité de Sarkozy. Dans cette société capitaliste dominée par l'argent et par le pouvoir des grands groupes financiers, les gouvernements sont et ne peuvent être que des "conseils d'administration des intérêts de la bourgeoisie". C'est tout l'appareil d'État, toute la hiérarchie des hauts fonctionnaires, qui sont profondément liés à la grande bourgeoisie, formés et dressés pour être à son service.
     Même sur les questions dites "sociétales", les dirigeants socialistes font preuve de lâcheté. Ce ne sont pas les pressions de la bourgeoisie qui forcent le gouvernement à mener la chasse aux Roms ou aux immigrés sans papiers dont beaucoup vivent et travaillent en France depuis des années. On ne peut pas dire que le droit de vote des immigrés préoccupe particulièrement les possédants. Pourtant, depuis Mitterrand en 1981 qui, en tant que candidat, avait déjà dans son programme le droit de vote aux élections municipales des immigrés vivant et travaillant en France, à chaque fois que les socialistes arrivent au pouvoir, ils enterrent cette promesse. 

*  *  *

     Le chômage a dépassé les trois millions de travailleurs, même dans les statistiques officielles. Ce qui signifie le double si l’on tient compte de tous ceux qui n’ont qu'une activité précaire mal payée ou qui sont trop découragés pour continuer à pointer à Pôle emploi et qui ne figurent plus dans les statistiques. Chaque chômeur sait qu'à partir d'un certain âge, ses chances de retrouver un travail même plus mal payé sont de plus en plus réduites. Et la durée du chômage s’allonge. Quant aux jeunes en âge de travailler, ils mettent de plus en plus de temps à trouver un premier emploi. Bien contents s'ils peuvent, en galérant de mission d’intérim en petit boulot, gagner assez d’argent pour survivre.
       Le chômage ronge la société comme un cancer. Il n'y a pas que les familles atteintes qui en paient le prix. Dans les quartiers populaires, la pauvreté monte de façon visible. Combien de familles ne s’en sortent que grâce aux Restos du cœur ? Le Secours populaire, le Secours catholique ou les Restos du cœur ont rarement joué un rôle aussi indispensable. Et la pauvreté, en se généralisant, entraîne le cortège habituel d'incivilités, d'insécurité, de trafics illégaux en tout genre et de violences.
      Pourquoi tout cela ? Comment se fait-il que le changement de gouvernement n'a rien changé sur le fond?
     Et, surtout, que faire pour se défendre ? Que faire pour faire prévaloir les intérêts des classes exploitées?
       Voilà à quoi est consacrée cette brochure de Lutte Ouvrière.
      Lutte Ouvrière a présenté à l'élection présidentielle la candidature de Nathalie Arthaud qui a pris le relais d'Arlette Laguiller en tant que porte-parole. Elle a également présenté des candidats aux élections législatives pour défendre une politique partant des intérêts de la classe des exploités, et seulement de ceux-là.
     Lutte Ouvrière ne fait pas partie de la majorité présidentielle. Elle est dans l’opposition sans ambiguïté. Elle était dans l'opposition aux gouvernements de droite sous Chirac ou Sarkozy. Elle reste dans l'opposition au gouvernement Hollande-Ayrault.
     Mais l'opposition de Lutte Ouvrière est aux antipodes de celle que représentent la droite et l'extrême droite. Elle ne combat pas seulement le gouvernement. Elle combat surtout l’ordre social actuel dans lequel une petite classe de riches capitalistes impose sa dictature à tous ceux qui travaillent et qui créent des richesses, et à toute la société.


Une société divisée en classes sociales aux intérêts opposés

     La société actuelle apparaît a première vue comme une société très complexe : une multitude de métiers, une très grande variété de niveaux de revenus, de multiples formes de relations économiques et sociales, une très grande diversité dans la situation sociale des uns et des autres. En réalité, pour extrêmement bigarrée qu'elle puisse paraître, toute la société est articulée autour de deux grandes classes sociales.
     Au sommet, il y a la bourgeoisie avec, tout en haut, la grande bourgeoisie, qui dispose des capitaux, détient, individuellement ou par le biais de toutes sortes de sociétés anonymes, la propriété des usines, des banques, des grandes chaînes de distribution, d”une grande partie du sol, et domine entièrement l'économie. Du fait de son monopole sur les moyens de production, la classe capitaliste s'approprie toute la production, résultant pourtant de l'activité collective de tous les travailleurs. La production sociale est transformée en permanence en propriété privée. La bourgeoisie et ses idéologues considèrent que ce sont les capitalistes qui « donnent du travail » aux salariés et donc le salaire qui va avec. En réalité, le salaire ne représente qu'une partie de la valeur créée par le salarié pendant sa journée de travail. La majeure partie de cette valeur est empochée par le capitaliste. C'est ce mécanisme, l'exploitation, qui est à la base du fonctionnement de l'économie capitaliste. C'est cette exploitation qui donne aux possesseurs de capitaux à la fois les moyens de vivre dans le luxe, hôtels particuliers, automobiles haut de gamme, yachts et jets privés, et le pouvoir de décider ce qu'on produit et comment.
     À la base de la société, il y a ceux qui ne disposent pas de capitaux et ne possèdent que quelques biens personnels péniblement acquis : un logement, une voiture, à usage personnel ou familial. biens qui ne leur donnent aucun pouvoir sur quiconque. Ceux-là constituent la grande majorité de la population, ils n'ont rien d'autre pour vitre que leur force de travail, leurs muscles et leur intelligence qu'ils sont obligés de vendre à ceux qui possèdent les capitaux pour toucher un salaire. Et lorsqu'ils perdent leur emploi, ils perdent tout.
     Entre les deux, il y a ceux qui possèdent un petit capital, une parcelle de terre, une boutique, un garage, un atelier, un bateau de pêche ou un camion, mais qui travaillent eux-mêmes. En raison de ce petit capital, ils croient souvent qu'ils sont indépendants et qu'ils échappent à l`exploitation. C'est en général une idée fausse car une partie de la valeur qu'ils créent leur est volée par les grandes chaînes de distribution pour les uns, par les grandes entreprises donneuses d'ordre pour les autres, et par les banques pour tous. L'économie capitaliste est une jungle où les plus faibles sont menacés par les plus forts. Et si bien des commerçants, hôteliers ou restaurateurs aisés, bien des artisans ou petits entrepreneurs dont les affaires vont bien, se sentent supérieurs aux prolétaires qu'ils méprisent souvent, il suffit d'un soubresaut de la crise pour que certains d'entre eux, ruinés, n'aient pas d'autre choix que de rejoindre les rangs des salariés.
     Ce sont cependant les deux premières classes, la classe des capitalistes et des bourgeois, et la classe ouvrière, celle des prolétaires, qui constituent les deux pôles de l'organisation sociale. Deux pôles qui, tout en étant aux antipodes, sont interdépendants en ceci que la bourgeoisie capitaliste qui monopolise les moyens de production, les entreprises, est en situation d'exploiter ceux qui n'ont pas d'autre choix que de vendre leur force de travail pour survivre.
     Il y a de temps en temps des individus qui parviennent à acquérir de l'argent et à échapper à leur condition d'exploités. Comme il peut arriver qu'un capitaliste par suite d'une faillite puisse être ruiné et se retrouver dans l'obligation de chercher du travail et finir par subir l'exploitation.
     Mais ces destins individuels, s'ils permettent à certains d'échapper à leur condition d'origine, ne changent rien à l'existence des deux principales classes sociales aux intérêts opposés.
     Cette opposition d'intérêts peut se manifester par des relations paternalistes entre patrons capitalistes et salariés. Elle peut prendre des formes plus violentes. Mais elle est permanente, même lorsque les exploités n'en ont pas conscience.
     Un patron capitaliste n'a pas besoin d'avoir fait des études d'économie ou de sociologie pour savoir que plus les salaires de ses ouvriers sont bas, plus longtemps ils acceptent de travailler à un rythme soutenu, plus ses profits augmentent.
     Lorsque les affaires marchent bien, d'autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte : le désir, par exemple, de garder ses meilleurs ouvriers plutôt que de les pousser à demander du travail chez un concurrent, ou l'envie de préserver la paix sociale dans son entreprise. Cela peut jouer en faveur des salariés.
     Mais les périodes de crise, comme celle que l'économie capitaliste traverse depuis plusieurs années, ont pour effet d'aggraver les relations entre patrons capitalistes et ouvriers salariés. Lorsque les patrons ne peuvent accroître leurs profits en augmentant leurs ventes grâce au développement du marché, ils sont inévitablement poussés à récupérer leur manque a gagner au détriment des travailleurs.
     Il n'y a pas besoin d'agitateur pour prôner la lutte de classe, ce sont les possédants, les grands patrons, qui la mènent.
     La seule question qui vaille pour les exploités est de savoir s'ils acceptent, résignés, les coups que leur portent ceux qui dominent la société ou s'ils se battent pour leur droit à une existence digne.

Derrière les figurants de la caste politique, le pouvoir du capital et de ceux qui le possèdent

     Du fait du poids social que lui donne son argent. la bourgeoisie ne domine pas seulement l'économie, mais aussi toute la société. Elle domine l'appareil d'Etat. Elle domine la politique. Et les différents partis à l'intérieur de la caste politique constituent autant d'équipes à sa disposition.
     Le système de démocratie parlementaire a ceci d'avantageux pour la bourgeoisie qu'elle peut mettre sur le devant de la scène politique des écuries portant des casaques différentes pour donner à l'électorat un choix et l'illusion que le pouvoir est entre ses mains puis qu'il suffit de « bien voter » pour démettre le résident de la République ou la majorité parlementaire et pour les remplacer par un président nouveau et une équipe gouvernementale nouvelle.
     Ici, en France, bien que les partis soient nombreux. ce sont deux coalitions de partis, l'une de droite et l'autre de gauche qui assurent depuis des décennies l'alternance au pouvoir. L'opposition entre les deux coalitions contribue à dissimuler une autre opposition, bien plus fondamentale : l'opposition sociale entre la bourgeoisie et la classe ouvrière.
     Par-delà les aléas des élections, la bourgeoisie a une multitude de moyens pour s'assurer que, dans le cadre des institutions politiques existantes, ne puissent parvenir à la présidence de la République, aux postes de ministres et de Premier ministre que des hommes et des femmes qui se consacrent à assurer au mieux le fonctionnement de l'économie capitaliste et qui gouvernent en fonction des intérêts de la classe privilégiée.
     On l'a vu aux deux élections, présidentielle et législatives. qui viennent d'avoir lieu. Sarkozy était tellement ouvertement le président des riches que l'aspiration à se débarrasser de lui a occulté tout le reste. Mais il a suffi qu'il soit « chassé » pour que l'on se rende compte que les véritables responsables de la vie économique, des licenciements aux fermetures d'entreprises en passant par les bas salaires, les patrons et les propriétaires des grandes entreprises, restent en place. Les exécutants ont été chassés, mais pas les donneurs d'ordre !
     C'est pourquoi, si l'aspiration à se débarrasser de Sarkozy était normale et légitime de la part de ceux qui étaient les victimes de sa politique, les politiciens dont le programme s'est limité à « chasser Sarkozy » sont des escrocs politiques.
     Car chasser Sarkozy, c'était voter, au moins au second tour, pour Hollande. À la place d'une écurie politique arrive une autre, tout aussi dévouée à la bourgeoisie et à ses intérêts et, par les temps qui courent, au grand capital financier.
     Certes, le langage de Hollande est différent de celui de Sarkozy. Comme est différente son appartenance à un parti qui se dit socialiste et qui, par son nom hérité d'un passé lointain, se réfère au mouvement ouvrier.
     Mais les deux hommes sont des hommes politiques de la bourgeoisie, formés comme tels dans les mêmes grandes écoles, formatés dans les mêmes institutions politiques. Leurs équipes respectives se côtoient en permanence à l'Assemblée nationale, au Sénat, ou dans les autres institutions de la bourgeoisie. Lors des alternances politiques, ils se succèdent dans les mêmes bureaux ministériels et travaillent avec les mêmes hauts fonctionnaires inamovibles qui leur préparent les dossiers. Les ministres passent au gré des aléas de la politique, mais les ministères restent. Même lorsqu'il y a une alternance politique, elle s'exprime surtout dans la cérémonie de la passation de pouvoir. Pour le reste, c'est la continuité dans le changement.
     Par intérêt, par carriérisme, par idéologie, par inclination personnelle ou par leurs origines, les membres de la caste politique qui ont une chance d'accéder à de hautes responsabilités sont liés aux milieux des bourgeois petits ou grands. Leur carrière se mesure souvent par le niveau de leurs relations dans la hiérarchie sociale: des notables locaux aux Dassault, Bettencourt, Bolloré, Lagardère et bien d'autres.
     L'opposition politique a Sarkozy « président des riches » ne fait pas de Hollande un défenseur des pauvres. Dans l'opposition, le PS pouvait encore se permettre de marquer sa différence. Mais une fois à la tête de l'État, les dirigeants du PS n'ont pas le droit de mener une autre politique que celle exigée par les possédants.
     À l'époque où l'économie se portait bien, où les usines tournaient rond, produisant des marchandises diverses et surtout beaucoup de profits pour leurs possesseurs, la bourgeoisie pouvait concéder de temps en temps quelques améliorations aux travailleurs. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
     Ce que les patrons appellent « compétitivité », c'est sortir toujours plus de production avec toujours moins de travailleurs et plus mal payés. Ceux qui reprennent à leur compte le mot        « compétitivité » et la réalité qu'elle recouvre montrent par là-même qu'ils sont dans le camp des possédants capitalistes, qu'ils soient hommes politiques de droite ou de gauche, voire... dirigeants syndicaux.

L'économie capitaliste : injuste et irrationnelle

     La crise actuelle illustre le fait que l'économie capitaliste n'est pas seulement injuste, mais aussi complètement irrationnelle.
     lnjuste parce que son fonctionnement nécessite de créer la misère pour le plus grand nombre afin d'accumuler du profit pour une minorité. Mais elle est aussi irrationnelle, car les progrès scientifiques et techniques, c'est-à-dire l'accroissement incessant de la productivité grâce aux moyens modernes, au lieu de se traduire par l'amélioration des conditions d'existence des hommes, se traduisent par des crises périodiques où, d'un seul coup, la production ralentit ou recule, où le chômage s'accroît ainsi que la pauvreté, sans qu'aucune catastrophe naturelle - tremblement de terre, tsunami, cyclone, inondation, épidémie - en soit à l'origine. L'économie s'étouffe par périodes non par manque, mais par abondance de produits pour lesquels il n'y a pas de clientèle solvable.
     Voilà les deux raisons fondamentales pour lesquelles nous nous revendiquons du communisme, de ce courant du mouvement ouvrier dont l'origine remonte aux idées du socialisme scientifique, formulées pour la première fois il y a plus d'un siècle et demi dans le Manifeste du parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels.
     Nous avons la conviction que les progrès fantastiques de la science et l'énorme puissance des techniques modernes permettraient de produire harmonieusement pour l'humanité entière en respectant les hommes et l'environnement.
     La condition préalable d'une telle organisation sociale est d'arracher à la bourgeoisie son pouvoir politique et sa mainmise sur les richesses et les moyens de les produire.
     En supprimant la propriété privée des moyens de production, la société pourrait mettre fin à la course au profit individuel, à la concurrence et aux crises. Elle pourrait produire en fonction de plans consciemment établis, à l'échelle mondiale dans certains domaines, à l'échelle régionale ou locale dans d'autres. La collectivité contrôlerait tout le processus, interdisant ainsi à une poignée de profiteurs de décider ce qu'on doit produire, quand, comment, avec qui et a quel prix, uniquement en fonction de ce qu'ils espèrent gagner à titre privé.
     C'est alors, et alors seulement, que l'humanité pourrait maîtriser son économie et produire pour satisfaire les besoins de tous en fonction des possibilités de l'époque.

Les responsables de la crise actuelle


     La recherche du profit privé est le moteur de l'économie capitaliste. Les possesseurs de capitaux, poussés à les placer où cela rapporte le plus, se sont, au fil des ans, de plus en plus détournés des investissements productifs, c'est-a-dire de la création d'usines, de l'achat de machines et de l'embauche de travailleurs supplémentaires, pour se livrer à des placements financiers qui rapportent plus.
     La concurrence autour des placements financiers génère des crises financières qui ébranlent l'économie depuis plusieurs années. Ce qu'on appelle «crise de l'euro›› est le dernier en date des rebondissements de ces crises financières. Elle réside en dernier ressort en ceci : lors du soubresaut financier précédent, en 2008, le système bancaire s'est retrouvé, à force de spéculations, au bord de la faillite. Les États sont venus massivement à son secours. Ils ont emprunté auprès des marchés financiers, c'est-à-dire auprès des groupes financiers (fonds de placements, fonds spéculatifs, etc.), ainsi qu'auprès des mêmes banques qu'ils venaient de renflouer, des sommes considérables. Tout cela a conduit à l'endettement de tous les États, en particulier ceux de la zone euro qui ont tous en commun cette monnaie.
     Mais, lorsque certains États de la zone euro ont commencé à avoir des difficultés à payer leurs échéances, les possesseurs de capitaux se sont mis à spéculer sur la capacité de chacun des États a rembourser sa dette et en ont augmenté le taux d'intérêt en fonction de cette capacité supposée.
     Plus un État est en difficulté, plus les banques, qui disposent de l'argent de toute la classe capitaliste pour spéculer, exigent un taux d'intérêt élevé. Mais plus ce taux d”intérêt étrangle l'État à qui les banques prêtent, plus augmente le risque que l'État de plus en plus appauvri ne
puisse pas rembourser. Il en résulte depuis deux ans des mouvements de capitaux erratiques. Les possesseurs de capitaux déplacent leur argent en fonction du taux d'intérêt espéré, mais aussi en fonction du risque de ne pas être remboursés.
     C'est la Grèce qui a été le premier pays à se retrouver dans cette situation. Tous les bien-pensants expliquaient alors que c'était la faute aux Grecs qui, tels la cigale de La Fontaine, ne travaillaient pas assez et s'étaient endettés. Et si les exigences du capital financier et la politique d'austérité qu'il a imposée à, l'État grec ont transformé ce pays en champ de ruines, où le chômage s'est envolé, où l'activité économique a brutalement reculé, où les salaires et les retraites ont été amputés, les mêmes bonnes âmes disaient, ou au moins suggéraient, que c'était la punition du comportement des Grecs eux-mêmes.
     Puis le même fléau s'est abattu sur d'autres États: l'Irlande et le Portugal. Depuis quelque temps, voila que deux pays bien plus grands, à l'économie bien plus vaste, l'Espagne et l'Italie, sont atteints du même mal: « ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés ››. Et personne ne garantit que demain ce ne sera pas le tour de la France.
     Plus l'économie devient chaotique dans un grand nombre de pays européens, plus cela élargit le champ de la spéculation. Les milieux financiers parient sur les États, comme au tiercé on parie sur des chevaux. A ceci près que si ces paris rapportent gros aux gagnants, aux banques et aux importants capitaux qui ont été placés, ils ruinent l'économie et surtout les conditions d'existence des classes populaires.
     Mais les banquiers veulent le beurre et l'argent du beurre. Ils recherchent les placements qui rapportent le plus, mais comme ce sont aux États les plus pauvres qu'ils peuvent prêter le plus cher, ils veulent quand même que les États d'Europe les plus à l'aise prennent en charge, au moins en partie, le remboursement de leurs prêts.
     Voilà la raison pour laquelle les chefs d'État sont mobilisés et que les sommets succèdent aux sommets. Il y en a eu dix-neuf, rien qu'au cours des deux dernières années! Après chacun de ces sommets, les dirigeants qui y participaient se sont flattés d'avoir réglé le problème... avant de convoquer un nouveau sommet !
     En fait, les dirigeants du monde capitaliste, si puissants qu'ils paraissent, montrent seulement qu'ils ne maîtrisent absolument pas la vie économique et que ceux qui commandent sont ce qu'ils appellent les « marchés financiers ››, c'est-a-dire le grand capital financier.
     En quoi cela concerne-t-il les exploités qui ne disposent pas de capitaux et qui n'ont rien à gagner à ces mouvements spéculatifs ?
     Cela les concerne par ce qu'ils ont à y perdre. Car, pour rembourser leurs dettes, qui s'accroissent des intérêts, les États se retournent contre leur population et lui imposent des économies sur les services publics, sur la protection sociale, sur les retraites.
     Ainsi donc, les travailleurs sont doublement pressurés. Ils le sont par l'exploitation qui s'aggrave, les patrons cherchant systématiquement à faire exécuter plus de travail par moins d'ouvriers plus mal payés. Mais ils le sont également par l'État qui se fait huissier et gendarme en même temps pour imposer des politiques d”austérité qui consistent toutes a prendre aux classes populaires ce que l'État donne aux banques pour leur payer les intérêts et les échéances des emprunts.

Les travailleurs sont-ils condamnés à subir ?


     Oui, s'ils font confiance aux hommes politiques de la bourgeoisie.
     Non, s'ils ne comptent que sur leur propre force et sur leur action collective.
     Bien sûr, le niveau élevé du chômage affaiblit les travailleurs. Ceux qui, licenciés, en sont à pointer à Pôle emploi se sentent à juste raison désarmés. Quant à ceux qui ont du travail, ils savent que leur emploi est menacé.
     Mais, en même temps, l'économie continue à fonctionner, et elle fonctionne grâce aux millions de travailleurs qui font tourner les chaînes de production, qui font circuler les trains, qui tiennent les caisses des supermarchés. C'est grâce à ce travail que les entreprises dégagent du profit pour leurs propriétaires et actionnaires, mais aussi pour les banques et, au moins indirectement, pour toute la classe capitaliste. Les mêmes travailleurs qui font marcher la pompe à profits peuvent aussi l'arrêter.
     Toutes les grosses têtes du capitalisme, des économistes aux journalistes et aux politiques, propagent l'idée que ce sont les travailleurs qui ont besoin des patrons capitalistes qui leur      « donnent du travail ››. Rien de plus faux ! Ce sont les capitalistes qui ont besoin des travailleurs sans le travail desquels ils perdraient leurs profits et leurs privilèges.
     En fonction des fluctuations irrationnelles de leur économie, les capitalistes peuvent considérer qu'il est profitable de mettre à la porte de leurs entreprises une fraction plus ou moins importante des travailleurs qu'ils exploitent, transformés ainsi en chômeurs. Mais ils ne peuvent pas se passer de tous.
     C'est bien pourquoi le combat contre le chômage est l'affaire de la classe ouvrière dans son ensemble, et pas des seuls chômeurs ou de ceux qui sont menacés de le devenir.
     C'est aussi pourquoi est indispensable l'unité de tous les travailleurs, de ceux qui ont un emploi et de ceux qui n'en ont pas, et tous ceux qui cherchent à les opposer les uns aux autres sont des ennemis du monde du travail.
     Par leur nombre comme par leur présence dans tous les rouages de la vie économique, les travailleurs représentent une puissance sociale. Mais cette puissance sociale ne peut être que collective. Seul, un travailleur est désarmé devant son patron, comme devant la puissance de l'État. Collectivement, l'ensemble des travailleurs peut imposer ses exigences au patronat comme au gouvernement.

Les travailleurs n'ont pas à servir de chair à canon dans la guerre entre capitalistes, ils doivent se battre pour leurs intérêts vitaux


     Personne ne maîtrise la crise actuelle de l'économie capitaliste, ni les capitalistes, ni les banquiers, et encore moins leurs serviteurs, fussent-ils dirigeants d'État. Ils le savent eux-mêmes et leurs discours rassurants à l'attention des populations ne sont que rideau de fumée. La crise a déclenché un sauve-qui-peut général. Le capitalisme est une guerre économique permanente mais la crise la porte à un niveau sans précédent.
     Ce qui est une catastrophe pour les populations est en même temps une aubaine pour les groupes capitalistes les plus puissants, qui en profitent pour avaler leurs concurrents et pour s'agrandir. C'est la guerre entre capitalistes d'un même secteur, entre donneurs d'ordre et sous-traitants, entre agriculteurs et grande distribution. Une guerre ou les gros mangent les petits. Dans cette jungle économique chacun se bat pour sauver sa peau au détriment des autres.
     Mais dans cette guerre de tous contre tous, c'est la guerre de classe qui prédomine. Parce que c'est en dernier ressort sur le dos des travailleurs qu'ils peuvent tous, gros comme petits, récupérer les profits qu'ils perdent dans la guerre économique.
     Au bout du bout, il y a un intérimaire ou un CDD que l'on peut renvoyer, des travailleurs que l'on peut mettre sous pression pour qu'ils ne comptent pas leurs heures, pour qu'ils acceptent n'importe quel horaire, pour qu'ils fassent le travail de deux. Et quand cela ne suffit pas au patron pour « être compétitif » comme ils disent, ils taillent dans le vif, réduisent les effectifs ou ferment une usine.
     Cette compétitivité dont on nous rebat les oreilles est l'expression de la concurrence, de la guerre entre capitalistes pour se disputer des marchés et le profit qui va avec, mais ils la mènent avec la peau des travailleurs. Dans cette guerre, les travailleurs n'ont pas à servir de chair a canon. Ils doivent mener leur propre combat pour défendre leur emploi et le pouvoir d'achat de leur salaire.
     La compétitivité a toujours été l'argument massue du patronat, généralement pour abaisser les salaires directs ou ces salaires indirects que sont les cotisations sociales. Depuis qu'elle est au pouvoir, l'équipe socialiste a repris à son compte le discours patronal. Au nom de cette compétitivité, le gouvernement a décidé un crédit d'impôt correspondant à un allègement de 20 milliards par an des cotisations sociales des patrons. Beau cadeau quand le gouvernement répète sur tous les tons que les caisses sont vides et qu'il faut faire des économies !
     Alors, nous devons en être conscients : rien ne permet d'espérer que la crise soit en train de se résorber. Peut-être même le pire est-il encore à venir et n'avons-nous encore rien vu. Dans cette guerre, si nous ne voulons pas être piétinés, si nous ne voulons pas voir notre salaire ou notre retraite divisés par deux comme en Grèce, si nous ne voulons pas nous retrouver sans boulot et à devoir aller toujours plus nombreux à la soupe populaire comme en Grèce ou en Espagne, il va falloir se battre avec nos propres armes de classe, les grèves et les manifestations.

S'organiser pour se défendre

     Pour agir collectivement, pour défendre leurs revendications matérielles face à leurs patrons, les travailleurs ont besoin d'être organisés.
     Dans un passé lointain, la classe ouvrière a inventé les syndicats. Les organisations syndicales ont pratiquement deux siècles d'histoire derrière elles, une histoire marquée par des combats héroïques, des succès, mais aussi des défaites.
     Leur ambition était de défendre les intérêts ouvriers dans le cadre du capitalisme. Agissant dans ce cadre, soumis tantôt à la répression, tantôt à la corruption et souvent à un mélange des deux, les organisations syndicales gardent un pied dans la classe ouvrière au travers des militants ouvriers qui agissent dans leurs entreprises. Mais par leurs sommets et leurs appareils, les syndicats se sont intégrés dans l'ordre bourgeois. Leurs dirigeants participent à toutes sortes d'institutions de la bourgeoisie et font leur métier de la négociation avec le patronat et le pouvoir politique. Et, s'ils se posent en avocats de la cause des travailleurs, ils sont devenus un élément de stabilité de la société actuelle.
     Comment ne pas parler de la politique actuelle des confédérations syndicales ? Il s'agit des directions centrales des appareils syndicaux, pas des militants des syndicats qui mènent sur le terrain un combat difficile et parfois désespéré contre des licenciements ou contre la fermeture de leur usine. Leur combat est d'autant plus difficile qu'il est mené entreprise par entreprise, isolées les unes des autres, et surtout dans un rapport de forces défavorable aux travailleurs avec, d'un côté, un patron fort de ses capitaux, voire une multinationale, et, de l'autre, des travailleurs dont le patron n'a plus besoin et dont il veut se débarrasser.
     Les militants sincèrement dévoués à leur classe sociale ont des raisons de se sentir trahis et en tout cas abandonnés par les directions syndicales.
     La plus puissante des directions syndicales n'a certes pas la capacité de déclencher la riposte ouvrière ayant l'ampleur nécessaire. Mais si elles représentaient réellement les intérêts des travailleurs, elles devraient la préparer. Elles devraient avoir une stratégie de lutte claire. Et cela commence par dire la vérité aux travailleurs : à savoir qu'en cette période de crise, il n'y a rien d'autre à attendre du patronat et du gouvernement que des coups et qu'il n'y a pas d'autre voie pour préserver les conditions d'existence des travailleurs que la lutte collective. Proposer des actions qui remontent le moral de ceux qui hésitent et qui leur donne envie d'en entraîner d'autres. Montrer par la propagande comme par l'action que tous les travailleurs ont les mêmes intérêts face au grand patronat, que les temps ne sont plus au sauve-qui-peut individuel, aux corporatismes, mais qu'aux forces de la classe exploiteuse, il faut opposer la force collective des exploités.
     Beaucoup de choses pèsent sur le moral des travailleurs, et avant tout le chômage. Pèsent aussi les déceptions du passé, en particulier celles engendrées par les reniements des gouvernements de gauche. Mais la politique, l'attitude, le langage des directions syndicales peuvent dans une certaine mesure contrebalancer ou au contraire aggraver l'idée que les patrons tiennent le bon bout et qu'il n'y a rien à faire.
     Non seulement aucune des directions syndicales n'a l'attitude visant à redonner moral et combativité au monde du travail, mais au contraire toutes font mine de prendre au sérieux les mensonges du patronat, estampillés par le gouvernement, selon lesquels patrons et travailleurs sont dans le même bateau et qu'il faut qu'ils se mettent d'accord par le « dialogue social ››. Par
là même, au lieu d'inspirer confiance dans la lutte aux militants, et par-delà à l'ensemble des travailleurs, elles les désarment. Elles cautionnent la politique de négociation à une période où il est patent que le patronat ne veut rien négocier si ce n'est des mesures qui aggravent la situation des travailleurs. Elles font leur le discours du gouvernement qui parle de « partenaires sociaux ››. Partenaires, les travailleurs des aciéries de Florange et Lakshmi Mittal qui les jette dehors ? Partenaires, la famille Peugeot et les onze mille travailleurs dont elle se prépare à supprimer l'emploi?
     S'il ne se crée pas par la lutte un rapport de forces favorable aux travailleurs, l'unique aboutissement du « dialogue social » ne peut être qu'imposer, avec la bénédiction des directions syndicales, les intérêts des seuls capitalistes comme l'intérêt de toute la société. La « négociation sociale » que Hollande présente comme un évènement historique vise seulement à obtenir la caution des directions syndicales pour des mesures comme la flexibilité, plus de facilités pour licencier, la diminution ou la suppression des quelques rares garanties que la loi et les accords collectifs assurent encore aux travailleurs.
     Bien que les intentions du grand patronat soient claires, comme est claire la complicité du gouvernement, pas un dirigeant syndical n'a claqué la porte des négociations, même pas au moment où Hollande annonçait son plan d'austérité, même pas momentanément pour faire un geste politique afin de montrer à l'opinion publique qu'on ne lui faisait pas avaler n'importe  quoi !
     Les organisations syndicales, ce ne sont pas seulement des directions coupées du monde du travail, ce ne sont pas seulement des appareils préservant surtout leur propre existence, ce sont surtout les militants qui, dans leurs entreprises agissent comme ils peuvent pour leur classe. Le chemin de la reprise de la combativité ouvrière passe par la volonté de cette base militante de discuter, de critiquer, de contrôler les directions qui prétendent parler en son nom.

La nécessité d'un parti pour représenter les intérêts politiques des travailleurs


     Pour défendre leurs intérêts politiques, les travailleurs se sont donné dans le passé des partis politiques. Les dénominations de « parti socialiste ›› et « parti communiste ››, que ces partis portent encore, indiquent qu'à leur origine, ces partis avaient pour perspective le renversement de l'ordre capitaliste et son remplacement par une société sans exploitation. Dès leur naissance, dans la deuxième moitié du 19ème siècle pour l'un, à partir de la révolution russe de 1917 pour l'autre, ils menèrent leurs combats au nom de l'émancipation des travailleurs par la révolution sociale.
     L'histoire est passée. Le Parti socialiste d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec le parti ouvrier qu'il était dans ses premières années. Il est devenu un parti qui, comme les partis de droite mais avec un autre langage, gère au gouvernement les affaires de la bourgeoisie.
     Le Parti communiste français n'est plus, lui non plus, un parti qui vise à changer la société. Venu plus tard que le PS dans les allées du pouvoir, tout au plus a-t-il eu longtemps l'ambition de s'élever contre les tares les plus criantes de la société capitaliste, mais sans agir vraiment contre leurs causes !
     Depuis quelques années d'ailleurs, et notamment aux dernières élections, le PCF a masqué jusqu'à son qualificatif « communiste ›› pour apparaître sous la dénomination plus innocente de « Front de gauche ››, et s'est aligné derrière un ex-ministre et ex-sénateur du PS, Mélenchon.
     Il n'y a plus aujourd'hui de grands partis qui défendent réellement les intérêts politiques des exploités.
     Cette transformation des partis ouvriers d'antan est à la base du désintérêt à l'égard de la politique d'un nombre croissant de travailleurs qui ne se reconnaissent plus dans aucun parti. Lors des dernières élections présidentielle et législatives, l'abstention a été élevée et s'est manifestée surtout dans des villes ou des quartiers populaires. Mais, plus encore que l'abstention, le fait significatif des dernières élections a été que l'électorat ouvrier s'est dispersé sur tout l'échiquier politique, de l'extrême gauche révolutionnaire pour une toute petite minorité à l'extrême droite lepéniste, en passant par Mélenchon et Hollande.
     Ce désintérêt de la politique, cette dispersion des votes ouvriers entre des formations dont la quasi-totalité se place sur le terrain du capitalisme, arrangent les affaires de la bourgeoisie capitaliste.
     À bien plus forte raison, la bourgeoisie ne peut que se réjouir si une partie des électeurs du monde ouvrier est attirée par le Front national et par les partis qui véhiculent des idées réactionnaires et des préjugés aux antipodes des valeurs du mouvement ouvrier.
     Que l'électorat ouvrier se détourne des marchands d'illusions de la caste politique est une chose. Qu'il rejette la politique, cela en est une autre. L'apolitisme exprime la pression de la classe dominante sur les classes exploitées.
La classe ouvrière ne parviendra à se défendre efficacement dans la période qui vient, marquée par la crise et par l'agressivité de la bourgeoisie capitaliste, qu'en opposant aux différentes nuances politiques de la bourgeoisie une politique correspondant aux intérêts des travailleurs.


La nécessité du parti pour les luttes à venir


     La crise actuelle a déjà considérablement appauvri le monde du travail. Elle risque de s'aggraver dans la période à venir. Il y aura inévitablement des explosions sociales. Mais seul un parti capable d'unifier les luttes, de leur donner des buts politiques communs qui soient réellement l'expression des besoins des travailleurs, des exploités et de la population en général, permettra de remporter des victoires qui ne soient pas sans lendemain.
     Un véritable parti ayant le poids de défendre les exploités doit pouvoir être présent partout, dans les grandes entreprises, dans les quartiers populaires. Il doit avoir partout des femmes et des hommes qui partagent ses idées et son programme et qui soient en même temps profondément liés à la population laborieuse, qui participent à sa vie quotidienne, informés de ses aspirations et capables d'en informer le parti.
     Pour pouvoir réellement peser aussi bien sur la vie politique nationale que sur la vie politique locale ou régionale, il faudrait des dizaines de milliers de femmes, d'hommes, de jeunes qui militent pour la même politique et les mêmes idées : à commencer par la conscience d'appartenir à une même classe ouvrière, quelles que soient son origine, sa nationalité, quelle que soit sa situation juridique à l'égard des lois de la bourgeoisie, quels que soient son métier ou sa corporation, que l'on soit en activité ou au chômage. Des femmes et des hommes qui partagent la fierté d'appartenir à une classe sociale qui produit et fait vivre toute la société, contrairement aux riches parasites qui s'érigent en élites alors qu'ils ne font rien d'utile. Des femmes et des hommes qui ont la conviction chevillée au corps que la classe ouvrière est la seule classe sociale qui a la force de renverser le pouvoir de la bourgeoisie et qui, en s'émancipant, émancipera toute l'humanité en construisant un autre ordre social qui ne soit plus fondé sur les intérêts privés de quelques-uns mais sur l'intérêt collectif.
     Il faut un parti qui, face à la loi de la jungle du capitalisme, au chacun-pour-soi, véhicule les idéaux du mouvement ouvrier révolutionnaire : la fraternité entre travailleurs, l’internationalisme.
Voilà le parti qui manque. Se donner un tel parti est une nécessité pour faire face efficacement non seulement aux attaques du patronat, mais aussi aux problèmes politiques qu'une période de crise et d'agitation sociale est susceptible de provoquer.

Les objectifs face au chômage et à la baisse brutale du pouvoir d'achat

     Une des premières revendications qui concernent absolument tous les travailleurs doit être l'interdiction des licenciements collectifs et la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire.
     Contrairement aux criailleries des bourgeois et des économistes à leurs ordres, ce n'est utopique que si l'on considère que les revenus de la classe capitaliste et sa fortune sont intouchables.
     Cette « utopie ››-là peut devenir une réalité si les luttes collectives imposent aux possédants de donner réellement la priorité au maintien ce l'emploi en imposant aux groupes industriels et financiers de le financer sur leurs profits, sur les revenus de leurs gros actionnaires et, au besoin, sur la fortune de ces derniers.
     Combien d'emplois pourraient être financés sur la fortune de la seule madame Bettencourt ou des seuls Arnault, Dassault ou Bolloré ? Et les dividendes distribués aux milliardaires de la famille Peugeot ne seraient-ils pas mieux utilisés s'ils servaient à maintenir l'emploi des 11000 travailleurs menacés de la société Peugeot-Citroën, en répartissant le travail entre tous?
     Quant à l'État, plutôt que de racketter toute la population au profit des banques, il faudrait qu'il crée des emplois utiles dans les services publics et qu'il finance de grands travaux, notamment la construction de logements sociaux en nombre suffisant. La société y gagnerait doublement : diminution du chômage et satisfaction d'un besoin aussi essentiel qu'un logement convenable pour les millions de mal-logés ou de sans-logis.
     Le deuxième grand problème immédiat des salariés, des retraités et, à plus forte raison, des chômeurs est la baisse incessante du pouvoir d”achat.
     Même ceux qui disposent d'un salaire stable constatent l'érosion incessante de leur pouvoir d'achat, érosion due aux augmentations des prix et en particulier des prix des produits et des services les plus indispensables comme le logement, le gaz, l”électricité et les produits alimentaires.
     Il n'y a qu'un moyen de stopper cette évolution qui pousse vers la pauvreté même ceux qui ont un travail et un salaire : une augmentation générale des salaires, des retraites et des allocations, et leur indexation automatique sur les hausses de prix.
     Mais, au-delà même de ces objectifs urgents, lorsque de grandes luttes sociales auront lieu, il faudra qu'elles aient comme objectif un changement radical du rapport de forces entre les travailleurs et le patronat. Sinon le grand patronat récupérera vite d'une main ce qu'il aura été obligé de concéder de l'autre. Et ce serait une fois de plus avoir lutté en vain.
     C'est pourquoi l'objectif essentiel qu'un véritable parti communiste révolutionnaire cherchera à populariser et, lorsque le rapport de forces le permettra, à imposer, est que les salariés, les travailleurs et la population en général aient les moyens de contrôler le fonctionnement des grandes entreprises. Pour cela, il faut que leurs comptabilités ne soient plus secrètes, pas plus que leurs projets à court et à long terme qui doivent être rendus publics et accessibles à tous. Il est indispensable que chacun puisse constater ce que l'entreprise paie et a qui ; quelle est la part des profits réels qui est versée en salaires, celle qui est accumulée et distribuée aux actionnaires. Que l'on puisse constater à quoi servent les profits : à investir pour améliorer la production, à embaucher et à verser de meilleurs salaires, ou à se livrer à des opérations financières spéculatives, voire à corrompre des hommes politiques.
     Il est proprement scandaleux qu'une entreprise comme Peugeot-Citroën puisse dissimuler qu'elle préparait depuis plus de trois ans des fermetures d'usine, notamment celle d'Aulnay-sous-Bois. Même lorsque le projet a été éventé grâce à un document tombé entre les mains de la CGT de l'usine, la direction a continué à mentir en niant la réalité jusqu'au jour où elle a choisi de l'annoncer et que le couperet est tombé.
     Peugeot Citroën se prépare à supprimer plus de 11000 emplois sur l'ensemble de l'entreprise. Rien que la fermeture de l'usine d'Aulnay frappe directement 3 000 travailleurs et leurs familles et concerne quelques 10 000 travailleurs des sous-traitants.
     Elle concerne tous les habitants de la commune et des environs, car Peugeot-Citroën à Aulnay est l'un des plus gros employeurs du département de la Seine-Saint-Denis. La disparition de l'usine, ce sont des milliers de jeunes sans espoir de trouver un emploi et de sortir du ghetto dans lequel ils sont enfermés.
     Elle concerne tous les commerçants d'Aulnay et des alentours qui vivent grâce aux dépenses des ouvriers.
     Tous ceux-là avaient le droit de connaître à l'avance les projets de l'entreprise pour pouvoir s'y opposer. Ils ont le droit d'en connaître les raisons, pas telles qu'elles apparaissent dans les justifications de la direction ou dans le discours des ministres qui ne veulent pas chercher plus loin, mais les vraies raisons.
     On nous dit que nous vivons en démocratie. Mais l'essentiel du pouvoir aussi bien économique que politique n'est pas visible car la circulation de l'argent est occulte. Alors, pour s'opposer à ce que la crise soit payée par la seule population laborieuse, il faut éclairer les véritables circuits de l'argent. Aujourd'hui, seuls les conseils d’administration des grandes entreprises, c'est-à-dire quelques douzaines de personnes, connaissent leur fonctionnement réel, leur trésorerie, celle qui sert à financer l'activité productive comme celle, planquée dans les paradis fiscaux, qui finance des opérations financières.
     Et on sait que même les juges ont bien du mal à avoir une idée des financements occultes. Il suffit de voir les difficultés que la justice éprouve pour découvrir par quelle filière Sarkozy aurait bénéficié des largesses de la milliardaire Bettencourt ou encore quels ont été les financements occultes dont a bénéficié Balladur lors de sa campagne électorale et dont la non-exécution aurait été à l'origine, en 2002, d'un attentat à Karachi, au Pakistan, qui a coûté la vie à plusieurs travailleurs de la Direction des constructions navales (DCN).
     Ce contrôle pourrait être fait par les travailleurs eux-mêmes, les employés et les ouvriers des entreprises concernées si on impose la levée du secret commercial. Les ouvriers, les magasiniers voient les entrées de matières premières, les sorties de produits finis, les stocks. Ils savent ou peuvent savoir pour qui ils travaillent réellement. Les employés voient le courrier commercial, les comptes. Même les décisions secrètes passent entre les mains des dactylos, des secrétaires, des assistantes.
     Aujourd'hui, chaque travailleur ne connaît qu'une partie de la réalité. Mais rendre publics tous ces comptes permettrait de connaître toute la réalité, comme tous les subterfuges pour la cacher.
     Le droit de regard et de contrôle des travailleurs et de la population sur toute l'économie est possible et c'est même une nécessité si les travailleurs ne veulent pas être victimes d'une crise engendrée par le système.

Le parti communiste révolutionnaire, une nécessité politique

     Les luttes qui attendent la classe ouvrière exigeront d'autant plus une conscience politique qu'elles ne se dérouleront pas seulement sur le terrain des revendications matérielles. Si la crise s'aggrave, elle touchera de plus en plus des catégories aujourd'hui privilégiées par rapport à la classe ouvrière, comme les patrons routiers, les patrons pêcheurs, certaines catégories d'agriculteurs, etc. La classe capitaliste aura intérêt à empêcher que ces mécontentements se conjuguent et s'unissent à celui de la classe ouvrière. Il sera d'autant plus facile de diriger le mécontentement de ces catégories contre les travailleurs salariés que, d'une part, le gouvernement se prétend socialiste et que, d'autre part, les partis de la droite parlementaire, désormais dans l'opposition, ainsi que le Front national, auront pour politique de rendre le gouvernement socialiste seul responsable des mesures exigées par la classe capitaliste. Et ils orienteront leurs critiques de façon à présenter la politique du gouvernement socialiste comme résultant des « pressions syndicales ›› ou inspirée par son « manque de courage ›› pour faire des « réformes ›› antiouvrières. Tout cela alimentera un climat antiouvrier, visera à dresser contre les travailleurs et les chômeurs les autres catégories populaires, voire à enfoncer un coin entre ceux qui ont du travail et ceux qui n'en ont pas, entre les travailleurs du secteur public, traités de privilégiés, et les travailleurs du secteur privé. Tout cela renforcera les préjugés contre les travailleurs immigrés.
     Pour prendre le contrepied de la politique de l”opposition de droite, la classe ouvrière a intérêt à affirmer sa propre opposition. Elle devra non seulement proposer des objectifs correspondant à ses propres intérêts mais profiter de toute occasion pour montrer aux petits paysans, commerçants, artisans, que leurs problèmes ne viennent pas des exigences              « excessives ›› des salariés, mais au contraire des prélèvements de la classe capitaliste, à commencer par les banquiers.
     Mais, pour mener cette politique, il faudrait un parti communiste révolutionnaire compétent, capable de comprendre et de dévoiler les mécanismes du fonctionnement de l'économie capitaliste et capable aussi de formuler des objectifs sur lesquels travailleurs salariés et classes populaires non salariées peuvent s'entendre et mener des actions en commun.
     Le contrôle des grandes entreprises exploiteuses de salariés et en même temps donneuses d'ordre des petites entreprises sous-traitantes par la population laborieuse peut être un de ces objectifs. Comme peut en être un le contrôle des grandes chaînes commerciales capitalistes pour dévoiler les mécanismes qui permettent à la grande distribution de rétribuer très mal ses fournisseurs paysans tout en vendant cher aux consommateurs.
     L'activité politique de la classe ouvrière, inspirée par un véritable parti communiste encore à construire, ne se limitera pas à la seule participation électorale. Elle pourra et devra peser sur la vie politique quotidienne, sur les décisions prises au jour le jour.
     La classe ouvrière peut et doit intervenir dans la vie politique par ses méthodes de classe, par ses armes de classe.
     Seul, un véritable parti communiste peut défendre cette perspective. Seul, il peut proposer une politique concrète correspondant à chaque situation du point de vue des intérêts de la classe ouvrière. Seul, un tel parti que rien ne lie à l'ordre bourgeois et à ses institutions ne craint pas que la mobilisation aille trop loin. Car il n'a pas a préserver de places, de positions dans les institutions de la bourgeoisie et ne craint pas de compromettre des alliances politiciennes pour en conquérir.
     Affirmer la présence d'un parti représentant les intérêts politiques des exploités est aussi la seule façon de couper l'herbe sous les pieds du Front national qui veut canaliser à son profit la colère qui monte alors que le courant d'extrême droite qu'il incarne représente une grave menace pour les exploités. Il est déjà nuisible par les idées réactionnaires qu'il défend, par la division qu'il sème entre exploités en fonction de leurs origines et leurs nationalités. Il peut l'être encore plus, au pouvoir ou associé, car il ne se limiterait pas à servir le grand capital par la tromperie. il l'imposerait par la violence.
     Le parti qui manque aux travailleurs ne naîtra pas d'un claquement de doigts ni d'aucune combinaison politicienne. Pour qu'il puisse renaître, il est important de montrer qu'il y a des femmes et des hommes qui gardent confiance dans la capacité des exploités à retrouver le sens de la solidarité, celui de l'action collective, qui les rendront aptes d'abord à se défendre puis à transformer la société.
     C'est peut-être la crise actuelle elle-même et l'avidité de la classe capitaliste à la faire payer au monde du travail qui feront qu'un nombre croissant de victimes s'empareront des idées communistes pour en faire des armes et une force.
     Il est important de montrer qu'il y a des femmes et des hommes qui ne baissent pas les bras,  qui ne se découragent pas et qui gardent la conviction que mettre fin à l'organisation sociale actuelle basée sur l'exploitation, le profit privé, est non seulement possible et souhaitable, mais que c'est la voie de l'avenir.
     C'est à aider à la naissance de ce parti que s'emploient les militantes et les militants de Lutte Ouvrière. Discutez avec eux ! Rejoignez-les !

[source : Olac]