mardi 23 novembre 2010

:: La véritable alternative politique à Sarkozy n’est pas l’élection d’un président socialiste

Extrait du bilan du mouvement du 7 septembre (LDC n°131).

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L’offensive contre la classe ouvrière ne s’arrêtera pas et ne pourra que s’accentuer. La crise est loin d’être terminée. Personne ne peut même affirmer que sa phase la plus dure est derrière nous. Le patronat continuera à profiter du chômage pour aggraver les conditions de travail, pour bloquer, voire réduire les salaires et, de façon générale, pour aggraver l’exploitation.
 
Quelle que soit la répartition de la plus-value extraite de la classe ouvrière, entre les activités productives et les activités financières, la plus-value partagée vient de toute façon de l’exploitation elle-même. Pour maintenir et à plus forte raison pour augmenter la plus-value globale, le capitalisme n’a rien inventé d’autre depuis ses origines que l’accroissement de l’exploitation. À cela s’ajoutera inévitablement dans la période à venir la pression croissante des gouvernements, c’est-à-dire des États eux-mêmes, quelle que soit l’étiquette de ceux qui gouvernent, pour rembourser au système financier les sommes faramineuses qu’ils ont empruntées pour le sauver.
 
"Il faut résorber la dette publique" est déjà et sera de plus en plus le cri de guerre des gouvernements pour justifier toutes les politiques d’austérité. Et, dans tous les pays, la dette publique est d’un montant tel que, même en cas d’amélioration de la situation économique, elle n’est pas près d’être résorbée.
 
Il est évident que le changement éventuel de président de la République ou de majorité gouvernementale ne changerait rien au problème. Les gouvernements socialistes des autres pays d’Europe ne se comportent pas différemment des autres. La raison en est simple. La crise exacerbe la violence de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. Pour protéger un tant soit peu les tra­vailleurs contre cette offensive, il faudrait prendre des mesures radicales contre le grand patronat, ce que les gouvernements socialistes ne feront pas.
La simple possibilité d’un retour au pouvoir rend le Parti socialiste extrêmement prudent. Il prend soin de ne pas faire de promesses qui, si elles étaient prises au mot par les travailleurs, pourraient gêner le patronat. Sur la question des retraites, il est significatif que le Parti socialiste n’en fait qu’une : celle de ramener à 60 ans l’âge légal pour pouvoir partir en retraite. Même cette promesse, l’avenir nous dira s’il la tiendra ou pas. Mais il se garde bien de promettre le droit de partir à la retraite à 60 ans avec une pension complète.
 
Significatif est également le débat qui se déroule en ce moment dans le Parti socialiste. Les propositions de Benoît Hamon, porte-parole de ce parti et chef de file de son aile gauche, ont déclenché, paraît-il, des tirs de barrage de la part de Hollande, Sapin et quelques autres sur le "coût des mesures proposées". Pourtant ce que le rapport de Hamon a de plus radical se limite à son intitulé : "Sur l’égalité réelle des chances" ! Et Hollande d’insister : "Avant d’établir ce rapport, il aurait fallu évaluer les marges de manœuvre dont on peut disposer." Il n’est pas difficile de deviner que lesdites marges de manœuvre, en particulier dans le domaine social, c’est le grand patronat qui les définit.
 
Le souvenir que le gouvernement Jospin a laissé est encore assez présent dans une partie importante de la classe ouvrière pour que les travailleurs ne s’attendent pas à être protégés par un gouvernement socialiste. Les votes en faveur du Parti socialiste seront surtout des votes contre Sarkozy. Cela fait longtemps d’ailleurs que toute la stratégie électorale du Parti socialiste se limite à l’argument, formulé ou subliminal, que "notre candidat quel qu’il soit est le seul à être en situation de battre Sarkozy". Avec, on le voit dans les sondages, une prime sur ce terrain à Strauss-Kahn qui a le plus de chances de l’emporter mais dont bien malin est celui qui pourrait dire en quoi consiste son côté "homme de gauche".
 
Mais non seulement le Parti socialiste au gouvernement ne sera pas meilleur que la droite, mais il ne se gênera pas pour utiliser, en plus du crédit dont il peut disposer en propre auprès des travailleurs, le crédit des directions syndicales pour faire accepter aux travailleurs des mesures d’austérité supplémentaires. Aussi, si les directions syndicales ont quelques raisons d’espérer trouver, avec un gouvernement de gauche, une meilleure place pour elles-mêmes, l’entente entre elles et le gouvernement de gauche ne se fera pas à l’avantage de la classe ouvrière, mais à son détriment.
 
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La classe ouvrière ne peut défendre ses intérêts qu’en intervenant elle-même dans la politique, directement, de tout son poids, dans l’économie, par ses propres armes, par les grèves, par les occupations d’usines, par les manifestations.
 
La véritable alternative politique à Sarkozy n’est pas l’élection d’un président socialiste. Il mènera sensiblement la même politique que Sarkozy, même si les mots pour la justifier sont différents. La bourgeoisie qui détient tous les leviers de l’économie ne lui laisserait pas d’autre choix dans le cadre du sage jeu des institutions. La véritable alternative, c’est l’intervention collective et par en bas de la classe ouvrière elle-même pour faire retirer toute mesure défavorable à ses intérêts, quelle que soit l’étiquette du gouvernement qui la propose. La composition du gouvernement peut changer, comme peut changer son étiquette politique, sans qu’il cesse d’être "le conseil exécutif de la bourgeoisie".
 
C’est en apprenant à manier ses armes de classe, en apprenant à s’en servir sur le terrain politique, que la classe ouvrière pourra faire plus que se défendre : imposer une autre politique de classe, la sienne, au lieu des variantes à peine différentes de la politique de la bourgeoisie. Une politique qui, en cessant de respecter la propriété privée des moyens de production, les lois du marché et la dictature du profit individuel, ouvrira une autre perspective devant la société que le marasme dans lequel la maintient la bourgeoisie.

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