jeudi 3 novembre 2011

:: 1936 : le gouvernement de Front populaire sauveur de l’ordre bourgeois

Les années trente et la politique de Front populaire contre les intérêts politiques de la classe ouvrière

Face à la crise et à la menace de l’extrême droite...

Lorsque, à partir de 1933, la question de l’unité de la classe ouvrière dans l’action se posait de nouveau de façon aiguë, la politique unitaire proposée par le Parti Communiste n’avait plus rien à voir avec la politique de Front unique préconisée par la Troisième Internationale à ses débuts.
Mais, à vrai dire, de par ses perspectives politiques, le Parti Communiste lui-même n’avait plus grand-chose à voir avec ce qu’il avait l’ambition de devenir au temps de Lénine et de Trotsky. Il n’était plus ce parti qui voulait le renversement du capitalisme pour instaurer une société nouvelle, une société communiste, un parti qui s’efforçait dans chaque situation de conduire jusqu’au bout de leurs possibilités les luttes de la classe ouvrière. S’il regroupait encore les meilleurs militants de la classe ouvrière, son appareil, ses cadres étaient de plus en plus sélectionnés dans l’obéissance à la bureaucratie stalinienne de l’URSS. Pour s’orienter dans les événements, le PCF n’avait plus pour boussole les intérêts politiques de la classe ouvrière, mais les exigences de la bureaucratie stalinienne.
Ce n’était plus un authentique Parti Communiste, décidé à faire prévaloir au sein de la classe ouvrière la politique la plus adaptée à la situation, qui faisait face au Parti Socialiste, ce Parti Socialiste qui, de son côté, était par ses perspectives et sa direction un parti de la bourgeoisie, même s’il conservait encore à l’époque une audience importante dans la classe ouvrière.
La classe ouvrière était pourtant confrontée à une situation menaçante.
Menaçante sur le plan économique, en ces débuts des années trente, où la grande crise avait ébranlé l’économie dans ses fondements, poussant des centaines de milliers de travailleurs vers le chômage, la misère et la soupe populaire. Menaçante plus encore peut-être sur le plan politique. En 1933, Hitler avait pris le pouvoir en Allemagne sans que le mouvement ouvrier allemand, bien plus puissant pourtant que le mouvement ouvrier en France, parvienne à l’en empêcher, sans même qu’il ait sérieusement engagé le combat. Les hordes nazies au pouvoir entreprirent la destruction systématique de l’ensemble du mouvement ouvrier organisé par la répression et par la terreur.
En France, le renforcement des ligues fascistes montrait que le mouvement ouvrier français n’était pas à l’abri d’une menace semblable. Mais ni le Parti Socialiste, ni le Parti Communiste, n’offrirent de perspective politique et ne proposèrent de moyens organisationnels concrets pour affronter cette montée du danger représenté par l’extrême droite.
Après 1933, tout comme dans la période précédente, la SFIO continuait à ronronner sur la nécessité de faire confiance à la démocratie afin de faire barrage aux ligues fascistes. Le Parti Communiste était, lui, dans un cours sectaire qui consistait à considérer le Parti Socialiste comme aussi dangereux pour la classe ouvrière que l’étaient les fascistes. Les socialistes, baptisés par le Parti Communiste « social-fascistes » étaient devenus des ennemis à combattre à l’égal des fascistes.
Mais cet apparent radicalisme verbal masquait l’absence d’une politique juste qui mette en avant des moyens réels de faire face à la menace bien concrète que représentait l’extrême droite.
En somme, tout se passa en France, pendant les quelques mois qui suivirent l’arrivée de Hitler au pouvoir, comme si la défaite sans combat de la classe ouvrière allemande n’avait pas eu lieu.

... les travailleurs imposent l’unité dans les luttes

Le 6 février 1934, les ligues fascistes descendirent dans la rue et déclenchèrent une nuit d’émeute, montrant qu’elles étaient capables d’aller au-delà des attaques ponctuelles contre les organisations ouvrières et les militants de gauche. La direction du Parti Socialiste et celle du Parti Communiste réagirent chacune de leur côté.
Le Parti Socialiste et la CGT réformiste ainsi que diverses organisations de gauche ne prévoyaient de répliquer que le 12 février par une grève générale et des manifestations. Le Parti Communiste et la CGT-U lancèrent un appel à une manifestation pour le 9 février, qui fut marquée par de durs affrontements. Il y eut plusieurs tués parmi les manifestants.
Le Parti Communiste, encore dans son cours sectaire, refusa de se joindre à la journée du 12 février. On pouvait lire encore dans l’Humanité du 11 février : « la classe ouvrière condamnera avec dégoût les chefs socialistes qui ont le cynisme et l’audace de prétendre entraîner les ouvriers à la lutte contre le fascisme au chant de la Marseillaise et de l’Internationale ». Le Parti Communiste avait sans doute raison de se montrer choqué par la Marseillaise, mais les causes de son refus étaient bien plus profondes et bien moins justes car elles aboutissaient à la division, à la coupure, face à une situation qui exigeait une riposte de l’ensemble de la classe ouvrière que ces querelles d’appareils désorientaient. La direction du Parti Communiste attendit le dernier moment pour se rallier à la journée du 12 en appelant ses militants et ses sympathisants à se constituer en cortège séparé.
Malgré cela, non seulement la journée du 12 février fut un succès au niveau des grèves et des manifestations, mais les manifestants ouvriers transformèrent cette journée en une riposte unitaire en dépit des choix des directions des deux partis ouvriers. Lors de la manifestation, en effet, aux cris de « unité, unité » les manifestants réalisèrent de fait la fusion des deux cortèges, imposant du même coup aux états-majors politiques et syndicaux le « front unique » dans la lutte qu’ils se refusaient à mettre en place jusque-là.
Ces journées montrèrent que la classe ouvrière avait la conscience de la nécessité de faire barrage aux fascistes et que nombre de travailleurs sentaient bien que les bandes fascistes ne s’en prenaient pas simplement à telle ou telle organisation mais, en s’attaquant aux militants, visaient l’ensemble du mouvement ouvrier organisé et, au-delà encore, la classe ouvrière dans son ensemble.
Tout comme ces travailleurs sentaient aussi que cette situation exigeait une riposte aux actions de l’extrême droite pour défendre les locaux des organisations ouvrières, protéger les militants et les grévistes. La conscience de la classe ouvrière était en avance sur celle des partis qui se réclamaient d’elle.

Le revirement du Parti Communiste

Il fallut pourtant attendre plusieurs mois encore pour que le Parti Communiste rompe brusquement avec sa politique sectaire.
Mais la cause de ce revirement n’était ni la pression unitaire des masses populaires, ni la grogne des militants qui se montraient sensibles à cette pression. L’ordre de ce virage politique était venu de Staline.
Car depuis l’arrivée de Hitler au pouvoir, l’URSS stalinienne se sentait menacée. Prenant un virage à 180 degrés en 1934, ses dirigeants qui n’avaient plus, depuis dix ans, l’optique de développer les luttes révolutionnaires dans le monde recherchèrent des alliances diplomatiques et militaires avec les gouvernements des démocraties occidentales. Du coup, en France, le Parti Communiste reçut la consigne de sortir de son isolement et de rompre avec la théorie du « social-fascisme ». D’où l’orientation unitaire qu’il mit en avant à partir de la mi-1934, orientation qui se concrétisa au début du mois de juillet de la même année par la signature avec la SFIO d’un « pacte d’unité d’action » contre le fascisme et la guerre, puis par la mise en oeuvre de la politique de Front populaire.
S’agissait-il de proposer enfin aux travailleurs et aux organisations ouvrières des objectifs communs correspondant à leurs intérêts de classe ? S’agissait-il de réaliser des actions communes pour faire face aux bandes fas¬cistes ? S’agissait-il d’agir pour élargir et généraliser les grèves qui devenaient de plus en plus nombreuses et de plus en plus radicales, en donnant aux travailleurs en lutte des perspectives communes ? S’agissait-il, devant la ruine de l’économie, conséquence de la crise, de proposer des solutions correspondant aux intérêts de la classe ouvrière, quitte à s’en prendre à ce fameux « mur de l’argent » que dénonçaient verbalement même les dirigeants du Parti Socialiste ? S’agissait-il de s’en prendre à la propriété privée ? S’agissait-il enfin d’entraîner dans le sillage de la classe ouvrière les fractions de la petite bourgeoisie les plus touchées par cette crise économique et à qui finalement la classe ouvrière aurait été la seule capable d’offrir des perspectives ?
Eh bien non ! L’objectif du Parti Communiste était tout autre. Pour lui, le Front populaire n’était qu’une entente au sommet avec le Parti Socialiste, se plaçant sur le terrain du parlementarisme.

Le Front populaire : une alliance électorale anti-ouvrière

Rien à voir avec une politique de Front unique destinée à unir la classe ouvrière sur des objectifs de lutte. Il s’agissait d’une sorte de réédition, en pire peut-être parce que la situation était plus grave, de la politique de Bloc des Gauches, des années 1924 dont le PC, non seulement acceptait d’être une composante, mais dont il se faisait l’artisan.
Ainsi quand, à l’automne 1934, les ministres radicaux quittèrent le cabinet Doumergue, les dirigeants du Parti Communiste furent les premiers à proposer à leurs alliés socialistes « d’étendre le pacte aux radicaux » afin de sceller « l’alliance des classes moyennes avec la classe ouvrière ».
Oh ! bien sûr, il aurait été nécessaire de tout faire pour offrir aux fractions de la petite bourgeoisie victimes des effets de la crise, désorientées et en colère, d’autres perspectives que celles que leur proposaient les démagogues fascistes. Mais, pour les rallier aux combats de la classe ouvrière en montrant que leurs intérêts convergeaient, il ne fallait surtout pas contribuer à réhabiliter ce Parti radical, au moment même où la baisse de ses résultats électoraux montrait combien il s’était discrédité auprès de sa clientèle électorale traditionnelle, la petite bourgeoisie.
Ce parti qui comptait dans ses rangs des gens comme Herriot et Daladier, qui avait trempé dans toutes les combinaisons gouvernementales de la Troisième République, qui en février 1934 avait capitulé devant les Ligues fascistes et passé la main au gouvernement réactionnaire de Doumergue, qui était impliqué dans tous les scandales de l’époque, était présenté par le Parti Communiste comme un allié privilégié, la pierre angulaire de l’alliance dans la lutte contre le fascisme.

Un allié qu’il ne fallait surtout pas effrayer, ni gêner par des références à la lutte de classe.

L’aspect réactionnaire et anti-ouvrier de cette alliance ne tarda pas à apparaître. En août 1935, par exemple, d’importantes grèves éclatèrent contre les décrets-lois imposés par Laval qui amputaient de 3 à 10 % les salaires des fonctionnaires, des ouvriers des arsenaux et des cheminots. A Brest, à Toulon, les affrontements avec les forces de l’ordre tournèrent à l’émeute, faisant plusieurs morts parmi les travailleurs. Les dirigeants du Parti Communiste et de la CGT-U pesèrent alors de tout leur poids aux côtés de la CGT réformiste pour empêcher l’extension du mouvement et ramener le calme. Au lendemain de ces émeutes, le PC, faisant l’amalgame entre les agissements du gouvernement, ceux des Croix-de-Feu et les réactions des ouvriers qui s’étaient défendus, condamna ces derniers.
Dans l’Humanité du 7 août 1935, Duclos expliquait : « Nous attachons un trop grand prix à notre collaboration avec le Parti Radical pour ne pas nous dresser contre les provocateurs ». Pour lutter contre les bandes fascistes, le Parti Communiste se contentait de réclamer l’application des récentes lois contre les « ligues fascistes ».
Le programme du Front populaire fut publié en janvier 1936 : il s’alignait sur les propositions des radicaux. A longueur de colonnes on pouvait lire dans l’Humanité que le Parti Communiste préconisait « un soutien incessant des masses » au Front populaire, c’est-à-dire au futur gouvernement socialiste et radical, si le Front populaire remportait les élections.
Lorsque, fin janvier 1936, les ministres radicaux démissionnèrent du gouvernement Laval, le futur allié des nazis dans le régime de Pétain, provoquant sa chute, l’Humanité déclara : « Tout gouvernement décidé à appliquer impitoyablement la loi aux factieux, à suivre une politique de sécurité collective en appliquant honnêtement des sanctions efficaces à l’agresseur, à assurer des élections libres et à garantir les paiements de l’État sans frapper les pauvres, peut compter sur notre soutien loyal ». On chercherait vainement dans cette déclaration une référence aux intérêts de la classe ouvrière.
La CGT fut réunifiée, mais pas pour donner une impulsion aux luttes que ni le Parti Socialiste, ni le Parti Communiste n’entendaient encourager.

La montée des luttes aboutit à une grève générale sans précédent

Les élections du 21 avril et du 3 mai 1936 virent la victoire électorale des partis du Front populaire. L’Humanité cria « Victoire » et le Parti Communiste accorda tout naturellement son soutien au gouvernement de Léon Blum, lui signant un chèque en blanc. L’un de ses dirigeants, Jacques Duclos, affirma le 11 mai : « Notre soutien ne sera pas à éclipses et c’est pourquoi nous ne demanderons point au gouvernement de demain plus qu’il ne pourra donner ». Le Parti Communiste ne demanda pas à participer à ce gouvernement mais expliqua son attitude aux travailleurs en déclarant seulement que « la présence des communistes au ministère servirait de prétexte aux campagnes acharnées de la réaction ». Il faut dire que s’il avait demandé à participer, ses partenaires lui auraient sans doute refusé cette participation.
C’est peu dire que la formidable vague de grèves qui entraîna la classe ouvrière juste après les résultats électoraux n’était ni voulue, ni souhaitée, ni même approuvée par les partis du Front populaire. Cette grève reflétait même une certaine défiance de la part de la classe ouvrière à l’égard des promesses du Front populaire qui considérait qu’elle serait mieux servie par elle-même que par les politiciens qui prétendaient la représenter.
La classe ouvrière n’avait pas attendu l’investiture du nouveau gouvernement pour agir, avec une ampleur sans précédent.
Les grèves illimitées dans les usines, les bureaux, les magasins, confluèrent en une grève générale qui, dans les derniers jours de mai se transforma en vague d’occupations d’usines à propos desquelles le Parti Communiste, qui tentait de calmer le jeu, affirmait à qui voulait l’entendre qu’elles ne remettaient absolument pas en cause la propriété bourgeoise.
Ce mouvement aurait pu être le début d’une contestation plus profonde et plus radicale du système capitaliste et de l’ordre bourgeois si les grévistes, organisés dans des comités où tous se retrouvaient au coude à coude, s’étaient vu proposer des objectifs politiques que permettait et exigeait même la situation.
Mais ils ne les trouvèrent ni du côté des socialistes à qui les élections venaient de confier la gestion de la crise, ni du côté du Parti Communiste qui s’acharnait à réclamer l’ordre et le respect de la légalité bourgeoise en répétant que « tout n’est pas possible » et en dénonçant comme traîtres les trotskystes qui affirmaient que la grève devait se donner d’autre perspective que celle de se mettre à la remorque de ce Front populaire.

Le gouvernement de Front populaire sauveur de l’ordre bourgeois

Il existe sur toute cette période de multiples témoignages qui montrent la profondeur de la mobilisation ouvrière, de la politisation des travailleurs. Mais l’un des témoignages les plus probants est celui de Léon Blum lui-même, lors de son procès à Riom, en mars 1942, quand il expliqua que son gouvernement avait sauvé l’ordre bourgeois. Plaidoyer de circonstance, destiné à innocenter un politicien que Vichy accusait d’avoir mis le feu aux poudres ? Constatons qu’après la guerre, ni lui, ni ses amis ne l’ont jamais prétendu.
Voilà en quels termes Léon Blum s’exprima, le 10 mars 1942 :
« Je vous demande messieurs de vous souvenir. Rappelez-vous que les 4 et 5 juin, il y avait un million de grévistes. Rappelez-vous que toutes les usines de la région parisienne étaient occupées. Rappelez-vous que le mouvement gagnait d’heure en heure et de proche en proche la France entière (...).
La panique, la terreur étaient générales. Je n’étais pas sans rapports moi-même avec les représentants du grand patronat... Je me souviens qu’on me disait ou me faisait dire par des amis communs : Alors quoi ? c’est la révolution ? Alors quoi ? Qu’est-ce qu’on va nous prendre ? Qu’est-ce qu’on va nous laisser ? »
Et Blum d’expliquer comment il fut prié par Albert Lebrun, le président de la République de ne pas attendre l’investiture légale de son gouvernement pour prendre des mesures :
« Monsieur Lebrun me répondit alors : « les ouvriers ont confiance en vous. Puisque vous ne pouvez convoquer la Chambre avant samedi, et que certainement dans votre déclaration ministérielle vous allez leur promettre le vote immédiat des lois qu’ils réclament, alors, je vous en prie, dès demain, adressez-vous à eux par la voie de la radio. Dites-leur que le Parlement va se réunir, que, dès qu’il sera réuni, vous allez lui demander le vote rapide et sans délai des lois dont le vote figure sur les cahiers de revendications en même temps que le relèvement des salaires. Ils vous croiront, ils auront confiance en vous, peut-être ce mouvement s’arrêtera-t-il ? »
Et d’ajouter encore comment Lambert Ribot, un des représentants du patronat, le contacta pour que, c’est toujours Léon Blum qui parle :
« Je m’efforce d’établir un contrat entre les organisations patronales suprêmes comme le Comité des Forges et la Confédération générale de la production et d’autre part la CGT » (..) « Sans doute, ajoutait-il, j’aurais tenté de moi-même l’accord Matignon. Mais je dois dire que l’initiative première est venue du grand patronat ».
Et Blum cite les propos des dirigeants de la CGT à propos de l’évacuation des usines :
« Nous nous engageons à faire tout ce que nous pourrons et nous le ferons. Mais nous vous avertissons tout de suite. Nous ne sommes pas sûrs d’aboutir. Quand on a affaire à un mouvement comme celui-là, à une marée comme celle-là, il faut lui laisser le temps de s’étaler. Et puis c’est maintenant que vous allez peut-être regretter d’avoir systématiquement profité des années de déflation et de chômage pour exclure de vos usines tous les militants syndicalistes. Ils n’y sont plus. Ils ne sont plus là pour exercer sur leurs camarades l’autorité qui serait nécessaire pour faire exécuter nos ¬ordres ».
Et Blum de commenter :
« Je vois encore monsieur Richemont qui était assis à ma gauche baisser la tête en disant : C’est vrai, nous avons eu tort. »
Face à une mobilisation qui lui avait fait craindre de tout perdre, la bourgeoisie avait donc cédé les 40 heures, les congés payés et des augmentations substantielles de salaire. Mais le Parti Communiste avait mis tout son poids pour endiguer le mouvement.
Au lendemain des Accords Matignon, Thorez expliquait : « Il faut savoir terminer une grève » ! Le ministérialisme sans ministre du Parti Communiste avait joué pleinement son rôle pour stopper la lutte de classe, du moins du côté de la classe ouvrière, et sauver l’essentiel pour la bourgeoisie.
Les efforts conjugués des partis de gauche, de la CGT réunifiée et du gouvernement de Front populaire réussirent, non sans mal, à saboter la grève de juin 1936. Mais le rôle du Front populaire ne s’arrêta pas là. Une fois l’élan brisé, ces politiciens bourgeois allaient profiter du reflux des luttes pour aider le patronat à reprendre aux travailleurs ce qu’il avait été obligé de céder sous la pression de la grève.
Prenant prétexte du réarmement de l’Allemagne, au nom de la défense nationale, le Parti Communiste et la CGT contribuèrent à faire accepter des attaques contre les 40 heures et le niveau de vie des travailleurs.
Pourtant, la classe ouvrière continuait à faire preuve de combativité et résistait comme elle pouvait, face à une bourgeoisie qui voulait prendre sa revanche. Mais soucieux d’honorer ses engagements à l’égard de ses alliés socialistes et radicaux, le Parti Communiste se garda bien de développer une démarche et une politique qui auraient pu unifier les grèves et enrayer la démoralisation qui atteignait la classe ouvrière.
Quand finalement, un mot d’ordre de grève générale fut lancé en novembre 1938, il était déjà bien trop tard. Cette grève se solda par un échec et des milliers de militants furent licenciés. La classe ouvrière en sortit démoralisée et politiquement désarmée face à la guerre qui approchait.
Alors qu’il s’agissait de la même Chambre de Front populaire, issue des élections d’avril-mai 1936, la direction du Parti Communiste soutint des gouvernements de plus en plus réactionnaires, dont le gouvernement Daladier, un radical. Ce même Daladier était à la tête du gouvernement qui interdit le Parti Communiste en septembre 1939, à la veille de la déclaration de guerre. Et c’est encore cette même chambre des députés qui vota les pleins pouvoirs à Pétain, au lendemain de la capitulation française de juin 1940.

[extrait de la LDC 69]

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