mercredi 8 juillet 2015

:: 6 juillet 1967 : guerre du Biafra [LO, juillet 2007]

Le 30 mai 1967, un colonel ibo proclamait l'indépendance de la province orientale du Nigeria sous le nom de République du Biafra. Cette sécession allait déboucher sur une longue et sanglante guerre civile qui, entre le 6 juillet 1967 et la mi-janvier 1970, fit près de 2 millions de morts. La famine provoquée par le blocus terrestre et maritime de la région sous contrôle biafrais rendit ce conflit tristement célèbre. Quant aux combattants, les uns croyaient défendre leur droit à un État indépendant, les autres croyaient défendre l'unité du Nigeria, mais ils moururent surtout pour les intérêts des trusts pétroliers.

À l'époque de son indépendance, en 1960, le Nigeria était l'un des pays les plus étendus et les plus peuplés d'Afrique. Il comptait 56 millions d'habitants et regroupait plus de 200 ethnies se rattachant à trois grands groupes : les Haoussas vivant au nord, les Yoroubas au sud-ouest et les Ibos au sud-est. Le colonisateur anglais avait utilisé les divisions ethniques pour établir un système fédéral qui fragilisait le pays. Dans les années qui suivirent l'indépendance, les dirigeants des trois régions officielles s'affrontèrent pour le contrôle de l'appareil d'État.

Les élections de 1965 exacerbèrent ces rivalités. Les résultats, entachés par des fraudes massives, donnèrent une majorité écrasante à l'Alliance Nationale Nigeriane (parti haoussa) alliée aux conservateurs yoroubas. Se sentant menacés, des officiers ibos organisèrent un coup d'État et placèrent le général Ironsi à la tête de l'État fédéral. Les leaders des principaux partis furent assassinés et les partis interdits.

Vers la sécession

En août 1966, Ironsi fut à son tour renversé et assassiné. Une junte militaire, originaire du nord et à majorité musulmane, prit le pouvoir et le remit au général Gowon. Dans le nord du pays, la tension monta entre musulmans, majoritaires, et chrétiens. Des massacres furent perpétrés contre des Ibos.

Entre temps la situation s'était considérablement compliquée avec la découverte d'importants gisements pétroliers dans le delta du Niger et au large des côtes orientales. Dès 1966, leur production, contrôlée par Shell, BP et American Overseas, atteignait 10 millions de tonnes par an. Deux tiers des puits se situaient dans la région peuplée majoritairement par les Ibos. Cet enjeu pétrolier était d'autant plus important pour eux que les récentes persécutions contre les ressortissants de leur ethnie dans le nord avaient provoqué un retour massif dans leur région d'origine, la région orientale précisément.

Le colonel Ojukwu, gouverneur militaire de cette région, fief des Ibos, refusa de reconnaître l'autorité de Gowon. Le projet de redécoupage que ce dernier préparait, qui aurait fait passer le pays de 3 à 12 régions et surtout privé les Ibos de la manne pétrolière, accéléra le divorce. Le 30 mai 1967, Ojukwu proclama l'indépendance du Biafra, avec Enugu pour capitale.

Le pouvoir fédéral ne pouvait accepter cette sécession. Début juillet 1967, les troupes fédérales passèrent à l'offensive.

Au début, l'armée biafraise remporta quelques succès. Elle compléta sa mainmise sur les ressources pétrolières en s'emparant en août 1967 de la région du centre-ouest qui concentrait un tiers des puits. Mais l'armée fédérale ne tarda pas à reprendre le dessus : Enugu tomba le 28 septembre 1967, Port Harcourt et ses champs pétrolifères le 24 mai 1968. Le Biafra ne fut bientôt plus qu'un réduit surpeuplé.

Le soutien de la France au Biafra... et surtout à ELF

Gowon reçut le soutien de l'URSS et, après quelques hésitations, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Le Biafra, lui, fut soutenu par la France et certains de ses vassaux africains comme le Gabon et la Côte-d'Ivoire, ainsi que par le Portugal, l'Espagne, l'Afrique du Sud et Israël.

En jouant la carte des sécessionnistes biafrais, De Gaulle comptait bien améliorer la position d'Elf face à ses concurrents anglo-américains pour l'exploitation du pétrole de la région. L'impérialisme français était d'autant plus enclin à soutenir la sécession qu'elle ne pouvait qu'affaiblir le Nigeria, qui constituait par sa taille, aux frontières de sa zone d'influence, un pôle d'attraction pour les petits États de la région.

Officiellement, le gouvernement français n'accordait qu'une aide " logistique " aux Biafrais, en réalité il leur fit passer des tonnes d'armes et de munitions, ainsi que des mercenaires et des conseillers militaires comme Bob Denard. Alors qu'avec la chute de Port Harcourt, le Biafra se trouvait non seulement privé d'accès terrestres mais également privé d'accès à la mer, l'impérialisme français organisa un pont aérien qui permit au Biafra de durer.

À partir d'août 1968, des millions de Biafrais se retrouvèrent coincés sur quelques milliers de kilomètres carrés, ce qui entraîna une gigantesque famine, ainsi que des épidémies meurtrières. Cette tragédie, qui fit près de 2 millions de morts parmi la population ibo, fut largement médiatisée, notamment en France où le gouvernement, au nom de l'aide humanitaire, en profita pour intensifier ses rotations aériennes... et ses livraisons d'armes clandestines.

Finalement, après trente mois d'affrontements, les dirigeants biafrais capitulèrent le 12 janvier 1970. Ojukwu quitta le pays. Grâce à l'argent du pétrole, le pays put se relever peu à peu des destructions de cette guerre civile.

Quant à la région du delta du Niger, elle reste aujourd'hui encore une zone convoitée par diverses bandes armées qui veulent s'approprier une partie de la manne pétrolière.

Roger MEYNIER (LO, juillet 2007)

:: 26 juillet 1956 : nationalisation du canal de Suez [LO, juillet 2006]

Il y a cinquante ans le gouvernement égyptien, présidé par Gamal Abd-El Nasser, décidait de nationaliser le canal de Suez. Ce canal qui se trouve sur son territoire et par où transite une bonne partie du trafic maritime entre l'Asie et l'Europe était jusque-là contrôlé conjointement par la France et la Grande-Bretagne. Par cette nationalisation Nasser entendait proclamer que l'Egypte reprenait le contrôle de cette enclave occidentale sur son territoire. Les revenus du canal devaient être consacrés à la construction du barrage d'Assouan sur le Nil, et permettre, affirma Nasser, le développement de l'agriculture égyptienne.

Nasser affirmait une politique indépendante des vieilles puissances coloniales et en particulier de la Grande-Bretagne. L'Egypte avait en effet été une quasi-colonie britannique de 1882 à 1914. Durant toute cette période le «consul anglais» régnait en maître. À partir de 1914, le statut du pays évolua du protectorat à la semi-indépendance, mais toujours sous la férule anglaise et toujours avec des gouvernements égyptiens aussi corrompus qu'ils étaient serviles vis-à-vis des Anglais.

Quand les «Officiers libres», dont faisait partie Nasser, prirent le pouvoir par un coup d'état en 1952, on mourrait encore de faim en Egypte et la moitié de la population était atteinte par des maladies endémiques. À côté de cela les Anglais, militaires et civils, vivaient dans des quartiers réservés, allaient à leur club et jouaient au golf sur des terrains arrosés et entretenus. Le canal était un symbole de la domination anglaise, traversant l'Egypte, gardé militairement par les Anglais, où les pilotes étaient anglais ou français, les droits de passage tombaient dans les coffres de la Compagnie du Canal.

La nationalisation du canal revêtait une valeur symbolique. Nasser put déclarer que, lorsque le canal fut acquis à l'Egypte, «le dernier verrou du dernier empire était tombé».

Dans le contexte de 1956, cette nationalisation était une véritable gifle au visage des puissances colonialistes. Elle valut à Nasser une popularité immense dans le peuple égyptien et dans le monde arabe en général. Elle lui valut aussi une haine farouche des gouvernements anglais et français et de tous ceux qui n'avaient pas encore compris que le temps des colonies était désormais fini.

Le Premier ministre britannique déclara aussitôt: «Nous ne pouvons pas accepter cet acte de pillage». En France, Guy Mollet, président du conseil, socialiste, exigea une «riposte énergique et sévère contre l'apprenti dictateur». La presse européenne se mit à comparer, à longueur de colonnes, Nasser à un « nouvel Hitler ».

Les gouvernements français et britannique préparèrent donc une intervention militaire pour mettre Nasser au pas. L'État d'Israël, qui n'avait pas dix ans d'existence, choisit alors de se mettre de manière éclatante à leur service. Alors que la nationalisation du canal de Suez ne menaçait en rien ses intérêts vitaux, Israël accepta de jouer le rôle de provocateur, lançant en octobre 1956 une opération militaire qui fournit le prétexte permettant aux armées française et anglaise d'intervenir directement en Egypte. Sous prétexte de «garantir» la liberté de navigation sur le canal, à partir du 1er novembre les corps expéditionnaires français et anglais commencèrent à bombarder les grandes villes égyptiennes avant de lâcher leurs parachutistes sur Port-Saïd.

Finalement, après quelques jours de combats qui coûtèrent très cher au peuple égyptien, ce furent les États-Unis qui mirent fin à la crise en obligeant Français, Anglais et Israéliens à se retirer. Le veto américain ayant eu beaucoup plus de poids que l'ultimatum lancé par l'URSS... après que les USA eurent fermement condamné l'expédition franco-britannique.

Le canal de Suez restait égyptien. Les États-Unis n'entendaient pas, à ce moment-là, aider leurs alliés mais néanmoins concurrents à conserver leurs chasses gardées coloniales et ne souhaitaient pas qu'une guerre déstabilise la région pour un prétexte comme celui du canal de Suez dans lequel ils n'avaient pas d'intérêt. C'était aussi l'occasion pour l'impérialisme américain d'affirmer que dorénavant ce serait lui qui ferait la loi au Proche-Orient, en lieu et place des deux vieilles puissances coloniales.

Mais le choix d'Israël de s'opposer aussi directement aux aspirations profondes des peuples arabes, ce choix de se mettre sans vergogne au service de l'oppresseur, de servir de mercenaire aux propriétaires du canal de Suez, allait marquer profondément et durablement la conscience des populations du Proche-Orient.

La France, déjà empêtrée depuis deux ans dans la guerre d'Algérie, mettrait encore six ans à reconnaître que le temps des colonies était fini.

Le nationalisme nasserien, lui, après avoir flirté avec l'URSS, tout en jetant les communistes en prison, se rapprocha des États-Unis et les successeurs de Nasser allaient se montrer des alliés de plus en plus complaisants des puissances occidentales.

Le canal de Suez est resté nationalisé. Mais l'économie de la région est toujours étouffée par l'impérialisme, la pauvreté des masses égyptiennes et arabes faisant les profits des trusts occidentaux. Pour le peuple égyptien le combat pour se libérer du joug du capital financier international et de ses bourgeois locaux reste à mener.

Paul GALOIS (juillet 2006)

:: Espagne, 17 juillet 1936 : les généraux Mola et Franco déclenchent un soulèvement militaire contre le gouvernement de Front Populaire

Le 17 juillet 1936, les généraux Mola à Pampelune et Franco aux Canaries déclenchèrent un soulèvement militaire contre le gouvernement de Front Populaire. Ce soulèvement, parti des casernes du Maroc espagnol, s'étendit rapidement le 18 juillet à toutes les grandes villes d'Espagne.

Le gouvernement commença par nier l'existence du putsch, puis au mépris de toute vérité, il proclama qu'il tenait la situation bien en mains. Enfin, lorsque la gravité de la situation fut indéniable, il démissionna purement et simplement, le Premier ministre Casares Quiroga masquant sa veulerie derrière un bon mot: « Ils se sont soulevés, alors moi je vais me coucher ».

Ce furent les travailleurs eux-mêmes, mal armés mais avec audace et héroïsme, qui organisèrent la résistance contre le coup d'État.

Alors que le gouvernement de Front Populaire avait déjà accepté son sort, alors que le Parti Socialiste et les syndicats les laissaient sans consignes, les travailleurs se lancèrent à l'assaut des casernes avec le peu d'armes qu'ils possédaient, désarmèrent les gardes civils.

À Barcelone, les ouvriers avaient, dès le 17 juillet, récupéré des armes sur les navires de guerre du port. Leur détermination fit basculer la garde civile de leur côté. Les militaires finirent par capituler. À Madrid, les travailleurs en colère imposèrent qu'on leur distribue des armes. Mais la plupart des armes étaient sans culasse, inutilisables. Le 20 juin, avec le peu de moyens dont ils disposaient, ils donnèrent l'assaut à la caserne aux mains des officiers rebelles, où les culasses étaient entreposées. Les casernes furent prises d'assaut les unes après les autres.

Le coup d'État franquiste se transforma ainsi en révolution. En ces jours de juillet 1936, le prolétariat espagnol écrivit une des pages les plus héroïques de la lutte pour l'émancipation humaine.

Dans les deux plus grandes villes d'Espagne, mais aussi dans de nombreuses villes et villages, les exploités en armes occupèrent les terres, les entreprises, les bureaux, contrôlant les entreprises, le téléphone, le courrier, les moyens de transport. Les maisons des riches furent réquisitionnées, les hôtels de luxe se transformèrent en restaurants populaires. La population s'organisa en milices, formant des comités dont les décisions étaient les seules appliquées.

Pendant les semaines qui suivirent, il aurait été possible, en s'appuyant sur cette impulsion révolutionnaire qui venait après des années de combats contre les riches, l'Église et l'armée, d'organiser et de centraliser ces milliers d'initiatives et d'établir, de renforcer le pouvoir des comités pour en faire de véritables organes de pouvoir. Le Parti Socialiste, le Parti Communiste firent l'inverse et mirent toute leur énergie en oeuvre pour que se reconstitue le pouvoir bourgeois, en prétendant que les nécessités de la guerre contre l'armée franquiste, qui occupait toute une partie du territoire espagnol, exigeait cela. Les dirigeants anarchistes -au nom du fait qu'ils étaient opposés à prendre le pouvoir- participèrent eux aussi à cette trahison en fournissant des ministres à un gouvernement qui s'était donné comme tâche de rétablir l'ordre bourgeois. Grâce aux grandes organisations qui avaient la confiance de la classe ouvrière, le vieil appareil d'État reprit donc les choses en main, en détruisant l'élan révolutionnaire au nom d'une prétendue efficacité économique et militaire que la marche des événements ne cessa de contredire.

Aujourd'hui, en Espagne, à l'occasion du 70e anniversaire du début de la guerre civile, la gauche parlementaire a souhaité rappeler les événements avec une déclaration au Congrès des députés intitulant l'année 2006 «Année de la mémoire historique». Tous les groupes politiques (sauf le Parti Populaire, de droite) ont fait le 22 juin une déclaration dans laquelle ils rendaient hommage à toutes les femmes et hommes qui «ont défendu des valeurs démocratiques» et furent victimes de la guerre civile et aussi de la répression franquiste qui a suivi pendant des années. Ils ont rendu hommage à la Deuxième République, qualifiée d'«antécédent de l'actuel régime parlementaire». Il est également prévu une loi qui devrait réparer, d'une façon ou d'une autre, les torts faits aux victimes de la répression franquiste.
Ces hommages et compensations viennent trente ans après la mort de Franco et correspondent à bien des calculs politiques de la part des dirigeants du Parti Socialiste ou du Parti Communiste (qui après avoir accepté le drapeau franquiste et la monarchie ressortent aujourd'hui de la naphtaline le drapeau de la Deuxième République et réclament la Troisième). Mais ils sont aussi le résultat de l'action de dizaines d'associations qui se font les défenseurs de la «mémoire historique», associations composées de familles de victimes, de militants de gauche, qui mettent en la lumière le véritable drame du franquisme et luttent pour une réparation aux victimes, l'annulation des jugements franquistes et la dénonciation du régime assassin de Franco.

Ces associations, sans l'aide d'aucun gouvernement, ont établi le nombre de victimes exécutées par le franquisme, non seulement pendant la guerre civile mais pendant les années qui ont suivi: plus de 150000, dont 30 à 35000 ont été jetés dans des fosses communes.

Mais ce que l'on peut souhaiter, c'est que les militants qui se penchent sur ce passé aillent jusqu'au bout de la «mémoire historique», et comprennent que cette dramatique répression qui fut la conséquence de la défaite du peuple espagnol est aussi liée à la trahison des partis et organisations de gauche.

Il est évident aujourd'hui que le gouvernement de Zapatero et ses alliés s'efforcent d'occulter, derrière les hommages rendus à la «démocratie» et à la «République», l'ampleur de la révolution sociale qui mit en échec, en juillet 1936, le coup d'État franquiste.

La «meilleure réparation» qui puisse se faire aujourd'hui vis-à-vis des victimes du franquisme, c'est de comprendre ce qui s'est passé dans ces années de révolution. De comprendre pourquoi et comment tout un peuple en armes, soulevé, héroïque, a été dépossédé, trahi, avant que des milliers de ses fils ne soient fusillés.

Bien sûr, la société espagnole d'aujourd'hui n'est pas celle de 1936, mais l'exploitation, la dictature de l'argent, n'ont pas disparu, bien au contraire. Alors, la leçon de ces journées de juillet, c'est que les travailleurs peuvent organiser eux-mêmes une société sans classes sociales, sans la dictature de l'argent et des politiciens à son service. Et cette leçon, elle, reste d'actualité.

Jacques MULLER (LO, juillet 2006)

:: 16 et le 17 juillet 1942 : quand le gouvernement français organisait la rafle des juifs [LO, juillet 2002]

Il y a soixante ans, le 16 et le 17 juillet 1942, la police française arrêtait plus de 13 000 Juifs à Paris et les parquait dans le Vélodrome d'Hiver. Ces milliers d'hommes, de femmes et d'enfants furent ensuite conduits à Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande dans le Loiret, avant d'être déportés vers les camps d'extermination.

Toute l'opération fut réalisée sans l'aide d'un seul soldat ou policier allemand ; dans leur sale besogne, les autorités françaises firent même preuve d'un zèle qui allait bien au-delà des exigences formulées par les responsables de l'armée allemande.

En France, les premières rafles de Juifs commencèrent durant l'été 1941. Le 20 août 1941, une rafle permit d'arrêter plus de 4000 Juifs, qui furent parqués dans le camp de Drancy récemment ouvert. Ce furent les nazis eux-mêmes qui demandèrent aux autorités françaises de stopper les rafles, n'ayant pas encore les moyens " logistiques " de transporter les Juifs vers des camps ni de les y exterminer à un rythme suffisant.

La " solution finale ", c'est-à-dire l'extermination en masse des Juifs dans les chambres à gaz, ne devait en effet se mettre en place qu'à partir de 1942.

En juin 1942, le responsable de la " solution finale ", Eichmann, exigea des pays amis, dont la France faisait partie, qu'ils arrêtent et transfèrent vers le camp d'Auschwitz le plus grand nombre de Juifs possible, à condition que ceux-ci fussent âgés de plus de 16 ans. Le chef du gouvernement, Pierre Laval, secondé par René Bousquet, alors secrétaire général de la police, négocièrent avec les plus hautes autorités allemandes pour qu'elles acceptent y compris les enfants.

Sans attendre la réponse, dès le 16 juillet, les policiers et gendarmes français se jetèrent sur les quartiers juifs de la capitale, avec un zèle qui en dit long sur leurs propres sentiments racistes.

Plus de 13 000 Juifs furent donc arrêtés et parqués dans le stade du Vel' d'Hiv', sous la chaleur écrasante de juillet, sans nourriture, sans eau, sans sanitaires. Au bout de ces trois jours, les déportés furent emmenés dans plusieurs camps français, où les familles furent parquées, pillées par les gendarmes et laissées quasiment sans nourriture dans l'attente de leur déportation vers Auschwitz.

La rafle du Vel' d'Hiv' est la plus tristement célèbre, mais elle fut suivie par bien d'autres en 1943 et 1944. En tout, ce furent plus de 75 000 Juifs qui furent déportés vers les camps de la mort par les autorités françaises.

Après la guerre, cette politique ignoble fut bien vite " oubliée ". Les Bousquet et autres Papon continuèrent leur carrière politique comme si de rien n'était.
La volonté de camoufler ces événements perdura longtemps. Ainsi, lorsque parut en 1956 le film De Nuremberg à Nuremberg, sur les atrocités du nazisme, le gouvernement français exigea et obtint qu'une image soit coupée au montage parce que l'on y distinguait... un képi français. En 1971, quand le cinéaste Max Ophüls tourna Le Chagrin et la pitié, sur le régime de Vichy, le film fut interdit à la diffusion en France, et le resta jusqu'en 1981.

Et il fallut attendre 1995, pour que Chirac reconnaisse la responsabilité de l'État français dans les déportations de 1942-1944.

Pierre Vandrille (LO, juillet 2002)