Il
y a soixante ans, le 16 et le 17 juillet 1942, la police française
arrêtait plus de 13 000 Juifs à Paris et les parquait dans le Vélodrome
d'Hiver. Ces milliers d'hommes, de femmes et d'enfants furent ensuite
conduits à Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande dans le Loiret, avant
d'être déportés vers les camps d'extermination.
Toute l'opération fut réalisée sans l'aide d'un seul soldat ou
policier allemand ; dans leur sale besogne, les autorités françaises
firent même preuve d'un zèle qui allait bien au-delà des exigences
formulées par les responsables de l'armée allemande.
En France, les premières rafles de Juifs commencèrent durant l'été
1941. Le 20 août 1941, une rafle permit d'arrêter plus de 4000 Juifs,
qui furent parqués dans le camp de Drancy récemment ouvert. Ce furent
les nazis eux-mêmes qui demandèrent aux autorités françaises de stopper
les rafles, n'ayant pas encore les moyens " logistiques " de transporter
les Juifs vers des camps ni de les y exterminer à un rythme suffisant.
La " solution finale ", c'est-à-dire l'extermination en masse des
Juifs dans les chambres à gaz, ne devait en effet se mettre en place
qu'à partir de 1942.
En juin 1942, le responsable de la " solution finale ", Eichmann,
exigea des pays amis, dont la France faisait partie, qu'ils arrêtent et
transfèrent vers le camp d'Auschwitz le plus grand nombre de Juifs
possible, à condition que ceux-ci fussent âgés de plus de 16 ans. Le
chef du gouvernement, Pierre Laval, secondé par René Bousquet, alors
secrétaire général de la police, négocièrent avec les plus hautes
autorités allemandes pour qu'elles acceptent y compris les enfants.
Sans attendre la réponse, dès le 16 juillet, les policiers et
gendarmes français se jetèrent sur les quartiers juifs de la capitale,
avec un zèle qui en dit long sur leurs propres sentiments racistes.
Plus de 13 000 Juifs furent donc arrêtés et parqués dans le stade du
Vel' d'Hiv', sous la chaleur écrasante de juillet, sans nourriture, sans
eau, sans sanitaires. Au bout de ces trois jours, les déportés furent
emmenés dans plusieurs camps français, où les familles furent parquées,
pillées par les gendarmes et laissées quasiment sans nourriture dans
l'attente de leur déportation vers Auschwitz.
La rafle du Vel' d'Hiv' est la plus tristement célèbre, mais elle fut
suivie par bien d'autres en 1943 et 1944. En tout, ce furent plus de 75
000 Juifs qui furent déportés vers les camps de la mort par les
autorités françaises.
Après la guerre, cette politique ignoble fut bien vite " oubliée ".
Les Bousquet et autres Papon continuèrent leur carrière politique comme
si de rien n'était.
La volonté de camoufler ces événements perdura longtemps. Ainsi,
lorsque parut en 1956 le film De Nuremberg à Nuremberg, sur les
atrocités du nazisme, le gouvernement français exigea et obtint qu'une
image soit coupée au montage parce que l'on y distinguait... un képi
français. En 1971, quand le cinéaste Max Ophüls tourna Le Chagrin et la
pitié, sur le régime de Vichy, le film fut interdit à la diffusion en
France, et le resta jusqu'en 1981.
Et il fallut attendre 1995, pour que Chirac reconnaisse la responsabilité de l'État français dans les déportations de 1942-1944.
Pierre Vandrille (LO, juillet 2002)
Pierre Vandrille (LO, juillet 2002)
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