mercredi 8 juillet 2015

:: 16 et le 17 juillet 1942 : quand le gouvernement français organisait la rafle des juifs [LO, juillet 2002]

Il y a soixante ans, le 16 et le 17 juillet 1942, la police française arrêtait plus de 13 000 Juifs à Paris et les parquait dans le Vélodrome d'Hiver. Ces milliers d'hommes, de femmes et d'enfants furent ensuite conduits à Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande dans le Loiret, avant d'être déportés vers les camps d'extermination.

Toute l'opération fut réalisée sans l'aide d'un seul soldat ou policier allemand ; dans leur sale besogne, les autorités françaises firent même preuve d'un zèle qui allait bien au-delà des exigences formulées par les responsables de l'armée allemande.

En France, les premières rafles de Juifs commencèrent durant l'été 1941. Le 20 août 1941, une rafle permit d'arrêter plus de 4000 Juifs, qui furent parqués dans le camp de Drancy récemment ouvert. Ce furent les nazis eux-mêmes qui demandèrent aux autorités françaises de stopper les rafles, n'ayant pas encore les moyens " logistiques " de transporter les Juifs vers des camps ni de les y exterminer à un rythme suffisant.

La " solution finale ", c'est-à-dire l'extermination en masse des Juifs dans les chambres à gaz, ne devait en effet se mettre en place qu'à partir de 1942.

En juin 1942, le responsable de la " solution finale ", Eichmann, exigea des pays amis, dont la France faisait partie, qu'ils arrêtent et transfèrent vers le camp d'Auschwitz le plus grand nombre de Juifs possible, à condition que ceux-ci fussent âgés de plus de 16 ans. Le chef du gouvernement, Pierre Laval, secondé par René Bousquet, alors secrétaire général de la police, négocièrent avec les plus hautes autorités allemandes pour qu'elles acceptent y compris les enfants.

Sans attendre la réponse, dès le 16 juillet, les policiers et gendarmes français se jetèrent sur les quartiers juifs de la capitale, avec un zèle qui en dit long sur leurs propres sentiments racistes.

Plus de 13 000 Juifs furent donc arrêtés et parqués dans le stade du Vel' d'Hiv', sous la chaleur écrasante de juillet, sans nourriture, sans eau, sans sanitaires. Au bout de ces trois jours, les déportés furent emmenés dans plusieurs camps français, où les familles furent parquées, pillées par les gendarmes et laissées quasiment sans nourriture dans l'attente de leur déportation vers Auschwitz.

La rafle du Vel' d'Hiv' est la plus tristement célèbre, mais elle fut suivie par bien d'autres en 1943 et 1944. En tout, ce furent plus de 75 000 Juifs qui furent déportés vers les camps de la mort par les autorités françaises.

Après la guerre, cette politique ignoble fut bien vite " oubliée ". Les Bousquet et autres Papon continuèrent leur carrière politique comme si de rien n'était.
La volonté de camoufler ces événements perdura longtemps. Ainsi, lorsque parut en 1956 le film De Nuremberg à Nuremberg, sur les atrocités du nazisme, le gouvernement français exigea et obtint qu'une image soit coupée au montage parce que l'on y distinguait... un képi français. En 1971, quand le cinéaste Max Ophüls tourna Le Chagrin et la pitié, sur le régime de Vichy, le film fut interdit à la diffusion en France, et le resta jusqu'en 1981.

Et il fallut attendre 1995, pour que Chirac reconnaisse la responsabilité de l'État français dans les déportations de 1942-1944.

Pierre Vandrille (LO, juillet 2002)

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