mercredi 27 octobre 2010

:: Conseil National de la Résistance (CNR), petit rappel critique

En France, à la sortie de la guerre, le Parti communiste revendiquait un million de militants. Il avait une influence considérable dans la classe ouvrière. Il contrôlait des centaines de municipalités avec une présence militante dans toutes les cités ouvrières. Directement ou par l’intermédiaire d’associations culturelles, sportives ou caritatives, le PC influençait de larges pans du monde du travail.

Entre 1944 et 1947, le PCF mit tout ce crédit au service de la bourgeoisie en participant pour la première fois au gouvernement sous la tutelle de De Gaulle. Dans cette période où des millions de travailleurs attendaient que leur sort change après les années de privations, il leur fit accepter le maintien des tickets de rationnement, les salaires de misère et les conditions de travail exécrables.
Le principal instrument du PC pour encadrer la classe ouvrière était la CGT. Au congrès d’avril 1946, renforcés par un afflux massif vers les syndicats, les communistes étaient devenus majoritaires. Les militants se transformèrent en véritables contremaîtres dans les principales usines du pays. Benoît Frachon, co-secrétaire général de la CGT, déclarait par exemple en 1944 : « gagner la bataille de la production est aussi important que d’avoir gagné la bataille de la Libération ».

La participation du PCF au gouvernement ne dura que le temps de remettre en selle tout l’appareil d’État. Mais l’intégration des syndicats, y compris de la CGT à majorité communiste, fut bien plus durable.

La bourgeoisie ne voulait pas seulement restaurer son appareil d’État. Elle voulait aussi reconstruire son appareil de production, détruit par la guerre, non renouvelé depuis des lustres, sans financer elle-même les investissements nécessaires. C’est pour ces raisons que les gouvernements nationalisèrent des pans entiers de l’économie, des banques aux charbonnages en passant par le gaz et l’électricité.

Le rôle des syndicats fut d’aider au redémarrage de la production. C’est pour faciliter ce rôle d’encadrement des travailleurs par les syndicalistes que furent créés les Comités d’entreprises qui n’eurent jamais de réel droit de regard ni sur les comptes ni sur la marche des usines.

C’est pour fournir au patronat une main-d’œuvre en bonne santé, tout en mutualisant les coûts et en maintenant des salaires faibles, que fut créée la Sécurité sociale.

Toutes ces dispositions furent prises avant même la fin de la guerre, au sein du Conseil National de la Résistance, le CNR, auquel la CGT participait. Ces structures de collaboration, organismes de Sécurité sociale, Conseil Economique et Social, Comités d’entreprises, etc., absorbèrent des milliers de militants. Roger Linet, responsable de la CGT-métallurgie, confiait dans ses mémoires que la CGT eut du mal à trouver assez de militants expérimentés pour occuper tous les postes à pourvoir.

Les structures paritaires ou les comités d’entreprises rapportaient également des ressources financières aux syndicats et réduisaient le poids des syndiqués sur la vie de ceux-ci. Elles transformaient des militants en petits chefs du personnel gérant cantines et autres œuvres sociales. En outre ces militants échappaient au travail dans l’atelier ou le bureau, se coupaient des préoccupations et du contrôle des travailleurs.

Pour augmenter encore le poids des bureaucraties syndicales, le CNR garantissait le monopole de la représentation des travailleurs à une liste fermée de syndicats : seules la CGT, la CFTC et la CGC pouvaient présenter au premier tour des candidats pour les délégués du personnel. FO et la CFDT furent ajoutées par la suite.

Toutes ces dispositions, prises dans le cadre du CNR, allaient dans le même sens : augmenter l’autonomie des appareils syndicaux vis-à-vis des travailleurs, limiter le contrôle des syndiqués sur leurs propres syndicats et accroître la dépendance des organisations syndicales vis-à-vis de l’appareil d’État.