lundi 15 novembre 2010

:: 15 novembre 1927 : exclusion de Trotsky du Parti Communiste de l'Union Soviétique

Le 15.11.1927, avant l'ouverture du XVème congrès du PC, la « Commission Centrale de Contrôle » prononce l'exclusion de Trotsky et de Zinoviev (ce dernier capitulera rapidement), Kamenev, Rakovsky, Smilga et d'autres sont exclus du Comité Central. Trotsky n'a pas été entendu, son exclusion du CC avait été décidée à l'issue du Plénum du CC du 21 au 23 octobre 1927, au cours duquel il était intervenu une dernière fois publiquement devant le parti.

Ci-dessous quelques extraits de cette intervention de Trotsky le 23, publiée, tronquée, par la Pravda et, en français, par l'Humanité du 2.11.1927, puis, in extenso, par Contre le Courant, le 2.12.1927.

(...) Le régime du Parti découle de toute la politique de la direction. Derrière les extrémistes de l'Appareil, se tient la bourgeoisie intérieure qui renaît. Derrière elle, se tient le bourgeoisie mondiale. Toutes ces forces pèsent sur l'avant-garde prolétarienne, l'empêchent de lever la tète, d'ouvrir la bouche. Plus la politique du Comité Central s'écarte de la ligne de classe. plus elle est obligée d'imposer, d'en haut, cette politique à l'avant-garde prolétarienne, par des mesures de coercition. C'est là qu'est l'origine du révoltant régime qui règne dans le Parti. Lorsque Martynov, Smeral, Rafès et Peper dirigent la Révolution chinoise et que Mratchkovsky, Sérébriakov, Préobrajensky, Charov et Sarkis sont exclus du Parti pour avoir imprimé et diffusé une plate-forme bolchéviste destinée au Congrès, ces faits ne sont pas seulement d'ordre intérieur du Parti. Non, dans ces faits, la mouvante influence politique des classes trouve déjà son expression.

Il est certain que la bourgeoisie intérieure fait pression sur la dictature du prolétariat et sur son avant-garde prolétarienne, sans doute moins hardiment, moins ouvertement, moins astucieusement que la bourgeoisie mondiale. Mais ces deux pressions vont de pair et s'exercent simultanément. Les éléments de la classe ouvrière et de notre Parti qui ont, les premiers, pressenti l'approche du danger, qui ont été, les premiers à en parler, c'est-à-dire les représentants de la classe ouvrière les plus révolutionnaires, les plus stoïques, les plus perspicaces, les plus irréductibles, forment, aujourd'hui, les cadres de l'Opposition. Ces cadres se développent dans notre parti comme sur le plan international.

(...) L'opposant exclu se sent membre du Parti et le restera. On peut, par la violence, arracher la carte du Parti au véritable bolchevik léniniste, on peut, momentanément, lui retirer ses droits de membre du Parti, il n'abandonnera jamais ses obligations de membre du Parti. Lorsque Janson demanda, au camarade Mrachkovsky, à la séance de la Commission Centrale de Contrôle, ce qu'il ferait lorsqu'il serait exclu du Parti, le camarade Mratchkovsky répondit : « Je continuerai comme par le passé. »
C'est ce que dira tout opposant, quel que soit le lieu d'où l'on puisse exclure : du Comité Exécutif de l'Internationale Communiste, du Comité Central du Parti Communiste de l'Union ou du Parti. Chacun de nous dit avec Mratchkvosky : « Je continuerai comme par le passé ».

Nous tenons la manette du bolchevisme. Vous ne nous en arracherez pas. Nous la ferons marcher. Vous ne nous amputerez pas du Parti, vous ne nous couperez pas de la classe ouvrière. Nous connaissons les répressions, nous sommes habitués aux coups. Nous ne livrerons pas la Révolution d'Octobre a la politique de Staline dont l'essence peut s'exprimer en quelques mots : Bâillonnement du noyau prolétarien, fraternisation avec les conciliateurs de tous les pays, capitulation devant la bourgeoisie mondiale.

Excluez-nous donc du Comité Central un mois avant le Congrès que vous avez déjà transformé en étroite réunion des gens de la fraction Staline ! Le 15e Congrès sera, au point de vue extérieur, une espèce de triomphe supérieur de la mécanique de l'Appareil. En réalité, il en marquera le complet effondrement politique. Les victoires de la fraction Staline sont les victoires des forces de classes étrangères sur l'avant-garde prolétarienne. Les défaites du Parti dirigé par Staline sont les défaites de la dictature du prolétariat. Le Parti le sent déjà. Nous lui viendrons en aide. La plate-forme de l'Opposition est sur la table du Parti ! Après le 15e Congrès, l'Opposition sera, dans le Parti, incomparablement plus forte qu'en ce moment. Le calendrier de la classe ouvrière et le calendrier du Parti ne coïncident pas avec le calendrier bureaucratique de Staline. Le prolétariat pense lentement, mais sûrement. Notre plate-forme accélérera ce processus. En dernière analyse, c'est le ligne politique qui décide, et non pas la main de fer bureaucratique.

L'Opposition est invincible. Excluez-nous aujourd'hui du Comité Central, comme hier vous avez exclu Sérébriakov et Préobrajensky du Parti, comme vous avez arrêté Fichelev et les autres. Notre plate-forme se frayera sa voie. Déjà, les ouvriers de tous les pays se demandent, avec la plus grande inquiétude, pour quelle raison, à l'occasion du 10e anniversaire de la Révolution d'Octobre, on exclut, on arrête les meileurs combattants de cette Révolution. A qui la faute ? A quelle classe ? A celle qui a a vaincu en Octobre, ou à celle qui appesantit sa pression tout en sapant la victoire d'Octobre ? (...)

Les poursuites, les exclusions, les arrestations feront de notre plate-forme le document le plus populaire, le plus près du coeur, le plus cher du mouvement ouvrier international. Excluez-nous, vous n'arrêterez pas les victoires de l'Opposition : elles seront les victoires de l'unité révolutionnaire de notre Parti et de l'Internationale Communiste.
Tout le passage incluant les extraits ci-dessus (soit plus de la moitié de l'intervention de Trotsky) fut remplacé, dans le compte-rendu de la Pravda, par la mention suivante, venant après l'indication d'un tumulte déchaîné :« Le camarade Trotsky continue à lire, mais on ne peut distinguer un seul mot ». Victor Serge rapporte la scène suivante : «...Yaroslavski lui jette à la tête un gros livre... L'insupportable voix sarcastique de Trotsky scande : Vos livres, on ne peut plus les lire, mais ils peuvent encore servir à assommer les gens... »
 
[source : le falo]

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