mercredi 24 novembre 2010

:: Etre communiste aujourd'hui #1

Qu'est-ce que ça veut dire d'être communiste, révolutionnaire, internationaliste, aujourd'hui, en 2010 ?
LO apporte sa réponse dans la Lutte de classe n°105. Extrait :

"Être révolutionnaire, c'est évidemment être pour un changement radical de société. Il ne s'agit pas de révolution dans les lettres, les arts, ou les mœurs comme en 1968 et les années qui suivirent, ni d'une « rupture », voire d'un changement de société comme le disent sans rire les dirigeants politiques des grands partis, y compris ceux de droite. Être révolutionnaire, c'est œuvrer à un changement aussi radical que le fut la révolution française au XVIIIème siècle et plus profond encore que le fut la révolution russe de 1917 qui se limita à un seul pays et, qui plus est, arriéré à 90 % de son économie et de sa population, et même le plus arriéré d'Europe. Un tel changement social viserait à la suppression de l'économie capitaliste et de ce qui lui est lié, l'impérialisme et son masque d'aujourd'hui, le « libéralisme » et la « mondialisation ». Cela signifie la suppression de la propriété privée d'une classe riche de tous les grands moyens de production, de distribution, de transport. Le pire n'est pas qu'elle possède ces instruments de production, le pire est que leur fonctionnement n'est pas cohérent. Il est cohérent à l'intérieur de chaque entreprise mais dans les relations entre ces entreprises et entre les pays, la répartition, les échanges se font d'une façon anarchique. Cela se fait par la recherche du profit le plus élevé possible et la concurrence entre tous au travers du marché capitaliste où la régulation des échanges ne se fait qu'à retardement, par à-coups catastrophiques. Cela aboutit à un énorme gâchis du produit social et à des crises économiques parfois catastrophiques. Ces crises entraînent une surexploitation des travailleurs qui n'est limitée que par les réactions éventuelles de ces derniers. La classe capitaliste enchaînée à son mode de production, de répartition, de régulation par le marché, ne peut qu'exploiter au maximum le monde du travail pour en tirer le plus de profits possible. Dans les pays économiquement développés, les réactions du monde du travail, concentré, puissant, même s'il n'utilise pas toujours cette puissance, limitent le degré des ponctions du capital sur le produit du travail. Mais même dans les pays pauvres, très pauvres, sous-développés, où le revenu moyen par habitant est souvent cent fois, voire plus, inférieur au revenu par habitant des pays industrialisés, et qui sont des pays où la misère est extrême, où l'espérance de vie est raccourcie de moitié, où la mortalité infantile est catastrophique, le capitalisme mondial est encore capable d'extraire de la plus-value du travail de ces miséreux. Bien moins par tête d'habitant que dans les autres pays, mais il se rattrape sur le nombre. Un changement de société nécessite d'enlever des mains des conseils d'administration des grandes sociétés, et même des autres, la puissance économique qui leur permet d'exercer une dictature sociale et politique, quelles que soient les formes plus ou moins démocratiques du pays, sur l'ensemble des autres classes. Être révolutionnaire, c'est œuvrer à la préparation d'un tel changement de société, d'une telle révolution. Pour cela, il faut des instruments, des partis qui représentent l'expérience des classes populaires, la mémoire de leurs luttes, qui en tirent les leçons, qui forment politiquement leurs membres. Il faut donc créer au moins un tel parti, dont la propagande et l'activité dans le monde du travail consisteront aussi à amener le maximum de travailleurs, jeunes ou moins jeunes, à s'organiser en commun dans le même but.

Dictature économique de la bourgeoisie sur toute la société ou démocratie sociale sans le pouvoir de la bourgeoisie
Mais les acteurs de cette transformation sociale, et surtout du régime social et politique qui en sortirait, ne peuvent être que les travailleurs salariés. En effet, pour lutter contre la dictature économique de la bourgeoisie, il faut qu'énormément d'individus intéressés à cette transformation, à cette révolution, participent aux décisions et aux actions. Pourquoi les travailleurs salariés et pas d'autres catégories sociales qui sont parfois, elles aussi, opprimées, sans toujours en avoir conscience, par le même système économique ? C'est le cas des artisans, voire des petits entrepreneurs, des membres des classes intellectuelles et de bien d'autres encore qui, même disposant de plus d'aisance financière que les travailleurs du bas de l'échelle, vivent dans une société inhumaine et peu propice au développement humain et culturel, y compris le leur. Les travailleurs salariés sont naturellement la catégorie sociale la plus concentrée sur les mêmes lieux de travail car ils s'y retrouvent quotidiennement par centaines ou par milliers. Quotidiennement, ils peuvent s'assembler, décider, discuter démocratiquement sans forcément s'en remettre à des dirigeants politiques éloignés d'eux. En tout cas, même s'ils doivent recourir à de telles délégations de pouvoir, ce qui est nécessaire dans un grand pays, ils ont les moyens de les contrôler, voire de les contraindre à agir dans le sens des intérêts de la population. C'est cela le communisme, c'est cela la démocratie sociale que l'on peut opposer à la dictature du capital. Bien sûr, par provocation ou slogan propagandiste, on peut dire comme le fit Karl Marx que ce serait une dictature aussi. Mais une dictature sociale de l'immense majorité, la classe des travailleurs, sur une infime minorité, la bourgeoisie, et n'agissant que dans les intérêts de toute la population. C'est pour cela que des révolutionnaires socialistes et communistes, aussi bien d'hier que d'aujourd'hui ou de demain, ne peuvent compter que sur les travailleurs pour changer les bases économiques de la société et instaurer un régime de gouvernement démocratique, gouvernement qui se fondrait peu à peu dans la quasi-totalité de la population en se décentralisant au fur et à mesure que les conflits entre exploiteurs et exploités disparaîtraient.

C'est cela être révolutionnaire, aujourd'hui comme hier, et c'est pour cela que les révolutionnaires ne peuvent se contenter de s'appuyer sur des révoltes ou même des luttes de la jeunesse, même si la jeunesse aurait une large place dans une telle révolution. C'est pourquoi nous cherchons à défendre auprès des jeunes les idées que nous défendons auprès du monde du travail. Nous ne voulons pas emboîter le pas à leurs actions ni aller dans le sens de leurs préoccupations immédiates et des voies dans lesquelles ils engagent leur radicalisme. Nous ne disons pas qu'ils ont eu raison à ceux qui sont allés à la Bastille manifester contre Le Pen en 2002, et encore moins à ceux qui ont voté ou appelé à voter Chirac à l'époque. Nous ne disons pas, et nous ne dirons pas, qu'ils ont raison à ceux qui ont manifesté, minoritairement, contre l'élection de Sarkozy. C'est avant, qu'il fallait se donner les moyens de changer les choses, pas une fois que l'élection est terminée. L'élection de Sarkozy n'est pas une catastrophe politique. Le présenter aujourd'hui de la façon dont on présentait Le Pen hier est la pire des façons de lutter contre l'oppression des puissances d'argent représentées politiquement par Sarkozy. Le Pen n'était pas le fascisme à la porte du pouvoir. Et Sarkozy n'est pas le fascisme à la présidence de la République. C'est une homme de droite, mais pas plus que Chirac, Giscard, Pompidou ou de Gaulle, et pas moins que François Mitterrand qui était un faux homme de gauche, ayant flirté avec le gouvernement de Pétain, mené la répression en Algérie, condamné à mort des militants du FLN et des militants français pro-algériens. Il ne faut pas voir le présent et l'avenir comme catastrophiques. Nous ne dirons pas à la jeunesse que la mondialisation est un phénomène nouveau et cataclysmique. Elle existe sous ses pires aspects depuis plus d'un siècle. Et ceux qui font un drapeau de l'antimondialisation ou de l'antilibéralisme n'ont d'autre alternative que de revendiquer le retour à des frontières économiques fermées, à des droits de douane qui renchériraient tout ce qui se consomme à l'intérieur du pays. Le réchauffement de la planète est une catastrophe annoncée, mais la société capitaliste engendre des catastrophes qui sont actuelles et aussi graves. Et c'est contre elles qu'il faut lutter et pas simplement essayer de convaincre les dirigeants politiques et économiques de la planète d'être plus conscients, ou encore de convaincre la population de circuler en vélo plutôt qu'en voiture. Des milliards d'habitants de la terre, à l'heure actuelle, n'ont aucun autre moyen de transport que leurs pieds. Car ils n'ont ni transports en commun ni transports individuels du tout. Et cela les oblige parfois à des dizaines de kilomètres à pied chaque jour. C'est cela qu'il faut essayer de contribuer à changer. Et pour cela, il faut des outils. Et le premier outil, nous l'avons dit, est un parti politique puissant, défendant les intérêts politiques du monde du travail, car c'est seulement le monde du travail qui a le nombre, la puissance et le rôle social voulu pour pouvoir changer la société à la fois sur le plan économique, social, voire écologique, et en faire une véritable démocratie. Nous nous présentons aux élections, certes, mais comme nous le disions plus haut, c'est fondamentalement pour défendre ces idées-là. Mais pas pour faire des scores avantageux. Quand nous en faisons, c'est justement sur la base de ces idées-là. Dans les élections, notre propagande contient des revendications que nous voulons populariser pour qu'elles soient celles des luttes à venir, surtout des luttes importantes. Et les luttes importantes des travailleurs ont la caractéristique de s'en prendre à la bourgeoisie, au patronat, en touchant la production, en arrêtant l'économie et, donc, en stoppant les profits. C'est là que réside l'épreuve de force. Et c'est alors que l'on peut imposer à la bourgeoisie des revendications essentielles. Et si nous parlons de certaines revendications économiques en fonction de la situation sociale des classes laborieuses comme, par exemple, le rattrapage du niveau de vie, que ce soit sur les plus bas salaires ou sur tous les autres, si nous revendiquons l'arrêt de toute subvention aux entreprises capitalistes pour consacrer cet argent à créer des emplois dans les services publics, ou encore une augmentation de l'imposition sur les bénéfices des sociétés, pour pouvoir construire le nombre de logements sociaux qui manquent cruellement à toute la population, nous mettons surtout en tête de notre programme l'objectif du contrôle par les travailleurs, les associations, toute la population, des comptabilités et des projets de toutes les grandes entreprises, sans oublier les moyennes ou petites qui dépendent des grandes. Ce n'est pas le programme d'une révolution, mais une revendication essentielle lors d'une lutte générale car ce serait un changement déterminant du rapport de forces social, voire politique, entre la population laborieuse et la bourgeoisie. Ce serait même une transition entre un programme strictement revendicatif et le programme qui conviendrait dans une crise révolutionnaire. Par contre, nous n'irons pas dans le sens des courants dominants parmi la jeunesse ou une partie des travailleurs en défendant des objectifs vagues et non déterminants comme l'altermondialisme, l'écologie, un anticapitalisme imprécis, simplement pour gagner des suffrages. « Faire des voix » n'est pas un but en soi. D'ailleurs, même si nous étions élus, nous ne pourrions rien changer à la société sans un mouvement de masse puissant réunissant une majorité de travailleurs. Voilà pourquoi, militants de Lutte Ouvrière, nous nous adressons avant tout aux travailleurs et à ceux, jeunes ou moins jeunes, qui le deviendront".

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