mardi 9 novembre 2010

:: La doctrine de Marx [Lénine, 1913]

Le trait essentiel de la doctrine de Marx, c'est la mise en relief du rôle historique mondial du prolétariat, comme édificateur de la société socialiste.
Au commencement de la première période (de la révolution de 1848 à la Commune de Paris), la doctrine de Marx n'est pas dominante. Elle n'est que l'une des très nombreuses tendances, l'un des courants du socialisme. Sont en vogue celles des formes du socialisme qui, par le fond, s'apparentent à notre mouvement narodnik (populiste) : incompréhension de la base matérialiste du progrès historique, incapacité de discerner le rôle et l'importance de chacune des classes de la société capitaliste, camouflage de la nature bourgeoise des réformes démocratiques à l'aide de phrases diverses, dites socialistes, sur le "peuple", la "justice", le "droit", etc...
La révolution de 1848 porte un coup mortel à toutes ces formes bigarrées, bruyantes et tapageuses du socialisme antérieur à Marx. Dans tous les pays, la révolution montre les diverses classes de la société à l'œuvre. Le massacre des ouvriers parisiens par la bourgeoisie républicaine, dans les journées de juin 1848, atteste à jamais la qualité socialiste du seul prolétariat. La bourgeoisie libérale redoute cent fois plus que la pire réaction, l'action indépendante de cette classe.
Toutes les doctrines concernant un socialisme et une politique hors-classes s'avèrent de pures balivernes.
...La deuxième période (1872-1904) se distingue de la première par son caractère "pacifique", par l'absence de révolutions. L'Occident en a fini avec les révolutions bourgeoises. L'Orient n'est pas encore mûr pour elles.
L'Occident entre dans l'époque de la préparation "pacifique" des réformes à venir. Partout se forment des partis socialistes, prolétariens dans leur base, qui apprennent à tirer parti du parlementarisme bourgeois, à créer leur presse quotidienne, leurs établissements d'éducation, leurs syndicats, leurs coopératives. La doctrine de Marx remporte une victoire complète et prend de l'extension.
...La dialectique de l'histoire est telle que la victoire du marxisme dans le domaine de la théorie oblige ses ennemis à se déguiser en marxistes. Le libéralisme, pourri à l'intérieur, tente de revivre sous la forme de l'opportunisme socialiste. Il interprète la période de la préparation des forces pour les grandes batailles, dans le sens de la renonciation à ces batailles. Il commente l'amélioration de la condition des esclaves pour la lutte contre l'esclavage salarié, comme si les esclaves vendaient cinq sous leurs droits à la liberté. Il prêche lâchement la "paix sociale" (c'est-à-dire la paix avec l'esclavage), le reniement de la lutte de classe et ainsi de suite. Les opportunistes ont beaucoup de partisans parmi les parlementaires socialistes, les divers fonctionnaires du mouvement ouvrier et les intellectuels "sympathisants".
A peine les opportunistes ont-ils fini de glorifier la "paix sociale" et la possibilité d'éviter les tempêtes dans la "démocratie", que s'ouvre, en Asie, la source nouvelle des plus grandes conflagrations mondiales. La révolution russe est suivie des révolutions turque, persane, chinoise. ...Les révolutions d'Asie ont attesté... la même importance exceptionnelle de l'action indépendante des masses démocratiques, la même différenciation nette entre le prolétariat et toute la bourgeoisie.
...Depuis l'apparition du marxisme, chacune des trois grandes époques de l'histoire universelle lui a apporté de nouvelles confirmations et de nouveaux triomphes. Mais l'époque historique qui va s'ouvrir apportera au marxisme, doctrine du prolétariat, un triomphe plus éclatant encore.

Lénine, 1913

Aucun commentaire: