mercredi 24 novembre 2010

:: Lula, grand serviteur de la bourgeoisie brésilienne

Au revoir Lula !
La politique de Lula et de ses gouvernements a été dans l’exacte continuité de celle de son prédécesseur de droite, Cardoso, favorisant les secteurs de la finance et des exportations. Sous sa présidence, les banques ont réalisé des bénéfices jamais vus. En 2005 par exemple, Bradesco et Banco do Brasil réalisaient près de 2 milliards de dollars de profits chacun. L’ensemble des groupes bancaires ont, sous la présidence de Cardoso, réalisé 20 milliards de dollars de profits cumulés, et 100 milliards sous celle de Lula. Les forts taux d’intérêt ont attiré les capitaux des financiers du monde entier. Le taux directeur est aujourd’hui de 9,50 %, le plus haut du monde, après avoir longtemps frôlé les 20 %. Cette année, plus de 45 milliards de dollars sont entrés dans le pays. Ces investisseurs ont toute liberté pour rapatrier les intérêts et dividendes engrangés.

Les secteurs en pointe sont les exportateurs de matières premières minières et agricoles. En 2005, la compagnie minière Vale do Rio Doce réalisait 3,5 milliards de dollars de profit. Le Brésil est le premier exportateur mondial de café, sucre, alcool, jus d’orange, viande de bœuf et de poulet, et un très gros producteur de soja, de maïs, de viande de porc. Dans un discours, Lula a qualifié de "héros" les gros planteurs de canne à sucre qui se spécialisent dans la production d’éthanol carburant. Pour étendre les surfaces consacrées en particulier au soja, à la canne à sucre et à l’élevage bovin, les grands exploitants agricoles, qui sont souvent des trusts impérialistes, massacrent la forêt amazonienne, avec ou sans l’accord des autorités, refoulant ou exterminant pour cela les tribus indiennes, et réduisent leurs salariés à un véritable esclavage dans leurs fazendas. Le gouvernement a tout un plan pour "libérer" l’Amazonie des lois et règlements qui en limitent l’appropriation et l’exploitation. Une première mesure a été prise, qui cède au privé à des prix d’ami 60 millions d’hectares de terres publiques.

La production du secteur agro-industriel atteint les 400 milliards de dollars, plus que le PIB de l’Argentine, et ses exportations étaient en 2008 de 72 milliards. Le gouvernement Lula a tout fait pour le favoriser. En 2008, quand la crise bancaire réduisait les financements, il lui a accordé 13 milliards de prêts, puis encore 9 milliards en mars 2009. Pour lui complaire, il l’a laissé utiliser pour les agrumes des pesticides interdits dans le monde entier, qui ont empoisonné des milliers de gens, et il a légalisé l’emploi à grande échelle des OGM, à la grande déception des écologistes qui le soutenaient.

Mais le secteur industriel n’a pas non plus été oublié, même s’il alimente le marché intérieur et exporte moins. Il a crû de 18 % en un an. L’an passé, sous prétexte de les aider à surmonter la crise, le gouvernement a fait cadeau aux entreprises et aux banques de plus de 140 milliards d’euros d’argent public. À lui seul le secteur automobile a été exempté de plus de 400 millions d’euros d’impôts. La condition était de maintenir l’emploi : le lendemain de cette annonce, PSA annonçait le licenciement de 250 travailleurs… et conservait l’exemption d’impôt.

Lula et le PT dans l’opposition critiquaient les privatisations réalisées par Cardoso. Les prix de vente étaient souvent scandaleusement bas : Vale do Rio Doce, évalué à plus de 40 milliards de dollars, était vendu pour 1,5 milliard en 1997. Son bénéfice était de 3 milliards en 2007 ! Une fois au pouvoir, Lula s’est bien gardé de revenir sur ces privatisations. Il a au contraire systématiquement encouragé les partenariats public-privé (PPP), où le public fournit les fonds et le privé encaisse les profits. Et tant pis si l’intervention du privé dans les services publics provoque des dysfonctionnements scandaleux, comme la panne qui, dans la nuit du 10 au 11 novembre 2009, a pendant plusieurs heures privé de courant la moitié des Brésiliens, provoquant dans les grandes villes un chaos indescriptible.

La bourgeoisie brésilienne est donc prospère comme elle ne l’a jamais été et elle le manifeste en affichant un luxe choquant pour le reste de la société. Le marché des jets privés, des hélicoptères pour les déplacements en ville, des voitures blindées et des gardes du corps est florissant. Le magasin Daslu de Sao Paulo, spécialisé dans le commerce de luxe et auquel seuls les riches ont accès, a ouvert des filiales dans d’autres capitales d’État qui offrent désormais une clientèle suffisante pour justifier une installation.

Lula au pouvoir, cela a été tout profit pour la bourgeoisie, et cela s’est traduit cette année par un appui sonnant et trébuchant à la candidate du PT, Dilma Rousseff. Début septembre elle avait déjà reçu pour sa campagne 20 millions de dollars des grandes entreprises, alors que son concurrent­ de droite, José Serra, n’en avait eu que 14. Les bourgeois ont une certaine reconnaissance du ventre.
Un journaliste de la Folha de Sao Paulo écrivait en mai 2005 : "On n’a pas encore pu distinguer Lula de Fernando Henrique Cardoso." La remarque est toujours valable aujourd’hui.

Extrait de la Lutte de classe 131

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