dimanche 7 novembre 2010

:: Marx, Engels et la révolution socialiste

Pour les « socialistes », ou les « communistes » officiels, celui qui parle aujourd’hui de révolution socialiste mondiale ne peut être qu’un illuminé, quand ce n’est pas un provocateur, un agent de la bourgeoisie.

Cette conviction que la société socialiste ne pourra exister qu’à l’échelle mondiale n’est pourtant pas une invention des trotskystes. C’était celle de Marx et d’Engels, celle de tous les partis socialistes avant 1914, celle de tous les partis communistes avant 1924. Et si les trotskystes sont pratiquement les seuls aujourd’hui à la partager, c’est parce qu’ils sont les seuls à assurer la continuité des idées socialistes, des idées marxistes.

Car pour les marxistes, le mot socialisme a un tout autre sens que celui que lui prêtent aujourd’hui les Mitterrand, les Guy Mollet et les Waldeck-Rochet.

Pour M. Mitterrand il s’agit tout au plus d’une prétendue politique de « justice sociale ». Et les aspirations, toutes platoniques d’ailleurs, de M. Waldeck-Rochet ne vont pas au-delà de la nationalisation des grands trusts.

C’est pourquoi on ne peut pas comprendre les perspectives dans lesquelles s’inscrivait la politique du Parti bolchévik en 1917, sans avoir présentes à l’esprit un certain nombre d’idées socialistes, élémentaires sans doute, mais trop souvent oubliées, et que nous allons nous efforcer de rappeler brièvement.

La société communiste ne sera pas une société où l’État sera maître de tous les moyens de production. La société communiste sera au contraire une société sans État et sans classes, sans État parce que sans classes.

L’existence de classes sociales antagonistes, et de l’État, instrument d’oppression de la classe dominante, n’est pas en effet, comme le montrèrent Marx et Engels, il y a plus d’un siècle, une loi éternelle de toute société humaine.

L’exploitation de l’homme par l’homme ne fut possible, historiquement, qu’à partir du moment où la productivité du travail humain s’élevant, la collectivité devint capable de produire plus qu’il n’était strictement nécessaire pour assurer sa survie.

A partir de ce moment, l’histoire des sociétés ne fut plus que l’histoire de la lutte de classes sociales antagonistes, exploiteurs contre exploités, ou exploiteurs rivaux entre aux, luttes dont le seul but en définitive était de savoir qui accaparerait le surproduit social.

Mais cette lutte ne fut fatale, inéluctable, qu’aussi longtemps que le productivité du travail humain était malgré tout insuffisante pour satisfaire tous les besoins de tous les individus.
Et ce fut le premier mérite des fondateurs du socialisme scientifique, que de montrer, à l’aube même de la révolution industrielle, que celle-ci allait enfin créer les bases économiques qui permettraient un jour l’existence d’une société nouvelle, qui pourrait inscrire sur ses drapeaux, suivant l’expression de Marx, « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins », une société où le règne de la nécessité aurait fait place au règne de la liberté.

Leur second mérite, après avoir éclairé le but, ce fut de montrer les voies qui permettraient de l’atteindre.

Ils ne comptaient pas, bien sûr, sur la bonne volonté des capitalistes, car si, en développant l’industrie, ceux-ci créent les bases économiques du socialisme, c’est bien à leur corps défendant, et ils ne visent que leurs propres profits.

La lutte de classe, disaient-ils en substance, a toujours été le moteur de l’histoire, la lutte de classe sera le moteur de la révolution socialiste. Le prolétariat, créé et sans cesse développé par la grande industrie, voilà le seul instrument capable de détruire le vieil ordre bourgeois, et de construire une société nouvelle.

Mais cette société ne saurait exister qu’à l’échelle internationale ; car le haut niveau de productivité atteint par l’économie capitaliste, l’a été sur la base de la division mondiale du travail, et il n’y a, à plus forte raison, que sur cette base que pourra exister le communisme.

C’est d’ailleurs là que résident les bases concrètes, matérielles, de l’internationalisme prolétarien. Le mot d’ordre « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » n’était pas un simple effet de rhétorique. « L’action commune des différents prolétariats, dans les pays civilisés tout au moins, est une des premières conditions de leur libération », précisait le Manifeste Communiste, et l’on pourrait multiplier les citations pendant des heures.

Nous nous limiterons, cependant, à celle-ci, extraite de « l’Adresse du Conseil Général de la Ligue Communiste », citation que nous dédierons à M. Waldeck-Rochet :
« Tandis que les petits bourgeois démocratiques veulent amener la révolution à son terme au plus vite..., écrit Marx, notre intérêt, notre tâche est de rendre la révolution permanente, jusqu’à ce que toutes les classes plus ou moins possédantes aient été écartées du pouvoir, que le pouvoir d’État ait été conquis par le prolétariat et que, non seulement dans un pays, mais dans tous les pays qui dominent le monde, l’association des prolétaires ait fait assez de progrès pour faire cesser dans ces pays la concurrence des prolétaires, et concentrer dans leurs mains, du moins, les forces productives décisives. Pour nous, il ne saurait être question de la transformation de la propriété privée, mais uniquement de son anéantissement ; il ne saurait être question de masquer les antagonismes de classes, mais de supprimer les classes ; non pas d’améliorer la société existante, mais d’en fonder une nouvelle. »

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