lundi 6 décembre 2010

:: La domination du capital sur le travail [par Lénine, 1895] #2

A l'heure actuelle, le travail salarié, le travail pour un capitaliste, est devenu la forme de travail la plus répandue. La domination du capital sur le travail s'est étendue à la grande masse de la population, non seulement dans l'industrie, mais encore dans l'agriculture. C'est cette exploitation du travail salarié, fondement de la société moderne, que les grandes fabriques portent à son plus haut degré de développement. Toutes les méthodes d'exploitation utilisées par tous les capitalistes dans toutes les branches de l'industrie et dont pâtit toute la population ouvrière de Russie, sont concentrées ici, à la fabrique, où elles s'aggravent, deviennent la règle, embrassent tous les aspects du travail et de la vie de l'ouvrier, déterminent toute une organisation, tout un système grâce auquel le capitaliste fait suer à l'ouvrier sang et eau. Pour être plus clair, prenons un exemple : en tous lieux et de tout temps, quiconque s'embauche pour un travail se repose les jours de fête observés dans la région. Il en va tout autrement à la fabrique : quand elle a embauché un travailleur, la fabrique dispose de lui à sa guise, sans tenir compte de ses habitudes, de son train de vie, de sa situation de famille, de ses besoins intellectuels. Elle le fait travailler quand elle en a besoin, l'oblige à plier toute sa vie à ses propres exigences, le contraint à fractionner son repos et, avec le système du travail par roulement, à travailler la nuit et les jours fériés. La fabrique se permet tous les abus possibles et imaginables en ce qui concerne le temps de travail, en même temps qu'elle applique son " règlement " et ses " méthodes " auxquels tout ouvrier est tenu de se conformer. Le régime à la fabrique est conçu de façon à tirer de l'ouvrier toute la somme de travail qu'il peut fournir, et cela le plus vite possible, pour ensuite le flanquer à la porte ! Autre exemple. Quiconque s'embauche pour un travail s'engage naturellement à obéir au patron, à exécuter les ordres qu'on lui donnera. Mais tout en s'engageant à exécuter tel ou tel travail en un temps donné, il ne renonce aucunement à sa volonté ; s'il trouve les exigences de son patron injustes ou excessives, il le quitte. La fabrique, elle, exige que l'ouvrier fasse le sacrifice total de sa volonté ; elle instaure une stricte discipline, oblige l'ouvrier à commencer et à quitter le travail à la sonnerie, s'arroge le droit de le punir elle-même et lui inflige une amende ou une retenue sur son salaire pour toute infraction au règlement qu'elle a elle-même institué. L'ouvrier devient le rouage d'un énorme mécanisme : il doit être aussi docile, soumis, privé de volonté qu'une machine.
 [Lénine, "Exposé et commentaire du projet de programme" #2, 1895]

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