mardi 23 août 2011

:: Derrière la stratégie "anti-sarkozyste" de la gauche réformiste...

Depuis l’accession de Sarkozy au pouvoir, la seule stratégie électorale du Parti socialiste consiste à attendre que Sarkozy se déconsidère. Le Parti socialiste n’a rien à proposer sur le plan social, rien à proposer face à la crise et ses conséquences désastreuses et ne propose rien. Il attend que la politique de la droite fasse regretter la gauche et la renforce. Il est tout à fait dans la logique de cette « stratégie » que de faire de Sarkozy et de sa cour les responsables de tous les maux qui frappent ce pays. L’objectif de battre Sarkozy sur le plan électoral devient, explicitement ou en creux, la réponse à tout : au chômage, à la dégradation des conditions d’existence des classes populaires et tout le reste.

Ce n’est pas seulement stupide, bien que cela le soit. C’est très intéressé de la part du Parti socialiste. Gonfler l’importance de Sarkozy est une façon de dissimuler derrière la marionnette du père Fouettard ceux qui tirent les ficelles, le patronat, la grande bourgeoisie. Les mesures prises contre le monde du travail, contre les classes populaires, le sont parce qu’elles correspondent à des intérêts de classe bien plus puissants que la petite personne du président de la République.

Même dans l’opposition, le Parti socialiste reste un parti responsable vis-à-vis de la bourgeoisie. Il sait que si, d’aventure, il revient au pouvoir, il devra gouverner pour le compte de celle-ci, comme il l’a toujours fait lorsqu’il a été au gouvernement. D’où l’extrême prudence du Parti socialiste, même éloigné du pouvoir, vis-à-vis de toute promesse que les classes populaires pourraient prendre au sérieux en lui demandant des comptes le cas échéant.

À sa façon, la gauche réformiste participe à la fabrication d’un Sarkozy omniprésident. Pas seulement par cet aspect accessoire qui a les faveurs des commentateurs qui glosent sur les divisions de la gauche face à une droite plus ou moins unie derrière Sarkozy.

En s’en prenant à Sarkozy, le Parti socialiste contribue à l’installer sur un piédestal. Il y a un peu plus de quarante ans, la gauche réformiste, à l’époque surtout le Parti communiste, a contribué à tisser autour de De Gaulle la légende d’un pouvoir fort contre lequel il n’y avait rien à faire, y compris à une époque où ce pouvoir était usé et déclinant. Jusqu’à ce que Mai 1968 dissipe la légende et transforme l’homme du pouvoir fort en un président désemparé allant chercher secours auprès du général Massu et son armée stationnant en Allemagne. Et De Gaulle, c’était autre chose que Sarkozy !

Que le Parti socialiste substitue à la lutte de classe sociale les affrontements électoraux, c’est dans l’ordre des choses. Si le Parti socialiste a besoin du vote des classes populaires pour arriver au pouvoir, une fois installé il mènera une variante de la même politique antiouvrière que mène la droite au pouvoir.

C’est vrai même à des périodes où l’aggravation de la crise ne donne pas aux rapports de classes un caractère aussi dur qu’en ce moment. Si la droite et la gauche se distinguent dans leur langage, s’il y a une différence dans la nature de certaines mesures que l’une et l’autre prennent en fonction de ce qui plaît à leur électorat, sur le fond social l’une et l’autre défendent la domination, les intérêts de la grande bourgeoisie.

Oui, les choses se passent ainsi en toutes circonstances. Mais, en cette période de crise où la grande bourgeoisie est engagée dans une guerre féroce contre les classes laborieuses pour préserver ses profits, elle ne tolère et ne tolèrera aucun écart, même de langage, sur les questions qui sont essentielles pour ses intérêts.

Soit dit en passant, il est significatif que, à en juger par les derniers sondages, le meilleur cheval pour représenter le Parti socialiste dans la course présidentielle soit Dominique Strauss-Kahn. Cet homme, nommé avec l’aide de Sarkozy à la tête du Fonds monétaire international, une des institutions les plus symboliques de la bourgeoisie, montre à quel point lui comme ses semblables sont formés, dressés, pour être de bons gérants pour le compte de la grande bourgeoisie.

Encore une fois, que le Parti socialiste s’efforce de réduire la lutte de classe à la caricature dérisoire des compétitions électorales, c’est dans l’ordre des choses. Ce qui devrait l’être moins, c’est que les formations qui prétendent se situer sur la gauche du Parti socialiste en fassent autant. Et, cependant, non seulement du côté du Parti communiste ou du Parti de gauche, mais même du côté du NPA, « battre Sarkozy » devient ou redevient sinon l’unique objectif, du moins celui qui conditionne tout le reste.

Ce faisant, d’ailleurs, ils donnent au Parti socialiste les verges pour les battre. À six mois des élections régionales, mais à deux ans encore des élections présidentielle et législatives, le seul argument de « vente » du Parti socialiste se limite à l’affirmation que, puisque c’est lui qui est le plus à même de battre la droite sarkozyste, les autres devraient s’aligner derrière lui.

Et c’est ainsi qu’en cette période de crise où la classe ouvrière et les classes populaires sont confrontées à la véritable guerre de classe que leur mène le grand patronat, la droite comme la gauche institutionnelle se retrouvent à refaire de l’affrontement gauche - droite sur le terrain électoral, la clé de l’avenir.

Que Sarkozy suscite dans les classes populaires la haine qu’il mérite est normal. Mais le rôle de ceux qui ne confondent pas la réalité des choses avec leur reflet électoral devrait être de montrer la réalité des rapports de classes, la réalité du pouvoir de la bourgeoisie derrière l’homme politique qui l’incarne aujourd’hui, d’une manière particulièrement cynique, il est vrai.

La question politique clé des années à venir n’est certainement pas celle d’une alternative électorale à Sarkozy. La question clé est de savoir comment, quand, le prolétariat retrouvera confiance en lui-même pour imposer ses propres objectifs politiques à la bourgeoisie, au grand patronat, quels que soient leurs représentants politiques du moment à l’Élysée ou à Matignon. Il n’y a pas de véritable « alternative politique » dans les combinaisons électorales, avec ou sans le Modem, avec ou sans le Parti socialiste. L’alternative politique ne pourra venir que d’en bas, de l’intervention consciente des masses exploitées, de leur irruption dans la vie politique avec leurs objectifs de classe.

Extrait de la Lutte de classe 123, novembre 2009.

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