jeudi 26 janvier 2012

:: "La condition qui manque actuellement du point de vue historique"

S’il est invisible pour ceux qui sont aveuglés par leurs préjugés de classe, le prolétariat est donc bien une classe sociale toujours plus indispensable au fonctionnement de la société, toujours plus nombreuse, toujours plus implantée à l’échelle mondiale. Mais qui, depuis bien des années, manque cruellement de partis politiques capables de l’unifier, de lui redonner une conscience, de mener à nouveau le travail élémentaire qu’ont mené les militants du 19e siècle.
Depuis Marx, les révolutionnaires savent que trois conditions sont nécessaires pour qu’une révolution puisse accoucher d’une société nouvelle : le développement des forces productives ; le poids du prolétariat dans la société ; et ce que Marx appelait « les conditions subjectives », c’est-à-dire l’état de conscience du prolétariat. Juste avant la Seconde Guerre mondiale, Trotsky écrivait déjà : « (Le prolétariat) doit comprendre la position qu’il occupe dans la société et posséder ses propres organisations visant le renversement de l’ordre capitaliste. C’est la condition qui manque actuellement du point de vue historique. » Cette remarque, déjà profondément juste en 1938, l’est encore plus aujourd’hui. Car si les forces productives ont continué de se développer, même poussivement, car si le poids du prolétariat n’a cessé d’augmenter dans la société capitaliste – parallèlement la conscience du prolétariat n’a pas avancé mais profondément reculé, pour toutes les raisons que nous avons expliquées. Et conséquemment à ce recul, ce sont les idées les plus réactionnaires, les pires préjugés, qui ont progressé dans la classe ouvrière – corporatisme, chauvinisme, ici racisme, ailleurs ethnisme ou intégrisme religieux.
Mais l’histoire de la classe ouvrière, de ses défaites et de ses victoires, nous a appris que les choses peuvent changer très vite. Elle nous a montré quels trésors de dévouement, d’imagination, de combativité et de solidarité peuvent apparaître dans la classe ouvrière lorsqu’elle renaît à la conscience. Les prolétaires russes d’avant 1917 étaient patriotes, souvent illettrés, fréquemment antisémites. Et cela ne les a pas empêchés de se transformer en quelques mois en la classe ouvrière la plus révolutionnaire du monde.
On ne peut que constater le recul de la conscience ouvrière. Face à cette situation, la pire des choses à faire, serait d’abandonner nos idées sous prétexte que les travailleurs ne les reprennent pas. Il faut affirmer que s’ils ne les reprennent pas, la faute en incombe en premier lieu aux générations d’intellectuels qui ont dévoyé les idées communistes et ont ainsi désarmé le prolétariat. Et les trahisons de ces intellectuels, ce sont les travailleurs qui les payent, par la perpétuation d’un système qui les opprime et les écrase ! Alors, c’est tout de même la moindre des choses que le petit courant que nous représentons tente de garder vivantes ces idées et d’essayer de les transmettre, intactes, à ceux qui seront prêts demain à reprendre le combat.
Ce qui peut transformer des milliards d’individus isolés en une classe sociale agissante, c’est la conscience. Et la conscience, cela passe à travers des partis. Aujourd’hui comme hier, c’est l’existence de partis révolutionnaires communistes qui cimentera le prolétariat et en fera une véritable classe sociale, ayant une compréhension commune des événements, une politique commune, des actions communes. Qui lui feront reprendre conscience qu’elle ne devra pas seulement lutter, mais bien renverser l’ordre existant et se constituer en classe dirigeante. Nous sommes toujours partisans de la dictature du prolétariat, et fièrement, parce que la dictature de trois milliards d’individus sera infiniment plus démocratique que la dictature actuelle d’une infime poignée d’actionnaires.
Voilà pourquoi il faut continuer de militer pour ces idées, continuer de tenter de les développer malgré les vents contraires et malgré le fait que les délais soient bien plus longs que ce que les fondateurs du communisme espéraient. Il faut continuer de gagner des travailleurs à la révolution, à la conscience communiste. Les travailleurs vivent aujourd’hui non seulement dans la crainte du chômage et de la pauvreté, mais doivent en plus subir la propagande à sens unique des porte-parole de la bourgeoisie, qui tentent chaque jour de les convaincre qu’ils ne sont rien, qu’ils ne servent à rien, qu’ils coûtent trop cher, qu’ils sont des poids morts ! Eh bien notre combat, c’est aussi de restaurer la fierté d’appartenir à la classe ouvrière : car oui, nous avons toutes les raisons d’être fiers d’appartenir – par origine sociale ou par adoption – à une classe qui n’exploite personne, qui fait tourner toute la société par son travail, qui a toujours lutté contre l’exploitation – qui est, en un mot, le moteur et l’avenir de l’humanité !
Alors oui, le monde a changé depuis Marx – et la classe ouvrière a changé. En mieux, par certains aspects : la classe ouvrière des pays riches est aujourd’hui bien plus cultivée, c’est-à-dire bien plus apte à acquérir des idées qu’elle l’était au 19e siècle. Et celle des pays pauvres, est plus nombreuse, plus concentrée, plus en contact avec le progrès technique, qu’elle l’a jamais été. Et ce qui n’a certainement pas changé, c’est que le prolétariat est plus que jamais au cœur de la production et de l’exploitation, et par là-même il reste la seule classe capable de changer le monde – et ça, tant que le capitalisme existera, cela ne disparaîtra jamais !
Oui, le monde bouge, des usines ferment ici et s’ouvrent ailleurs, certaines productions apparaissent et d’autres disparaissent, les centres de gravité de la production se déplacent. Et alors ? Lorsque la production des calèches a presque disparu pour faire place à celle des automobiles, les militants révolutionnaires n’ont pas pleurniché, mais sont allés s’implanter dans les usines d’automobiles !
Oui, enfin, la période que nous vivons, dans laquelle nous militons, est dure parce qu’elle est marquée par la démoralisation. Mais nous vivons dans un monde capitaliste, dominé économiquement, politiquement et intellectuellement par la bourgeoisie, alors il n’y a rien d’étonnant à ce que le chemin soit semé d’embûches. Jusqu’à la révolution, il en sera ainsi, et, comme le disait Engels, l’histoire du prolétariat se résumera à « une longue série de défaites, interrompue par quelques victoires isolées. » Cela ne change rien à la profonde validité de nos idées, et aux tâches qui sont celles des révolutionnaires.
Les sociologues et les journalistes peuvent bien enterrer le prolétariat tous les matins si ça les amuse – ou plutôt si ça les rassure, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous, nous savons que c’est bien le prolétariat qui enterrera ce vieux monde. Nous faisons donc nôtre plus que jamais les dernières lignes du Manifeste communiste, sans en changer un mot : « Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social passé. Que les classes dirigeantes tremblent à l’idée d’une révolution communiste ! Les prolétaires n’ont rien à y perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner. Prolétaires de tous les pays , unissez-vous ! »


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