lundi 24 septembre 2012

:: Octobre 1949, la Chine échappe à l’emprise de l’impérialisme


Le 1er octobre 1949, se réunissait la première session du Conseil du Gouvernement Populaire Central de Chine, et si la guerre civile n’était pas encore terminée, la défaite des « nationalistes » ne faisait plus aucun doute. Deux semaines plus tard, le Kuomintang était chassé de la dernière grande ville encore entre ses mains, de Canton d’où vingt-trois ans auparavant les deux adversaires d’aujourd’hui, alors alliés, étaient partis à la conquête de la Chine, de Canton dont « la commune », baroud d’honneur de l’Internationale stalinienne, avait si sauvagement été réprimée en décembre 1927.
Mais le Parti Communiste qui rentrait dans Canton n’était pas celui qui s’était battu vingt deux ans plus tôt. Après le revirement de Chang Kaï Chek, le massacre des militants communistes et syndicalistes de Changaï, le parti communiste, traqué dans les centres urbains, n’avait réussi à survivre réellement qu’à la campagne, et sa base sociale, de prolétarienne, était devenue presque exclusivement paysanne.
Pendant ces vingt deux années, on peut dire que la guerre civile, tantôt violente, tantôt larvée, ne s’arrêta jamais. Pourtant, en 1937, au début de la guerre contre le Japon, on put croire que l’union sacrée allait réconcilier les deux adversaires. Mais il n’en fut rien, et la rupture ne fut pas due aux dirigeants du PCC dont le programme se plaçait uniquement sur le plan de la démocratie bourgeoise et qui étaient prêts, de plus, à l’immoler sur l’autel de l’unité nationale, mais elle vint du Kuomintang qui s’inquiéta rapidement de voir le PCC grandir en force et en influence au cours de la guerre.
Aussi, si les deux adversaires continuèrent le combat contre le Japon, farouchement du côté « communiste », beaucoup plus modérément du côté « nationaliste », la ligne de séparation entre les zones qu’ils contrôlaient, devint à son tour un véritable front.
Par ailleurs, la guerre en Europe en 1939, l’internationalisation du conflit dans le Pacifique après Pearl Harbour, allaient profondément modifier les positions de l’impérialisme en Chine. Avant la guerre, les intérêts des pays de l’Ouest européen y étaient très fortement représentés. A partir de 1940, la France était complètement hors de course, l’Angleterre avait déjà trop de mal à garder l’Inde dans son orbite pour s’intéresser encore à la Chine. Les deux seuls impérialistes en présence furent alors le Japon et les USA Pour ces derniers, le problème avait deux aspects, celui de leurs intérêts économiques dans le pays et celui de la lutte militaire contre l’Empire nippon. La série de défaites qu’essuyèrent les Américains en 1941-1942 fit du second point le plus important.
De fait, les USA ne lésinèrent pas sur l’aide militaire à la Chine, c’est-à-dire à son gouvernement officiel Kuomintang, seul gouvernement que reconnaissait également l’URSS. De 1941 à 1945, ils équipèrent entièrement 57 divisions nationalistes (alors que l’aide à la France par exemple : se limita à 10 divisions). Les troupes communistes, elles, comme les guérillas, ne bénéficiaient d’aucune aide, ni américaine, ni même soviétique, et elles devaient se contenter des armes prises à l’ennemi.
Et malgré cela, jusqu’à la capitulation du Japon devant les USA, en 1945, les territoires contrôlés par les « nationalistes » ne devaient cesser de se rétrécir, alors que les « régions libérées », tenues par les troupes de Mao, s’étaient peu à peu accrues.
A la fin de la « longue marche », en 1935, les armées « communistes » comptaient moins de 30 000 hommes. En 1945, le PCC contrôlait une armée régulière de 910 000 soldats, doublée par deux millions de miliciens. C’est que, si les troupes communistes n’avaient pas de ressources extérieures, elles faisaient corps avec la population. Non seulement, l’administration communiste avait allégé la fiscalité, diminué les taux de fermages, mais c’était bien la première fois que le paysan chinois voyait une armée qui ne vivait pas de rapines et de pillages, mais qui au contraire, entre deux combats, se livrait aux travaux des champs et subvenait ainsi en grande partie à ses propres besoins.
Dans la zone nationaliste le régime n’était pas seulement détesté de la paysannerie, écrasée sous les impôts et les réquisitions, mais même de larges couches de la bourgeoisie trouvaient la dictature de Chang Kaï Chek étouffante et, fait bien plus grave aux yeux des bourgeois, souffraient de voir le parasitisme et la rapacité de la bureaucratie Kuomintang mettre en cause leurs propres bénéfices. La corruption régnait en maître à tous les niveaux. Armes américaines, médicaments, tout était bon aux yeux des généraux nationalistes à vendre au marché noir, quand ce n’était pas aux Japonais. Par-dessus le front un véritable marché s’était installé, ravitaillant les Nippons en matières premières, les Chinois en produits de luxe. Cette corruption ne cessera pas pendant la guerre civile, et l’anticommunisme virulent des généraux Kuomintang ne les empêchera pas de « faire de l’argent » en vendant leurs propres armes à leurs adversaires.
Lorsque le Japon capitula, les deux armées se trouveront face à face, et Chang Kaï Chek commença ses préparatifs pour éliminer son adversaire. Pourtant le PCC était toujours disposé à traiter. Sa seule revendication véritable, c’était un gouvernement de coalition, mais cela la dictature de Chang ne pouvait le supporter. Après toute une période où alternèrent trêves et combats, l’ère des batailles décisives s’ouvrit en janvier 1947. Les premiers mois de la guerre virent quelques succès initiaux des « nationalistes », mais très vite, la situation se retourna. Malgré l’aide américaine, les armées Kuomintang, composées en grande partie de paysans enrôlés plus ou moins de force, combattant à contre-coeur, démoralisées, dotées d’un commandement aussi médiocre sur le plan militaire qu’il était habile en « affaires », vomis de la population, allaient reculer sur tous les fronts devant les armées communistes, portées par les millions de paysans qui voulaient la terre, accueillis sinon en libérateur, du moins avec bienveillance par de larges couches de la bourgeoisie qui pensaient que rien ne pouvait être pire que le régime de Chang et de ses séides.
Ce fut un effondrement. En deux ans, les armées Kuomintang furent rejetées à la mer, ou plus exactement elles se dissolvèrent. Les masses énormes de soldats passant de l’autre côté du front, des armées entières capitulant.
Pourtant, jusqu’au dernier instant, ce ne fut pas une victoire complète, mais un compromis, la formation d’un gouvernement de coalition, que rechercha la direction « communiste », et ce fut seulement l’intransigeance des « nationalistes » qui rendit cette solution impossible.
Les Américains non plus ne semblaient pas hostiles à un compromis, mais dans la mesure où celui-ci ne se réalisa pas, ils soutinrent jusqu’au bout le gouvernement Chang Kaï Chek.
D’ailleurs l’aide américaine fut uniquement matérielle, et on a vu que les moeurs du commandement nationaliste la rendaient absolument vaine. L’impérialisme américain, le seul qui avait encore une certaine implantation en Chine, n’intervint pas directement. Il avait encore bien d’autres problèmes à régler.
Ainsi après la victoire des armées communistes, l’impérialisme avait disparu du continent chinois, et cela bien plus à cause de la politique des USA qui entreprirent d’isoler le nouveau gouvernement, qu’à cause de la volonté de ce dernier. Ce résultat n’était pas seulement la conséquence de la lutte du peuple chinois, c’était aussi un contre-coup de la deuxième guerre mondiale. En se dévorant entre elles, les puissances impérialistes, avaient fini par s’éliminer mutuellement de Chine, comme elles avaient dû relâcher leur étreinte sur la plupart des pays qu’elles tenaient sous leur coupe.
La vieille Chine était morte, et bien morte. Mais le Parti Communiste Chinois n’était pas un parti révolutionnaire prolétarien. La révolution mondiale était en fait le dernier de ses soucis. Le problème qu’il se posa, une fois au pouvoir, ne fut pas celui de l’extension de la révolution, mais celui de faire échapper l’économie nationale de la Chine à l’exploitation de l’impérialisme mondial afin de permettre à la bourgeoisie de survivre. Ce n’était ni la tradition de Marx, ni celle de Lénine, c’était en fait la continuation du rêve de Sun Yat Sen.
Mais les conditions de vie des masses avaient considérablement changé. Elles avaient gagné la terre, le nouveau gouvernement avait supprimé la corruption et le gaspillage éhonté qui régnait sous Chang.
En octobre 1949 un quart de l’humanité, échappait à l’emprise de l’impérialisme. Pourtant le nouveau régime ne consacrait pas la libération définitive de ces 600 millions d’hommes. Sous le signe de la « démocratie nouvelle », il les attelait à une tâche de construction économique dont allaient surtout profiter les couches dirigeantes, la bourgeoisie nationale. mais quoi qu’il en soit, cette date marque tout de même la plus grande défaite de l’impérialisme depuis octobre 1917, et dans les usines et les chantiers de la Chine nouvelle, croît et mûrit un nouveau prolétariat.

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