lundi 10 septembre 2012

:: Du mensonge de la prétendue construction du socialisme dans un seul pays


BartaDans la pensée de Lénine et de Trotsky, les principaux organisateurs de la nouvelle Internationale, on ne pouvait mener cette action révolutionnaire des masses sans avoir un programme international qui corresponde au caractère de l’époque impérialiste, c’est-à-dire l’époque où le capital financier dirige l’économie et la politique mondiales. A ce programme international correspond d’autre part nécessairement une organisation internationale des différents partis politiques du prolétariat, une sorte d’Etat-major international des masses en lutte sur l’ensemble du terrain mondial.

A l’époque impérialiste, infiniment plus qu’à l’époque du capitalisme industriel du XIXème siècle, aucun parti prolétarien ne peut établir son programme en se basant seulement ou principalement sur les conditions et les tendances de l’évolution de son pays. Au contraire "le sens dans lequel se dirige le prolétariat au point de vue national doit se déduire et ne peut se déduire que de la direction prise dans le domaine international et non pas vice-versa" (Trotsky). C’est en cela d’ailleurs que consiste la différence fondamentale qui sépare l’internationalisme communiste de toutes les autres tendances du mouvement ouvrier.

Et cependant, devant l’isolement de la révolution russe, consécutive aux défaites successives du prolétariat mondial entre 1917 et 1923, devant la fatigue des ouvriers russes et la stabilisation éphémère du capitalisme, la direction stalinienne de la IIIème Internationale substitua après la mort de Lénine, vers la fin de 1924, à son programme jusqu’alors entièrement basé sur la révolution internationale, une théorie "consolatrice", celle du "socialisme dans un seul pays". Mais en fait il s’agissait d’une orientation politique nouvelle, dont il faut chercher les racines dans une conception social-patriotique du rôle de l’URSS dans la révolution mondiale. En 1924, quand Staline lança pour la première fois cette formule, devenue depuis la base de toute sa politique intérieure et extérieure, les conditions objectives ne permettaient pas encore à la grande masse de militants révolutionnaires du monde d’apprécier toutes les conséquences inévitables d’une telle orientation. Et l’opposition soulevée par Trotsky au sein de la IIIème Internationale contre le "socialisme dans un seul pays" n’a paru alors qu’une injustifiable tentative de scission et de discorde, trop "théorique" pour avoir un résultat pratique appréciable. Mais Trotsky, qui était capable de manier le marxisme non pas comme une doctrine empirique de "manœuvres" et de "combines" politiques, mais comme une science, avait vu parfaitement juste.

La théorie du "socialisme dans un seul pays" était la négation de toute action et de toute organisation internationales du prolétariat. Elle ne pouvait nécessairement aboutir qu’à la liquidation du mouvement international. Qu’on compare après 25 ans ce qu’écrivait Trotsky en 1928 sur la signification réelle de la théorie stalinienne du "socialisme dans un seul pays" avec la dissolution récente de la IIIème Internationale survenue le 16 mai 1943 en pleine guerre impérialiste, à la veille de sa phase décisive, au moment où des millions d’ouvriers, de paysans, d’exploités et d’opprimés sur toute la planète gardent encore un suprême espoir : la délivrance de la barbarie impérialiste par la révolution mondiale.

"Le marxisme a toujours enseigné aux ouvriers, que même la lutte pour les salaires et la limitation de la journée de travail ne peut avoir de succès que si elle est menée en tant que lutte internationale. Et voilà qu’à présent, tout d’un coup, il se trouve que l’idéal de la société socialiste peut être réalisé par les seules forces d’une nation. C’est un coup mortel porté à l’Internationale. La conviction inébranlable que le but fondamental de classe ne peut pas être atteint, encore bien moins que les objectifs partiels, par des moyens nationaux ou dans le cadre d’une nation, constitue la moelle de l’internationalisme révolutionnaire. Si l’on peut arriver au but final à l’intérieur des frontières nationales par les efforts du prolétariat d’une nation, alors l’épine dorsale de l’internationalisme est brisée. ...Le Parti Communiste de n’importe quel pays capitaliste, après s’être pénétré de l’idée qu’il y a au sein de son Etat toutes les prémices "nécessaires et suffisantes" pour construire par ses propres forces "la société socialiste intégrale", ne se distinguera au fond en rien de la social-démocratie révolutionnaire, qui elle non plus n’avait pas commencé par Noske mais qui a définitivement trébuché sur cette question le 4 août 1914"

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