jeudi 11 juin 2015

:: 22 juin 1941 : l'attaque d'Hitler contre une URSS affaiblie par la politique criminelle de Staline [LO, juin 2001]

Dans la nuit du 21 au 22 juin 1941, l'armée allemande passait à l'offensive contre l'Union Soviétique, l'alliée de la veille. En deux semaines, elle avait avancé de cinq cents kilomètres à l'intérieur du territoire soviétique. Après cinq mois de combat, elle encerclait Léningrad, faisait face à l'armée rouge devant Moscou, et occupait la totalité de l'Ukraine.

Cette offensive marquait la fin de l'alliance entre l'Allemagne hitlérienne et l'URSS de Staline qui durait depuis la signature, près de deux ans plus tôt, du pacte germano-soviétique. A la stupeur de nombreux travailleurs et de militants communistes du monde entier, celui-ci avait été signé le 23 août 1939 par les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne et de l'URSS, Ribbentrop et Molotov.

Le pacte germano-soviétique

Ce pacte n'avait été que la suite logique de la politique de Staline et de son abandon de toute politique révolutionnaire. Pour Lénine et Trotsky, l'Etat ouvrier né de la révolution ne pouvait véritablement assurer sa survie contre les impérialistes que grâce au soutien des travailleurs de tous les pays et, à terme, le renversement du système capitaliste mondial. Dans les années 1920, grâce à ce soutien, grâce à l'existence d'un courant révolutionnaire international dans la classe ouvrière, la jeune république soviétique avait survécu face aux agressions et à l'encerclement dont elle fut alors l'objet de la part de la contre-révolution intérieure et de ses soutiens impérialistes.

Mais une fois au pouvoir, Staline tourna le dos à cette politique révolutionnaire internationale, car il combattait toute perspective qui risquait à terme de menacer son propre pouvoir en Union Soviétique. Pour la survie de l'URSS, ou plutôt pour la survie de son propre pouvoir bureaucratique, il ne lui resta plus qu'à s'en remettre à la vieille diplomatie traditionnelle et à tenter de mener un jeu diplomatique hasardeux en direction des grandes puissances impérialistes, sur la base de leurs rivalités.
Ainsi, dans un premier temps, après la victoire des nazis en janvier 1933, il tenta une politique de rapprochement avec l'Allemagne, politique qui ne déboucha pas. La victoire d'Hitler marquait pourtant le début du compte à rebours d'une nouvelle guerre mondiale pour un nouveau partage de la planète. D'une façon ou d'une autre, celle-ci ne pouvait que viser l'existence même de l'Union Soviétique. A partir de 1934, Staline opéra un tournant et se rapprocha cette fois de la France et de la Grande-Bretagne. En mai 1935, un traité d'assistance mutuelle fut signé entre la France et l'URSS. Lors de la visite qui s'ensuivit à Moscou de Laval, chef du gouvernement français, Staline affirma, à l'adresse du PCF, comprendre la nécessité de l'effort d'armement du gouvernement français. Dorénavant, Staline présenta la guerre qui venait, non plus comme une guerre entre deux camps impérialistes, mais comme la lutte des "démocraties" contre les "dictatures". En revanche, il ne fut plus question de la lutte des travailleurs pour le pouvoir.

On put vite mesurer le peu de fiabilité de ces alliés impérialistes de l'URSS, pour lesquels Staline avait fait abandonner aux partis communistes toute politique révolutionnaire dans la classe ouvrière des autres pays, une classe ouvrière qui aurait pourtant pu être le meilleur allié du premier Etat ouvrier. En septembre 1938, les dirigeants français et anglais signèrent les accords de Munich qui donnaient satisfaction à Hitler, pensant visiblement repousser ses appétits vers l'Est. De son côté, à ce moment-là, Staline savait à quoi s'en tenir sur la valeur de l'armée rouge. Les purges qu'il avait ordonnées en 1937 continuaient à éliminer des dizaines de milliers de ses meilleurs cadres, diminuant d'autant la force de son commandement. En face, le futur camp des alliés, et plus particulièrement la Grande-Bretagne et la France, envisageait un accord avec l'Allemagne hitlérienne, espérant que cette dernière dirigerait ses coups à l'Est, contre l'URSS. L'accord de Munich s'inscrivait dans cette logique.

Le pacte germano-soviétique permit aux deux compères de se partager la Pologne. C'était calmer les appétits de conquête à l'est de Hitler, mais seulement bien provisoirement. En fait, loin de garantir à l'URSS sa sécurité, cet accord permit à l'armée allemande d'atteindre par étape ses objectifs. Elle lui laissa les mains libres pour concentrer ses forces sur le front de l'Ouest, ce qui lui permit d'écraser en quelques semaines en mai-juin 1940 les armées anglaise et française. Trotsky écrivait alors : "Ses victoires (de l'Allemagne) à l'Ouest ne sont qu'une gigantesque préparation pour un gigantesque mouvement vers l'Est".

L'offensive allemande

A la sortie de l'hiver 1940-1941, l'armée allemande prit effectivement l'offensive dans cette direction pour occuper d'abord les champs pétrolifères de Roumanie, puis en avril, la Yougoslavie et la Grèce. L'étape suivante était clairement tracée.

Et pourtant, Staline s'accrochait encore à l'illusion de la solidité de son alliance avec Hitler. Une semaine avant l'offensive allemande contre l'URSS, l'agence soviétique officielle Tass continuait à affirmer : "... Les rumeurs n'ont cessé de se multiplier quant à une "guerre prochaine" entre l'Union soviétique et l'Allemagne... Il n'y a rien là qu'une vaste tentative des puissances hostiles à l'Allemagne, qui souhaitent une extension du conflit... Les milieux soviétiques considèrent comme dénuées de tout fondement les rumeurs selon lesquelles l'Allemagne aurait l'intention de rompre le pacte et d'attaquer l'URSS. Quant au transfert de troupes allemandes vers les zones septentrionales et orientales de l'Allemagne, durant cette dernière semaine, on peut penser qu'il s'agit de mener à bien des tâches militaires dans les Balkans et que ces mouvements ont été dictés par des motifs qui sont étrangers aux relations germano-soviétiques !"

C'est donc totalement impréparée que l'URSS subit l'offensive éclair de l'armée allemande. Le fiasco annoncé du pacte germano-soviétique et la cécité politique de Staline faillirent mettre un point final à l'existence de l'Union Soviétique.

Intégrant une nouvelle alliance, cette fois aux côtés des Etats-Unis, au prix d'un effort de guerre exceptionnel et d'une mobilisation de sa population, l'URSS résista finalement à l'armée allemande. Après avoir bloqué celle-ci fin 1942 à Stalingrad, l'armée rouge la repoussa à partir du printemps 1943, et réussit à la vaincre au bout de quatre années de guerre totale. Mais cette alliance entre l'Allemagne nazie et l'URSS de Staline et son dénouement inopiné le 22 juin 1941 avaient coûté cher à la population soviétique, qui le paya de millions de morts et de destructions immenses. Et elle reste un témoignage de l'ignominie de la politique de la bureaucratie et de son chef Staline, qui avaient mené l'Union Soviétique au bord du gouffre.


Michel ROCCO (LO, juin 2001)

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