lundi 31 août 2015

:: Eté 1982 : l'invasion du Liban par Israël

Cinquième conflit proche-oriental impliquant Israël depuis sa création, l'invasion du Liban débutée le 4 juin 1982, fut une expédition de grande ampleur qui conduisit l'armée israélienne jusqu'à Beyrouth. Elle fit en quelques semaines des dizaines de milliers de morts dans la population libanaise et palestinienne réfugiée et causa des destructions sans nombre. L'occupation israélienne allait durer trois ans, et se prolonger par la présence de troupes jusqu'en 2000.

« Paix en Galilée » était le nom donné -- par antiphrase -- à l'opération militaire lancée sous les ordres du général Sharon, alors ministre de la Défense du gouvernement Likoud de Menahem Begin, et adepte de toujours de la manière forte. Officiellement, il s'agissait pour l'armée israélienne de s'assurer le contrôle d'une bande de 40 kilomètres au sud du Liban, de façon que les groupes palestiniens considérés comme des « terroristes » ne puissent pas atteindre le nord d'Israël de leurs roquettes.

Beyrouth-Ouest assiégé

En fait, après avoir balayé la faible armée libanaise, détruit les bases russes de missiles installées dans l'est du pays et écrasé les forces armées syriennes présentes, Sharon et ses troupes remontèrent vers le nord et atteignirent fin juin les portes de Beyrouth. Ce fut alors le début du siège de la partie occidentale de la capitale libanaise, où combattaient côte à côte les organisations de réfugiés palestiniens et les milices de la gauche. Les phalangistes, la droite chrétienne libanaise armée, prêtaient, eux, main forte aux soldats israéliens qui tentaient d'occuper Beyrouth-Ouest. Bombes au phosphore, au napalm, à fragmentation, à implosion, furent déversées sans répit sur une population affamée et assoiffée.
Le 1er août, Sharon donna l'assaut, avec l'appui de l'aviation et des chars. Le but de l'opération était de déloger les organisations palestiniennes, dont l'OLP de Yasser Arafat, qui avaient installé leurs quartiers généraux parmi les réfugiés palestiniens, dans la douzaine de camps de la partie ouest de Beyrouth, créés pour certains lors de leur expulsion en 1948.

Depuis la conclusion en 1979 des accords de Camp David, signés par le Premier ministre Begin et le président égyptien Sadate sous les auspices du président américain Carter, Israël n'avait rien fait pour que soit mise en place une autonomie administrative des territoires palestiniens occupés, pourtant prévue dans le cadre des accords. L'autre volet des accords de Camp David, la restitution à l'Egypte du Sinaï, était en revanche mise en oeuvre et libérait les troupes israéliennes de cette zone.

Pendant la restitution du Sinaï, Begin avait eu à faire face à des accusations de trahison, en référence à l'évacuation par la force des colons israéliens refusant de quitter leurs installations de Yamit, en plein Sinaï. Les offensives militaires de son gouvernement ne manquèrent pourtant pas en cette période : en 1978, l'armée israélienne était intervenue une première fois au Liban ; en 1981, l'aviation israélienne allait détruire la centrale atomique en construction de Tamuz en Irak -- acte de brigandage international qui n'entraîna que des protestations parfaitement platoniques de la part des alliés d'Israël et notamment des États-Unis. Israël allait aussi, en décembre 1981, annexer officiellement le Golan syrien qu'il occupait depuis 1967.

L'aventure guerrière de Sharon et les protestations

La guerre du Liban prit rapidement l'allure d'une aventure guerrière dans laquelle les calculs politiques personnels d'Ariel Sharon jouaient leur rôle, celui-ci tentant de s'imposer comme l'homme fort d'Israël en étant celui qui obtiendrait l'évacuation des milices palestiniennes de Beyrouth. Celle-ci fut acquise en août avec la complicité des dirigeants occidentaux, notamment américains et français, qui envoyèrent là leurs contingents sous prétexte d' « interposition » entre Palestiniens et Israéliens. Cette évacuation correspondait d'ailleurs aux souhaits des dirigeants libanais et occidentaux. Après avoir réussi, malgré la disproportion des forces, à tenir tête un certain temps à l'armée israélienne dans les faubourgs de Beyrouth, les troupes de l'OLP durent embarquer pour la Tunisie.

Dans la foulée, Sharon voulut aussi imposer à Beyrouth un gouvernement vassal d'Israël. Une élection présidentielle fut organisée, sous la protection des troupes israéliennes, imposant à la tête du Liban le chef des Phalanges d'extrême droite, Béchir Gemayel. Sharon avait déjà formulé l'idée que l'armée israélienne devait se préparer à un rôle de super-gendarme intervenant de plus en plus, aux quatre coins du Moyen-Orient, pour y installer des régimes à sa dévotion. Mais Sharon avait présumé de ses forces. Après le scandale soulevé en septembre par le massacre des Palestiniens des camps de Sabra et Chatila, puis la mort de Béchir Gemayel dans un attentat, Israël dut finalement retirer ses troupes. La situation au Liban allait être réglée plus tard par d'autres, sous l'égide de la Syrie, de l'Arabie saoudite et des États-Unis.

L'invasion du Liban marqua les limites de la politique d'aventure guerrière choisie de plus en plus par les dirigeants israéliens. L'expédition du Liban entraîna une vague de manifestations sans précédent contre la guerre. On vit des centaines de milliers de personnes manifester en septembre 1982 après les massacres de Sabra et Chatila, opérés par les miliciens de la droite libanaise avec la complicité de l'armée israélienne occupant cette partie de Beyrouth. Le pouvoir israélien fut alors contraint de faire quelques pas en arrière. Malheureusement, cette mobilisation de la population israélienne n'alla pas jusqu'à imposer à ses gouvernements le changement radical qui aurait été indispensable.

Trente ans après, ceux-ci ont mené bien d'autres aventures guerrières, continuant à s'enfermer dans l'impasse d'une politique refusant toute paix avec les Palestiniens et voulant ainsi rendre impossible une véritable coexistence entre le peuple israélien et les peuples arabes voisins.

Viviane LAFONT (LO n°2299)

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