dimanche 29 novembre 2015

:: La dictature du prolétariat, ou la démocratie la plus large


La république démocratique bourgeoise, reposant sur le suffrage universel et le mécanisme des partis, n'est en fait que la forme normale de la dictature de la bourgeoisie. Et l'État moderne reste le garant du maintien de l'exploitation. Nous pouvons reprendre à notre compte ces conclusions que Marx tira, en son temps, de la défaite des révolutions de 1848 en France et en Allemagne.

Contre la dictature de la bourgeoisie, la dictature du prolétariat


Comme nous reprenons à notre compte la conclusion révolutionnaire qu'il en tira : que la révolution prolétarienne ne pourra l'emporter qu'à condition de " concentrer contre l'État toutes ses forces de destruction " , qu'à condition " de briser la machine d'État que toutes les révolutions politiques n'avaient fait jusqu'à présent que perfectionner " .

Pour nous, cette analyse et ce programme sont, cent cinquante ans après, toujours d'actualité.

Pour s'émanciper, la classe ouvrière devra opposer à la dictature de la bourgeoisie, comme l'expliquait encore Marx, " la dictature de classe du prolétariat comme point de transition nécessaire vers l'abolition des différences de classes tout court, vers l'abolition de tous les rapports de production sur lesquels elles reposent, vers l'abolition de toutes les relations sociales qui correspondent à ces rapports de production, enfin, vers le bouleversement de toutes les idées qui naissent de ces relations sociales " .

La classe ouvrière devra, résumait Marx, " déclarer la révolution en permanence " .

Contre la démocratie bourgeoise, la démocratie ouvrière


En parlant de dictature du prolétariat, Marx ne parlait pas de la forme politique que prendrait la domination de la classe ouvrière, mais de son contenu social. La dictature du prolétariat ne s'oppose pas pour lui à la démocratie ni aux libertés politiques, mais à la dictature sociale et économique de la bourgeoisie, quelles que soient ses formes politiques.

Marx et Engels n'excluaient d'ailleurs pas la possibilité d'une transition sinon pacifique, du moins plus facile, dans les États bourgeois où le militarisme et la bureaucratie ne s'étaient pas encore développés. Avec l'impérialisme, qui renforça de façon extraordinaire l'appareil bureaucratique et militaire dans tous les États bourgeois, cette possibilité est moins vraisemblable. Cependant il n'y a pas de situation révolutionnaire, pas de situation où les masses ne peuvent plus supporter leur vie, sans que l'appareil d'État de la bourgeoisie se décompose et soit moins en en état de fonctionner et de réagir.

La nécessité de la dictature du prolétariat est liée à la nécessité de briser l'État bourgeois mais aussi à sa résistance ou son absence de résistance. C'est la violence bourgeoise qui appelle la violence révolutionnaire, laquelle est proportionnée à la première.

Mais à la démocratie bourgeoise, le prolétariat oppose sa démocratie, la démocratie prolétarienne. Un régime qui, comme l'expliquait Lénine, " est un million de fois plus démocratique que n'importe quelle démocratie bourgeoise " .

Bien sûr, il en va de la dictature du prolétariat comme de la dictature de la bourgeoisie. Elle pourra revêtir, selon le contexte ou les circonstances, des formes politiques différentes, plus ou moins dures, plus ou moins démocratiques.

Mais la forme normale de la dictature du prolétariat, c'est la forme la plus démocratique.

Tout dépend, et tout dépendra, du degré de résistance des bourgeois et de ceux qu'ils entraînent ou influencent.

C'est là-dessus qu'achoppa, au bout du compte, l'État ouvrier qui naquit de la révolution d'octobre 1917 en Russie.

L'exemple de la révolution russe et des soviets : la démocratie pour les plus larges masses


La révolution russe appela à l'exercice du pouvoir politique, à travers les soviets, l'immense majorité de la population, ouvrière et paysanne, y compris la plus pauvre, de Russie.

Mais elle eut immédiatement à faire face à la guerre civile, et aux armées coalisées de toutes les grandes puissances impérialistes, y compris les ennemis de la veille, Allemands, Anglais et Français.

La république soviétique, après quatre années de guerre mondiale, puis quatre années de guerre civile, après les défaites successives des révolutions qui éclatèrent en Europe, resta isolée, détruite, ravagée par la famine. La population cessa d'exercer, à tous les niveaux, son contrôle. Le pouvoir lui fut confisqué par une minorité de profiteurs, et la démocratie soviétique fut remplacée par la dictature politique d'une caste de bureaucrates.

Mais le régime qui s'était mis en place, et qui avait fonctionné au cours des premières années, est le plus démocratique que nos sociétés aient connu, parce que, comme l'écrivait Lénine, il a " développé et étendu la démocratie comme nulle part au monde, au profit de l'immense majorité de la population, au profit des exploités et des travailleurs " . Et nous n'avons rien à en renier.

Si les bolcheviks durent prendre des mesures de répression politique contre leurs adversaires - privation de droits politiques, suspension de leurs journaux, interdiction de certains partis - , il s'agissait, comme l'écrivait Lénine, de mesures " essentiellement russes " : des mesures d'exception, de légitime défense, liées à la guerre civile. Elles ne faisaient pas partie du programme des bolcheviks.

Et elles ne font pas partie du programme des communistes révolutionnaires.

Extrait d'un Cercle Léon Trotsky (Démocratie, démocratie parlementaire, démocratie communale,
2001)

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